Lukas continuait à faire les cent pas devant le lit d'hôpital où reposait l'humaine. La Dame avait trouvé que c'était une bonne idée de la lui confier puisqu'il était à l'origine de son arrivée dans leur QG. Au moment où il avait voulu faire remarquer avec amabilité qu'Arthur était lui-aussi présent et qu'il était en plus celui qui avait décidé de la rapporter, il avait croisé le regard de sa supérieure et il avait compris que ce n'était pas la peine de discuter.
La Fay avait cette habitude de vouloir améliorer les défauts qu'elle trouvait à ses suivants.
Et elle affirmait depuis des années que sa patience méritait d'être améliorée. Et c'était pour cette raison qu'il se retrouvait à « veiller » sur elle. Cela faisait presque une semaine maintenant qu'elle n'avait pas bougé, même si ses signaux vitaux étaient stables. Tant mieux pour elle, pensait Luka, mais moi ça commence à me faire chier cette histoire. Il l'aurait bien débranchée pour être débarrassé de ce fardeau. Par malheur, il était persuadé que la Dame se rendrait compte de sa culpabilité.
Peut-être qu'elle ne se réveillerait jamais. La transporter aurait alors été une telle perte de temps et de moyens. Vraiment, il ne comprenait pas l'intérêt d'Arthur en elle : après tout, ils auraient très bien pu se contenter des documents papier. Mais non, il avait fallu que l'autre Fay se fasse remarquer. Lukas était en secret persuadé qu'il avait fait ça juste pour l'ennuyer.
Il se dirigea vers la seule fenêtre de la pièce. Elle apportait une lumière froide, une lumière presque hivernale, et ça, alors que ce n'était pas encore la saison. A l'extérieur, des Fays se promenaient dans le parc qui entourait l'hôpital. Il ne pouvait pas nier que leur quartier général était agréable à vivre, bien pourvu dans un grand nombre de types d'équipements. Et même la chambre de l'humaine, bien que très épurée, était très loin d'être insalubre. Il trouvait cela beaucoup pour un membre de son espèce.
Lukas s'écroula lourdement dans le fauteuil qui était à sa disposition. La situation était particulièrement ennuyeuse. Il passa sa main dans ses cheveux de feu, jouant avec. Il contempla pendant quelques instants l'idée de lire un des livres qu'il avait apportés mais l'abandonna bien vite, préférant naviguer sans but sur son portable. Cependant, cela l'ennuya vite et il posa l'appareil avec les ouvrages. La sieste était la meilleure des options : en plus, cela ferait passer le temps plus vite.
Lorsqu'il ouvrit les yeux, la première chose que pensa Lukas fut que les rayons du soleil dans son visage n'étaient en aucun cas les bienvenus. Son regard se posa ensuite sur le corps de l'humaine qui n'était visiblement plus inconsciente. Il y a eu un moment de flottement et le Fay se leva d'un bond. Cette inutile fille était enfin réveillée : il n'aurait jamais pensé être heureux de ça mais l'idée d'être débarrassé de sa surveillance ne pouvait que le réjouir.
Elle avait beau avoir été lavée et changée, elle avait tout de même un teint maladif. Sa bonne santé ne reviendrait pas en un jour, cependant, cela n'avait que peu d'importance.
« Ah ! Eh bien ! T'en as mis du temps l'humaine ! »
∞
Lizzy voulait parler. Elle voulait même hurler de terreur ou de rage, elle ne savait pas vraiment. Mais ses derniers souvenirs, à savoir se faire étrangler par un homme en feu, n'étaient pas les choses les plus agréables du monde. Pour autant, sa voix ne voulait pas sortir. Elle était coincée dans sa gorge. Il s'approchait d'elle de plus en plus et elle ne put s'empêcher d'avoir un mouvement de recul. Néanmoins, ses membres lui semblaient si faibles et si lourds que cela dut passer inaperçu.
Elle tenta de calmer sa respiration afin de reprendre une bonne maîtrise d'elle-même. C'était peine perdue. Elle ne savait pas ce qu'il voulait lui faire, toutefois, elle avait l'habitude de côtoyer des Fays et cela se finissait presque toujours mal.
« T'es restée des jours dans le coma, j'en connais qui vont être contents de savoir que t'es consciente : on n'a pas pleins de questions à te poser. »
Il parlait dans la langue des Fays. La jeune humaine la connaissait plutôt bien après y avoir été confrontée pendant plusieurs années. Mais dans ce cas-ci, elle ne pouvait tous simplement pas lui répondre, et ça, alors qu'elle aurait dû pouvoir le faire. Son ton, son timbre lui rappelait trop la personne qui l'avait attaqué dans le château du Forgeron pour qu'elle n'ait pas une irrépressible envie de fuir. Et s'il voulait terminer son travail.
Face à son manque de réponse il l'attrapa par l'épaule et la secoua sans ménagement.
