L'étoile

La lame explose en mille morceaux au contact de son torse cicatrisé.

— Mon petit sucre, t'aimes bien les jeux salaces, à ce que je vois.

Nessa recule, reprenant son souffle, mais analyse la personnalité des courts échanges qu'elle peut entrevoir de lui.

— Mon comte, je voulais simplement tester votre durabilité, vous êtes si massif et grand.

Najwell se redresse sur son lit à baldaquin et croise les bras.

— Il faut qu'on fête ça, ma peau de dragon est plus robuste que n'importe quel métal.

Il prend une chope de bière posée sur son bureau et se lève d'un air gai.

Il traverse le corridor et fait signe de deux doigts pour que son frère, Gen, ne s'approche pas, lui et le Petit.

— Nous allons manger, steak et entrecôte, en compagnie de ma nouvelle femme.

Nessa scrute le visage du comte de fond en comble, pour déceler s'il se moque d'elle ou s'il prend ses avances au sérieux. En passant une main dans son cou et ses cheveux noirs bouclés, elle s'avise de ne pas imaginer un scénario où elle se retrouverait à l'épouser.

Elle tâche de ne rien laisser paraître. Son esprit tourne à toute vitesse, cherchant une échappatoire ou une manière de tourner la situation à son avantage. Najwell, comte de cette région désertique, semble être bien plus qu'un simple homme : un Nés-Dragon doté d'une peau impénétrable. Sa nonchalance et son attitude décontractée trahissent une puissance qu'il n’a pas besoin d’afficher pour être respecté, ou craint.

Elle ajuste sa posture et force un sourire en coin.

— Une femme, dites-vous ? Je crains que votre proposition soit un peu précipitée. Après tout, je ne suis qu’une humble voyageuse égarée…

Najwell éclate d’un rire tonitruant qui résonne dans le corridor.

— Voyons, petite, ne sois pas modeste. Tu as tenté de m’assassiner. Dans cette région, c’est le plus beau compliment qu’une femme puisse faire à un homme.

Il fait signe à un serviteur de leur ouvrir une porte menant à une salle à manger richement décorée. La chaleur qui émane de la pièce est écrasante, accentuée par un grand brasero trônant en son centre. Des plats fumants sont déjà disposés sur la table. Gen, le frère de Najwell, la dépasse en silence, ses yeux sombres l’évaluant avec méfiance. Le Petit, un garçon maigre aux cheveux ébouriffés, ne lui accorde qu’un regard rapide avant de tirer une chaise pour le comte.

— Asseyez-vous, ordonne Najwell en désignant une chaise à côté de lui.

Nessa hésite. Si elle joue mal ses cartes, elle risque de se retrouver piégée entre ces hommes, voire pire. Pourtant, ce dîner est peut-être l'occasion d'en apprendre davantage sur eux, sur leur relation avec les Nés-Dragons… et sur les plans de Najwell. Elle se force à avancer et prend place, feignant un calme qu’elle ne ressent pas.

— Vous êtes bien généreux de partager votre table avec moi, dit-elle doucement, posant ses mains sur ses genoux pour cacher leur tremblement.

Najwell la fixe avec un sourire carnassier.

— Et toi, bien téméraire, d’accepter.

Le silence est brisé par le bruit des couverts tandis que Gen sert le vin. L’odeur de la viande grillée emplit la pièce, mais Nessa n'a pas faim. Ses sens sont en alerte, chaque mouvement des trois hommes autour d’elle est analysé avec soin.

Elle lance un regard vers le Petit, intriguée par sa présence. Un enfant dans ce lieu chargé de tension paraît déplacé. Najwell, semblant lire dans ses pensées, pose une main lourde sur son épaule.

— Ne te méprend pas, petite. Ici, tout le monde a sa place, même toi. Et tu verras, nous avons tant à discuter…

Un éclat dans ses yeux indique qu'il ne parle pas seulement de politique ou de mariage. Nessa serre les dents, consciente que le jeu vient de commencer.

— Cette cicatrice que vous avez au torse. Dites-moi qui vous l'a faite.

— Un homme accompagné d'une jeune fille m'a attaqué en traître. Il n'était pas comme les autres Nés-Dragons, il crachait de l'acide.

— Cracher de l'acide ? s'étonne Gen. Mais aucun Nés-Dragons ne fait ça, il n'y en a que quatre, si je compte bien.

— Et moi, je suis une wyvern, je ne peux donc pas voler, mais mon corps est résistant, ricane-t-il d'un rire béat, horripilant Nessa.

— Et il vous a dit quelque chose ? Comme où il allait ?

— Il me semble qu'il se dirigeait vers le château.

Nessa sort furibonde de sa chaise, claquant ses mains sur la table.

— Au château ? hurle-t-elle, son souffle s’accélérant sous l’effet de la colère et de l’urgence.

