10. La bataille de Terranie - sixième partie

Plutôt que d'installer mon quartier général au sol je préférais diriger la bataille depuis un vaisseau amiral. La salle des opérations du destructeur offrait une liaison sécurisée avec les forces alliées tandis qu'une cinquantaine d'officiers assuraient la coordination, le filtrage des informations et la transmission de mes ordres.

Les murs projetaient la vision des caméras extérieures du vaisseau et un hologramme de Terranie mesurant plusieurs mètres de haut occupait le centre de la pièce.


Assis sur un trône capable de graviter autour de ce champ de bataille virtuel grâce à un rail, je surveillais les données avec impatience.

J'avais déjà prévu le moment et le lieu où débuterait la bataille de Terranie. Or la deuxième flotte venait de quitter Csillia, et les vaisseaux alliés approchaient de leur seuil de saturation. De son côté, Piepie avait préparé son armada. C'était maintenant qu'il allait...


-Mon seigneur contact radar longue portée, indiqua un officier opération alors que l'information apparaissait sur l'holo-carte sous forme d'un triangle rouge menaçant.


D'un geste j'affichais le détail de la flotte d'attaque. Un unique traqueur, suivit à quelques secondes de délai par une vingtaine de croiseurs. Ils seraient là dans une demi-heure, bien avant l'arrivée de la deuxième flotte.

Cette escadrille n'avait aucune chance d'endommager les défenses et Piepie le savait. Alors pourquoi, intimidation? Non. Plutôt une diversion.


-Détachez vingt traqueurs de la flotte d'escorte pour interception, ordonnais-je, pensif. Qu'ils restent hors de la distance d'engagement, et assurez vous que la nouvelle n'arrive pas à la surface. Une émeute ne serait vraiment pas dans note intérêt.

-Oui mon seigneur.


Cette force suffirait largement à anéantir les assaillants mais restait assez modeste pour la perdre en cas de piège.


-Mon seigneur, la flotte principale ennemie s'est mise en route pour Terranie, indiqua un officier d'un ton grave. Délais avant attaque; deux heures et vingt sept minutes.


Cette fois la menace n'avait plus rien à voir avec une escadrille de diversion; la flotte de Piepie comptait presque trente mille vaisseaux de ligne. Sans doute autant de chasseurs et de transports de troupes...

Au vu du timing, la deuxième flotte disposerait de moins d'un quart d'heure pour se déployer, et les simulations prédisaient que l'évacuation s'achèverait à environ soixante pour cent de la population hors planète, quasiment à saturation des vaisseaux de réfugiés. Piepie avait parfaitement calculé le moment de son attaque.


Je levais la tête des données et observais les officiers. Tous s'appliquaient à leurs tâches, l'air déterminé. Une nouvelle attente commencée, minutée impitoyablement mais remplie d'actions à accomplir. On était enfin libérés de l'incertitude et de l'inaction.


-Ouvrez une connexion vers tous les commandants, ordonnais-je.


Il fallut quelques secondes pour qu'une douzaine de fenêtres de communication ne s'ouvrent devant moi; Terrane, S3th et Alastair ainsi que l'amiral Kress, ses quatre commandants, l'amiral Verla, le général Scrubs, Varig et le chef de la garde fondatrice étaient connectés.


-Messieurs l'ennemi s'est mis en route, lançais-je. La bataille de Terranie commencera dans deux heures et vingt six minutes. Les pirates tenteront probablement de perpétrer des sabotages d'ici là. Une flottille ennemie sera là dans une demi-heure mais j'estime qu'il s'agit d'une diversion. Rapportez toute activité suspecte; pour le reste, tenez vous en au plan et nous remporterons la victoire.

-Et pour la population civile? demanda Terrane.

-Comme prévu on cesse les évacuation dans moins d'une heure. Les transports restants achemineront les civils vers les mines réaménagées. En comptant la population déjà évacuée hors planète on devrait atteindre les 90% de personnes mises à l'abri.


Le président fronça les sourcils.


-Ça fait 300 millions de personnes abandonnées à leur sort!

-La plupart sont trop loin des centres urbains ou refusent de partir. On a pas les ressources nécessaires pour s'en préoccuper.

-J'ai personnellement suivit les travaux et vos abris miniers résisteront un moment aux frappes orbitales, précisa Alastair. Quant aux autres, croyez en mon expérience l'ennemi ne gaspillera pas ses munitions à bombarder chaque village perdu. Il visera les villes.


Terrane se contenta d'acquiescer, l'air soudain lointain. Pour l'ancien leader des libérateurs, le génocide d'une planète n'avait rien d'une vue de l'esprit; c'était un problème concret, connu. Le président n'aurait jamais cru se trouver un jour à sa place.


-Sachez que quoi qu'il arrive à Terranie et à moi, les survivants n'oublieront pas qu'ils vous doivent la vie, déclara-t-il. Sans vous tous...


Sa voix se brisa. Il se redressa soudain de toute sa hauteur et salua raidement, peu habitué aux démonstrations martiales.

Mes commandants furent les premiers à lui rendre son salut, mais à la mode thrawnienne, imités avec un temps de retard par le chef de la garde fondatrice et Alastair, doigts tendus sur la tempe. S3th quant à lui se contenta d'un signe de tête mais emprunt d'un profond respect.


-Bonne chance à tous, lança le président avant de couper la connexion.


Je laissais les uns et les autres retourner à leurs taches. Maintenant que nous savions combien de temps nous avions, les choses allaient s'accélérer.


