Chapitre 3 : La demeure

Je ne sais pas si ma décision fut prise par un élan de curiosité ou un quelconque envoutement, mais je répondis affirmativement à cette proposition. Nous devions donc nous retrouver devant le portail de la demeure à 19 heures et, vêtue d'un épais manteau de pluie et de bottes étanches, je sortis de chez moi un quart d'heure avant l'heure du rendez-vous. Malgré le temps très mauvais, je voulais profiter de l'air frais qui m'assaillit les poumons à peine avais-je refermé la porte.

Je m'arrêtai devant le portail, observant les détails de cette architecture tellement envoutante, les galeries couvertes qui entouraient la maison, les balcons, la symétrie parfaite qui n'était pas sans me rappeler le visage de mon inconnu, qui répondait au doux prénom d'Edward. L'esprit totalement absorbé dans mes rêves, je n'entendis pas arriver l'homme et sursautais en le sentant poser une main sur mon épaule.

- Entrons, Elizabeth. Le vent est bien froid ce soir.

Lorsque nous pénétrâmes dans la demeure, je me surpris à me liquéfier non pas devant la beauté sans égale de l'intérieur, mais par le visage d'Edward qui, une fois soumis à une luminosité beaucoup plus flatteuse que les lampes jaunâtres de la bibliothèque, pouvait incarner la perfection. Je secouai la tête, comme pour me débarrasser de cette idée loufoque et me concentrai sur le mobilier d'époque et le silence pesant, comme attendant la preuve d'une quelconque présence.

- Pensez-vous réellement, Elizabeth, que des fantômes vont accourir, les portes à peine refermées ?

Le rictus quelque peu moqueur de mon interlocuteur ne fut pas sans m'intriguer. Il connaissait la légende de cette demeure alors, pourquoi ne rien m'en avoir dit avant. Nous avions passé une bonne partie de l'après-midi à discuter, et il n'en avait pas fait mention une seule fois.

Nous visitâmes dans un silence vertigineux les deux étages supérieurs, avant de retourner au rez-de-chaussée. Je pensais notre visite terminée lorsque, pénétrant dans une cuisine d'une très belle structure, des odeurs de nourriture me vinrent aux narines.

- Je ne vous ai pas tout dit de moi, Elizabeth. Edward Eastwood. Je suis le descendant du propriétaire.

Bouche-bée, je m'installais à table et le laissais me conter l'histoire de cette demeure, la tragique nuit du 19 février qui avait vu le suicide de Andrew Eastwood, les rumeurs qui courraient selon lesquelles l'homme, qui n'avait pas pu intégrer l'Au-delà à cause de son suicide, attendait depuis plus de cent ans celle qui saurait conquérir son cœur et remplacer sa défunte épouse.

- Vous ressemblez tellement à Margareth, c'est fascinant...

Ses yeux se plantèrent dans les miens et, pour la première fois en neuf jours, j'y lus une immense tristesse, proche de l'anéantissement. A ce moment précis, je compris pourquoi il m'avait semblé familier au premier abord. Edward ressemblait trait pour trait à l'unique photographie que j'avais pu contempler de Andrew. Et si...

- Il me semble, Elizabeth, que vous ayez reconstitué l'intégralité du puzzle.

Et, comme je ne répondais pas, il ajouta :

- Ne me dîtes pas que vous ne croyez pas aux fantômes, ou tout du moins aux identités surnaturelles. Vous savez qu'elles existent depuis que vous avez croisé votre tante... Prudence, après sa mort. Je sais tout de vous. Cela fait six longs mois que je vous observe, chez vous, à la bibliothèque, à l'Université. Il est temps pour moi de trouver une nouvelle âme sœur, et c'est vous que j'ai choisie. Alors, vous avez jusqu'à demain, minuit, pour vous décider.

- Me décider ? Sur quoi donc ?

- Soyez-là demain, Elizabeth, et vous saurez.

Une lumière m'aveugla quelques instants, suivie des ténèbres. Une nuit sans lune dominait l'extérieur et Edward avait disparu, comme volatilisé. 

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