Chapitre 4-Coup de vent.
Toute la nuit j'y repensais, visionnant en boucle la scène dans ma tête.Pas que Park Jimin ne soit une grande perte, loin de là, c'était l'idée d'avoir pu lui faire du mal qui me mettais dans de tels états. Je détestais pouvoir faire souffrir. D'aussi loin que je me souvienne, il m'avait toujours suffit d'un rien d'informations pour cerner une personne, comprendre rapidement quels mots pourraient se frayer un chemin entre ses défenses, et venir se planter cruellement dans son coeur.
Mon altercation avec Jimin n'était rien comparé à ce que j'étais capable de faire, et je haissais cette compétence hors du commun. La seule fois ou j'avais usé de ce don, je l'avais immédiatement regretté: L'image d'un visage qui se décompose sous la douleur le temps d'une seconde, avant de se tordre sous l'effet d'une colère incroyable est de celles que l'on oublie jamais.
La personne qui en avait fait les frais était Taehyung. Après s'être énervé si fort qu'il avait perdu le contrôle de lui même, après avoir envoyé valser sa pile de livre auxquels il tenait tant, il s'était enfermé à double tour dans sa chambre pour pleurer convulsivement pendant un très long moment. J'étais revenu vers lui le lendemain, après avoir utilisé le peu d'argent que j'avais pour acheter un vieil ouvrage sur l'univers et l'étude des planètes. J'étais rongé par la culpabilité, mais il ne m'en voulait déjà plus. Ça m'avait surement fait plus de mal qu'à lui au final, il ne se souvient plus de cette histoire alors que j'en ai été marqué au fer rouge. C'est depuis ce jour que notre amitié a réellement commencé, après qu'il ait passé un an à essayer de faire fondre mon coeur de glace.
Quand il est arrivé dans ma vie, bizarrement tout a été plus simple,plus doux. Au départ, Carol a évidemment tenté de me faire payer d'avoir osé approcher le bonheur alors que je devrais encore pleurer la mort de mes parents, elle m'attrapait presque tous les soirs et m'affublais de cicatrices toutes neuves, en répétant que s'ils étaient morts c'était de ma faute et que je méritais toutes les peines du monde. Et puis, elle avait finalement vu en mon nouvel ami une excellente chose: elle pouvait occasionnellement se débarrasser de moi en m'envoyant dormir chez lui, me cachant ainsi au reste de ses connaissances.
J'avais passé beaucoup de soirées dans la grande chambre de taehyung, au dernier étage là où il pouvait installer son materiel d'astronomie. J'adorais ces heures passées ensemble, loin de tout et proche de l'autre, sous le ciel d'été ou pendant les froides nuits d'hiver. Nous avons parlé de tout, de nos désirs les plus fous, de nos hontes les plus secrètes, nous inventant des vies quand les nôtres n'étaient plus assez intéressantes.
Et puis il y avait eu ce fameux jour. Ce jour si sombre que je ne voyais même pas à plus de deux mètres par la baie vitrée, ce jour où l'orage grondait et où Taehyung avait transgressé mes règles, ignoré mes interdictions. Ce jour où il était entré chez moi en pensant y être plus en sécurité que dehors, et où Carol l'avait trouvé la première. Ce souvenir douloureux me laissa dans la gorge un gout amer, et je pensais une fois encore que j'avais bien fait d'éloigner Jimin, définitivement.
***
Je ne put trouver le sommeil qu'après de longues heures passées à me tourner et me retourner dans mon lit, cherchant en vain une position miracle qui ferait s'envoler tous mes tourments pour me laisser dormir. Comme cette position n'existait pas, je dus me convaincre que le mauvais moment était passé, que maintenant c'était fini et que c'était mieux ainsi. Jimin allait m'oublier rapidement: je n'étais qu'un coup de vent dans sa vie, comme lui l'était dans la mienne. En deux jour il m'avait fait plus paniquer, réfléchir et mentir que Taehyung et un examen final réunis.
A croire que je pourrais lui apporter l'amour ou quoi que ce soit dans le genre (je me remémorai ses rapides caresses de la veille et déglutit sans bruit), il se trompait lourdement. Moi je ne pouvais lui apporter que des choses malsaines, qu'un tourbillon de malheurs qui s'abattraient sur ses épaules et le noieraient complètement. Comme Taehyung était actuellement en train de le faire, battant faiblement de l'aile en espérant s'en tirer. En espérant m'en tirer. Comme si quiconque dans cette histoire à part Jimin pouvait encore s'en sortir.
