2.
La double porte de la salle de réception s'ouvrit brusquement, arrachant un cri de frayeur à Élisabeth et la rondouillarde rousse. Un jeune homme aux cheveux châtains et en chemise de bûcheron se trouvait dans l'entrebaîllement, le pied encore levé du coup qu'il venait de donner sur la porte.
Il entra en jetant un œil circonspect autour de lui, dardant ses yeux bleus sur chaque personne présente dans la salle.
- Désolé du r'tard, dit-il d'une voix blasée. Je pensais trouver plus de monde et passer inaperçu.
- C'est vrai qu'on est peu nombreux pour un bateau de cette taille, acquiesa la rousse.
- Je me demande où se trouve l'équipage, ajouta Élisabeth. Je n'ai vu personne hormis la jeune femme brune qui nous a montré nos chambres.
- Idem, répondit la femme installée à la table d'à côté. C'est très bizarre...
Le jeune homme s'assit à la même table que l'homme à l'air renfrogné, qui n'avait pas bougé d'un poil depuis qu'il s'était assis. Les bras croisés et les yeux braqués sur le nouvel arrivant, il avait l'air étrange de ne pas vouloir se trouver là.
Les réflexions de chacun furent interrompues par la jeune femme aux bouclettes brunes qui entra, précédée de son chariot roulant. Sans un mot, elle déposa devant chaque participant une petite assiette remplie de petits fours et verrines divers, accompagnée d'un grand verre contenant un jus à base de tomate.
Enfin, plaça une enveloppe sur chaque table, portant le nom des participants.
Au moment où la jeune femme aux yeux azurs repartit avec son chariot, le haut-parleur se remit à débiter la douce voix féminine qui se trouvait derrière le micro, même pas altérée par les crachouillis du transmetteur.
"Mesdames, Messieurs. Pour la première partie de notre divertissement, consistant purement et simplement à trouver la salle du trésor, vous serez en équipe avec vos voisins de table. Adam et Jean-Michel d'un côté, Cécile, Mickaël et Rémi d'un autre, et enfin, Esther, Élisabeth et Charles. Dans l'enveloppe devant vous : le premier indice. Contenant les informations nécessaires pour vous mener au lieu du second indice, qui lui vous indiquera le chemin à prendre pour gagner. Bonne chance à tous. "
Le calme qui s'ensuivit fut interrompu par le bruissement du papier des enveloppes que l'on ouvrait. Élisabeth se saisit de celle qui portait le nom des membres de sa famille, et en ôta le parchemin. Elle le déplia, et lut l'inscription à l'encre rouge :
Le vent le pousse et l'excite,
Tout ce qu'il voit il le dévore.
Son appétit est sans limite,
Mais s'il boit trop, c'est la mort.
Élisabeth se mit à réfléchir en passant le parchemin à sa fille qui le lut à son tour.
- J'ai la réponse, dit-elle immédiatement à voix basse, pour que les autres tables n'entendent pas.
Surpris, ses parents la fixèrent, plus vraiment habitués à l'entendre parler spontanément, et encore moins pour un jeu, ou à la voir participer à quoi que ce soit.
- Bravo chérie, bien sûr que c'est ça, lui répondit sa mère, fière d'elle. Allons ailleurs pour réfléchir.
La petite famille se leva et sortit de la salle, sous le regard des autres participants. Ils se rendirent sur le devant du pont, et Élisabeth reprit la parole :
- Bon, on a l'indice. Maintenant il faut trouver le lieu.
- Y'a des cheminées sur les paquebots ? demanda Esther.
- Je ne sais pas. Mais dans les cuisines il doit y avoir du feu j'imagine.
- Pas faux. On a qu'à aller voir. Et on avisera après.
Charles ne disait rien, regardant tour à tour sa femme adorée qui parlait puis sa fille chérie. Il suivit le mouvement, se laissant entraîner dans les étages inférieurs du bâteau, à la recherche des cuisines. En descendant, Esther aperçut le groupe des deux hommes se diriger vers les escaliers menant aux étages supérieurs.
Après plusieurs aller retours dans le labyrinthe de pièces qui se trouvaient dans la coque du paquebot, les Bizier dénichèrent enfin les cuisines. Gigantesque assemblage de pièces contiguës, la famille eut beaucoup de mal à s'y repérer.
Ce fut Charles qui dénicha le premier les plaques de cuisson à gaz. Il appela les filles qui le rejoignirent rapidement.
- Bon, bah il ne reste plus qu'à fouiller, dit Élisabeth.
Cette dernière commença à ôter chaque brûleur pour vérifier dessous, tandis qu'Esther ouvrait le four. Et ce fut en passant sa main sur le haut, qu'elle sentit le contact du papier sous sa peau. Elle passa ses doigts autour et le détacha de son support.
- Je l'ai, dit-elle avec enthousiasme, ce qu'elle avait perdue depuis quelques temps.
- C'est pas vrai ?! s'étonna sa mère en se retournant.
Esther sortit le parchemin de l'enveloppe et le déplia, lisant à voix haute l'inscription rouge :
S'il vous voit vieillir
sans jamais rien vous dire,
C'est parce qu'il est poli.
Alors réfléchissez et trouvez,
L' objet de mon écrit.
- Ce jeu est beaucoup trop simple maman, soupira Esther.
- Tu as déjà trouvé ?! s'exclama Élisabeth.
- Je suis fier de toi Esther, sourit Charles, se tournant vers sa fille.
- Un miroir. On doit trouver un miroir.
- Un miroir... Mais... Il y doit y en avoir des dizaines ici ! répondit la presque cinquantenaire.
- Alors cherchons en un qui ne soit pas comme les autres, lança Esther en se dirigeant vers la sortie des cuisines.
La famille Bizier longea les différents étages du bâteau, se séparant et se retrouvant à chaque salle qu'ils fouillaient. Ils croisèrent l'équipe du chauve Mickaël, de la rousse Cécile et du jeune Rémi au deuxième étage, qui allait dans le sens contraire au leur. Ils se saluèrent en souriant poliment et continuèrent leur route.
Alors qu'elle venait d'entrer dans un imposant bureau qui se trouvait tout au bout du couloir du troisième étage supérieur du bâteau, Élisabeth découvrit un immense miroir rectangulaire, qui faisait la largeur d'un bureau et la hauteur d'une porte. Elle sortit sa tête dans le couloir pour appeler sa famille et s'en approcha. Décoré d'un magnifique cadre en bois sculpté, le miroir était abîmé et déformé.
Esther et Charles arrivèrent en même temps, et s'approchèrent à leur tour. Sur le côté droit du miroir, un boîtier composé de cinq cases noires, sur lesquelles les lettres A , B, C, D et E étaient affichées. Accrochée par un fil rouge, une autre enveloppe était suspendue sur le côté. Élisabeth s'en saisit et dévoila son contenu :
Il est hier, simple ou composé
Et peut remonter à l'antiquité.
Car sans lui,
Demain ne signifie rien.
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