Chapitre 1

15 ans plus tard.

Une fois sorti de la galerie des Chandelles, Julius accéléra le pas. Il voulait s'éloigner de tout et en particulier de Louis. Ce dernier ne semblait cependant pas décidé à lâcher son ami. Tentant donc de le suivre à travers les couloirs, il s'exclamait :

— Attend moi ! Est-ce que ça va ?

— Oui, il n'y a rien ! Désolé pour le combat !

— Comment ça ? Tout le monde a adoré !

Entendant cela, Julius s'interrompit en plein milieu d'une galerie. Louis en profita donc pour rejoindre son ami et le découvrit tremblant. Certainement de rage envers lui-même.

— On sait tous les deux que ce n'était pas que du spectacle ! cracha l'Elitien d'une voix roque alors que son ami posait maladroitement sa main sur son épaule.

— Allons ! commenta ce dernier dans un petit rire nerveux. Ça ne serait pas la première fois que nous en venons à nous battre.

— Justement, riposta Julius en se retournant violement. Je parle, tu ne m'entends pas. Je cris, tu ne m'écoute pas. Je te blesse, tu me regardes ! Peut-être que cela t'amuse car... Je suis la seule personne à aller aussi loin pour m'opposer à toi ou que-sais-je mais moi je n'ai plus envie d'être cette personne ! Laisse-moi maintenant !

Et sur ce, il partit.

Louis, bras ballant tenta de trouver quelque chose, un mot pour retenir son ami ou s'excuser mais rien ne vint. Il y avait comme un gouffre entre eux, brèche qui depuis leur adolescence n'avait jamais vraiment su cicatriser et Louis se savait en grande partie responsable de celle-ci. Dans son orgueil et sa volonté de sauver l'Elite des Estaffes, il s'était isolé de ses amis sans se soucier de les blesser. Evidement, cela n'avait pas été vint, le serment rouge avait été signé et la paix était revenu. Néanmoins, le jeune homme avait aussi beaucoup perdu dans le processus : notamment Armance de façon définitive et partie de l'amitié Julius qui avait failli le quitter de façon encore plus définitive.

A cette pensée, un horrible souvenir tenta de remonter à la surface. Louis l'étouffa sans parvenir à le faire totalement disparaitre. La réminiscence s'effaça néanmoins légèrement quand quelqu'un interpella le capitaine dans son dos. Se retournant, il découvrit Robin un peu essoufflé qui avait dû les chercher partout dans l'Elite.

— Où est Julius ? demanda le nouvel arrivant.

— Partie ! répondit Louis. Pourquoi ?

— Armance le cherche... expliqua alors l'Elitien avant d'ajouter. Plus précisément, elle veut vous parler à tous les deux ! A mon avis, vous allez vous faire tirer les oreilles !

— Ok ! murmura Louis.

Se retournant, il allait partir vers le bureau de la jeune femme quand Robin le saisit par la manche :

— Tu veux en parler ? lui demanda-il avant de préciser sa pensée. De ce qu'il s'est passé avec Julius.

— Il n'y a pas grand-chose dire. J'en ai fait qu'à ma tête et je l'ai blessé.

Ce qui était vrai. Julius l'avait peut-être physiquement attaqué en premier mais Louis le blessait depuis plus longtemps encore : en l'ignorant, faisant comme s'il n'avait besoin de lui, pire que son aide gênante. Face à cette attitude et ce mépris, la plupart des gens adoptait en général deux approches : laisser tomber ou imposer au capitaine de l'Elite des directives qu'il ne suivrait sans doute jamais. Seul Julius discutait, parlementait, débattait, implosait intérieurement, criait ses quatre vérités à Louis et se battait avec lui. Seul Julius n'abandonnait jamais l'idée de faire changer Louis d'avis. Seul Julius s'entêtait à essayer de le comprendre, même si c'était naïf, vain ou qu'il finissait totalement détruit dans le processus.

Cette fois-ci, le souvenir qu'avait tenté d'étouffer Louis s'imposa avec force à ce dernier.

