Bonus: la Chute de Bane - partie 1
Gabriel n'avait jamais été d'une nature très patiente. L'attente rongeait ses nerfs comme de l'acide, le rendant encore plus impatient à chaque seconde qui passait. Lentement. Encore plus lentement. Ses pensées venaient cogner à l'intérieur de sa boite crânienne comme autant d'insectes obsédants.
Sans prévenir il dégaina soudain un de ses pistolaser et visa la cloison de métal devant lui.
-Bang! s'exclama-t-il joyeusement, faisant sursauter la pilote du vaisseau..
-Eh! protesta-t-elle. Qu'est-ce qui te prend encore?!
-Je m'ennuie, répondit Gabriel en faisant tourner l'arme autour de son doigt comme un cow-boy.
-Ouais bah c'est pas une raison pour faire des trous dans mon vaisseau, râla-t-elle en fixant le pistolet. Là dehors c'est le vide spatial. Si tu touche la détente...
Sujet sensible. Grâce à ses implants cybernétiques, Hybris faisait littéralement corps avec son appareil. Difficile de rater la prothèse implantée en bas de son dos, un long tube fait de pièces articulées qui venaient directement se connecter aux commandes. Cette queue de scorpion mécanique était un héritage de ses années de service au sein des armées de la TTC, avant qu'elle ne déserte.
Même s'il était peu probable qu'un tir d'arme de poing puisse traverser le blindage, elle était donc fâchée. Gabriel sourit, ravi d'avoir obtenu une réaction susceptible de le distraire un peu de l'interminable attente. Rien de tel qu'une bonne chamaillerie et quelques noms d'oiseau pour que le temps passe plus vite... Une chose qu'il avait appris dans l'orphelinat où il avait grandit.
-Relax Hybris, lâcha-t-il d'un ton négligent sans cesser de jouer avec son arme. Je maîtrise l'art du pistolero à la perfec...
Malgré ses réflexes largement supérieurs à ceux d'un humain ordinaire, le jeune homme ne réagit pas assez vite pour empêcher une grande main de lui arracher le pistolaser.
-Ça suffit, gronda Quincey, le troisième occupant du vaisseau qui semblait jusque là dormir paisiblement. Tu ferais mieux de maîtriser l'art d'attendre en silence. Bon sang Bridget m'a dit qu'elle voulait que je te serve de mentor, mais j'ai plus l'impression d'être une putain de baby-sitter.
Une baby-sitter chauve et trop vieille pour ces conneries? faillit répliquer Gabriel, vexé de s'être laissé surprendre.
Mais il tint sa langue. Après tout Quincey était capable de liquider tout un peloton à mains nues, et là il tenait un pistolaser. Énerver un ex soldat d'élite de l'ARES quand on était enfermé avec lui dans un espace confiné ne ressemblait pas à une bonne idée, même pour passer le temps.
-Range ça avant de te tirer dessus, ordonna le mercenaire en lui jetant son arme.
Gabriel grommela quelque chose d'inaudible mais s'exécuta alors que Quincey se tassait à nouveau sur l'inconfortable siège du chasseur lourd, jambes étendues devant lui et bras croisé sur sa poitrine musculeuse.
Satisfaite, Hybris fixait Gabriel en affichait un sourire moqueur. Ce dernier avait une furieuse envie de lui tirer la langue, mais ça ne serait ni très mature ni très professionnel. Après tout le trio de mercenaire était en mission, chargé d'une tache très sérieuse...
-Tu viens vraiment de me tirer la langue? releva la pilote en haussant soudain les sourcils.
Cette petite escarmouche verbale avait au moins eu le mérite de faire passer un peu le temps et de distraire Gabriel de ce qui les attendait. Ses pensées se remirent à dériver.
Le trio opérait sur une station spatiale pour un job de routine, l'élimination d'un contrebandier revendant du deutérium à la TTC, quand leur patronne leur avait ordonné de tout plaquer pour venir ici.
En temps normal Gabriel aurait rechigné à abandonner un travail inachevé, mais quand Bridget leur avait donné le nom de la nouvelle cible il ne s'était pas fait prier. Le contrebandier pouvait bien attendre.
Dark Bane était du plus gros gibier. Naguère homme fort de la LCO, le maître Sith en fuite était désormais poursuivit par... Et bien à peu près tout l'univers. Ce serait finalement son plus grand accomplissement; tout Andromeda voulait sa peau, depuis les pirates et les cartels criminels jusqu'aux empires théocratiques de la TTC, en passant par ses anciens camarades de la LCO, la Triplice et les redoutés chevaliers du Cygne. Ses crimes et ses complots avaient fait long feu, le laissant à la tête d'un empire brisé, dont les dernières forces tentaient simplement de survivre.
Gabriel serrait et desserrait machinalement le poing. Comme lui, Bane avait servit au sein de la LVI avant que ses complots ne l'éloignent de l'alliance qui s'était aujourd'hui fondue dans la Triplice... Les horreurs qu'il avait commise durant la guerre des Libérateurs n'avaient étonné personne parmi ceux qui l'avaient côtoyé, mais elles avaient convaincu le haut conseiller Willym de mettre Bridget et tous ses agents sur ses traces.
Même privé de leur meneur Dark Skywalker, les anciens LVI avaient encore de la ressource et ils tenaient à effacer eux-même la souillure que Bane avait porté sur leur alliance. C'était eux et personne d'autre qui devait éliminer le Sith. Une question d'honneur... D'autant plus qu'ils n'étaient pas les seuls Tripliciens décidés à éliminer le serpent.
Bridget avait appris qu'une force de combat menée par Alastair se préparait à intercepter la flottille à bord de laquelle Bane se trouvait. Elle avait donc envoyé ses agents les plus proches sur place, en l'occurrence eux trois.