Bien que persuadé qu'il s'agisse d'une diversion, j'observait soigneusement les mouvements de l'avant garde ennemie. Un traqueur seul, puis dix croiseurs à moins de dix secondes de délai. Pourquoi cette formation absurde? Cela m'échappait. Tandis que la force ennemie approchait je revérifiais mes simulations et mes plans de bataille.


Quand le  premier traqueur ennemi émergea enfin de l'hyperespace, j'avais ouvert un canal direct avec le capitaine Roah, dirigeant l'escadron que j'avais envoyé "accueillir" les pirates.


-Communication sur une fréquence ouverte, indiqua aussitôt l'officier.


Un écran s'ouvrit sur mon interface. On y voyait un homme blessé au front, portant un scaphandre de survie sans son casque. Derrière lui une passerelle semblait avoir été le théâtre d'un féroce combat. Certaines consoles vomissaient des étincelles et un corps inerte était adossé à une cloison marqué par une large éclaboussure sanglante.


-Ici l'agent Nico du Bureau de la Sécurité Impériale, ne tirez pas! J'ai réussi à m'emparer de ce vaisseau avec des infos secrètes sur la flotte d'invasion, mais l'équipage tente d'en reprendre le contrôle et je suis poursuivi...

-Émergence des croiseurs, signala un opérateur. Ils ouvrent le feu sur le traqueur.

-Le vaisseau semble déjà touché et sa propulsion montre des signes de faiblesse, indiqua le capitaine Roah. J'avance pour le couvrir.


Je posait mon index sur ma tempe, pensif.


-J'ai besoin d'une assistance immédiate! cria Nico avec un regard par dessus son épaule. Le vaisseau est lourdement endommagé, les boucliers vont flancher dans...

-Enfin une manœuvre créative, observais-je à haute voix. Capitaine, détruisez ce traqueur puis ses poursuivants je vous prie.


L'officier ne sembla pas surpris, et n'hésita pas une seconde.


-À tous les vaisseaux, feu à volonté sur ce traqueur, ordonna-t-il. Détruisez-le!


Les tirs des canons laser poignardèrent le malheureux vaisseau, qui accéléra brusquement dans un dernier sursaut avant d'imploser. La fenêtre de communication avec "l'agent Nico" disparue aussitôt.

Soudain un éclair de lumière enveloppa le vaisseau avant d'enfler démesurément, engloutissant ses poursuivants. Plus éloignés, mes traqueurs furent frappés par l'onde d'énergie qui les projeta en arrière. Les boucliers tinrent bon de justesse mais deux appareils de la formation se percutèrent.


Quand la lumière de la détonation s'affaiblit, il ne restait des croiseurs que des débris éparpillés. Mes traqueurs avaient eu plus de chance, mais les rapports indiquaient que le blast avait endommagé plusieurs des systèmes. Quant aux deux vaisseaux qui s'étaient percutés, les dommages seraient sans doute irréparables. 


-Cible détruite mon seigneur, indiqua le capitaine Roah. Je ne sais pas ce que c'était, mais c'était puissant.

-Une bombe à anti-matière, indiqua un officier de la salle de commandement.

-Quels sont vos ordres? demanda le capitaine en rajustant son uniforme.


J'avais déjà redirigé mon attention vers la carte tactique.


-Récupérez les équipages ayant besoin d'assistance, réparez les dommages et rejoignez la formation.

-Oui mon seigneur. Pour l'Empire!


La fenêtre de communication se referma.

Le piège était grossier, beaucoup trop. Une fréquence ouverte pour un agent du BSI donnant un nom vague sans aucun code d'authentification? Sans compter que l'antimatière gaspillée valait bien plus que les vingt traqueurs qu'elle aurait permis de détruire... Même en étant très optimiste ce plan n'avait que peu de chance de causer de vrais dégâts à mes forces.


Non Piepie avait sacrifié ce premier pion dans un autre but. Une belle explosion, une victoire facile... Il voulait que je me sente en confiance, supérieur. Et que grisé par ma supériorité je ne vois pas le véritable coup venir frapper en plein cœur.

J'ouvrais une nouvelle fenêtre de communication.


-Amiral Verla? La flottille ennemie a été détruite. Quoi que ce soit d'anormal de votre côté?

-Non mon seigneur. L'évacuation se poursuit comme prévu.

-Et le blocus?

-En place selon vos ordres au dessus du bouclier planétaire.


L'officier semblait pressé, et il était certainement occupé par ailleurs. Mais j'étais certain que quelque chose se tramait.


-Refaite des scans, revérifiez l'identification des vaisseaux de réfugiés et doublez les patrouilles de chasseurs en vol atmosphérique. 

-Oui mon seigneur. Que doit-on chercher?

-Vous le saurez quand vous l'aurez trouvé.


Pris d'une subite inspiration, j'initiais une autre communication.


-S3th? J'aurais besoin de ton aide.


Mon vieil ami était venu à bord de son vaisseau amiral, le Dédale. À l'origine c'était un bâtiment scientifique dédié à l'exploration malgré son armement propre à dissuader tout opposant de lui chercher des noises.

De ce fait il disposait de plusieurs technologies avancées ou au contraire très anciennes qui lui offraient des capacités inédites au sein de la Triplice.


-Je peux faire ça, lâcha-t-il après que je lui ai expliqué brièvement la situation. Commandant Treny?

-On s'en occupe déjà.


Les secondes parurent s'écouler plus lentement.


-Thrawn? lança soudain S3th. Tu avais raison. Le Dédale a détecté une signature hyperspatiale furtive. Une dizaine de vaisseaux camouflés, on essaie de les retrouver.

-Inutile de les chercher, je sais où ils vont. Ils visent le bouclier planétaire.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top