Epilogue : Ensemble
Bon, ce n'était pas prévu que je la poste si vite, cette fin.
Mais comme je vais avoir deux semaines HYPER CHARGEES et qu'on enchaine avec les fêtes de noël et que bah mine de rien j'ai envie d'avoir votre ressenti global sur cette fanfiction ... Et puis j'éprouve le besoin de me libérer pour arrêter de relire sans cesse jusqu'à ce que ce soit parfait et avancer dans des relectures plus importantes. Bien, c'est parti pour l'épilogue !
Je vous remercie d'avoir voté et commenté sur cette fanfiction, chaque commentaire m'allait droit au coeur ! Je tiens réellement à m'excuser platement pour la "chaoticité" du début de fic : les postes n'étaient vraiment pas réguliers, j'ai vraiment abusé sur le début MAIS JE SUIS VENUE A BOUT et je vous remercie d'avoir été si patient !
On ne va pas se mentir, la fic n'a plus grand-chose à voir avec ce que j'avais imaginé au départ. D'ailleurs, le titre de "Cour des Miracles" n'est plus vraiment approprié, j'aurais peut-être dû le changer sur quelque chose de plus en rapport avec la famille, avec le passage à la vie adulte ... Parce que dans le fond, ça a été ça le fil rouge de la fanfiction. Et c'est vraiment un aspect qui me touche assez et que j'avais envie de creuser.
Bon, je pense que c'est la dernière fic que je fais sur le monde de Riordan, alors j'espère sincèrement qu'elle vous a plu ! Personnellement, j'ai adoré l'écrire, ça m'a vraiment beaucoup amusé et je vous dis, y'a des problématiques qui m'ont assez touchée personnellement (ah le passage à la vie adulte ... un moment difficile pour tout le monde). Il y a aura un bilan après le chapitre, donc ce serait cool que vous y répondiez, j'aimerais avoir vos ressentis
Allez, trêve de bavardages, je vous offre l'épilogue ! Normalement vous allez l'apprécier, plein d'endroit et de tête connues qui vont apparaitre ! Bonne lecture et n'oubliez pas le bilan à la fin (je sais que je peux être insistante pour le Bilan, mais j'ai pris du temps et du plaisir à écrire cette fanfic, donc ça m'intéresse vraiment de savoir comment vous l'avez reçu !)
SPOILE ALERT : il est préférable que vous ayez lu au moins le premier tome sur Apollon, j'y fais allusion dans ce chapitre.
Epilogue : Ensemble.
-On est bientôt arrivés ?
-Ta musique elle craint, on peut changer ?
-On est obligé de rester pendant tout un week-end ? Sérieux !
Dylan souriait en écoutant les jérémiades de Camille et Chelsea. Elle avait planté ses lunettes de soleil sur son nez, ce qui ne permettait pas de voir ses yeux mais je sentais qu'elle me jetait de fréquent regard, comme amusée par mon air fulminant. Je conduisais d'une main, tentant de faire abstraction des plaintes des filles derrière mais plus on approchait de New-York, plus c'était difficile. Après deux jours de trajets, j'étais devenu irritable et agacé par la réserve perpétuelle des filles qui m'accompagnaient dans mon voyage. Chose que je ne pensais pas possible, elles avaient entamées ma joie de retourner à l'une de mes ressources, l'un des endroits que je préférais sur terre et qui m'avait façonné autant qu'avait pu le faire Denver.
Après six mois d'absence, je retournais à la Colonie des Sangs-Mêlés. Enfin.
Mais visiblement, ça ne paraissait pas plaire à tout le monde.
Chelsea avait été la moins réticente d'un prime abord, jusqu'à que je lui apprenne du bout des lèvres que Connor sortait avec Lou Ellen, la fille d'Hécate. Dès lors, elle avait montré toute la mauvaise volonté du monde, mais ayant déjà donné sa parole elle n'avait pu se soustraire au voyage.