Le vaisseau des mercenaires avait suivi la flotte sans se faire repérer grâce aux talents de pilote d'Hybris, et ils attendaient maintenant que la bataille commence. Mais la flotte Sith se faisait désirer et les minutes s'engluaient, s'étirant à l'infini.
Bane avait-il pressenti l'embuscade et choisi une autre route? Échapperait-il encore une fois au châtiment de ses crimes?
Ne tenant plus en place, Gabriel se leva et fit quelques pas jusqu'au cockpit, observant à travers le vitre l'espace au dehors. Ses yeux se plissèrent, agressés par la lumière solaire, et il recula légèrement pour retrouver le confort de l'ombre.
Le système stellaire était formé d'étoiles jumelles, emprisonnées dans une étreinte gravitationnelle mortelle. La plus grande dévorait sa "sœur", lui arrachant des nuages de matières qui s'étendaient sur des milliers de kilomètres. D'ici quelques siècles, il ne resterait qu'un unique astre massif et instable, ce qui rendrait sûrement le système impropre à toute colonisation... Mais pour l'heure, les mondes créés par ce fantastique phénomène étaient encore habitables, à condition de ne pas être exigeant.
La planète où se trouvait l'une des bases secrètes de Bane était dangereusement proche des deux étoiles. Les rares installations devaient être profondément enterrées pour résister aux conditions environnementales dantesques; en effet la rotation très lente de ce monde faisait durer chaque jour solaire un mois standard complet. La face diurne était un désert brûlé tandis que la nocturne vivait dans un froid glacial. Un enfer aux deux visages, alternant entre deux extrêmes insupportables.
-C'est calme, observa Gabriel.
-Le calme avant la tempête, prédit Hybris.
Le jeune homme acquiesça en silence. La flotte d'Alastair s'était embusquée dans l'ombre de la planète. Elle comptait une centaine de vaisseaux de ligne et leurs escadrons de chasseurs, une force réduite mais suffisante. Bane avait dispersé les survivants de sa flotte en petits groupes pour tenter d'échapper au courroux de ses ennemis. Mais sa fuite et ses ruses s'achèveraient ici... Sans ravitaillement, il ne pourrait quitter le système.
Gabriel serra à nouveau le poing. Ses pensées le ramenaient inlassablement à Bane et au combat à venir.
Heureusement un voyant se mit à furieusement clignoter, le distrayant à nouveau de ses pensées.
-Ils arrivent, annonça Hybris.
-Pas trop tôt, lâcha Gabriel. Eh, Quincey...
Mais le mercenaire s'était déjà levé. Il tira une poignée intégrée à une cloison, déployant une table électronique dans un méchant grincement. L'affichage tressauta et il lui infligea un violent coup de poing, ignorant la grimace d'Hybris.
Un quadrillage radar s'afficha sur l'écran, prouvant l'efficacité des méthodes de réparation de Quincey.
La flotte d'escorte de Bane comptait une quarantaine de vaisseaux lourds et venait d'émerger de l'hyper-espace. Celle d'Alastair ne perdit pas de temps, adoptant aussitôt une trajectoire d'interception.
Les symboles sur l'écran ne pouvaient retranscrire la violence de la bataille qui s'engageait et on en était réduit à l'imaginer; toute une flotte se ruant au contact de l'ennemi, hurlant vengeance pour un million de morts et cent mondes ravagés par le Sith et ses adeptes. Les anciens libératiens ne feraient pas de prisonniers. Pas aujourd'hui.
-Bane doit être au cœur de sa formation, déduisit Quincey en pointant un vaisseau de classe destructeur.
Son œil expert lisait la carte comme la page d'un livre familier. Il avait étudié et vécu la guerre avant même d'être un adulte... C'était son milieu naturel. Après tout on l'avait élevé pour ça.
-Alors allons-y! lança Gabriel. Hybris, tu nous amène là-bas et on fait la peau de cette ordure de Sith.
La pilote fit la grimace. Plus d'une dizaine d'escadrons de chasseurs se livraient un féroce affrontement alors que les vaisseaux de ligne s'échangeaient des bordées en se rapprochant. Les premiers bâtiments commençaient à sombrer, leurs boucliers neutralisés laissant leur coque à la merci des canons laser, des torpilles et des obus qui se déchaînait entre les deux flottes.
Malgré la distance on voyait les tirs et les explosions à l'œil nu.
-Il y a encore trop de vaisseaux Sith pour que je puisse y arriver sans casse... lâcha-t-elle prudemment.
-De toute façon, notre mission est seulement de nous assurer de la mort de Bane, pas de foncer tête baissée dans la mêlée, compléta Quincey. Alors on reste là et on observe.
Gabriel n'en croyait pas ses oreilles.
-Tu déconne là?! Bridget nous a envoyé tuer Bane! Comment on est censé y arriver en restant ici!?
-Bridget a dit qu'elle voulait voir la cible morte, lâcha le mercenaire d'un ton calme mais sans réplique. De toute façon on ne tuera personne si on se retrouve éparpillés en poussière stellaire par un missile.
Le jeune homme serrait les poings si forts que ses phalanges avaient blanchies.
-Hybris pourrait... commença-t-il.
-Non, coupa Quincey. Le vaisseau reste dans la zone de sécurité et on intervient que si c'est absolument nécessaire. Si tu tiens tant que ça à te faire tuer, tu n'as qu'à prendre une combi et nager jusque là bas.
À court d'arguments, Gabriel tourna les talons. Au comble de la frustration il frappa un violent coup de poing dans la cloison blindée.
-Eh le vaisseau n'y est pour rien! protesta Hybris.
Il lui jeta un regard noir et se laissa tomber sur un des sièges inconfortables du chasseur, croisant les bras sur sa poitrine.
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