D. Saut dans l'inconnu - dernière partie

Assis dans la navette, Varig fixait le vide. Il s'était forcé à une courte sieste grâce à un patch somnifère fourni par le docteur Leroy, avant de revêtir un uniforme propre. Il voulait être au maximum de ses capacités pour ce qui allait suivre, mais la présence de Red parmi l'escouade chargée de l'escorter le perturbait.


Il aurait préféré savoir la jeune femme en sécurité à bord du Spectre plutôt qu'avec lui. Malheureusement il n'avait aucune raison crédible de l'y renvoyer; à son message lui demandant ce qu'elle faisait là, et elle avait sèchement répondu "mon travail".


Carlsson faisait lui aussi partit du voyage, déguisé en co-pilote. Les agents du BSI n'étaient pas très populaires dans la flotte et il estimait que ça nuirait à l'image de son supérieur s'il se montrait à ses côtés.

C'était étrange. Varig en venait presque à considérer l'Inspiré, un destructeur thrawnien, comme un vaisseau ennemi dont il monterait à l'abordage. Heureusement la navette n'avait pas à traverser un tir de barrage pour atteindre le hangar.


-On lance l'approche finale, indiqua le pilote via l'intercom. Préparez vous.


Le vaisseau ralentit et pivota tandis que les commandos vérifiaient une dernière fois leurs armes. Ils avaient revêtu des tenues de parade pour avoir l'air moins agressifs, mais personne ne s'y tromperait; cette "garde d'honneur" armée jusqu'aux dents n'était pas là pour décorer.


La rampe s'ouvrit et les soldats débarquèrent. Varig croisa brièvement le regard de Red; mais ça ne dura qu'un instant.

Resté seul, le chevalier se leva et rajusta son uniforme, prit une grande inspiration puis sortit.


Le commandant Nile attendait au pied de la rampe, accompagné de quelques uns de ses officiers. Varig sentit les regards des techniciens qui s'activaient dans le hangar alors qu'ils le saluaient.


-Allons parler en privé, déclara le chevalier.

-Bien sûr. Par ici amiral.


Tandis qu'ils quittaient le hangar, l'officier se pencha vers son supérieur.


-Était-il bien utile d'amener vos soldats? demanda-t-il.

-J'espère que non, répondit Varig.


Ils rejoignirent leur destination en quelques minutes plus tard. Les officiers et les gardes restaient dehors, laissant leurs supérieurs pénétrer seuls dans la pièce.

La salle de conférence de l'Inspiré était nettement plus vaste que celle du Spectre. Une table ronde occupait son centre; Nile l'invita à s'asseoir.


-Je crois avoir déjà deviné votre plan amiral, lança-t-il en contournant la table pour s'installer en face de lui. Nos options sont minces. Mais j'aimerais l'entendre de votre bouche.


Droit au but. Une qualité que Varig appréciait.


-Je veux faire transférer les réserves de deutérium de la flotte à bord du Spectre pour qu'il aille chercher des renforts dans l'espace impérial, expliqua-t-il. Vous savez déjà qu'il dispose d'un système furtif.


Nile acquiesça. Il n'était pas surpris.


-En effet. Et j'imagine que vous serez à bord, ainsi que le colonel Maxus. Allez vous m'offrir une place à moi aussi?


Varig secoua la tête. Comme il l'avait anticipé l'officier pensait qu'il voulait sauver sa peau.


-Nous ne serons pas à bord, répliqua-t-il. Aucun officier supérieur ne partira à part le capitaine du Spectre; nous devons rester pour assurer la cohésion de la flotte.


Le commandant le scruta quelques secondes, comme pour déceler un signe de mensonge.


-Ne me prenez pas pour un imbécile, lâcha-t-il enfin. Je sais que personne ne viendra nous chercher, jamais. Détruire ce vaisseau forteresse demanderait trop de vaisseaux et de ressources pour que le QG de la flotte autorise une mission de sauvetage. Non, ceux qui resteront ici mourront, et je ne veux pas faire partie du lot.

-Vous abandonneriez vos hommes? Vous étiez prêts à vous sacrifier face au Leviathan pour les sauver pourtant, releva Varig, surpris de ce soudain retournement.