Camille craignait de pas trouver sa place à la Colonie : Alice était déjà devenue inséparable de l'une de nos sœurs, Julia, avec laquelle elle était devenue la nouvelle redoutable paire de la Colonie. Nous n'étions pas encore arrivés qu'elle me collait comme un chaton à sa mère et je sentais que j'allais avoir des difficultés à me départir d'elle durant notre séjour.
Etrangement, Dylan était la seule qui restait silencieuse, mais je sentais sa crispation à des petits détails. Je lui avais répété jusqu'au bout qu'elle n'était pas obligée de venir, que je comprendrais parfaitement qu'elle reste à Denver à travailler son diplôme ou au restaurant, mais elle avait insisté. Et comme cela m'avait touché qu'elle fasse cet effort de s'ouvrir à cet univers qui l'avait effrayée d'un prime abord, je n'avais pas insisté d'avantage.
-On arrive dans une heure, non je ne changerais pas de musique et oui on reste pour le week-end sinon Connor va m'étriper. D'autres questions ?
-C'est New-York là-bas ? demanda Dylan en tapotant sa fenêtre.
J'y jetais un bref coup d'œil pour apercevoir la silhouette longiligne des premiers gratte-ciels New-Yorkais qui s'élançaient à en percer les cieux. Un sourire nostalgique effleura mes lèvres.
-Elle-même en personne. En fait, on y est, on traverse le Bronx, là. Mais ce que tu vois là-bas c'est bien Manhattan.
-Moins grand que je le pensais, bougonna Camille.
Mais au même moment, nous passâmes un pont qui enjambait l'East River et donnait un panorama encore plus prenant dans la partie la plus célèbre de la ville. Chelsea abandonna enfin son masque revêche pour lâcher un « whao » émerveillé et Camille céda à la curiosité en restant collée à la fenêtre jusqu'à que Manhattan disparaisse de sa vue. Dylan arracha son regard du paysage pour se pencher vers moi, un sourire aux lèvres.
-Tu vois, il suffisait de leur servir New-York. Si ta Colonie les bluffe autant, c'est gagné.
J'eus un petit sourire. Me concernant, je préférais cent fois la Colonie à l'urbanisme New-Yorkais, mais je n'étais pas objectif. La Colonie, c'était ma seconde maison, une véritable partie de moi que je devais leur faire découvrir en espérant qu'elles seraient réceptives. Surtout l'une d'entre elle.
La vision enchanteresse de Manhattan paraissait avoir calmée mes deux passagères, qui restèrent silencieuse durant l'heure qui suivi. La ville laissa petit à petit place à la verdure et quand j'ouvris ma fenêtre pour faire entrer un peu d'air frais, j'humais les premières odeurs de fraises chauffées par le soleil de Long Island. Il faisait encore froid en ce mois de février, mais le ciel était dégagé et laissait régner une agréable luminosité qui forçait Dylan, sensible, à garder en permanence ses lunettes de soleil. Plus j'approchais de la Colonie, plus mon cœur se faisait léger, retrouvant l'insouciance de l'enfant que j'avais été durant mes années en son sein et je n'arrivais plus à contenir mon sourire. Enfin, je finis par m'engager sur un chemin familier, caillouteux et peu confortable qui fit remuer la voiture et raviva les protestations de Chelsea et Camille. Mais enfin, la belle colline fut en vue, coiffée du colossal pin qui trônait, plus majestueux que l'Empire State Building, et surtout, de l'immense statut d'Athéna, rendue par les romains en signe de paix et qui fortifiait les protections magiques de la Colonie. J'arrêtai la voiture là où le chemin s'achevait, en contre-bas de la colline et détachai ma ceinture avec empressement.
-Terminus, tout le monde descend !
-C'est là ? douta Camille en observant le pin.
-Evidemment que c'est ça, tu ne vois pas l'Athéna Pathenos sur la colline ? railla Chelsea.
