J. Le front - première partie
Auparavant affublée du nom poétique de "centre de production 37", la petite ville de Danuli se situait au nord des jungles qui couvraient une bonne partie de la planète Maridun. La région avait un climat tempéré et des sols fertiles, en faisant le terrain idéal où établir les vastes exploitations agricoles qui nourrissaient toute la colonie.
Des droïdes se chargeaient du gros du travail mais quelques fermiers supervisaient les taches, habitant de petits bourgs dispersés à travers la campagne. Danuli faisait figure d'exception dans ce paysage rural; c'était une véritable ville avec une usine de robots, un terminal de marchandises, un quartier résidentiel... Le gouverneur y avait même fait bâtir une tour à l'architecture travaillée pour servir de centre administratif, sorte de réplique miniature du palais depuis lequel il administrait la planète au nom de l'empereur.
Perchée sur une île artificielle au milieu du large fleuve traversant la ville, la structure dominait la campagne comme un antique donjon. Autour d'elle les parcs, les monuments et les jardins de la cité occupaient autant de surface que les bâtiments.
C'est décidément une jolie planète, pensa Varig.
Le jeune homme observait le paysage tandis que sa monture grimpait sans se presser le chemin qui serpentait à flanc de colline.
Thrawn avait donné dix jours à la flotte d'exploration pour se préparer à son déploiement en galaxie 4, le front contre les pirates de la SOB. En plus de l'approvisionnement en fourniture et des entraînements renforcés, Varig avait donc organisé des cycles de permission pour que tous les soldats puissent passer un peu de temps avec leurs familles avant le départ. Lui même ne pouvait pas s'éloigner de sa flotte, mais il avait prit quelques jours de repos sur Maridun.
Il s'entendait bien avec le gouverneur planétaire, un général à la retraite dont la colonie avait largement profité des ressources allouées à la flotte d'exploration. C'est lui qui l'avait invité à passer sa permission dans le ranch où il logeait avec Red, officiellement chargée de sa protection. Varig doutait que cette couverture trompe grand monde, mais elle sauvegardait au moins les apparences.
C'était le gouverneur Vao qui avait fait amener des chevaux sur Maridun, des animaux plutôt rare mais qu'on croisait sur plusieurs autres colonies à travers Andromeda. Le gouverneur s'était pris de passion pour ces bêtes et en possédait près d'une dizaine.
Contrairement à Varig, Red savait monter à cheval et elle avait été si ravie à l'idée de pouvoir faire de longues ballades dans les collines ou de galoper à travers les vastes étendues de la vallée que Varig n'avait pu que l'accompagner. Pour ça il avait dû apprendre à monter, et avait collectionné les chutes.
Le chevalier trouvait cet antique moyen de locomotion plutôt inconfortable, mais il se surprenait maintenant à lui trouver un certain charme. Le cheval marchait d'un pas sûr et régulier, laissant le temps d'admirer la vue. Au contraire quand il passait au galop, une grisante sensation de vitesse et de puissance s'emparait du cavalier, sentant le poids et la musculature puissante de la bête le porter.
Pour l'heure, Varig se sentait d'humeur plus calme, et le pas tranquille de son cheval lui convenait parfaitement. Red chevauchait à côté de lui, souriante. Elle portait un simple treillis noir sans marquages, pourtant son compagnon la trouvait irrésistible. Le soleil venait jouer sur ses cheveux rouges, y créant des reflets brillants.
-Tu t'améliore, observa-t-elle. Maintenant que t'as compris qu'il fallait rester sur le cheval, c'est déjà bien mieux...
-J'ai toujours su qu'il fallait rester en selle, répliqua-t-il en flattant le cou de sa monture. C'est lui qui ne voulait pas comprendre.
Ils sourirent tous les deux, et Red lui plaqua un rapide baiser sur la joue. Varig s'aperçut qu'il était heureux.
Le couple continua à chevaucher près d'une heure, profitant pleinement de ce moment où ils pouvaient se côtoyer sans crainte ni souci de se dissimuler.
Finalement, les deux cavaliers décidèrent de faire une pause sur un plateau dominant la campagne alentour; ils attachèrent leurs montures aux branches d'un grand arbre et se couchèrent dans l'herbe, fixant le ciel.
Au dessus d'eux, la lune artificielle autour de laquelle orbitait la flotte brillait d'une pale lueur, presque effacée par les rayons du soleil de Maridun.
Varig se rappela que dès le lendemain, ils remonteraient là-haut et quitteraient le système pour partir sur le front de la galaxie 4. Cette idée assombrit le bonheur paisible qu'il ressentait.
-On pourrait partir, lâcha-t-il. Ne pas rentrer.
Il sentit Red se tourner pour le regarder.
-Et où on irait? demanda-t-elle sans hostilité.
-Où tu voudra. C'est une grande planète; on vivrait quelque part avec nos chevaux. Loin de la guerre. Loin de tout.
-Au bord de la mer. Dans une maison sur une plage, près de la foret...
La jeune femme posa doucement sa tête sur la poitrine de son compagnon, et il l'enlaça.
-Tu sais que ça n'a aucune chance d'arriver, pas vrai? demanda-t-elle doucement.
-Oui. Je sais.
Varig ferma les yeux. Les bruits paisibles de la campagne les entouraient comme un cocon.
-Parle moi de ta planète natale, réclama-t-il. Comment c'est là-bas?
-Aldessia? C'est une belle planète, lâcha rêveusement la jeune femme. Il y fait moins chaud qu'ici, il y a plus de plaines aussi. Et plus de vent. Je t'y emmènerai un jour.
-J'aimerais beaucoup.
Un bref silence s'installa.
-Je me souviens des immeubles, lâcha soudain Varig. Des tours d'acier qui montaient jusqu'au ciel, tellement haut qu'elles fermaient l'horizon dans toutes les direction. Enfin je n'étais qu'un gamin alors je suppose que tout me paraissait grand. Notre ciel était gris, l'air avait un gout de métal, mais c'était chez nous. Chez moi. La guerre a tout détruit.
Red ne dit rien, le laissant continuer. Varig parlait rarement de son passé, encore moins de son monde natal.
-C'est pour ça que je me bats. Pour protéger l'Empire de ces destructions, pour défendre...
Sa voix se brisa et il se tourna sur le côté pour faire face à sa compagne. Leurs deux visages se touchaient presque.
-La guerre m'a déjà trop pris. Tu es ce que j'ai de plus cher et je ne veux pas te perdre aussi. Si on...
-Ça ira, lui murmura-t-elle en lui caressant doucement la joue. Ça ira.
Elle mentait bien sûr. Ils étaient des soldats vétérans, ayant traversé des batailles toujours plus grandes, toujours plus violentes. Aucun des deux ne pouvait savoir ce que leur réservait l'avenir, ni s'ils survivraient à ce nouveau conflit. Ils connaissaient les risques.
Mais la jeune femme voulait rassurer son compagnon, et se rassurer elle-même.
-Ça ira, répéta-t-elle plus fermement tandis qu'ils se serraient l'un contre l'autre.
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