L'officier haussa les épaules


-Je suis un pragmatique, lâcha-t-il. Mourir au combat pour sauver ses troupes est une chose, pourrir pour rien au fond de l'espace en est une autre.


Le chevalier n'en croyait pas ses oreilles. Il n'avait pas l'impression de parler au même homme qu'à celui avec lequel il avait fait la route jusqu'ici. Un être sournois et lâche.


-Je sais que vous avez contacté Maxus sur un canal privé, poursuivit Nile. Vous avez peur que les officiers de la flotte refusent de vous donner leurs réserves, alors vous allez ordonner aux troupes de choc de prendre le contrôle de nos vaisseaux pour nous y contraindre.

-Vous ne savez rien.

-J'en sais plus que vous ne croyez; je sais que c'est Nina Septime qui vous a fait nommer amiral, parce qu'elle doutait de ma loyauté au projet. Je sais comment vous pensez; vous n'êtes pas un soldat mais un serpent du BSI. C'est pour ça que vous nous avez fait fuir le combat, pour ça que vous êtes ici à négocier au lieu d'ordonner directement à Maxus de prendre le contrôle.


Varig banda ses muscles, mais il se garda bien d'interrompre son interlocuteur. Son sang bouillonnait dans ses veines.


-Vous êtes venu négocier en personne pour que nul ne sache ce qui allait se dire ici, poursuivit Nile. Alors négocions. Je convaincrais les officiers de vous livrer le deutérium sans incident, et je partirais avec vous sur le Spectre. Une fois rentré, je suis prêt à porter le chapeau pour ce désastre, mais à certaines conditions. On me mettra à la retraite, avec les honneurs et une bonne pension. En échange vous aurez mon silence.


Varig se leva et dégaina son arme. Il en avait assez entendu; l'officier lui avait imprudemment montré son vrai visage. Il était plus que temps de lui montrer le sien.


-Commandant Nile, nous allons rester à bord de l'Inspiré, martela-t-il. Vous avez presque tout faux, sauf sur un point; je n'ai pas besoin de vous pour obtenir le deutérium qu'il faut au Spectre. Vous êtes désormais aux arrêts pour trahison. Les mains sur la tête.


L'officier ne s'exécuta pas. D'ailleurs il ne semblait pas du tout inquiet pour quelqu'un sous la menace d'une arme.


-On dirait que je me suis trompé sur vous, lâcha-t-il pensivement.

-Les mains sur la tête j'ai dit!


Varig activa son communicateur pour contacter le colonel Maxus, mais l'appareil afficha un signal d'erreur. Il essaya de contacter ses hommes mais aboutit au même résultat.


-Problème de communication, amiral? demanda aimablement Nile.

-Arrêtez ça tout de suite, ordonna Varig.

-Sinon?

-Je vous abat comme un chien.


Nile secoua la tête, dépité.


-Vous croyez vraiment que je vous aurais dit tout ça sans un plan B? Décevant. Nina aurait au moins pu m'envoyer quelqu'un d'intelligent. Franchement, je me sens insulté.


Varig s'avança pour saisir l'officier, mais il buta sur une barrière invisible. Il comprit soudain qu'il était enfermé dans une cage depuis le début. Voilà ce qui rendait son interlocuteur si sûr de lui...


-J'ai fait installer ce bouclier il y a des années mais je n'aurais jamais cru m'en servir un jour, poursuivit calmement Nile. Oh et n'espérez rien de votre "garde d'honneur". Mes hommes les ont mis hors jeu dès que...


Sans un mot, le chevalier recula d'un pas visa et pressa la détente de son arme, vidant son chargeur vers le traître. Les décharges de laser frappèrent la protection et Nile se baissa derrière la table, mais inutilement; la protection tenait bon.


-Acharnez vous autant que vous voulez, cracha-t-il en marchant vers la sortie. Vous allez avoir des mois pour ça.

-Allez crever Nile!


L'officier sourit arrêtant sa main au dessus de la commande de la porte de la salle.


-Navré amiral, mais en fait je compte plutôt vivre. Je vous confie ma flotte; bonne chance.


Sur ces mots il ouvrit la porte.

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