Namess en cendres
— Tu es l'héroïne de Namess, gloire à toi, gloire à ta descendance.
— Je ne suis pas une héroïne. Croise les bras Nessa en élevant la voix.
Une sensation de rétraction lui parcourt la main. Ses griffes redeviennent peu à peu des mains ordinaires, une sorte d'étirement et de contraction dans sa peau.
Elle a la réalisation d'aller fouiller les corps. La petite fille qui gît sur le haut de la pile, son nez cabossé et ses cheveux lisses. Nessa tremble légèrement, hyperventilant à la vue d'un cadavre, mais une esquisse de sourire lui parcourt le visage. Sa sœur est vivante.
— Hey tout le monde, ma sœur a disparu. Elle pointe du doigt un par un les villageois. Vous, allez vers les docks ; vous, fouillez le village ; moi, j'irai à la maison.
Les habitants se dispersent dans un écho de murmures et la jeune Nés-Dragon emboîte le pas vers sa désuète église. Le garçon qui la suivait du regard marcha à ses côtés, fidèle compagnon d'une personne qu'il juge digne de son attention.
À la hâte, elle ouvre la porte de la barricade. Les vitraux mauves éclatants projettent le prisme de lumière dans toutes les directions et les bancs de la messe sentent l'odeur du bois de campagne fraîchement découpé.
Le vieil homme, au visage montagneux de rides, quitte son autel pour saluer la jeune fille.
— J'ai entendu le grabuge dehors. Apparemment, tu es Nés-Dragon, que tes vœux soient enflammés.
— Je n'ai pas le temps pour ça, vieux fou. Où est Shana ?
— Elle a disparu, malheureusement. Elle disait vouloir découvrir le monde, puis un homme à la grande musculature l’a emmené avec lui.
— Quoi ? Mais comment vous avez pu laisser ça se produire ? clame t-elle d’une voix puissante, faisant peur au petit qui l'accompagne.
— Il était bien trop grand pour que je puisse m'interposer. J'ai bientôt soixante ans, vous savez. Ajoute-t-il d'un sourire nerveux, le bleu de ses yeux empreint d'innocence.
La brune prend un chandelier à disposition et l'éclate sur le crâne du prêtre.
— Cette foutue ville, je vais tout brûler, vous allez voir.
Le prêtre s’effondre au sol, le sang coulant légèrement de son crâne. Le jeune garçon recule d’un pas, ses yeux écarquillés d’effroi.
— Nessa… arrête ! proteste-t-il d’une voix tremblante. Ce n’est pas comme ça qu’on va retrouver ta sœur.
La jeune femme, toujours prise dans un tourbillon de colère, resserre ses poings. La douleur dans sa main gauche refait surface, un picotement rappelant la puissance de son sang de dragon. Mais au lieu de céder à sa rage, elle inspire profondément, cherchant à reprendre le contrôle.
Elle s’agenouille près du prêtre, son regard chargé de haine et de détermination.
— Si tu veux vivre, dis-moi tout ce que tu sais sur cet homme. Où l’a-t-il emmené ?
Le vieillard gémit faiblement, levant une main tremblante pour désigner une direction.
— Les… Mainland… Il veut l'emmener aux Mainlands, je ne sais pas ce qu'il veut y faire.
Le jeune garçon pose une main sur l’épaule de Nessa, essayant de calmer sa furie.
— S’il te plaît, Nessa, il y a encore des innocents ici. Si tu te laisses emporter, tu seras comme eux… ceux qui ont détruit ta maison.
Elle tourne lentement la tête vers lui, ses yeux brillant d’une lueur menaçante, mais ses mots l’atteignent. Elle se redresse, la tension retombant légèrement, bien que ses mains tremblent encore.
— Très bien, j'y vais. Si cet homme a fait quoi que ce soit à Shana, il paiera. Mais toi… Elle désigne le prêtre d’un geste menaçant. Prie pour que je la retrouve vivante.
Sans un regard en arrière, elle se dirige vers la porte. Le jeune garçon hésite, mais finit par la suivre, murmurant une prière pour les âmes de ceux qui croiseront la route de Nessa.
Le prêtre lance :
— Que les dragons te bénissent.
Elle descend la longue vallée, des flammes follets lui éclairant la route. Elle en attrape une par ses ailes vitrées et arpente la petite colline qui mène à la gorge des morts.
Canyon clairsemé de petits buissons épineux et qu'on utilise pour déverser les morts et les produits chimiques usagés. Une odeur de soufre et de détergent s’en échappe, mêlée à une cadavérine en décomposition forte qui fait retrousser le nez de l'enfant et remuer celui de Nessa.
Descendant la pente pour naviguer dans le désert, le vent fortt secoue leurs vêtements, l'abaya traditionnelle de sa région sur elle. Le vent s'engouffrant dans ses habits la protégeant du soleil et des brûlures, une ventilation parfaite dans ce désert aride.
— Ça va, et toi ?, fait-elle remarquer au petit.
— Non, j'ai super chaud. Répond-il en tirant la langue et en ajustant sa tunique de coton un peu trop serrée.
Nessa lui passe la bouteille d'eau en peau de Graison. Il en boit goulûment quelques gorgées avant de s'étouffer.
Il s'essuie la bouche et s'émerveille devant les squelettes géants des dragons du désert. D'immenses structures osseuses au crâne de reptile.
— Plus tard, quand je serai grand, je serai un scientifique des nanimaux.
— On dit « animaux ». Glousse-t-elle.