-En fait c'est derrière, dans la vallée. Et bon sang, arrêtez de faire cette tête, vous n'étiez pas obligées de venir !
Avant que leur réticence ne m'agace et chasse ma joie de retrouver cet endroit, je descendis de la voiture et claquai porte avant de me précipiter vers le coffre pour en extraire mes bagages. J'entendis des éclats de voix à l'intérieur de l'habitacle avant que les filles ne sortent récupérer leurs sacs. Chelsea me lança un regard désolé, et Camille se colla à moi immédiatement après. Comprenant que Dylan s'était permise quelques remontrances, je la remerciai d'un hochement de tête, auquel elle répondit par un sourire. Elle sauta pour attraper le coffre et le refermer et essuya ses mains.
-Allez, mauvaise herbe. Montre nous le chemin.
-Et reste avec moi, s'il te plait, ajouta Camille d'une petite voix.
Avec un soupir à la fois mortifié et amusé, et je pris ma demi-sœur par les épaules et l'entrainai avec moi à l'ascension de la colline jusqu'au pin. Un éclat doré attira mon attention et je souris en reconnaissant la Toison d'Or sur une des branches de l'arbre de Thalia. Alors je me souvins de ce qu'amenait la protection du puissant artéfact magique, et bien trop tard : Chelsea poussa un véritable hurlement en se retranchant derrière moi, terrifiée.
-Mais c'est un dragon ?! Je pensais que votre Colonie était protégée !
-Peleus ! m'exclamai-je en apercevant la bête pelotonnée au pied du pin. Comment tu vas mon vieux ?
Alerté par le cri de Chelsea, le dragon avait relevé paresseusement la tête et vrillé ces yeux ambrés sur nous. Il avait encore grossi depuis la dernière fois que je l'avais vu, atteignant les six mètres et s'enroulant autour du pin d'une torsion qui pouvait presque le briser. Je m'approchai sans aucune crainte et Camille couina lorsque je caressai les écailles cuivrées du cou de la créature. Peleus fit jaillir un jeu de vapeur de ses narines qui équivalait au ronronnement d'un chat. Quand je revins vers les filles, Chelsea et Camille me contemplaient les yeux écarquillés et la bouche bée.
-Mais comment tu fais ça ? s'étonna la fille d'Apollon, stupéfaite.
-Juste une histoire de coup de main, enfin.
-Arrête de frimer, rétorqua Dylan avec l'ombre d'un sourire. C'est par là je suppose ?
Elle désigna la vallée d'un geste de la main et mon regard fut magnétiquement attiré par la prairie ensoleillée. En contrebas, derrière la Grande Maison et son toit de chaume et les champs de fraises sur les pentes de la colline se dressaient les nombreux bungalows, jadis disposés en formes de « U » mais qui débordaient à présent avec les nouvelles bâtisses formait plutôt un amas disparate et hétéroclite d'habitation. Quelques « Apollon » jouaient au terrain de volley-ball et je voyais d'ici un morceau du mur d'escalade et les rives du lac dans lequel se déversait un ruisseau qui traversait l'espace de part en part. Je humai le parfum des fraises chauffées par le soleil et d'iode qu'amenait la brise depuis la mer, non loin. Aussitôt, chaque muscle de mon corps se détendit. Je rentrai chez moi.
-D'accord, c'est mignon, admit Dylan d'une voix prudente. Je n'imaginais pas que ça ferait autant ... Colonie de vacance ?
-Le nom « Colonie des Sangs-Mêlés » ne t'a pas aidé ? me moquai-je en entamant ma descente.
-Il fait chaud, s'étonna Camille en retirant son manteau. Comment ça se fait ?
