Chapitre 6 Coupables

Matthew soupira :

« C'est Annie qui a fait ça, n'est-ce pas ? »

Tout le monde acquiesça. Le corps de Milo reposait sur le parquet du salon. Annie, elle, avait disparu.

Le jeune homme murmura :

« Je n'aurais jamais cru ça possible d'elle... Elle était tellement frêle et... »

Ted le coupa :

« Rappelle-toi de ce que nous ont dit les fantômes. Cet endroit pousse à rendre fou. »

Margo fit, d'une toute petite voix :

« Et on va faire quoi d'Andrew ? »

Matthew se passa la main dans les cheveux :

« Le problème, c'est que ça ne l'innocente par pour autant... je pense qu'il vaut mieux le laisser attaché pour l'instant... »

Lauren acquiesça.

Ted déglutit :

« Il faut tous qu'on fasse attention. Annie est quelque part dans la maison, armée. Et, de toute évidence, si elle a tué son petit ami, elle est capable de faire de même à n'importe lequel d'entre nous...

-Il faut qu'on reste groupés ! s'exclama Margo. Il ne faut pas qu'on se sépare ! On doit être prudent ! »

Cela paraissait évident.

Ted prit, presque d'autorité, la main de Lauren. Celle-ci le regarda, surprise.

Ted rougit et murmura :

« Il faut qu'on parle, tous les deux...

-Qu'on parle de quoi ?

-Tu verras bien... »

Lauren haussa les épaules.

Margo, elle, partit avec Matthew.

Lauren en fut légèrement jalouse. Mais, elle ne protesta pas.

Ted semblait être vraiment sérieux. Ça devait être sacrément important.

Il la fit asseoir en face de lui. Elle le contemplait de ses yeux doux.

Il commença :

« Lauren... tu sais qu'on ne s'est jamais beaucoup entendu...

-Pas du tout, tu veux dire...

-Ne me coupe pas, s'il-te-plait. Je suis sérieux. C'est important, ce que je souhaite te dire...

-Vas-y...

-Je te trouvais insupportable... enfin, c'est ce que je te disais... »

Il détourna le regard.

Lauren fronça les sourcils :

« Comment ça ?

-Je... j'étais jaloux...

-De quoi ? »

Lauren était surprise.

Il prit une longue inspiration :

« Tu as toujours été, pour les parents, incroyable. La petite chérie, la petite préférée. Au collège, c'était pareil... Les profs m'ont remarqué à partir du moment où tu es entrée au collège... C'était toujours « ah, t'es le grand frère de Lauren Finn ? »... horrible, je te dis... »

Ted détourna la tête.

Lauren s'approcha lentement et, doucement, serra son frère dans ses bras. Elle murmura :

« Non. C'était moi, celle qui était jalouse. Tu as toujours eu une assurance, un aplomb, un répondant... J'aurais tellement aimé être toi... »

Pour la première fois depuis des années, ils osèrent s'avouer leur amour mutuel.

Pour la dernière fois, aussi.

***

Matthew entra dans la pièce où était enfermé Andrew. La première chose qu'il remarqua fut l'absence de celui-ci sur la chaise.

Andrew avait disparu !

Matthew se retourna, pour attraper la main de Margo. Il fallait qu'il protège la jeune fille ! Elle était dans un tel état que...

Mais, sa main ne rencontra que du vide. Il entendit alors le cri strident de la jeune fille.

Andrew avait dû l'attaquer !

Une voix, douce, murmura à ses oreilles :

« Matthew... Tu payeras comme les autres... »

Le jeune homme sentit distinctement la lame s'enfoncer dans son corps.

***

Ted était adossé au mur. Il eut un petit sourire, en attrapant son portable.

Lauren fronça les sourcils :

« Qu'est-ce qu'il se passe ? »

Ted avait les yeux qui brillaient :

« Lauren ! J'ai un appel de Maureen !

-Mais qu'est-ce que tu racontes ? Tu n'as plus de batterie depuis longtemps... Il est impossible que...

