Les villes souterraines de Nirauran comptaient d'innombrables ruelles. Un immense labyrinthe de tunnels que les autorités avaient cartographié avec plus ou moins de succès; il n'était pas rare de trouver une allée hors du réseau de surveillance planétaire.

En fait il était même possible de tracer de véritables routes fantôme. Cette négligence n'était pas vraiment accidentelle; tout un tas de gens s'assurait que des zones fassent l'objet de pannes régulières pour tout un tas de motifs. Crapuleux. Patriotiques. Complotistes.

L'agent Nolan associait un peu les trois. Tout en s'asseyant sur un banc à côté de la femme qui parcourait un holojournal, il balayait machinalement la foule du regard. Son implant oculaire lui confirma que la surveillance électronique du secteur était bien hors ligne.

-Vous n'y êtes pas allés très subtilement, observa la femme au journal.

-Ma patronne avait un message à envoyer, répondit Nolan. Cette intervention musclée a-t-elle causée à votre patron des... Frais supplémentaires?

-C'est si délicatement formulé, lâcha son interlocutrice avec un rire flûté. Non, il tient à faire savoir à votre patronne qu'il est ravi d'avoir rempli son devoir patriotique et ne demande aucune contrepartie pécuniaire. Les mêmes sentiments le poussent à vous faire part de la possibilités que deux mercenaires aient survécu à votre... Communication.

Nolan garda toute l'impassibilité qu'on pouvait attendre d'un agent du BSI. La femme avec qui il n'était en aucun cas en train de discuter travaillait pour Chaï Leng, un criminel à la tête d'une des plus grandes organisations mafieuse de Nirauran. Il était à peu près tout sauf un patriote désintéressé. Plutôt le genre d'individus sans scrupule que le Bureau envoyait habituellement geler en prison.

Mais Leng avait toujours su se montrer utile, dernièrement lorsqu'il avait signalé l'arrivée d'une bande de mercenaires interstellaires via un de ses réseaux de contrebande. Il connaissait les limites et les règles à suivre pour continuer ses affaires; c'était pour ainsi dire un moindre mal contrairement à ceux qui ne manqueraient pas de le remplacer si le BSI liquidait son organisation. Bien sûr l'arrangement n'avait rien d'officiel ni d'un côté ni de l'autre, de sorte que les intermédiaires du gouverneur Rmiss avait accidentellement jeté ses tueurs de luxe tout droit dans les bras de Nina Septime.

-Ces types sont des tueurs surdoués, nous espérions pas tous les prendre par surprise, lâcha Nolan avec détachement. Il y a une heure, ils étaient encore cinq. Nous retrouverons aussi les deux derniers, soyez sans crainte. 

-J'ai confiance en vos talents.

La femme lui passa l'holojournal. En lieu et place de la vidéo illustrant l'article d'actualité, une caméra de surveillance montrait un appartement exiguë où un type aux muscles surdéveloppés nettoyait une arme de gros calibre. Un blessé était étendu en travers d'une couchette derrière lui.

Les mercenaires dans une planque, sans doute fournie par Leng.

-Joli, apprécia Nolan. Combien?

-Votre gratitude.

-Voilà qui est bien généreux de votre part, lâcha Nolan avec circonspection.

Il envoyait déjà les données de l'holojournal via une ligne sécurisée. Son interlocutrice se tourna et lui sourit, révélant le tatouage aux couleurs mouvantes qui couvrait la moitié de ses traits.

-En ces temps troublés la gratitude de votre patronne vaut tous les crédits d'Andromeda, lâcha-t-elle avant de s'éloigner.