« Eh oh ! Tu entends ce que je te dis ou t'en fais exprès ? T'es sourde ? »
Les yeux de Lizzy étaient écarquillés par la terreur. Elle tenta de se dégager de sa grippe, de s'éloigner le plus possible de son contact, sans succès. Le Fay leva les yeux au ciel. Il était terrifiant avec la lueur bleue de ses cheveux qui projetait des ombres grotesques, à cet instant, sur son visage. Il leva les yeux au ciel :
« Pitié... De tous les humains sur lesquels on est tombés, il a fallu qu'on ramasse la débile de service. On n'a vraiment pas de chance, ça fait chier. »
Il la relâcha avec une expression de mépris sur le visage. Cela ne surpris pas Lizzy : elle avait l'habitude d'être traitée d'une telle manière par ces êtres qui se pensaient si supérieurs. Il souffla bruyamment, et se dirigea sans attendre vers la porte de la chambre qui était jusque-là fermée.
« Vraiment, je savais que c'était une idée merdique de la garder avec nous... maugréa-t-il sans lui accorder plus d'attention. »
Lorsqu'il eut enfin quitté la pièce, l'air sembla s'alléger. Une partie de l'angoisse de Lizzy qui lui enserrait la poitrine s'envola. La jeune fille tenta alors de prononcer un mot, maintenant plus calme. Aucun son ne sortit de sa bouche. Elle ne parvenait pas à articuler quelque chose de compréhensible. La panique la prit de nouveau : était-elle devenue muette ? Ne pourrait-elle plus jamais parler ? Cherchant à garder le peu de calme qu'elle possédait encore, elle tenta de calquer sa respiration sur les battements de son cœur.
Lorsque son esprit fut dans un état plus à même de fonctionner de manière logique, elle tenta de faire un point sur sa situation. Le château a été attaqué, tout le monde a été tué et je me trouve maintenant avec ceux qui ont fait ça. Et ils veulent quelque chose, il semblerait. Mais quoi ? Je ne connais rien. Et quand ils vont s'en rendre compte, ils vont me tuer... Non, non. Je me suis battue depuis des années pour survivre, je ne vais pas arrêter maintenant. Il faut que je trouve un moyen de m'enfuir d'ici. C'est peut-être l'occasion.
∞
De toutes les choses auxquelles Lukas s'attendait lorsqu'il entendit l'alarme résonner dans le couleur, ce n'était certainement pas retrouver l'humaine en train de ramper sur le sol. Ses membres n'étaient pas assez forts pour la soutenir de manière efficace mais cela n'avait pas altérer sa volonté. Elle avait arraché tous les appareils qui étaient reliés à son bras et cela expliquait cette alerte.
Malika était juste derrière Lukas. Lorsqu'elle les remarqua, la jeune humaine sembla vouloir s'enfuir. C'était une action en pure perte. La doctoresse, qui était un mélange harmonieux de lapine et d'humanoïde, se précipita aux côtés de sa patiente qui n'était pas en très bon état. Celle-ci se recroquevilla sur elle-même.
« Remets-la sur le lit, ordonna la Fay. Je vais l'examiner. »
Elle avait beau posséder une apparence qui pouvait être qualifiée de mignonne, tout le monde savait qu'il ne valait mieux pas s'opposer à Malika lorsqu'elle était sur son territoire. Même la Dame l'écoutait lorsqu'il s'agissait de soigner les autres. Après tout, c'était sa spécialité et sa volonté à sauver des vies était assez extrême si c'était celle des membres de son clan.
Sans plus attendre, Lukas se rapprocha de la forme au sol qui tentait de se faire toute petite, peut-être dans l'objectif de disparaître de leur vue. Comme elle était sur le ventre, il tenta de l'attraper par son col et le haut de son pantalon. Dans la liste des positions confortables, celui-ci n'était pas haute. La doctoresse le remarqua bien vite et s'étrangla presque sur place :
« Mais ne la prend pas comme ça enfin ! Tu vas la blesser ! Qui m'a envoyé un empoté pareil ? »
Lukas se retint au dernier moment de lever les yeux au ciel et la retourna avec la plus grande douceur dont il était capable. Il ne voulait pas que Malika aille se plaindre auprès de la Dame quant à son comportement dans la mission qui lui avait été confiée.
L'humaine se débattait du mieux qu'elle le pouvait dans son état mais lorsqu'il resserra son étreinte, elle se raidit puis s'affaissa dans ses bras, comme si elle avait perdu sur l'instant toute envie de lutter. Il la déposa à sa place. Elle les regardait d'un air affolé, ne sachant trop que faire.
« Ne bouge pas, lui ordonna Malika. Il faut que je fasse quelques examens rapides pour comprendre ce qui se passe. »
Lukas partit s'asseoir tandis que l'autre Fay s'afférait autour d'une patiente beaucoup plus docile. Il voyait qu'elle était effrayée. C'était bien un état dans lequel les faibles se trouvaient souvent. Il en profita pour envoyer un message à Arthur. Il savait que celui-ci informerait la Dame sur le champ de la situation. Il aurait très bien pu la contacter directement, mais il ne pouvait s'empêcher d'être quelque peu mal à l'aise à l'idée de faire ça. La réponse fut très rapide et il reçut un simple « okay ».
