6.
Il n'y eut pas d'odeur nauséabonde. La vitre épaisse l'empêchait. Mais la vision du corps de Lucas se recouvrant du liquide jaunâtre rougeoyant qui lui brûlait les chairs, suffit à emplir leurs esprits d'images cauchemardesques pour un long moment.
Les yeux maintenant fermés, laissant échapper quelques larmes chaudes, Esther avait les poings serrés et la mâchoire crispée. Ses lèvres tremblaient, et ses dents s'entrechoquaient nerveusement. Charles ne pouvait détourner le regard de l'affreux spectacle qui s'offrait à lui.
Bien qu'il l'eut souhaité, voir cet homme mourir sous ses yeux ne lui apporta pas la moindre satisfaction. Seulement du dégoût. Élisabeth n'avait toujours pas bougé. Elle avait baissé les yeux au moment où la cuve se renversait, libérant le métal en fusion.
Au bout de quelques secondes, et dans un silence de mort, les menottes des trois membres de la famille Bizier s'ouvrirent dans un déclic. Esther ouvrit les yeux, portant son regard sur la statue encore brûlante qui lui faisait face.
Les lumières de l'autre pièce s'éteignirent au moment où une porte s'ouvrait sur la gauche de Charles. Sans un mot, Esther s'y dirigea, suivit par Charles et Elisabeth.
La famille suivit les indications rouges sur les murs des couloirs pendant plusieurs minutes avant de déboucher dans une grande et large salle. Un labyrinthe de cage y était entreposé, avec trois ouvertures étroites disposées juste devant l'entrée par laquelle ils venaient d'arriver. Au dessus de chacune d'elle se trouvait un écriteau avec leurs noms.
- Encore un nouveau piège ? demanda amèrement Charles.
- Certainement, répondit d'une voix maussade Esther, sans le regarder.
La jeune femme blonde se plaça devant l'entrée à son nom, et sans attendre l'avis de ses parents, s'y engouffra.
- Esther ! Qu'est ce que tu fais ?! s'exclama Élisabeth.
- Esther ! cria au même moment Charles.
Mais la fille aux yeux nuageux ne repondit pas. Elle n'avait plus de compte à leur rendre après ce qu'elle venait de découvrir sur eux et leur cruauté dissimulée. Sans écouter les supplications de ses parents, elle s'engagea plus encore et sursauta, lorsqu'une grille se referma derrière elle, scellant l'ouverture.
- Vous devriez faire comme moi, furent les seuls mots que la jeune femme adressa à ses parents avant de continuer sa route dans le couloir de cages qui la devançait.
Et sans attendre de savoir s'ils s'exécutaient, elle disparu à un coude que formaient un amas de cages recouvertes de plaques noires et rouges.
Inquiet, Charles s'engagea à son tour dans l'entrée à son nom et avança jusqu'à ce qu'une grille vienne sceller à son tour sa seule sortie connue. Il se retourna ensuite tant bien que mal pour intimer à sa compagne de faire de même. La femme qui se rongeait les ongles en regardant son mari obtempéra, et la dernière grille se referma.
Dans un état second, les cheveux en batailles, les ongles abîmés et cassés, les vêtements défaits et une grimace indescriptible sur le visage, Élisabeth avançait avec prudence dans le couloir métallique qui s'offrait à elle. Imprimée sur l'intérieur de ses paupières, l'empêchant de penser à autre chose, l'image du corps de Lucas recouvert de métal en fusion lui retournait l'estomac. Sans oublier les volutes de fumée qui l'entouraient.
Au bout de quelques mètres, le labyrinthe de cages s'échappait vers le haut, forçant Élisabeth à escalader les barreaux métalliques. Arrivée sur une sorte de palier crée par le haut des cages, Élisabeth découvrir une trappe dans le mur qui lui faisait face. N'appercevant pas les membres de sa famille autour d'elle, et aucun d'eux ne répondant à ses appels, la presque cinquantenaire fit coulisser la trappe vers le haut et s'y engouffra.
Élisabeth Bizier déboucha sur un sol carrelé, froid et humide. Elle se redressa et aperçut Charles et Esther qui se tenaient l'un à côté de l'autre, dos à elle, face à un grand miroir.
La mère de famille s'approcha des deux en état de mutisme, et posa sa main sur l'épaule de Charles. Sans se retourner, celui ci recouvrit la main de sa femme. Aucun d'eux n'osaient se regarder dans les yeux.
- Qu'est-ce qui nous attend cette fois ci ? marmonna Esther d'une voix inhabituellement grave.
Sa question qui n'attendait pas de réponse en eut pourtant une. Qui ironiquement, ne se fit pas attendre. Un clac soudain fit sursauter la petite famille dessoudée et ils se tournèrent d'un même bloc vers l'écran de télévision fixé sur le mur en béton à leur droite qui venait de s'allumer, laissant apparaître l'affreuse marionnette recouverte de blanc et de rouge. Ses petits yeux jaunes oscillèrent un instant entre les différents membres de la famille avant de se fixer sur Esther.
"Je suis fière de toi Esther. Comme je m'y attendais, tu as su trouver en toi la force de pardonner. La force de faire taire les pensées meurtrières qui t'assaillaient depuis des mois, et de décider de sauver ton ancien petit ami.
Malheureusement pour toi, tes parents ne sont pas aussi forts. En particulier ta mère. C'est maintenant votre tour d'être jugé. Tout le monde possède un cadavre dans son placard, et aujourd'hui, vous en avez ajouté un de plus. "
Immobiles, un air de stupéfaction sur le visage, les Bizier fixaient l'écran de télévision. Soudain, prit d'un élan de colère incontrôlable, Charles se précipita sur l'écran, qu'il martela de ses poings. Élisabeth poussa un cri étouffé et se jeta sur lui pour l'en empêcher, tandis qu'Esther se tournait vers le miroir recouvrant le mur, et passait ses doigts dessus.
- Je pense qu'il y a quelqu'un derrière, qui nous observe, dit-elle assez fort pour couvrir le vacarme que faisait ses parents.
Ses parents se stoppèrent et s'approchèrent du miroir à leur tour. Et la voix de la marionnette se fit entendre de l'autre côté de la pièce, déblatérant un discours tranchant et cinglant aux oreilles de la famille Bizier. Un discours qu'ils n'arrivaient plus à écouter.
Toujours hors de lui, Charles commença à le marteler de la même façon que la télévision. Et soudain, un compte à rebours s'alluma derrière eux.
Esther se retourna, fixant les quatre minutes et cinquante trois secondes qui s'y affichaient.
- À notre tour d'être jugé, murmura-t-elle en serrant ses mains sur sa poitrine.
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