J. Le front - deuxième partie
Alors que Varig et Red achevaient leurs préparatifs, ils avaient eu la surprise de voir une navette civile atterrir près du ranch. L'appareil transportait le gouverneur Vao, accompagné d'un seul garde du corps qui resta à l'extérieur.
-Amiral, sergent, lança-t-il en guise de salutations. J'espère que votre séjour sur notre planète fut agréable.
-Très reposant, répondit Varig en retenant une grimace tandis qu'il subissait la poigne écrasante de l'ancien général.
Le gouverneur ne s'était pas annoncé, mais après tout le ranch lui appartenait; il n'avait pas à prévenir ses hôtes de sa venue.
Ces derniers avaient empaquetés leurs affaires dans deux sacs militaires, qui gisaient sur le parquet du salon. Le bâtiment était entièrement construit en bois si on exceptait les larges fenêtres de verre; c'était un matériau précieux sur de nombreux mondes mais sur Maridun il était disponible en abondance. La colonie en exportait d'ailleurs de grandes quantité, produit du défrichage.
La pièce reflétait les goûts du gouverneur; l'ameublement était simple et fonctionnel si on exceptait la tête d'un dragon de Maridun accrochée au dessus de la cheminée. Sigel Vao organisait régulièrement des chasses pour éliminer ces énormes reptiles cracheurs de feu quand ils approchaient trop les zones peuplées, son passe-temps favori. Il avait sans doute gagné ce trophée lui même. Sa femme s'occupait bien plus des affaires politiques et du développement de la colonie que lui, et il avait la sagesse de la laisser faire.
Varig et Red portaient leurs uniformes respectifs, blanc pour l'amiral et noir pour la sergent. Le gouverneur lui était vêtu d'un costume auquel était épinglé des bandes de couleur rappelant ses nombreuses décorations.
-La flotte d'exploration a été un pilier vital pour le développement de la colonie et je ne peux pas me réjouir de votre départ pour le front, déclara-t-il d'un ton formel. Mais nous savons tous que ce qui est en jeu dans cette guerre, c'est l'avenir même de l'Empire et de la Triplice. En tant que gouverneur de Maridun je tenais à vous exprimer tout le respect et la reconnaissance de notre planète. J'aimerais que vous disiez à votre flotte que nous les soutenons dans le combat qui les attend.
Varig jeta un rapide regard vers Red. Elle était bien plus habituée que lui aux subtilités politiques. Y avait-il un message caché, un piège? Mais elle resta impassible.
Le chevalier décida de suivre son instinct. Le gouverneur avait toujours été d'une nature franche et peu protocolaire; il lui semblait parfaitement sincère.
-Merci gouverneur, répondit-il, cherchant les mots de circonstance. Je transmettrai votre message. Votre monde a fait beaucoup pour héberger notre flotte dans les meilleures conditions possible. C'est grâce aux efforts de ses travailleurs que nous pouvons rejoindre le front pleinement approvisionnés et prêts à nous battre; dès que la guerre sera gagnée nous reviendrons.
Le gouverneur inclina la tête.
-Merci amiral. J'ai un message plus personnel à vous transmettre avant votre départ; je sais que vous n'aimez pas les cadeaux, mais s'il vous plait ne refusez pas celui-là. Ce n'est pas le présent d'un gouverneur à un amiral; c'est un cadeau de soldat à soldat.
Il plongea la main dans sa veste et en tira un long poignard rangé dans un étui anthracite.
-Mon couteau de combat moléculaire, expliqua-t-il. Cette arme m'a suivie dans toutes mes batailles. Aujourd'hui j'aimerais que vous l'emmeniez avec vous afin qu'elle continue à servir l'Empire.
Varig n'hésita qu'un bref instant avant de prendre ce qu'on lui offrait.
Il tira légèrement sur la poignée, révélant une lame noire, sans reflet. Le fourreau comprenait une nano-usine qui affûtait le poignard à un niveau moléculaire, le rendant capable de trancher quasiment n'importe quoi bien qu'il s'émousse rapidement. C'était une technologie plutôt ancienne mais toujours redoutablement efficace, surtout dans les corps à corps féroces qui se livraient dans les coursives étroites des vaisseaux.
-Merci, lâcha le chevalier avant de sangler l'arme à sa ceinture. J'en prendrais grand soin général.
Il avait utilisé l'ancien grade plutôt que la fonction du gouverneur. Loin de s'en offusquer, ce dernier se mit au garde à vous et salua, poing sur le cœur.
-Bonne chance amiral. Et à vous aussi, sergent.
Le transporteur militaire destiné à les ramener à la flotte se posa quelques minutes plus tard.
Une demi-douzaine de membres d'équipage du Spectre, le vaisseau amiral de Varig, avait déjà pris place à bord. Il alla s'installer au fond, à côté du docteur Leroy.
Le scientifique qui tenait aussi lieu de médecin de bord avait une mine défaite; les cheveux noirs qui auréolaient son crane précocement dégarni étaient en désordre, et son teint cireux soulignait ses cernes.
-Vous allez bien, Nigel? demanda Varig alors que leur vaisseau redécollait.
-J'étais... Euh... Un peu trop stressé par la berspective du... D'aller au... Enfin vous voyez quoi. La guerre, les gens qui meurent et tout. Alors je me suis auto-prescrit un petit remontant.
L'amiral renifla, sceptique.
-Votre médicament, il était en bouteille non?
-Un peu, admit le scientifique.
Le mécano assis en face d'eux lui tendit un sac en papier en soupirant.
-Prenez ça avant de saloper l'uniforme de l'amiral et le mien, doc.
L'intéressé prit l'objet avec reconnaissance et ne tarda pas à s'en servir, arrachant des grimaces ou des sourires plus ou moins compatissants aux autres occupants de la navette qui s'élevait rapidement dans le ciel de Maridun.
Nigel était un des deux seuls civils de bord du Spectre, et malgré tout ce qu'il avait déjà traversé il avait toujours du mal à se faire aux dangers de la vie militaire.
La perspective d'aller au front ne l'inquiétait pas; elle le terrifiait. Pour monter dans la navette au lieu de partir en courant, il avait eu besoin d'une pleine bouteille de courage, ce que son organisme supportait très mal. D'habitude il évitait les excès, justement dans l'espoir de vivre vieux.
Pendant qu'il rendait le contenu de son estomac, leur vaisseau traversa l'atmosphère et se dirigea vers la flotte d'exploration rassemblée en orbite de la lune de Maridun.
Près de six mille vaisseaux allant du simple chasseur monoplace au redoutable destructeur volaient en formation tandis que des dizaines de transporteurs convergeaient vers l'imposante flotte pour rapatrier les derniers membres d'équipage et livrer les ultimes fournitures: vivres, cellules énergétiques, deutérium, munitions, médicaments...
-Amiral sur la passerelle!
Les opérateurs et les officiers se levèrent avec un bel ensemble quand Varig pénétra dans le pont de commandement du Sepctre. Il leur rendit leur salut, poing sur le cœur, avant de rejoindre rapidement son siège.
-Repos, lança-t-il avant de s'asseoir. Alors commandant Arius, comment ça se présente?
Installé dans le fauteuil près du sien, l'officier lui tendit un datapad. Malgré son jeune âge c'était un combattant déjà expérimenté, vétéran de nombreuses missions.
-Les derniers transporteurs sont en train de se poser, amiral. Toutes nos réserves sont au maximum, aucun problème particulier à signaler. Nous sommes prêts à partir.
Varig parcourut distraitement le rapport, sans relever d'anomalie.
-Parfait. Préparez la trajectoire pour rejoindre la porte de saut hyperspatiale.
Évidemment, Varig se doutait qu'elle était déjà prête depuis un bon moment. L'énorme structure en orbite de la lune était la seule route raisonnable; il s'agissait d'un réseau de portails instantanés construits par l'Empire au dessus de ses colonies les plus stratégiques. Sans lui, les voyages spatiaux d'un point à l'autre d'Andromeda auraient prit des jours. L'investissement en temps et en ressources était important, mais grâce à la porte, la flotte rejoindrait la galaxie 4 en quelques minutes.
-Lieutenant Sato, vous avez entendu l'amiral? Transmettez les vecteurs d'approche à la flotte.
-Oui commandant!
L'officier était un des ingénieurs qui avait participé à la conception du Spectre, le traqueur expérimental doté d'un système de camouflage qui servait de vaisseau amiral à la flotte.
Sato tenait lieu d'officier en second, et ses précieuses compétences techniques se complétaient parfaitement l'expérience du combat d'Arius.
Varig consulta son écran. Toute la flotte se mettait en mouvement en même temps que le Spectre, adoptant une formation étirée qui la faisait ressembler à un long serpent stellaire. Face à la bête, les anneaux de la porte de saut avait déjà commencé à tourner, parcourus d'éclairs d'énergie.
Le chevalier prit une grande inspiration avant d'ouvrir un canal général vers les vaisseaux sous son commandement.
-Votre attention, ici l'amiral Atorias. Notre flotte fait actuellement en route vers la porte hyperspatiale de Maridun, d'où nous sauterons directement pour la galaxie 4. Ce secteur constitue le front avec la SOB, la première ligne dans la guerre qui nous oppose à ces pirates.
Il marqua une pause et relu rapidement les notes qu'il avait rédigé sur Maridun. Les discours d'encouragement était en quelque sorte une tradition; avant chaque bataille et chaque mission importante, l'officier commandant devait motiver ses hommes. Leur rappeler pourquoi ils se battaient
-L'Empereur nous envoie renforcer la première flotte de combat. Je ne vais pas vous mentir, les batailles qui nous attendent serons rudes, et sans doute meurtrières. Mais au cours des derniers mois, chacun d'entre vous a déjà côtoyé les dangers de l'espace inconnu et prouvé sa valeur en de nombreuses occasions.
Le chevalier constata que le personnel de la passerelle l'écoutait avec attention et cela l'encouragea à continuer.
-Nos ennemis veulent détruire tout ce qui nous est cher; la flotte est le rempart qui protège l'Empire, et l'épée qui porte sa fureur à travers les étoiles. Les habitants de Maridun et de tous les autres mondes de l'Empire comptent sur nous. Souvenez vous de ce qu'on vous a appris, faites confiance à vos camarades et obéissez à vos chefs; ensemble nous vaincrons, pour l'Empire!
-Pour l'Empire! répondirent en cœur le personnel de la passerelle.
La porte de saut s'activa dans une grande lumière blanche au moment où Varig coupait le canal; sans hésiter, la flotte plongea à travers.
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