Je soupirais longuement. Jimin....Ce gars n'était qu'un odieux égoïste. A bien y réfléchir, depuis deux jours il n'avait fait qu'essayer de me chauffer, ou de me séduire. Pour tout récapituler depuis le point de départ, il avait commencé par me caresser la cuisse quelques heures après notre première rencontre, ce qui était aussi impoli que peu amical. Il avait ensuite démontré de la jalousie envers Taehyung, ou plutôt une espèce d'agacement du au fait que lui, le grand park Jimin, mondialement connu pour être la définition même de la sociabilité, n'arrivait qu'à s'attirer des coups de cahiers sur le crâne quand mon ami recevait mon affection sincère.
Suite à cela, il m'avait présenté à ses amis tout en agissant comme un enfant face à une sucrerie alléchante durant les deux derniers moments que nous avons passés ensemble. C'était exactement ça, j'étais pour lui une sucrerie alléchante, la plus appétissante qu'il n'ait jamais eu sous les yeux. Tous les moyens étaient bons pour m'avoir, y compris user des mots « Je t'aime » comme s'il s'agissait d'un simple « bonjour ». Me présenter ses amis n'était surement qu'un prétexte pour que je lui accorde ma confiance, je ne risquerai pas grand chose à parier qu'il ramenait ses conquêtes dans sa petite bande avant de se les faire et de les relâcher dans la nature,déboussolés, ne sachant même plus s'ils aiment les femmes, les hommes, ou seulement park Jimin et son sourire charmeur...
Le soleil était déjà en train de pointer son nez quand j'ouvris les yeux, il me restait une heure avant que le réveil de Carol ne sonne. Je me levais de mon lit, le refit soigneusement derrière moi et me dirigeais vers la salle de bain aussi discrètement que possible. Une fois la porte refermée, je retirais mon pull et me plaçais face au miroir. Je découvris alors un garçon pâle aux yeux gonflés par la fatigue. Son corps était jonché de crevasses rougeâtres qui le rendait difficile à regarder quand il ne se cachait pas derrière ses vêtements. Les marques les plus visibles étaient au niveau de sa gorge. Face à ce triste spectacle je sentis mes yeux s'humidifier.Je me sentais si lamentable, si...dégoutant. Je m'arrachais à cette vision d'horreur pour ne plus perdre de temps et partir avant le réveil de Carol.
***
J'appris le lendemain que Jimin était sorti le soir de notre « dispute ». J'entendis dix jours plus tard qu'il avait passé la semaine avec un autre garçon plus jeune que moi, et je dus affronter les regards moqueurs de chaque élève. Je ne pouvais pas faire un pas dans les couloir sans qu'on ne me fasse des remarques, je ne pouvais pas m'assoir en cour sans entendre des chuchotements à mon sujet, je ne pouvais pas avoir une seconde de silence quand j'étais en dehors de mon bureau.
« T'es bête hyuna, si Jimin ne s'intéresse plus à lui c'est qu'il a réussit à le sauter. » chuchotait l'une.
« Alors jungcoquinou, tu joues les mecs solitaires mais en fait il te faut pas grand chose pour écarter les jambes pas vrai ?» me criait un autre.
Je me contentais de baisser silencieusement la tête, et d'attendre qu'ils se lassent pour me laisser passer. Ennuyés par mon manque de réaction, ils finirent tous par peu à peu m'oublier et les rumeurs à mon sujet s'éteignirent après quelques semaines. Taehyung resta à mes cotés tout ce temps, lançant des regards mauvais à l'audience ou réclamant à ceux qu'il connaissait de gagner un peu de maturité. Je guettais chaque petit instant que je pouvais avoir avec lui, il était mon pilier devenu indispensable.
En tout, cela faisait un peu plus de deux mois que je n'avais eu aucun échange avec Park Jimin, de près ou de loin. Je ne m'en portais que mieux, tout était revenu à la normale, même Carol semblait s'être calmée. Aujourd'hui le temps était gris, il pleuvait en continu dehors. Contrairement à la majeure partie de la population mondiale, j'aimais la pluie. Surtout le mercredi. Parce que le mercredi, Carol et les enfants ne travaillaient pas, et durant les jours de pluie ils dormaient jusque très tard, je me sentais plus en sécurité avant d'aller en cour.
Je rabattis ma capuche sur ma tête et enfilait mon blouson avant de me mettre à marcher en direction du bus. Autour de moi des gens couraient, l'un d'eux me dépassa en grognant des choses inaudibles. Il était inutile de courir, ils seraient de toute façon aussi trempés qu'en marchant. En me faisant cette remarque, je vis mon bus tourner au coin de la rue et me retrouvais finalement à courir moi aussi.
Le chauffeur s'arrêta à ma hauteur. Je le remerciais, grimpais en hâte et ébouriffait mes cheveux détrempés d'une main ; de l'autre je compostais mon ticket. En me dirigeant vers le fond du bus à la recherche d'une place, je remarquais un garçon à l'allure assez sombre. Il était jeune, il avait peut être deux ou trois ans de plus que moi. Ses cheveux brun-roux étaient dissimulés sous un bonnet, il avait les mains fourrées dans les poches de son jean largement troué et son regard était fixé vers le bas. Malgré sa petite taille et sa silhouette fine, quand il leva ses yeux froids sur moi je me sentis immédiatement menacé. Je le dépassais et fut heureux de trouver un siège libre assez loin de lui. Ce gars à la veste en cuir descendit du bus deux arrêts avant moi.
Je quittais à mon tour la chaleur de ma place assise pour retrouver la pluie battante, et me remit à marcher en direction du lycée. A la seule pensée de commencer par un cour de mathématiques dont je connaissait déjà tout par cœur, je ralentis un peu le pas. Les grosses gouttes de pluie qui tombaient sur mon manteau glissaient sans pénétrer le vêtement, je n'avais donc pas froid même sous cet orage. C'était comme être immunisé à une maladie, cette perspective me rendait joyeux. Je venais à peine de commencer à chantonner quand un juron m'arrêta et attira mon regard sur la droite. Sous toute cette pluie je ne put distinguer qu'une masse noire sur le sol.
Après une courte hésitation je m'approchais, la forme noire gémit. Elle ressemblait à un homme étendu sur le flanc.
-Monsieur est-ce que je peux vous aider ? Demandais-je d'une voix mal assurée.
N'obtenant pas de réponse je m'accroupis et m'apprêtais à répéter ma question quand je reconnus cet homme. J'eus du mal à en avoir la certitude au départ car son visage était ravagé par les coups, mais après l'avoir détaillé rapidement je fut certain qu'il s'agissait bien de Jimin. La surprise me coupa le souffle et l'incompréhension prit vite le dessus. Que faisait il là, allongé dans une flaque de boue et en si mauvais état ?!
Au lieu de me poser d'avantage de questions je le redressais, il ne réagit pas et se laissa faire quand je retirais son tee- shirt. Son ventre était couvert de sang, une plaie béante traversait sa hanche. J'enlevais mon manteau sans réfléchir et le lui mit, il ne faudrait que peu de temps avant qu'il ne se réchauffe mais dans l'immédiat il avait impérativement besoin de soins.
La pluie qui s'abattait sur mes habits et ma nuque fut accompagnée par un violent coup de vent. Jimin jura quand je le relevais mais n'ouvrit pas les yeux. Je remontais la fermeture mon vêtement encore emprunt de ma chaleur corporelle et il sembla soupirer d'aise. Je passais un bras autour de sa taille et maintint le sien sur mes épaules pour l'aider à marcher, ou plutôt pour le trainer jusqu'au magasin le plus proche.
-Qu'est ce que c'est que ce bordel, demandais-je plus pour moi que pour lui.
Toujours sans penser à ce que j'étais en train de faire ou à imaginer les conséquences de mon acte, je rabattais la capuche de mon imper sur les cheveux trempés de Jimin. J'eus du mal à la maintenir en place à cause du vent. Voyant qu'il peinait réellement à marcher et que ses forces commençaient à l'abandonner je le pris sur mon dos. Sous son poids mes jambes vacillèrent un peu, mais je retrouvai bien vite mon équilibre, assez du moins pour marcher d'un pas hâté et entrer en trombe dans un supermarché.
-Il a besoin d'aide !
Mon appel résonna un instant sans que personne ne réagisse, me regardant avec des yeux ronds comme s'ils avaient à faire face à un monstre tout droit issu d'une tempête maléfique. J'insistais en criant plus fort et ils accoururent tous pour tenter de trouver une solution. Un caissier demanda comment c'était arrivé, un autre voulut savoir s'il était blessé grièvement.
L'une des clientes, une femme ronde au style soigné se porta volontaire pour nous emmener aux urgences, je passais le trajet à faire un pauvre garrot autour de la plaie de Jimin qui ne bougea même plus quand je serrais. A l'hôpital il fut rapidement prit en charge et je me retrouvais seul, trempé, à 20 bornes du lycée et sans la moindre idée de ce que j'étais supposé faire maintenant.
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