Chapitre 3

Julius en était à là de ses réflexion quand il se rendit compte que ses pas l'avaient mené à l'entrée de la salle nulle-part. Ce qui était assez ironique aux vues de la situation. Néanmoins, mu par une certaine nostalgie, l'Elitien se laissa guider par de vagues souvenirs qui lui disaient de franchir prudemment un mur qui n'était en vérité qu'une illusion. Une fois cela fait, il se retrouva dans une pièce exigüe qu'il ne pouvait traversait qu'en se penchant. Malgré cette gêne, il continua d'avancer jusqu'à un renfoncement rempli de dessins.

Le mur des succès.

Dessus était gravé à jamais toutes leurs victoires qu'elles soient académiques ou personnelles. La plus veille esquisse était une biche avec quatre jambes et demie car Robin avait commencé à en tracer une cinquième quand il leur avait demandé :

— La Foudre fantôme a combien de pattes ?

— Quatre, avait répondu Louis avant de demander en attendant son camarade jurer. Mais pourquoi ?

— Je sais qu'en plus d'être argentée, elle a un truc différent des autres biches.

— Elle a des bois, avait indiqué Julius.

— Merci ! avait répondu Robin avant de se remettre à son travail.

Intrigué ses deux camarades s'était penché pour mieux comprendre ce qu'il faisait.

— Tu penses que la dessiner va te porter chance en amour ? l'avait alors interrogé Louis.

— Non, mais on a réussi son épreuve ! Ça mérite d'être gravé dans la pierre.

— Etant donné que c'était surtout un coup de chance, je ne suis pas sûr ! avait rétorqué Julius.

— En plus, c'est idiot de la dessiner là ! avait renchéri Louis. On le voit à peine ton gribouillage.

— Et alors ? avait répliqué Robin légèrement vexé.

— A quoi ça sert de faire un dessin indiquant qu'on a réussi l'épreuve de la Foudre fantôme puisque personne ne le verra ?

— Pour qu'il reste quelque chose de nous ! avait rétorqué Robin. Vu comme on est parti, on se fera surement virer avant d'être apprentis et même si on parvient à devenir Elitien, on oubliera sans nul doute comment était notre scolarité mais au moins, il y aura ça.

Julius se rappelait comment cette déclaration l'avait laissé perplexe à l'époque mais à présent il comprenait mieux ce qu'avait voulu dire Robin dans leur enfance. Peut-être malheureusement car les choses avaient compté avant de disparaitre en ne laissant que des souvenir pour réconfort.

Dans certains moments, cela suffisait, il y repensait doucement et souriait ou en parlait à Robin pour qu'ils s'en amusent ensemble. Dans d'autres, tout paraissait lointain, Julius avait presque l'impression d'avoir rêvé ces souvenirs ou de se les être approprié alors qu'ils appartenaient à quelqu'un d'autre. Comme si tout cela n'avait jamais existé, comme si la personne qu'il était devenu en fréquentant l'Elite n'avait jamais exister.

A dix-sept ans, alors qu'on venait de l'informer de son exclusion temporaire, cette peur s'était finalement révélé tétanisante et semblait se répercuter dans chacun de ses muscles. Peut-être était-ce pour cela qu'il avait en premier lieu frapper Louis. Bien plus, que de balancer des vérités méchantes, le garçon en avait révélé une terrifiante qui avait continué à le ronger bien après la bagarre, le menant même à la deuxième dispute la plus importante de sa vie.

Ainsi, peu après sa sortie du bureau du directeur, Robin était venu le voir pour comprendre ce qu'il s'était passé ce qui l'avait évidemment braqué.

— Pourquoi cela t'intéresse ? Tout à l'heure, on ne devait pas s'occuper de la rupture entre Armance et Louis et maintenant il serait essentiel de savoir pourquoi une bagarre a éclaté entre nous ?

— C'est différent ! s'était piteusement défendu Robin.

— En quoi ?

Mais il le savait très bien. Il y avait un écart énorme entre rompre avec une personne et se battre avec elle. Seulement, il n'était pas prêt à l'admettre, pas prêt à assumer le fait qu'en lançant les hostilités, il avait endossé le rôle de méchant dans sa propre histoire.

Robin devait s'en doutait car pesant soigneusement ses mots, il expliqua :

— Je me fiche pas mal de savoir qui a commencé ou qui a frappé le plus fort mais tout ce que je sais, c'est que si ça a dégénéré comme ça, c'est qu'il y a une bonne raison. J'aimerais juste comprendre.

Te comprendre ! renchérissaient des mots que seul son regard prononçait.

Malheureusement...

— Qu'est-ce que tu pourrais y comprendre ? avait riposté Julius dans un rire amer. Qu'est-ce tu pourrais comprendre à cette dispute ? Ou à ce que je vis ? Pour toi, le comportement égoïste et orgueilleux de Louis est au pire ennuyant ! Tu n'as pas à t'inquiéter de te retrouver tout seul y aurait toujours ton frère et tes cousins ! Tu n'as jamais eu à t'inquiéter des punitions, tes parents s'intéresse à peine à...

Pour la deuxième fois de sa journée, l'apprenti s'était interrompu soudainement en se rendant compte de la cruauté de ses propos. Les yeux baissés, il s'attendit à ce que son ami lui rétorque le même genre de méchanceté que lui avait offert Louis un peu plus tôt. Et il aurait d'ailleurs eu raison. Mais, justement, des années avec son frère et ses cousins, sans adultes pour les superviser vraiment, lui avait pris une chose : tout coup renvoyé finissait par nous retomber dessus encore plus violement. Mieux valait se prendre une fois, le ballon dans les genoux que de le recevoir dans la tête après l'avoir balancé dans les côtes de son adversaire.

