D. Ragnarok - première partie

Situé au cœur de la galaxie 5, l'étoile mourante du système Ragnarok baignait les mondes dans son orbite de radiations solaires mortelles. Malgré les efforts de la géante rouge, des communautés humaines obstinées s'étaient accrochées aux riches filons d'alliage de la seconde planète. S'abritant sous des dômes gigantesques, elles avaient prospéré.

Jusqu'à ce que la Légion d'Acier arrive.


L'armée mécanique avait balayé toute vie du système avec la même indifférence implacable que les tempêtes solaires. Des précédents occupants, il ne restait que les décombres squelettiques des cités-dômes, cannibalisées par des mégastructures industrielles automatisées.

Les mines des machines plongeaient profondément dans la planète pour en tirer de précieux matériaux, tandis que d'immenses chantiers spatiaux assemblaient des escadres qui allaient ensuite semer la terreur aux quatre coins d'Andromeda. Les machines n'avaient pas gaspillés leurs ressources en armement sol-espace; les vaisseaux et la réputation de la Légion étaient des protections suffisantes.

Dans les profondeurs de catacombes mécaniques, d'horribles chaînes d'assemblages remplaçaient la chair des captifs raflés lors de raids dans un concert de hurlements. Les innombrables légionnaires d'acier naissaient ici, dans les ténèbres et l'agonie.

L'apôtre Ray avait fait de Ragnarok-2 sa capitale, ou plutôt sa base d'opération. En orbite de la planète, les milliers de vaisseaux de son armada volaient en formation autour d'une sphère noire aussi grande qu'une lune: le brise-soleil. 

De colossaux réacteurs avaient été intégrés à la superstructure, mais ils n'étaient pas encore fonctionnels; à la place, une douzaines de stations EDLM avaient été hâtivement fusionnées à l'ensemble. Ce bricolage précipité trahissait l'urgence dans laquelle travaillaient les machines pour terminer leur grand-œuvre. 

Le temps était compté.


Cent-cinquante mille vaisseaux de ligne, dispersés autour de la sphère en formation défensive. Des machines, mais aussi tous les loyalistes que les inquisiteurs avaient pu rassembler.

Les EDLM attachées à la mégastructure lancèrent soudain leurs propulseurs; l'énorme sphère se mit en mouvement avec une lenteur cérémonieuse, imitée par son escorte. Quelques secondes plus tard, un premier flash de lumière signala l'émergence de l'avant-garde d'Hades.


Les flash se multiplièrent, formant un nuage de plus en plus large face à la planète, alors que les capteurs s'affolaient devant la démesure de la force quittant l'hyperespace. Plus de deux-cent-cinquante mille vaisseaux de ligne, allant du modeste croiseur à l'implacable destructeur.

Les forces coalisées d'Hadès et de Phobos arboraient le violet des croisés.


Sur son vaisseau amiral, Galvhain observait la manoeuvre avec fierté, baigné dans l'effervescence de ses officiers. Les deux camps s'étaient prudemment déployés hors de portée l'un de l'autre.

Leur flotte jouissait du nombre, mais l'ennemi avait la tonnage pour lui. La Légion alignait des dizaines de milliers de destructeurs, et près d'une vingtaine de stations EDLM groupés autour d'une espèce de lune artificielle... Le combat s'annonçait acharné. Mais les croisés triompheraient; c'était naturel, car ils étaient les vrais croyants.

Ne manquait plus qu'un ordre de son seigneur pour que les deux formations se jettent l'une sur l'autre dans un combat décisif entre les fidèles et les hérétiques.


-L'ennemi recule, signala avec détachement son premier officier, un capitaine dont il n'avait pas pris la peine d'apprendre le nom.


En effet. La Légion d'acier, la plus implacable force de l'univers, détalait avec une lenteur provocatrice, s'éloignant de la planète.

Ce n'était pas une fuite.  C'était... Autre chose. Beaucoup trop lent, aucune tentative de saut hyperspatial.


-La flotte ennemie se dirige vers l'étoile, signala le capitaine. À cette vitesse, ça leur prendra plusieurs heures. Devons-nous les poursuivre?

-On attend les ordres du vaisseau amiral, rétorqua Galvhain.


