Chapitre 1- Une arrivée remarquée


-Tu es sur de toi ? Ça ne sera pas facile tu sais ?

Monsieur Iwato, directeur de ce lycée, me tendit mes autorisations en m'adressant un regard interrogateur. Sans lui répondre je me levais et saisit la paperasse, le gratifiant tout de même d'un discret remerciement avant de passer le pas de la porte et de refermer derrière moi.

Oui j'étais sur, certain même. Chaque jour de gagné dans le décompte de mes études était comme un miracle. Je venais de gagner un an, plus que 273 jours.

D'un pas nerveux je parcourais les couloirs à la recherche de la salle B23, supposée être ma classe. Les couloirs vides signifiaient que les cours avaient déjà commencé, donc j'allais faire une arrivée en grande trombe pour mon premier jour parmi mes nouveaux « camarades ». Ma main tremblait légèrement, mais c'est avec assurance que j'appuyais sur la poignée et entrais sous une bonne trentaine de regards.

-Ah, tu dois être Jungkook ?

-Monsieur Kwan, fis-je en m'inclinant respectueusement.

-Je vois que tu connais déjà mon nom. Très bien, dans ce cas...

Il se tourna vers l'ensemble des élèves, m'attirant plus en avant afin que tout le monde me voie.

-Je vous présente Jeon Jungkook. En raison de ses résultats brillants et de sa démarche personnelle, votre camarade qui a un an de moins que vous et qui côtoyait jusqu'à maintenant une classe de première va se voir intégrer votre classe, et ce pour le restant de l'année. Je compte sur vous pour l'aider à s'intégrer au mieux.

Il reporta son attention sur moi et m'adressa un sourire bienveillant.

-Tu peux aller t'asseoir Jungkook.

-Professeur, veuillez excuser mon insolence mais vous avez oublié de parler du journal, dis-je. Monsieur le directeur a beaucoup insisté sur ce point.

Il se frappa le front avec sa paume dans un claquement sec. Je fus le seul à sursauter, affrontant tour à tour des regards amusés ou étonnés par ma réaction. Ce bruit me rappelait bien trop de mauvaises choses, je m'étais laissé emporter. D'un léger pincement sur mon bras, je m'appliquais à me re-concentrer sur ce qui se passait ici et maintenant.

-Suis-je bête. Jungkook est rédacteur en chef des articles du lycée depuis cinq mois, et les heures de pause que vous avez à disposition pour vous détendre , faire vos options ou vos devoirs, lui les utilisera majoritairement pour écrire. Il a donc le droit d'utiliser l'ordinateur dédié aux enseignants. Je vous demanderai d'éviter de le déranger, c'est un travail minutieux qui demande beaucoup de rigueur. C'est d'accord ?

Quelques têtes s'agitèrent de haut en bas pour exprimer leur accord.

-Bien.

D'un geste de la main, il m'invita à disposer. Je balayais rapidement la classe du regard à la recherche d'une place libre. Une chaise sur ma gauche, une autre à ma droite, avoisinant celle sur laquelle dormait un garçon aux cheveux châtains. Sans hésiter plus d'une seconde je me déplaçais vers l'autre table, plus proche du tableau et à coté d'un garçon qui semblait travailleur. Il rougit légèrement en me voyant poser mes affaires. Tant mieux si je l'intimidais, au moins il ne me dérangerai pas pendant les cours et ne poserai pas de questions indiscrètes.

Sans un regard pour le reste de la classe, je sortis un cahier déjà bourré de notes et m'activais à noircir les pages vierges, écrivant scrupuleusement chaque explication en détail.

J'étais occupé à m'ennuyer après avoir terminé tous mes exercices quand la sonnerie retentit dans le couloir. Je jetais un coup d'œil à mon nouvel emploi du temps. Deux heures de pause avant le prochain cour, pile ce qu'il me fallait pour boucler mon article.

Immédiatement après que monsieur Kwan ait refermé la porte sur son passage, je me levais pour aller m'asseoir devant l'ordinateur, et ouvrit après quelques manipulations le numéro en cours du « journal de Satoori ». Il était impératif de le finir dans le temps que j'avais à disposition pour pouvoir le distribuer dans la foulée dès midi.

J'entendais à peine le brouhaha que faisaient les autres à mon sujet, toute mon attention était concentrée sur les pages qui défilaient sous mes yeux. De toute manière peu m'importait de savoir ce que les gens pensaient de mon attitude ou de mes excellentes notes, ces dernières étaient la clef de ma liberté. De la fin de mon enfer. De ma survie en un sens. En attendant ce moment je pouvais bien supporter quelques chuchotements sans intérêt dans mon dos.

Je déplaçais les images pour harmoniser le tout et me lançais dans une dernière relecture.