Alors qu'il attendait que Malika ait fini ses tests, Lukas se surprit à explorer du coin de l'œil la jeune humaine qui n'avait pour réaction que de hocher la tête de temps en temps. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas autant interagi avec ces êtres qu'il trouvait si faibles. Avant, cela lui aurait juste apporté du dégoût, maintenant, en la voyant, la pitié se rajoutait : elle était bien misérable dans ses vêtements trop grands. Si cela n'avait tenu qu'à lui, il l'aurait achevé maintenant. Ce n'était pas la peine de continuer cette vie qui, de toute façon, rencontrerait bientôt la mort.
« Lukas !
- Hum... Oui ? Qu'est-ce que tu disais ? demanda-t-il en sortant de sa rêverie.
- Trouve-moi une feuille et un stylo.
- Pourquoi ?
- Traumatisme émotionnel. Il faudrait faire des examens plus poussés pour en être sûr, mais il semblerait qu'elle ait eu un choc émotionnel. Ce n'est pas tant qu'elle est blessée physiquement puisque lorsqu'elle est arrivée, nous n'avons détecté aucune lésion à ce niveau. C'est au niveau de l'esprit. Elle a un blocage psychologique. »
Tandis que Malika lui expliquait la situation, Lukas fouilla dans un placard et y trouva un bloc-notes abandonné. La doctoresse sortit quant à elle un stylo rouge de sa poche. Elle tendit le tout à la jeune femme.
« Elle reparlera un jour ?
- Oui, il faut simplement lui laisser le temps de se remettre de ce qu'elle a pu vivre.
- Je ne sais pas si elle en aura pour ça, du temps, remarqua le Fay.
- Tais-toi donc, ce n'est pas le moment de parler de ça. Encore moins dans mon hôpital. »
La petite blonde leur tandis alors le carnet. Il y était inscrit en anglais et dans une écriture peu assurée : Je ne sais pas écrire votre langue.
« D'accord. Donc tu ne l'écris pas, mais tu la comprends. Est-ce que tu la parles ? »
L'humaine hocha la tête d'un air timide.
« Quel est ton prénom et ton nom ? »
Il lui fallut seulement quelques secondes pour l'écrire : Elizabeth Barton.
« D'accord. Comment te sens-tu ? As-tu mal quelque part ? »
Elizabeth se remit alors à tracer des lignes. Toutefois, elle fut interrompue en plein milieu de sa réponse par une voix qui fit sursauter Lukas :
« La demoiselle est donc enfin en état de se faire interroger... Bien... »
La Dame des Ombres était là et avait visiblement l'air prête à faire ce qui devait être fait sans attendre. Le Fay avait hâte d'être enfin libéré de sa garde.
∞
« Soyons honnêtes, Arthur, je suis très heureux que tu aies décrété qu'une après-midi non-productive était de rigueur... Mais le fait que tu insistes pour qu'on regarde Titanic commence à m'effrayer.
- Et alors ? ronchonna l'autre Fay en s'enfonçant un peu plus dans le plaid qu'il avait récupéré. »
On ne voyait à l'instant plus que son visage. Cela donnait un tableau assez ridicule de l'un des Fays les plus craints de l'Europe. Il était arrivé chez Yassin quelques heures plus tôt d'une humeur à la fois misérable et massacrante. Par chance, son ami ne travaillait pas et l'avait accueilli avec des bretzels qui étaient normalement servis en apéritif. Arthur avait toujours aimé cet appartement qui n'était pas dans le fort. La Dame lui avait proposé d'y loger mais il avait refusé. Il se retrouvait donc dans un logement petit mais agréable. Le seul désagrément étant sans doute que celui de sa grand-mère était situé juste à côté.
« Et alors ? Alors la seule chose qui te sépare du cliché du dépressif au cœur brisé c'est que tu ailles voler un pot de glace dans mon congélateur !
- Tu as de la glace ?
- Là n'est pas la question !
- Je ne veux pas aller à cette conférence et encore moins à la réception juste après.
- Est-ce que ça va valait vraiment de t'engueuler à ce point avec la Dame ?
- Elle ne voulait pas m'écouter ! répliqua Arthur.
- Je sais bien, mais lui lancer un pot de fleurs à la figure n'était pas le meilleur moyen de négocier...
- Elle m'a envoyé une table basse ! se plaignit le Fay. D'ailleurs, il va falloir en racheter une, elle s'est cassée... La qualité des meubles aujourd'hui est une honte. »
Yassin leva les bras vers le ciel, comme pour prier la Chasse de le décharger de ce fardeau qu'était la relation compliquée dans laquelle se trouvait son ami. Ce dernier avait juste envoyé un message à la Dame pour la prévenir du véritable réveil de l'humaine mais il n'avait rien reçu en retour. Cela l'arrangeait beaucoup.
« Vous êtes impossibles... »
Le Fay fit la moue et s'enfonça un peu plus dans son cocon tandis que l'autre étendait ses jambes sur la table.
« Je n'y retournerai pas cette fois !
- Arthur, on sait, aussi bien toi que moi, que tu vas y retourner... Alors prépare ton discours parce que tu sais comment elle est. »
Publié le 01/05/2018.
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