Comme s'il l'avait entendu, un avatar fait d'une poudre tournoyante remplaça soudain la carte de bataille; tous les officiers ployèrent le genou alors que la silhouette d'Hadès se matérialisait au dessus d'eux.


-Mes fidèles, lança la voix d'Hadès. Nous voici arrivés à la dernière confrontation. Ceux qui nous ont poignardé dans le dos se tiennent désormais devant nous. Le jugement des dieux frappera par vos bras, à travers nos cannons et nos...


Il marqua une pause, mais personne n'eut la stupidité de lever la tête. Galvhain s'en assura d'un discret coup d'œil.


-Les hérétiques tentent d'amener leur machine impie jusqu'à l'étoile, reprit Hadès, manifestement coupé dans son élan. Nous les détruirons avant qu'ils y parviennent... Soyez le feu, soyez la mort... Soyez la fureur des justes!


La communication coupa abruptement.


-Vous avez entendu notre Seigneur! tonna Galhvain en se relevant d'un bond. En avant et tuez-les tous!


Une acclamation martiale lui répondit alors que leur armada se lançait à la poursuite des hérétiques.



Soutenu par des acolytes sans visage, Hadès toussa, crachant un sang vert et brillant. Il tremblait; son bref discours l'avait vidé de ses forces. 

Ses précieux espions s'étaient trompés, les inquisiteurs avaient réussi à terminer le brise-soleil à temps. Il espérait le surprendre incapable de bouger, et il se trouvait maintenant lancé dans une course contre la montre.

Il avait déjà vu une telle arme, depuis l'autre camp; si elle parvenait à portée de l'étoile, elle briserait la réalité. L'épée qui sonnerait le glas d'Andromeda et déchaînerait la puissance vorace des Nihilithes.


Elle devait être détruite, avec les inquisiteurs et leur flotte. Mais le corps épuisé de l'apôtre le trahissait.

Son duel contre Ray l'avait terriblement affaiblit. Rien qu'empêcher sa chair de fondre et son esprit d'exploser en milliers d'éclats lui prenait toute son énergie; les frappes de l'aberration mécanique avait fracassé son essence, manquant de le tuer. Même la certitude d'avoir rendu coup pour coup ne lui apportait aucune satisfaction. La Légion d'acier lui faisait face, implacable.


-Transférez le commandement... De la flotte... À Phobos, ordonna-t-il alors que ses acolytes masqués l'installaient dans un sarcophage emplit d'un liquide d'un vert brillant.


Il s'immergea totalement, et le monde disparu. La stase réparatrice lui donnerait assez de force pour tenir. Après leur victoire, Phobos et lui seraient les nouveaux dieux de cet univers.



Protocole redémarré. Acquisition. Déploiement des escadrons de drones. Décadence biologique arrêtée. Alignement des processus, synchronisation. Rêve d'étoiles... Alerte système. Menace, menace. Danger. Douleur. Consistance. Qui... Suis-je? Oublier... Fami...

Redémarrage protocole Ray_7856525.

Je suis la Légion d'Acier. Je suis Ray. Je suis le bras des dieux parfaits.

Mission...

Protocole redémarré. Ajuster. Engager. Anéantir.


Préoccupé, Phobos observait sa formation de bataille se dissoudre alors que les vaisseaux les plus rapide se lançaient à la poursuite de l'ennemi, distançant leurs escadres lourdes. Se disperser aboutirait à un gaspillage stupide; les destructeurs légionnaires allaient massacrer cette avant-garde.


-Ordonnez à tous les vaisseaux de maintenir la formation à distance d'engagement maximale, lança-t-il. Déployez un écran de chasseurs pour couvrir le front et envoyez les escadres pénitentes sonder la ligne ennemie.


Un sacrifice nécessaire de quelques centaines de vaisseaux pour chercher des points faibles. Tenter de microgérer une force aussi vaste était vain, mais il pouvait manoeuvrer ses forces jusqu'à l'inévitable mêlée générale... Ensuite tout ne serait qu'une question de chiffres et de volonté.


Le combat aurait lieu en mouvement. La flotte de la Légion reculait lentement, poursuivit par les croisés.


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