-Oui, Maureen... On se fait une petite virée demain soir, après le lycée... »

Ted paraissait voir quelque chose qui demeurait invisible pour Lauren. Ted éclata brusquement de rire :

« Mais oui... Mais oui, tu peux venir à la fête d'Edward... il veut bien... »

Lauren fronça les sourcils. Elle comprit soudain. Son cœur se serra.

Doucement, elle prit le téléphone des mains de Ted. Celui-ci, comme un enfant, se laissa faire. Lauren regarda tristement l'écran. Comme elle s'en doutait, il était désespérément noir.

Aucun appel. De personne.

Ted était assis. Il avait l'air tellement heureux... Lauren n'eut pas le cœur à le détromper. A lui expliquer, posément, que Maureen était morte. Et qu'eux aussi, sans doute, ils mourraient bientôt.

Ted était devenu fou. Mais, c'était peut-être mieux ainsi.

La porte s'ouvrit subitement.

Une silhouette entra.

C'était Annie. Oui, mais elle était différente. Ce n'était pas l'Annie qu'ils connaissaient.

Le t-shirt d'Annie était déchiré.

Ses yeux étaient exorbités. Ses joues étaient recouvertes de larmes.

Ses lèvres tremblaient.

Elle tenait à la main un couteau taché de sang.

Elle fit, d'une voix faible :

« Mi... Milo est mort... »

Ted n'avait même pas paru s'apercevoir de l'entrée en scène d'Annie.

Lauren croisa les bras.

« Tu as tué Milo. Est-ce que c'est toi, aussi, qui a tué Maureen et Lisa ?

-Non ! »

Le cri avait fusé de la gorge d'Annie. Celle-ci reprit :

« Vous... Vous avez tué Milo...

-Ce n'est pas vrai !

-Bien sûr que si !

-J'ai retrouvé son corps mort... C'est à cause de vous qu'il est mort !

-Mais arrête ! Regarde ton couteau ! Il est encore taché de sang ! »

Le regard d'Annie se fit lointain :

« Tiens... c'est vrai... Milo... tu me fais une blague, non ? Tu rigoles ? »

Des larmes recommençaient à remplir ses joues :

« Hein ? Tu... tu rigoles... s'il-te-plait... dis-moi que c'est une plaisanterie... »

Lauren avait presque pitié de voir Annie dans cet état. Mais, brusquement, celle-ci reprit son couteau. Elle murmura, à voix basse :

« Si Milo est mort, alors, tout le monde mérite de mourir... Pour lui... Vous n'avez pas le droit de rester en vie ! »

Elle attrapa son couteau et le lança sur Lauren. Celle-ci n'eut pas le temps d'esquiver. Par contre, elle sentit un bras puissant la pousser.

Elle ferma les yeux, par réflexe.

Quand elle les rouvrit, Annie, horrifiée, venait de sortir de la pièce en courant.

Lauren, elle, vit distinctement le couteau. Il était planté au milieu du ventre. Mais pas de son ventre à elle. Au milieu du ventre de Ted.

Il l'avait poussée, au dernier moment, pour se prendre le couteau à sa place.

Lauren pleurait :

« Ted... pourquoi est-ce que tu as fait ça ?

-D'après toi ? »

Le sourire de Ted était franc :

« C'est pas censé être le rôle d'un grand frère de protéger sa petite sœur ?

-T'étais pas censé faire ça... »

Lauren le serra dans ses bras.

Les lèvres de Ted commençaient à devenir de plus en plus pâles. Il murmura :

« Il faut que tu comprennes le mystère de la maison... et vite...

-Mais que...

-Tu n'as plus beaucoup de temps... Je t'aime, Lauren...

-Ted...

-Et, j'ai quelque chose à te demander...

-Tout ce que tu veux !

-Quand tu sortiras, ramène mon corps à papa et maman, s'il-te-plait...

-Ne dis pas ça ! Tu vas t'en sortir !

-Je ne suis pas stupide, je sais que je ne vais pas m'en sortir... Mais toi, tu le peux... »

Il passa sa main sur la joue de sa sœur.

Il sourit :

« Alors, tu as intérêt à le faire ! »

Il mourut le sourire aux lèvres.

Laissant le chagrin à sa sœur cadette.