C'était quelque jour après sa bagarre avec Julius. Ce dernier était exclu pour un mois mais Louis étant techniquement orphelin avait dû resté à l'Elite avec un nombre incalculable de corvée. Il était d'ailleurs en train de nettoyer de fond en comble la galerie des Chandelles sous la supervision de John Mid quand Arthur de Château boisé était arrivait trombe pour prévenir son ami que bien qu'étant toujours dans le coma, Julius Maxima Purple était en sécurité chez Hidalf. Evidement, entendant cela Louis s'était énervé, demandant des détails et si les Estaffes avaient attaqué son ami. Au vu de la situation, les deux adultes avaient hésité à lui révéler ce qu'il s'était passé avant que John Mid ne se contente de dire que le séjour Julius chez ses parents avait été plus qu'éprouvant pour lui.

Ce qui était un euphémisme voulant à la fois tout et rien dire. Louis n'avait d'ailleurs jamais su si son ami avait cherché à se tuer ou s'il avait été victime de violence physique. Et peut-être que cela n'avait finalement pas vraiment d'importance. La seule chose qui en avait été que la propre famille de Julius avait failli le menait à sa mort et qu'indirectement, Louis par ses commentaires et son comportement avait permis à cette opportunité d'arriver. A dix-sept ans, le jeune homme n'avait cependant su accepter ce fait. Ainsi, il avait intérieurement reproché sa convalescence à Julius et n'avait pas chercher à lui envoyer de lettre ou à communiquer avec lui. Leur amitié n'avait réussi renaître de ses cendres seulement par le concours de Robin qui à force de ruse et de patience avait su pousser ses deux camarades à se reparler.

Et pourtant, à cause des Estaffes, Louis était encore une fois en train de tout gâcher.

— Je ne pense pas qu'il t'en veuille, commenta Robin qui devait lire dans ces pensées.

— Il était vraiment en colère cette fois.

— Il devait surtout culpabiliser.

C'était bien vrai. Alors même que ces reproches étaient justifiés et que le duel s'était bien passé, l'une des premières choses qu'avait fait Julius quand il avait daigné parler à Louis avait été de s'excuser pour cette agressivité qui avait explosé pendant le combat.

— Je veux juste que ça ne se termine pas comme quand on avait dix-sept ans, soupira Louis.


— Ce que je veux dire, c'est que je n'ai pas envie qu'avec Julius, on arrête de se parler pendant des années à cause de cela.

— Il y a peu de chance que ça arrive, répéta Robin.

Louis allait protester mais son ami précisa alors sa pensée :

— Nous avions dix-sept ans, c'était la guerre contre les Estaffes, l'école était dangereuse et la moitié du temps les adultes nous laissaient tomber. Nous vivions dans un monde inquiétant et nous voulions juste survivre : aux Estaffes, à l'école, à nos familles... Alors oui, nous n'avons pas agis comme il fallait : tu t'es isolé, Armance t'a largué et a fait une croix sur son amitié avec nous et j'ai fait l'autruche car c'était plus facile. Mais, on avait sans cesse peur et les réactions qu'on a eu sont celles qui nous paraissaient les plus sécurisantes. Aucun de nous n'aurait pu mieux agir car aucun nous n'avait les clefs pour mieux agir. Car quand tu nais dans une famille difonctionnelle en plein période de conflit, personne ne t'explique comme maintenir à flot une relation amical alors que tous deux jours un camarade de classe meurt.

L'Elitien s'interrompit alors une seconde pour reprendre son souffle avant de continuer :

— Mais nous avons grandis, nous avons fait des erreurs et nous en avons tiré des leçons pour devenir des meilleures personnes. Ça ne recommencera pas comme quand nous avions dix-sept ans, car justement, nous n'avons plus dix-sept ans, nous ne sommes plus des adolescents apeurés que le monde abandonne et piétine. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, ça fait toute une différence.

Il finit sa phrase avec quelques larmes mais à vrai dire Louis n'y fit pas attention, impressionné qu'il était par le discours de son ami qu'il ne savait pas si sage et observateur.

— Bon, Armance va finir par vraiment s'impatienter et on aura tout gagné ! commenta finalement Robin dans un petit rire gêné. Tu la rejoins et je vais chercher Julius ?

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