Najwell lève un sourcil, amusé par son éclat.

— On dirait que ma petite femme est impatiente. Pourquoi tout cet intérêt, hein ?

— Ça ne vous regarde pas, réplique-t-elle, ses yeux brillant d’une fureur contenue.

Gen se lève à son tour, sa silhouette imposante accentuée par l’ombre du brasero.

— Nessa, ne fais pas quelque chose de stupide.

— Ah oui, et pourquoi on fait tout ça d'abord ? Najwell, tonne-t-elle pour se faire entendre. Si je te bats, alors tu ne remets plus un pied dans cette foutue ville, j'en ai marre de couvrir les autres.

Najwell se lève et l'invite en duel sur le terrain d'entraînement.

Une jeune femme aux cheveux blancs et décorés d'une étoile attend patiemment derrière la clôture. Son insigne sur la poitrine est marqué AND, des sigles qui représentent une branche de l'alliance scientifique.

Alors que le vent pousse le sable fin dans leurs cheveux, les deux combattants se tiennent face à face sans arme.

— Mords-toi pour faire couler le sang. C'est comme ça qu'il déclenche son pouvoir, crie Gen.

Elle mord sa main ; le sang, rouge iridescent, réveille ses veines jusque dans ses yeux, et des pupilles verticales font leur apparition, ses doigts se transformant en longues griffes verdâtres.

Najwell se pique légèrement avec une bague à dent, dévoilant petit à petit son pouvoir sans en faire trop.

Il tape le sol qui se fracture en quadrillage, disloquant les roches et les balançant en pleine face à Nessa qui n'a pas le temps de réagir. Dans la tête. Elle tombe sur le sol. Reprends ses repères. Ses yeux coulent de larmes, bloquant sa vision. Elle attaque de front pour griffer Najwell, mais la wyvern esquive et frappe d'un coup de poing violent sur sa tête. L'encastrant dans le sol, elle gémit.

Sa face, désormais boursouflée, lâche un rire à la femme en costume blanc.

Najwell utilise ses pieds comme des griffes pour la frapper, mais elle esquive en courbant son dos. Elle sent les effets de sa magie disparaître. Sous l'impulsion de la folie, elle plante la dague cassée dans son flanc. Elle serre les dents, son bras devenant écailleux alors que son abaya se tache de sang. Ses mâchoires s'ouvrent grand et ses dents se forment comme celles d'un serpent.

Dans une attaque désespérée, elle fond sur lui et le mord aussi fort qu'elle le peut maintenant sa prise et injectant du venin dans sa plaie béante.

Najwell la dégage d'un coup de coude et, avant qu'il ne puisse faire quoi que ce soit, une flèche électrique transperce son cou ; sa main tremblante se porte à sa nuque et il constate avec horreur le liquide rouge qui suinte. Il s'échoue sur le sol.

— Un de moins, dit la femme aux cheveux blancs s'éclipsant dans l'obscurité.

Nessa, haletante et à moitié consciente, lève les yeux vers le ciel. Ses griffes encore ensanglantées tremblent tandis que sa vision devient floue. La douleur pulse dans son corps, mais elle se force à se redresser, une main posée sur son flanc blessé.

Najwell gît au sol, immobile, son sang coulant lentement autour de lui. La flèche électrique qui l’a terrassé brille encore faiblement, crépitant d’énergie résiduelle. La femme aux cheveux blancs s'est déjà évaporée, comme un fantôme dans la nuit.

Gen et le Petit se précipitent vers Nessa.

— On doit juste… aller vers le château, exhale-t-elle comme un dernier souffle.

Gen utilise un fil à coudre, une aiguille et des ciseaux pour refermer la plaie béante. Sans prendre aucun soin de désinfecter le reste, il n'a pas les connaissances nécessaires dans ce domaine pour en faire plus.

— Par Sparcus, j'espère que tu t'en remettras.

Le Petit vient à ses côtés pour lui poser un gentil baiser sur le front.

Le soir, déjà bien entamé, ils croisent une calèche mobile à essence et s'y installent pour la somme de 10 paris. Plutôt modeste comme chauffeur.

Gen veille à bien soigner les quelques blessures restantes tandis que le Petit, sans espoir, l'imagine déjà morte.

Au petit matin, quand ils se réveillent, le véhicule les dépose dans un village à flanc de colline. Un joyeux campus de tours élaborées se finissant par des flèches, s'incorporant directement dans un dôme rouge où les arbres fleurissent jusqu'à le pénétrer. Les bâtiments poussant sur les branches, et la grande ouverture du milieu étant creusée dans un arbre creux, de multiples personnes quittant ce qui semble être des dortoirs.

Un homme sort de la place du grand arbre et leur indique l'intérieur d'un accueil chaleureux.

— Vous êtes ici à l'académie des Nés-Dragons, où l'on entraîne les futurs soldats de l'élite.

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