***

Margo se releva au milieu de la mare de sang dans laquelle elle était étendue.

Elle avait un énorme mal de crâne.

Elle eut du mal à se rappeler ce qu'elle faisait ici. Elle toucha sa poitrine.


Andrew ne l'avait pas tuée ? Pourquoi ? Avait-il eu pitié ? Cela ne paraissait pourtant pas être son genre...

Elle se rendit compte soudain de ce qui était en face d'elle. Le corps de Matthew.

Elle se précipita vers lui. Elle tâta son pouls. Il était mort. Bel et bien mort.

L'expression de la jeune fille changea l'espace d'une seconde.

Elle avait été amoureuse de lui. Tellement amoureuse...

Elle n'arrivait pas à croire qu'il était mort...

Pour elle, il était l'incarnation de la force, du pouvoir... Pour elle, si quelqu'un avait dû survivre, ça aurait été Matthew. Mais, il était mort. Poignardé dans le dos.

Le corps de Margo se mit à trembler. Ses yeux se révulsèrent. Elle reconnaissait les caractéristiques d'un début de crise.

D'une crise d'angoisse.

Quand Lauren était là, elle arrivait à la rassurer, à la réconforter. A empêcher la crise.

Mais, Lauren n'était pas là.

***

Lauren marchait doucement. C'était la salle de réception. Celle avec le piano. L'endroit où, dans la maison abandonnée, tout avait commencé... Ils n'auraient jamais dû entrer dans cette maison. Jamais.

Comme elle s'y attendait, quelqu'un était bel et bien attelé au piano.

Une jeune fille, aux longs cheveux blonds regroupés en chignon. Elle portait une robe blanche.

Une robe de mariée. Le haut de la robe était constellé de taches de sang.

Elle jouait au piano un morceau dont le titre demeurait indéchiffrable.

Lauren commençait à comprendre.

Elle murmura :

« Vous êtes Beatrix. La sœur ainée de Richard. »

Il n'y eut aucune réponse.

Lauren reprit, plus sûre d'elle :

« C'est vous, la mystérieuse mariée dont parlait Maureen dans sa légende... C'est vous qui avez mis le feu au manoir le soir de vos noces... »

La mariée se redressa soudain. Ses yeux paraissaient perdus.

Lauren eut un petit sourire intérieur. Elle avait raison. Ce fantôme les entendait.

Beatrix fit d'une voix presque sourde :

« Je n'ai pas mis le feu... Mais, c'est ma faute si... si... il est mort !

-Qui, il ?

-Mon... Conrad. Mon... mon amant. »

Elle se tut de nouveau.

Lauren reprit plus doucement :

« Pourquoi ? »

Le corps de Beatrix tremblait :

« Mon père m'a menacée. Il avait découvert que je partageais sa couche... Il m'a dit qu'il jetterait sur moi sa disgrâce si je ne rompais pas avec lui... Je lui ai donc envoyé des lettres lui disant que je n'étais plus amoureuse, et des choses dans le genre... »

Des larmes fantomatiques coulèrent sur les joues de la femme.

« Et, après, il s'est suicidé... C'est Ellen qui me l'a appris. Je n'ai pas quitté ma chambre avant mon mariage. Et, le jour du mariage, lorsque les flammes ont envahies la maison... Alors, je me suis sentie heureuse. J'allais mourir. Comme Conrad. »

Elle posa sa main sur le piano, comme prise d'un vertige soudain :

« Si vous voulez bien m'excuser... Je ne crois pas être capable d'en supporter plus... »

Beatrix se releva, et se dirigea vers un mur, qu'elle transperça avant que Lauren n'ait eu le temps de l'en empêcher.

Lauren sentit un souffle chaud contre sa nuque. Elle se retourna brusquement.

C'était Andrew. Il souriait de toutes ses dents. Ses longs cheveux étaient ébouriffés.

Sa chemise blanche était tachée de plusieurs taches sombres.

Il tenait un pistolet à la main.

Il le pointait, presque négligemment, vers Lauren.

Il fit, d'une voix mielleuse :

« Lauren Finn... Je sens qu'on va avoir beaucoup de choses à se raconter... »

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