Hors du temps - À mi-chemin.

— Le monde était rempli de beauté. Le monde était magnifique. Mais l'Homme est destructeur. L'Homme a tout détruit. Maintenant, il reste la beauté de nos cœurs. Elle sera toujours là. Où que vous soyez, qui que vous deveniez. La beauté se cache bien souvent. La beauté, c'est la vie, c'est un instant, un sourire, un rire, une étreinte, un moment, un adieu...

Le volume de ma voix baisse progressivement et je m'arrête enfin. Selma n'a pas bougé, elle n'a même pas tressailli. Je me trompais, elle est bien plus forte que moi à son âge.

Je fixe l'un des hommes dans les yeux une fraction de seconde. Ils sont là pour nous éradiquer, notre communauté, la branche malade de l'arbre. Nous ne pouvons pas nous défendre contre une telle puissance de feu.

Les crans de sécurité sautent dans un bruit secs. Des enfants regardent autour d'eux, hébétés, comme s'ils s'éveillaient d'un songe. Mais ils n'ont pas le temps de reprendre leurs esprits. Les balles les transpercent de part en part sans qu'ils ne laissent un seul cri s'échapper.

Selma soutient mon regard tant qu'elle peut. Je vois une tâche rouge se former sur son tee-shirt et tout ceci dans le plus grand des silences. Il n'y a pas de musique dramatique qui ne conviendrait de toute façon pas à cette scène. Le silence est le gong de la mort.

Boum !

Mon cœur bat encore. Il résonne furieusement à mes oreilles. Le silence est parti, remplacé par les frémissements frénétiques de mon organe le plus vital. Et soudain, mon regard détecte un mouvement pile en face de moi. L'homme que je n'ai pas quitté des yeux et qui semble être le chef, baisse son arme.

Boum !

Égoïstement, comme l'est tout homme à cet instant suprême, j'espère ma survie. Mais ce battement était le dernier. Ce n'est pas le chef qui a tiré mais un de ses sbires. Je ne baisse pas le regard, Selma non plus. Et pourtant, nous savons toutes les deux que nous sommes mortes.

Et alors que je pense qu'il n'y a plus rien à espérer de la vie, elle articule un mot silencieux, un mot que je lis mieux dans son regard que sur ses lèvres.

L'enfant est plus humain que l'adulte. C'est désormais chez moi une certitude. L'enfant n'est pas égoïste, l'enfant ne doute pas. L'enfant espère, l'enfant vit, l'enfant profite, l'enfant mérite. Il mérite la vie dont l'adulte le prive.

Ses yeux m'ont juste exprimé sa gratitude. Pour mes descriptions peut-être, pour les avoir accaparés probablement, pour les avoir protégés sûrement. Au dernier moment, elle a restauré ma confiance en l'Homme. Elle m'a promis que j'avais fait le bon choix. Elle m'a juré que l'essentiel, ce n'est pas qu'ils soient morts, c'est qu'ils ne se soient pas vus mourir, qu'ils n'aient pas compris. L'essentiel n'est pas que je vive, c'est que je leur ai offert le plus beau moment de leur si courte vie. L'essentiel n'a jamais été moi, ça a toujours été les autres.

À l'heure oú j'attendais le moins de la vie, elle m'a offert un mot effacé de la langue des Hommes.

Merci.

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