J'eus un sourire malicieux ponctué d'un clin d'œil. Je n'allais certainement lui révéler tous les mystères de la Colonie dès ses premières minutes en son sein. Ça aurait percé le charme ... Chelsea paraissait enfin se détendre et apprécier le décor de la Colonie, si différent de celui du camp Jupiter, pour ce que j'en savais – moins strict, plus propice à l'amusement. Elle observait avec intérêt le terrain de volley alors que l'on ne bifurque vers la Grande Maison. Là, son visage se rembrunit : nous avions un comité d'accueil, assis sur les marches qui menaient à la terrasse et qui se leva en nous apercevant.
-Vous en avez mis un temps ! s'écria Connor en s'élançant vers nous.
J'eus à peine le temps d'ouvrir les bras que mon frère me heurtait, me serrant dans une étreinte à m'en rompre les os. Je la lui rendis sans m'étonner de la force de l'accolade de Connor. Il était éprouvé par les derniers événements et je ne pouvais pas l'en blâmer.
Avec un pincement au cœur, je me rappelais alors les motifs de ma visite. Si seulement j'étais simplement venu pour la beauté des champs de fraises ...
Connor s'écarta et je fus rassuré de voir un grand sourire fendre son visage. Mais ce sentiment fut vite balayé par la vue de ses cheveux, dont certaines parcelles repoussaient en touffes diffuses, et par les traces jaunes qui demeuraient autour de son œil gauche.
-Nom d'Hermès qu'est-ce qui t'es arrivé ?
Connor passa une main embarrassée dans sa chevelure irrégulière.
-Une gamine et un fruit. Ne pose pas de question, c'est humiliant.
-Très, ricana Nico avec un sourire sarcastique, resté statique sur les marches.
-Mais il faut admettre que c'était drôle, lança Lou Ellen avec un petit sourire.
Mon frère lui jeta un regard torve mais la jeune fille ne parut pas affectée. Elle était assez mignonne avec ses longs cheveux noirs, son visage en forme de cœur et les quelques tâches de rousseurs sur son nez. Elle m'adressa un petit salut timide et je compris qu'elle avait l'impression de passer un test : si elle échouait avec moi, elle échouerait avec Connor. L'idée m'amusa autant qu'elle me rassura : elle au moins avait compris.
Dédaignant sa petite amie, Connor se tourna de nouveau vers moi en pressant mon épaule, visiblement soucieux d'éloigner la conversation de cet épisode.
-Ouais, bon, bref. Tu m'as manqué. La prochaine fois, évite t'attendre deux mois avant de me rendre visite.
-En fait, vous êtes des perruches, fit malicieusement remarquer Will Solace juste derrière. Incapables de vous séparer.
-Est-ce que tu veux vraiment débattre de ça ? prévint Connor en lançant un regard entendu pour Nico, toujours sur le perron, un léger sourire aux lèvres.
Ce n'était pas le cas d'Alice, qui me sauta au cou une fois Connor écarté pour plaquer un baiser sur ma joue. Puis elle se tourna vers sa jumelle, extatique, bondissant littéralement sur place.
-Alors, alors ? Comment tu trouves ? C'est chouette, hein ?
-Euh ..., répondit Camille, prise de court par l'enthousiasme débordant de sa sœur. Je ne sais pas, je n'ai pas trop vu ...
-On est là pour ça, la rassura Nico avec un léger sourire. Connor nous a chargé de jouer les guides touristiques, Will est très fort à ce jeu et Lou Ellen connait plein d'endroit interdit.
-Qu'elle fréquente assidument avec Connor, ajouta malicieusement Will, ce qui lui valut le regard noir du couple.
-Will ? répéta Chelsea, surprise. Lou Ellen?
Le regard qu'elle posa sur cette dernière n'était pas particulièrement flatteur. Alice hocha la tête avec enthousiasme et prit derechef la main de sa sœur pour l'entrainer au cœur de la Colonie, babillant un flot de parole si rapide que je n'y compris rien. J'eus le temps de capter le regard effrayé de Camille et de lui adresser un signe de la main moqueur avant que les bungalows ne les engloutissent. