D. Saut dans l'inconnu - quatrième partie
Aucune simulation ne pouvait préparer à la sensation qui s'emparait de vous quand la mort froidement minutée par les systèmes automatiques s'approchait à chaque seconde. Heureusement Varig avait connu le stress du combat, et parvenait à garder les idées à peu près claires.
Neuf minutes. C'est tout ce qui lui restait pour sauver sa flotte.
-Amiral, annonça soudain le commandant Nile. Je vois une solution qui nous donnerait une chance.
Varig se concentra sur la fenêtre de communication.
Contrairement au capitaine Arius qui n'avait eu le commandement que de petits détachements, Nile avait dirigé sa flottille depuis des années. Il était logique que ce soit lui qui trouve la meilleure option dans cette situation désespérée.
-Allez-y, l'encouragea-t-il.
-Un vaisseau doit se séparer de la flotte et attirer l'ennemi à sa poursuite en menaçant directement la planète, expliqua l'officier. Si ses propriétaires raisonnent un tant soit peu comme nous, ils voudront nous empêcher de la bombarder.
Le chevalier mit quelques secondes a comprendre ce qu'il proposait.
-C'est de la folie, lâcha-t-il. Ce serait condamner ce vaisseau et son équipage à mort.
-Je serais fier de sacrifier ma vie et mon bâtiment pour sauver cette flotte. De toute façon nous mourrons tous si nous ne faisons rien; c'est notre seule option.
-Vous voulez vous sacrifier?
L'officier acquiesça gravement.
-L'Inspiré est le plus gros vaisseau de la flotte, et le plus lent. Il mordront à cet appât.
L'idée d'envoyer l'officier et son vaisseau se sacrifier semblait intolérable au chevalier, qui chercha une contradiction.
-Vous ne tiendrez pas assez longtemps contre un monstre pareil, pas même avec un destructeur, finit-il part lâcher.
-Nous n'allons pas l'affronter mais l'attirer le plus loin possible de la flotte en brûlant toutes nos réserves de deutérium. D'après mes simulations ça vous laissera une petite chance de vous échapper à temps...
Le logiciel afficha une série de vecteurs; la flotte devait prendre une large ellipse vers le point de saut tandis que la ligne de l'Inspiré traçait droit vers la planète avant de s'en éloigner, loin de leurs camarades, utilisant les autres planètes comme autant d'abris.
Les chances de succès d'une telle manœuvre étaient très incertaines, une sur deux au maximum. Mais la perte du destructeur était assurée.
-Nous avons deux navettes à bord, continua Nile. Je ferais tirer au sort ceux qui les prendront pour vous rejoindre.
Varig serra le poing. Il devait y avoir une meilleure option que cet odieux sacrifice...
Les lignes de vecteur dansaient et se brouillaient devant ses yeux. Le compte à rebours semblait s'accélérer et ralentir au gré des battements de son cœur.
-C'est... Trop dangereux, lâcha-t-il. S'ils se retournent vers nous au lieu de vous poursuivre...
-Ils défendront leur planète. Je vous en prie amiral, vous devez donner cet ordre!
Varig leva les yeux de l'écran et se tourna vers le capitaine Arius.
-Il a raison amiral, admit-t-il à contrecœur. C'est notre seule chance.
Le chevalier jura.
Il était coincé. Hésiter plus longtemps ne servait à rien. Il devait le faire.
-D'accord, lâcha-t-il. Commandant...
-Prenez soin de ma flotte amiral, le coupa Nile, déjà pale comme un mort. Puissent les étoiles vous guider.
La main du chevalier s'approcha de la commande d'autorisation de la manœuvre puis se figea en voyant le code d'identification des trajectoires.
J-447-8041. J.
Assez de héros s'étaient sacrifiés sous ses ordres.
Il avait encore une autre solution. Désespérée, stupide, mais pourtant préférable à toutes les alternatives qu'il pouvait envisager.
Sa main se décala et pressa une autre commande, le connectant à tous les vaisseaux de la flotte.
-Ici votre amiral, lança-t-il avec autorité. J'ordonne le repli immédiat sur le point de saut. Que toute la flotte quitte ce système!
-Que faites vous? lança Nile, au comble de l'incompréhension.
-Amiral, si on fait ça on n'aura plus assez de deutérium pour rentrer! protesta le capitaine Arius. Le plan...
-On a pas le temps. Exécutez les ordres! le coupa Varig. Tout le monde se replie sur le champ!
L'officier sembla hésiter mais les pilotes avaient entendu l'ordre en même temps que leurs chefs. Formatés à une rude discipline, ils commencèrent à retourner leurs vaisseaux.
Sur les écrans la monstrueuse forteresse stellaire continuait à fondre sur la flotte. Dans moins de deux minutes, elle serait sur eux.
-Nous sommes parés pour le saut, indiqua un opérateur d'une voix tendue.
Mais ni Arius ni Varig ne donnèrent l'ordre. Les vaisseaux de la flotte disparurent l'un après l'autre sur l'écran, tous sauf un.
Plus lent et massif, l'Inspiré semblait bouger au ralenti.
-Une minute avant contact! signala un opérateur. Tous nos vaisseaux ont quitté le système à part l'Inspiré et le Spectre.
Les yeux fixés sur le destructeur, le chevalier resta silencieux. Y arriverait-il à temps ou était-il déjà trop tard quand il avait donné son ordre?
Des dizaines de messages d'alerte s'affichèrent soudain sur son écran. Une nuée de projectiles venait de jaillir du vaisseau inconnu, filant droit vers eux comme un essaim d'insectes en colère.
-Tirs de missiles confirmé, canons lasers activés!
Les armes du Spectre ouvrirent le feu, frappant quelques projectiles. Une goutte d'eau jetée sur un brasier...
-Impact dans cinq secondes! Trois, deux...
-Sautez! ordonna le capitaine Arius au moment précis où l'Inspiré disparaissait soudain de l'écran.
Le Spectre plongea dans l'hyperespace en dernier, un instant avant d'être fauchée par un tir de barrage. Les alarmes se turent d'un coup, remplacées par un silence de mort.
Varig se laissa aller en arrière et ferma les yeux. Il avait réussi à sauver sa flotte, mais ce salut leur avait coûté une bonne partie de leurs réserves de carburant. Trop pour espérer rentrer, même sans cette maudite forteresse mobile qui leur bloquait la seule route possible.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top