-C'est encore possible de proposer un article pour le numéro de cette semaine ?

La voix qui s'était élevée était tout près. Grave, très douce également. Cette familiarité avec laquelle on me posait la question m'irritait légèrement. Je ne m'étais jamais vraiment habitué à ce que les autres élèves parlent comme ça. Sans même évoquer la politesse de base, notre professeur avait été assez clair en disant qu'il ne fallait pas me déranger, que cherchait-il celui là ? Malgré tout, la question avait su éveiller mon attention, comme celle de la classe apparemment étant donné son silence soudain. Fixant toujours mon écran, j'attendis patiemment la suite.

-J'avais pensé écrire un article sur l'opinion que les lycéens ont d'eux même, comment ils se perçoivent eux et leurs défauts. J'aimerai mener une enquête auprès des élèves pour connaître leurs complexes, en tout anonymat évidemment.

Une bouffée de chaleur m'échauffa les joues, je relevais les yeux pour voir qui venait de proposer un tel sujet et parlait de manière aussi affirmée, à la limite de la prétention.

-L'article pourrait montrer que, quels que soient les apparences ou le milieu social, nous avons les mêmes problèmes, ou du moins les mêmes doutes, poursuivit il.

Face à moi se tenait la tête brune du dormeur à coté duquel j'avais failli m'asseoir. Je le reconnus immédiatement, on entendait beaucoup parler de lui au lycée. Park Jimin. Un sacré dragueur apparemment, également ce genre de type sociable, présent aux fêtes. La majorité des filles essayaient de l'approcher, sans grand succès, tandis que les garçons se contentaient de l'envier. Comment un gars comme lui pouvait il se permettre de vouloir interroger les gens complexés et sensibles de ce qu'ils n'aimaient pas sur eux ?!

Je cherchais dans ses yeux une éventuelle trace d'ironie, en vain. Qui aurait envie de parler de ses boutons, de ses poils, de son odeur ou de ses poignées d'amour avec un inconnu ? Inconnu dépourvu de défauts qui plus est ! Il était très mal placé pour défendre la cause des doutes communs. Plus j'y pensais, plus ça faisait monter en moi un début de colère.

Appuyé sur le bureau, ses prunelles étaient posées sur moi dans l'attente de ma réaction. Il avait un visage doux et juvénile, des lèvres charnues étirées en un léger sourire. Son jean noir, troué aux genoux, était accordé avec un large t-shirt sans manches. Les vans à ses pieds m'indiquèrent cependant que si son jean était usé, ce n'était en aucun cas parce qu'il ne pouvait pas en racheter un.

Ce type paraissait totalement détendu, en dépit de la vingtaine de visages tournés vers lui. Visiblement il semblait habitué à capter l'attention. Un frimeur, il ne manquait plus que ça.

-Soyons clairs, commençais-je d'une voix tranchante, tu souhaites utiliser la fragilité des jeunes pour écrire un article sur les complexes c'est ça ? Tu ne crois pas que c'est un peu cruel ? De plus, navré mais c'est un journal d'actualité, pas de ragots.

Je continuais de soutenir son regard sans flancher. Un large sourire prit place sur son visage, découvrant un peu ses dents. Comment définir le son cristallin qui s'échappa de sa gorge ? Enfantin, joyeux, une mélodie qui tinta doucement à mon oreille. Voilà que je commençais à m'extasier pour un simple gloussement maintenant. Mon degré de niaiserie était bien plus élevé que ce que j'imaginais, j'étais réellement affligeant.

-Je prends toujours mon travail au sérieux, affirma-t-il.

-Et c'est tant mieux pour toi.

Sans lui laisser le temps d'argumenter d'avantage je coupais court à la discussion en rassemblant mes affaires et lançais l'impression. Tant pis pour la relecture, c'était la troisième de toute façon alors la probabilité de trouver une pauvre faute était sensiblement égale à zéro. Au moment où j'allais franchir le pas de la porte pour me rendre au bureau qui m'était réservé, celui où j'avais l'habitude de travailler et où j'avais une imprimante à disposition, une main attrapa fermement mon poignet. Ce gars était décidément un peu lent à la compréhension. Je me dégageais d'un coup sec.

-Attends je-..

-Ne te permets pas ce genre de familiarités, on ne se connait pas.

Je l'évaluais du regard encore quelques secondes et finit par tourner les talons. Mon départ fut accompagné de quelques rires et de nombreux bavardages. Pour une première impression c'était plutôt mauvais. En moins de deux heures j'avais brisé la possibilité de passer inaperçu durant le reste de l'année. Mais qu'est ce qui m'avait pris ? Au lieu de rentrer dans son petit jeu j'aurai du accepter sa proposition et il m'aurait laissé tranquille.  





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