Les poings néanmoins serrés par la colère, Robin s'était contenté de lancer :

— Tu as beau te plaindre du comportement de Louis mais je ne pense pas que tu sois si différent de lui.

Puis il était parti.

Bien sûr, il était revenu. Plus tard quand la tempête qui faisait rage en Julius s'était enfin estompé. Quand sa vie était redevenue assez calme pour que tout tentative d'approche ne soit pas vu comme une agression. En fait, Robin n'était jamais vraiment parti mais il avait attendu que son ami puisse pleinement accepter son retour.

Peut-être était-ce pour cela qu'il ne s'était jamais inquiété de la rupture de Louis et Armance ou du fait que cette dernière ne voulait plus leur parler.

Contrairement à Julius, Robin avait confiance en l'avenir.

Qu'importe que leur groupe ait volé en éclat, il savait que rien n'effacerait les moments d'amitié et de bêtises vécus et qu'un jour, ce seraient ces mêmes souvenirs associés à la sagesse des années passés qui leur permettraient à tous de se retrouver.

Julius en était à là de ses réflexions quand Robin fit justement son apparition dans la salle nulle part. Enfin, il se contenta de passer la tête à travers l'illusion de mur en pestant contre l'étroitesse de l'endroit. Malheureusement, bien avant que le groupe ne se sépare, ils avaient dû renoncer à cette cachette car Robin ne pouvait plus y entrer.

— Attend, je sors ! indiqua Julius en s'exécutant.

Une fois dehors, l'Elitien fut arrosé par une gerbe d'eau qui rappela à sa mémoire la deuxième raison de leur abandon de l'endroit : situé près de la galerie des gouffres, il y avait peu de chance que quelqu'un ne trouve leur refuge mais revenir trempé de la moitié de leurs expéditions leur avaient malheureusement valut de nombreux problèmes ainsi que de sacrés rhumes.

Robin qui avait d'ailleurs dû passer un petit moment sous les éclaboussures à chercher l'illusion de mur, tremblait légèrement de froid quand d'un signe de mains, il proposa à son ami d'aller parler plus loin.

— Armance veut vous voir, expliqua-t-il à Julius une fois à l'abri.

— Vous ? Donc avec Louis ? demanda l'Elitien en maudissant l'hésitation dans sa voix.

— Après il y ai allé directement, donc si on traine un peu, y a des chance pour qu'il se dispute avec Armance et reparte avant notre arrivée.

Cette tentative d'humour ne fit malheureusement pas mouche. Car le problème bien que Louis en face parti, était bien plus important. Julius avait fait preuve d'agressivité dans un combat qui aurait simplement dû être amical. Si Armance le convoquait... les convoquait, cela voulait dire qu'elle avait au moins vu que quelque chose n'était pas normal.

Tout le monde a adoré ! répéta dans sa tête la voix de Louis.

Tu parles ! Encore une belle bêtise !

La contrariété de Julius devait se lire sur son visage car posant une main sur son épaule, Robin lui demanda si ça allait.

— Très bien ! marmonna son ami en se dégageant. Nous sommes convoqués avec Louis pour nous être battu ! Pour peu, je croirais avoir de nouveau dix-sept ans !

Vu les sarcasmes utilisés, cela montrait au contraire que cela n'allait pas du tout. Car il y avait eu cette fichue agressivité et que paradoxalement Julius se sentait aussi vulnérable que lors de sa dernière dispute avec Louis.

— Le combat n'a pas dégénéré, lui rappela Robin avant d'ajouter prudemment. Mais Louis a aussi parler de ce qu'il s'était passé quand vous aviez dix-sept alors peut-être que vous devriez discuter de cela...

Et tout le reste, semblait-il aussi sous-entendre.

Ne voulant cependant pas braquer son ami, le géant reprit à la place :

— Et personne ne t'en veut. Si Armance veut vous voir, c'est sans doute bien moins par colère que par inquiétude.

Ce qui finalement n'était pas des plus rassurant et s'en rendant compte le géant rectifia :

— Enfin tu vois, elle était bien plus Armance que Comtesse Dacourt ou Mme La directrice.

La réplique arracha cette fois-ci un vrai sourire à Julius car il voyait parfaitement ce qu'avait voulu dire son ami. Bien avant de s'éloigner et de devenir Capitaine, directrice ou même Elitiens, ils avaient tous étaient des adolescents passant leur temps ensemble point de pratiquement sentir physiquement quand l'un d'eux avait un quelconque problème personnel. Evidement, ce sixième sens avait disparu avec leur quatuor mais il revenait quelque fois comme une chanson que l'on n'a oublié depuis longtemps mais dont une partie du refrain remonte par moment à la surface. Alors, il y avait des regards qui exprimaient des mots qu'aucuns d'eux n'arrivaient à dire maintenant qu'ils étaient adultes. Des regards de soutiens, de complicité, camaraderie et d'amitié. Des regards vivants mais fatigués d'un passé fabuleux qu'ils avaient mis au placard en grandissant. Des regards qu'on étouffait car ils exprimaient justement un passé qui avait disparu. Et peut-être était-ce là la source de tous leurs problèmes : à trop vouloir oublier à quel point leur amitié passé était solide par rapport à celle qu'ils avaient à présent, ils avaient tout simplement abandonné l'idée de la retrouvé. Pourtant ils étaient tous là et finalement rien était véritablement perdu.

— Pourquoi souris-tu ? lui demanda Robin.

— Rien, je viens de repenser à comment on avait réussi notre première épreuve.

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