Dispute

La mare de sang. Une rivière d'hémoglobine que l'on ne peut trépasser. Emprisonnant le royaume d'Eternatus en le coupant du monde. Les espèces y avaient évolué spontanément. Un brassage génétique faible pour un environnement hostile. On raconte qu'elle est le résultat de la Grande Guerre, personne ne sait si le sang est humain ou draconique, ou les deux.

Nessa détourna son intention pour rentrer à l'académie. Elle passa la porte et laissa Gen et Kudo dans la salle d'attente.

Elle entra en classe.

—Nessa, tu as pris des risques inconsidérés.

—J'ai vu ma sœur. Elle est avec Dryass.

Tous les académiciens se rivèrent vers elle. Des chuchotements emplissaient la pièce comme un orchestre maléfique avant que le chutement d'Arthurias ne vint calmer la situation.

—Dryass… L'homme aveugle se posa sur sa chaise ,essuyant son front et massant ses tempes. Il finit par se couvrir la bouche et demander, fébrile:

—Est-ce qu'il t'a dit où il allait?

—Il veut ramener ma sœur à la mare de sang, mais c'est bizarre, il l'a déjà passée, je pense qu'il a d'autres plans.

—Une énième guerre se prépare peut-être.

—J'entrainerais mes pouvoirs et je ferais face avec , ou sans vous.

Nessa lui tourne le dos et Elyse la suit dans les couloirs.

—Pimbêche , on n’a pas réglé nos comptes, je te rappelle.

—Qu'est-ce que j'en ai à foutre de tes comptes ? Aboya -t-elle à son encontre en agrippant sa tunique par l'étoile. Tu veux te battre,  hein? Tu crois que je suis pas meilleur que toi, mais moi, au moins, j'ai un objectif.

—La reine de l'école ,ici, c'est moi. Tu ne peux pas me défier, je deviendrai une chevalière comme je l'ai toujours voulu.

—Chevalier de quoi,  putain? Tu vas mourir ou devenir aveugle comme ton père.

Elyse lui attrapa le col et rapprocha sa tête de Nessa.

—Papa a servi pour la nation moi,au moins j'ai encore un père.
Nessa lui balança la tête dans le visage, un bleu apparut sur son front.

—Reparle de ça encore une fois, tu bouffes le carreau.

Elyse sourit d'un air malicieux.

—Comme si tu pouvais faire ça.

Nessa débarqua en bombe dans la salle d'attente et pressa Gen et Kudo de partir.

—Attends , j'ai des livres super intéressants sur l'histoire de la guerre avec Drakalyss.

—Je veux jouer avec les oiseaux. S'exclama le petit.

Nessa fronça les sourcils. Elle s'effondra sur la table de bois ,les paumes sur les tempes ,les yeux exorbités face au marbre froid en contemplation de son âme bouleversée.

Elyse, quant à elle, frappa de ses pieds sur le sol, courroucée par la situation.

Arthurias sépare la classe pour éviter une meute de gens voulant assister à la détresse de sa fille.

Les élèves partis, il claqua de la langue et trouva Elyse. Il lui secoua les cheveux, tendre.

—Je t'ai entendu dans le couloir. Tu sais que maman aussi…

—C'est bon, ne me le répète pas. coupa-t-elle son père d'un geste de la main.

—Tout ce que je veux dire , c'est que cette fille a plus en commun avec toi que tu ne le penses.

Elyse détourna les yeux, ses doigts serrant la lanière de son sac.

— Elle est juste arrogante et stupide. Elle se croit invincible parce qu’elle est une Quetzal.

Arthurias la regarda avec un mélange de sévérité et de douceur, comme il le faisait lorsqu’elle était petite et qu’elle refusait d’admettre une erreur.

— Elyse, toi aussi tu as du feu en toi. Mais ce feu, il peut soit te dévorer, soit te guider. Nessa n’est pas ton ennemie.

Elyse souffla, son visage crispé par un mélange de colère et de doute.

— Elle t'a insulté. Tu veux que je fasse quoi ? Que je lui fasse un câlin ?

Arthurias sourit tristement et posa une main sur son épaule.

— Parfois, les blessures des autres se reflètent dans leurs mots. Nessa a perdu bien plus que tu ne l’imagines.

Elyse haussa les épaules, mal à l’aise. Elle détestait quand son père jouait les sages.

— Peut-être. Mais ça n’excuse pas tout.

— Non, ça ne l’excuse pas, admis Arthurias. Mais ça devrait te faire réfléchir. Tu as le choix, Elyse. Faire de Nessa une ennemie… ou une alliée.

Elyse ne répondit pas, son esprit encore tourmenté.

—Je pense partir en expédition avec elle , je lui apprendrais les bases pendant que tu m'épauleras dans notre aventure, je n'interviendrais qu'en cas d'extrême nécessité.

Elyse souleva le regard intense de son père ; sa cicatrice horizontale couvrant ses yeux la fit frémir. Le blanc laiteux recouvrant ses iris ne changeait jamais d'expression, et sa mère ,elle se demandait pourquoi , elle l'avait abandonné.

—Laisse-moi le temps d'y réfléchir.

Arthurias hocha la tête.

Elyse poussa sa chaise et s'en alla tout au fond du couloir, à l'extrême opposé des escaliers. Dans l'arboretum, des kiosques à bancs s'étendaient dans une allée fleurie de bulbes de paradis, des fleurs aux bourgeons lumineux. Les mauves plumes y jouaient , ramassant des bouts de bois pour se battre entre eux comme avec des épées. Un vent d'antan soufflait avec lui la nostalgie d'une époque passée, et les cris gutturaux de la tarasque apprivoisée se dispersaient dans son sein.

Elyse s'approcha de la tarasque,crinière de lion et corps de crocodile ,il se laissa caresser , sa peau rugueuse glissant sous les doigts d'Elyse.

Une idée farfelue lui vint à l'esprit. Elle fait pleuvoir un peu de l'eau de la fontaine directement sur la tarasque tout en lui frottant le dos. La créature ouvrit la bouche grande et ferma les yeux , se ruant vers elle à chaque moment de pause, ce qui la fit glousser.

Dans l'ombre des arbres de l’arboretum, Elyse sentit un moment de calme. La chaleur de la tarasque contre sa main apaisa légèrement les pensées tumultueuses qui tournaient en elle. Les fleurs aux reflets nacrés semblaient vibrer doucement sous l'effet du vent. Pourtant, son esprit restait accroché à Nessa, à ses mots, à son regard empli de défi.

— Qu'est-ce qu'il y a chez elle qui me met autant en colère ? murmura-t-elle.

La créature rugit doucement, son presque réconfortant. Elyse esquissa un sourire amer.

— Peut-être que papa a raison… Peut-être que je devrais essayer de comprendre.

Mais une partie d’elle s'y refusait encore. Elle avait grandi dans l’ombre des attentes, dans la rigueur de son père, dans le poids d’une mère absente. Tout ce qu’elle avait accompli, elle l’avait fait seule. Pourquoi Nessa, avec sa fierté mal placée et ses blessures à peine cachées, lui apparaissait-elle à la fois comme une rivale et… autre chose ? Une alliée potentielle ?

Elle secoua la tête, tentant de chasser ces pensées. Mais au moment où elle allait se lever, elle entendit une voix familière derrière elle.

— Madame.

C’était Gen, accompagné de Kudo, qui serrait un petit oiseau blessé dans ses mains. Il semblait hésitant mais déterminé.

— Nessa est déjà partie. Elle voulait qu’on reste ici, mais Kudo voulait te voir.

Elyse haussa un sourcil et s’approcha du garçon.

— Pourquoi ? demanda-t-elle, adoucissant légèrement sa voix.

Kudo regarda le sol, puis tendit timidement l’oiseau blessé. Ses yeux brillaient de larmes non versées. Gen prend le relais.

— Il voulait savoir si tu pouvais aider cet oiseau. Il est tombé du kiosque là-bas, et… je crois qu’il espérait que tu aurais une idée.

Elyse observa le petit être frêle dans les mains de Kudo. Un sentiment qu’elle n’arrivait pas à définir monte en elle. Elle posa délicatement sa main sur la tête de l’oiseau et ferma les yeux. La chaleur familière de sa magie, qu’elle n’utilisait que rarement hors des entraînements, l'asperge d'une fine couche aqueuse.

L’oiseau battit faiblement des ailes, puis poussa un cri aigu. Kudo sourit, les yeux encore humides, et serra Elyse dans ses bras sans prévenir.

— Merci ! dit-il, sa voix à peine audible mais pleine d’émotion.

Elyse resta figée, incapable de répondre. Puis, lentement, elle tapota maladroitement la tête du garçon.

— Ce n’est rien… murmura-t-elle, détournant les yeux.

Gen, de son côté, observait la scène avec un sourire en coin.

— Tu vois, tu n’es pas aussi insensible que tu veux le faire croire.

Elle lui lança un regard noir, mais il éclata de rire.

— Tu sais quoi, Gen ? dit-elle avec une pointe d’amusement dans la voix. Je vais peut-être rejoindre cette "expédition" après tout. Si quelqu’un doit surveiller cette tête brûlée de Nessa, autant que ce soit moi.

Gen hocha la tête, satisfait.

— Alors prépare-toi. Parce que si Nessa est déterminée à retrouver sa sœur, rien ni personne ne l’arrêtera. Pas même toi.

—C'est ce qu'on va voir.

Ils se retrouvèrent tous à la table où Nessa , plongée dans ses rêves et ses pensées , coinçait sa tête dans ses avant-bras.

—Alors qu'est-ce qui vous avait décidé ? demande Arthurias.

—J'accepte , mais à une condition : je veux que tout le monde prête serment sur son vœu le plus cher.

Nessa sortit la tête de ses bras avec des cernes noirs.

—Stupide.

—C'est pour l'exemple, allez.

Elyse tendit son poing dans le vide.

—Je deviendrais chevalière.

Kudo fit de même en même temps que Gen.

—Je veux voir le monde.

—Je veux découvrir les secrets du siècle perdu.

Arthurias éclata d'un rire profond venant de l'estomac et essuya une petite larme de rire.

—Je veux protéger Eternatus.

Nessa zieuta toutes les personnes autour , elle leva les yeux au plafond où les canopées des arbres se rassemblèrent pour ne former qu'un.

—Je veux sauver ma sœur. finit-elle par dire ,en tapant son poing dans ceux du groupe.

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