Au commencement, les Hommes étaient des êtres purs et parfaits, dépourvus de tous vices et d'énergie négative. Les Dieux les avait créés à leur image. Dieu et les Hommes. Puis il y avait nous.

Les Hommes nous avaient supplantés. Les Dieux nous ont bafoués et reclus au rang de vermines et de parasites. Nous n'étions rien ni personne. Nous qui étions pourtant leurs égaux. Notre existence était cachée de tous. Leurs pouvoirs nous dominaient entièrement.

Horus avait apporté la lumière sur ce monde plongé dans une nuit éternelle.

Gaïa façonna les paysages et les terres de ce monde. Elle apporta la vie.

Sîn fit briller son éclat lunaire dans le ciel obscur.

Et plus que tout, Prométhée avait créé les Hommes.

Cependant, un jour, fiers de leur création, les Dieux se sont relâchés et une brèche s'est ouverte. Le monde mortel nous est devenu accessible. Des millénaires que nous nous tenions dans l'ombre, fidèles à notre nature. Nous nous sommes faufilés à travers la déchirure.

L'âme humaine est très fragile, semblable à du verre, susceptible à tout moment de se briser en mille morceaux. Nous nous sommes introduits chez les Hommes et nous y avons survécu. Les Dieux, eux, pauvres fous, ne l'ont remarqué que trop tard. Trop tard pour y remédier. Trop tard pour nous renvoyer dans les plus profondes ténèbres. Trop tard pour sauver ces pauvres humains. Les Dieux ont causé la perte de leur propre création. Les émotions négatives se sont immiscées dans l'âme de ces êtres mortels.

Le vice a pris possession de leur chair.

Nous avons pris forme, peu à peu, inexorablement. Nous nous sommes fondus dans la masse humaine. Nous avons adopté leurs attitudes et leurs coutumes. Nous sommes devenus comme eux.

Plus tard, nous avons rencontré des êtres qui dépassaient tout ce que nous pouvions espérer. Ils étaient aussi puissants que les Dieux et aussi sombres que nous, créatures des ténèbres. Nous nous sommes mis à fusionner avec eux. Eux, les enfants du ciel. Cette fratrie maudite par sa puissance et son aliénation. Une des leurs a réussi l'inimaginable. Elle a dominé le démon et l'a apprivoisé. Tel un objet, tel un animal. Elle était devenue comme nous, un être des ténèbres.

Ce jour-là marqua le début de leur déchéance. Le début de la folie. Le début d'un pouvoir incommensurable. Le début d'une malédiction. Le début de leur extinction.

Ce jour-là, je suis né.

Moi.

Sortant du noyau de ce monde.

Enfin, c'était ce que nous pensions tous. C'était ce que nous disions tous. Personne n'allait remettre en question ce récit sacré.

Tout ceci n'était en aucune façon l'œuvre des Dieux. Ils n'existaient même pas. Ils n'étaient qu'une des chimères utiles pour nous rassurer, utiles pour nous flatter, nous qui possédions et utilisions la magie.

Cette magie, ce pouvoir aux allures divines, n'était pas l'œuvre des Dieux. Elle était l'œuvre d'une chose encore bien plus puissante. Immense. Colossale. Incommensurable. Elle allait nous détruire.

Une fois que tout était révélé.

Une fois que tout se mettait en branle.

Que restait-t-il ?

Le mensonge ou la vérité ?

Les deux s'imbriquaient, s'emmêlaient, se croisaient et se séparaient jusqu'à ne former plus qu'un.

Telle était la réalité du monde.