Retour en arrière...

Alors que la voix féminine du haut-parleur venait de terminer son discours, Adam se saisit de l'enveloppe posée sur la table devant lui et son partenaire de jeu. De la même façon que les autres, il en sortit un parchemin plié, sur lequel une énigme à l'encre rouge attendait d'être résolue.

Vêtues ou dénudées,
Si certaines sont vénérées
D'autres ont fait entrer
Bien des hommes dans la postérité.

Et alors que le jeune homme aux yeux bleus réfléchissait, la famille Bizier quittait la salle de réception d'un pas décidé. Jetant un œil à son équipier, Adam se rendit très vite compte que le jeu ne dépendrait que de lui.

- Tu comptes rester prostré sur ta chaise comme un chien attendant son maître devant sa tombe, ou tu vas participer avec moi à ce jeu ? lui demanda Adam.

L'homme a l'air renfrogné leva un sourcil vers son partenaire.

- Je veux pas participer à ton jeu débile. Tu m'as menti, lâcha-t-il d'une voix rauque.

- Je t'ai pas menti. J'ai juste oublié de préciser certains détails concernant ce week-end sur la Manche.

- Va te faire voir Adam.

Les deux hommes se regardèrent en chiens de faïence pendant quelques secondes, avant qu'Adam n'ait l'esprit attiré par le groupe des trois énergumènes qui se levait de table. Observant autour d'eux, le jeune homme put voir que personne n'avait touché aux plats qui leur avaient été présentés, hormis la dame rousse, qui avait littéralement englouti tout ce qui se trouvait dans son assiette.

Cette dernière franchissait la double porte de la salle, précédée de l'homme grassouillet et chauve, et du jeune homme tout juste sortit de l'adolescence.

Adam reporta son attention sur son parchemin, détaillant dans son esprit les mots qui y dansaient. Et au bout de quelques secondes, les sourcils froncés et le front plissé, il se leva, intimant d'un geste de la main son équipier à le suivre.
Ce dernier se leva de sa chaise en soufflant fortement, râlant intérieurement pour avoir accepter de suivre son neveu dans cet aventure.

Et Jean-Michel le suivit sur le pont principal, puis sur l'arrière de ce même pont. Au dessus d'une fontaine élégamment disposée au milieu de l'espace fleuri, deux statues s'enlaçaient. Deux anges, l'un femme, l'autre homme, se regardaient tendrement dans les yeux, laissant l'eau qui sortait des fleurs au dessus de leurs têtes leur couler sur le visage, faisant briller leurs traits figés pour l'éternité.

Sans perdre un instant, et sans prendre le temps d'expliquer ce qu'il faisait à Jean-Michel, Adam passa ses pieds par dessus le rebord de la fontaine, et entra dans l'eau qui lui arrivait jusqu'aux mollets. Il fouilla le socle des statues sans rien y trouver. Toujours sous le regard blasé de son oncle, le jeune homme entreprit de grimper sur le petit prolongement du pilier et se mit à tâtonner l'argile des statues, jusqu'à ce qu'il trouve ce qu'il cherchait.
Après être ressortit de la fontaine, Adam essuya ses mains sur son pantalon, et sortit le second parchemin de l'enveloppe en plastique imperméable. L'inscription rouge apparut sous ses yeux.

Ses marteaux et leurs coups,
N'enfoncent aucun clou.
Doté d'une queue, il n'est pas animal.
Sans avancer, on appuie sur ses pédales.

Le jeune homme à la chemise à carreaux rouge et noire de style bûcheron s'assit sur le rebord de la fontaine. Il relut plusieurs fois le contenu de l'enveloppe, tournant et retournant les mots dans son esprit, cherchant la corrélation qui l'aiderait à comprendre.

Et au bout de quelques minutes, alors que Jean-Michel commençait à s'impatienter, ayant très envie de rentrer dans sa chambre pour boire un peu de la bouteille qu'il y avait caché, Adam se redressa.

- Je sais ! s'exclama-t-il.

Et le jeune homme entraîna son oncle dans une nouvelle promenade découverte du paquebot. Alors que Jean-Michel désespérait, pensant qu'il ne pourrait pas être tranquille avant un bout de temps, et s'apprêtait à dire à Adam qu'il allait l'abandonner un moment, le jeune homme entra par une large double porte.

À l'intérieur, se découvrit ce qui semblait être une salle de bal. Sur le côté droit de la pièce, trônant sur une estrade recouverte d'un tapis rouge, un magnifique piano ancien les attendait.

- T'as vraiment réussi à déchiffrer toutes ces énigmes ? dit soudain Jean-Michel. J'suis impressionné fiston.

Adam ne répondit pas mais entreprit de grimper sur l'estrade et fouilla l'instrument de musique à cordes. Au bout de quelques secondes, il trouva le dernier parchemin.

Arborant un collier quelquefois.
Lorsqu'on la croise elle nous fait peur.
On croit bien n'importe quoi
Lorsqu'on l'avale, elle et ses sœurs.

Afin de mieux réfléchir, Adam s'assit sur le rebord de l'estrade. Jean-Michel s'approcha de lui, commençant enfin à se prendre au jeu.

- Alors, tu t'en sors toujours aussi bien ? demanda-t-il avec moquerie.

- La couleuvre..., fut la seule réponse d'Adam. Avaler des couleuvres. C'est bon je l'ai. Il faut chercher une couleuvre, un serpent quoi. Mais où trouver ça ?!

- Bravo mon n'veu. Mais pas besoin de chercher, un serpent y'en a un juste derrière toi, là.

Jean-Michel pointait son doigt en direction d'un endroit haut derrière Adam. Le jeune homme se retourna, se leva, et s'approcha du serpent en bronze de taille moyenne, qui semblait fixé dans le mur. Il posa ses doigts tout autour de la sculpture, cherchant une nouvelle enveloppe. Mais alors qu'il s'appuyait sur le serpent en se retournant pour dire à son oncle qu'il ne trouvait rien, le serpent s'enfonça dans le mur. Un déclic se fit entendre, et les deux hommes virent apparaître un couloir derrière un grand tableau qui se mit à pivoter sur lui même.

Sans se concerter, ils s'y engouffrèrent. Ils le longèrent sur plusieurs mètres, avant de déboucher dans une salle au sol carrelé et aux murs de bétons. Sur celui qui leur faisait face, une vitre donnait sur une pièce similaire.

Quelques minutes après leur arrivée, une trappe s'ouvrit dans la pièce attenante, et la jeune femme qu'ils avaient aperçu dans la salle de réception avec ses parents fit son entrée. Ne semblant pas les voir, elle observa la pièce autour d'elle, arrêtant son regard sur la vitre, presque sur Adam. Un homme plus âgé passa la tête par la même trappe, et le père de la jeune fille en sortit. Il jeta un rapide coup d'œil autour de lui, et alla se poster près de sa fille, regardant lui aussi à travers la vitre, à travers les deux hommes qui les observaient.

- Je crois qu'ils ne peuvent pas nous voir, chuchota Jean-Michel.

La trappe s'ouvrit à nouveau, et la mère de la jeune femme sortit à son tour. Elle s'approcha de sa famille et posa la main sur l'épaule de son mari.

Soudain, un écran s'alluma sur le mur derrière les deux hommes, et l'horrible marionnette bien connue du cinéma y fit son apparition.

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