— C'est ce que j'ai dit. Il la fixe du regard un instant, toujours en continuant la marche.
Elle n'en fait rien et hausse les épaules.
Un groupe de petites créatures se précipite sur eux : une colonie de Kramer aux mandibules acérées et à cinq yeux composés qui leur foncent dessus.
Ils rebroussent chemin, talonnant le sable qui fuit sous leurs pieds. Ils décrivent un cercle alors que les Kramer ne leur lâchent pas la grappe. Nessa s'arrête et attrape son coude , espérant sortir les griffes. Son pouvoir ne se manifeste pas et son cœur saute un bond lorsque les Kramer s'approchent. Ils s'arrêtent à quelques centimètres d'elle et du petit.
— Ah, attends.
Le petit se dégage de sa place initiale et les bestioles le suivent, s'installant dans la projection de son ombre.
— Elles ont chaud, c'est trop mignon.
Le petit en prend une dans sa main et la caresse. Le Kramer saute sur ses pattes arrière en bougeant les mandibules avant de se coucher à plat ventre sur la paume de sa main.
— Tiens. Il prête la créature à Nessa qui recule d'un geste de la main.
— J'touche pas à ça, c'est… Non, ne m'approche pas.
Le gamin a un sourire de malice sur le visage et essaye de lui foutre la bête dans la couverture de son abaya.
Elle s'enfuit et le gamin la poursuit pour lui jouer un mauvais tour. Un vent fort se lève, concentré sur une zone précise, et immédiatement le sable désertique vient se loger en petits galets dans une tornade. Nessa perd ses repères et le petit. Elle avance la main sur les yeux pour éviter de perdre la vue. Au loin, elle voit une bâtisse d'argile mal décorée.
Se glissant hors de la tempête, elle arrive au bâtiment. Le petit aussi réussit à s’en sortir sans problème visible.
— On entre ?
— Ça a l'air dangereux, non ? S'inquiète le petit.
Elle lui fait un signe de paix d'une main et y pénètre.
— J'y vais sans toi.
À l'intérieur, des statues de cinq dragons trônent aux abords des murs, tous avec une orbe dans leur bouche de différentes couleurs. Un tuyau de vieux papier jaune pâle présenté sur une tablette pique son attention. Elle le touche, fibreux et peu souple, il peut se casser à tout moment, et l'odeur de poussière désagréable se mêle à celle d’herbacée.
Elle en lit le contenu.
« Chers voyageurs, il y a longtemps que nous attendions la venue du roi des nés-dragon, car le peuple d'origine a été exterminé. Nous souhaitons regagner le trône par des moyens peu conventionnels. Il est maintenant au pouvoir, l'hydre moderne, mais nous ne connaissons pas la durée de son règne. Si vous recevez ceci, c'est que nous sommes déjà morts, mais avec nous, nous emportons "le secret du siècle perdu".
« Étrange », pense-t-elle. Elle prend le papyrus et le met dans sa poche.
Elle rejoint le petit dehors et feint de n'avoir rien trouvé. Au loin, il y a un zeppelin, dirigeable contrôlé pour les marchandises, s'approchant d'une ville aux structures de métal brun et ovale.
— On y va, il y a certainement de l'eau là-bas. On pourra se ressourcer et trouver de quoi manger.
Ils se dirigent alors vers la petite ville. Tandis qu'ils s'approchent, l'air devient plus dense et les bruits de la civilisation plus proches. Des machines et des véhicules à vapeur grondent en arrière-plan, un contraste frappant avec le silence du désert. Nessa peut sentir l'odeur de l'huile et du métal brûlé, mélangeant une atmosphère industrielle avec la poussière du sable.
L’entrée présente un mélange de plusieurs dômes en forme d’oignon, des fenêtres et des portes voûtées, ainsi que des créneaux le long des murs.
La structure a une apparence de forteresse avec des murs épais et des tours, suggérant une fonction défensive.
L’entrée principale est large et richement décorée, avec une arche sculptée.
La petite ville s'étend sous une gigantesque structure métallique, un réseau de tubes et de plateformes en hauteur, toutes reliées par des passerelles suspendues. Au centre, un marché anime les rues. Des gens de toutes sortes se mêlent, certains vêtus de tissus d'apparence étrangère, d'autres portant des armures semblables à celles des soldats.
— On dirait une tanière d'insectes, dit le garçon en observant les allées et venues des habitants.
Ils s'avancent dans une ruelle étroite, longeant des murs de métal rouillés. Nessa s'arrête brusquement, son regard se fixant sur une silhouette familière qui passe au bout de la rue. Un homme grand et musclé, le même que le prêtre a mentionné. C'est lui. L'homme qui a emmené Shana.
— Reste ici, dit-elle au petit garçon. Ne bouge pas, je vais le suivre.
Avant qu'il ne puisse protester, elle s'éloigne en silence, se faufilant dans la ville comme une ombre. L'homme est trop loin pour être facilement abordé, mais Nessa sait qu'il ne peut pas échapper à son regard.
L'instinct de la chasse éveillé, elle s'enfonce plus profondément dans la ville. Chaque ruelle, chaque recoin semble la conduire plus près de son objectif. Il n'y a pas de place pour l'hésitation maintenant. Shana est en danger, et il est temps de faire payer celui qui l'a prise.
Au coin de la rue, des hommes en costard donnent des ordres à des brigands armés de fusils.
Lorsqu'elle traverse l'impasse, elle entend un clic derrière sa tête.
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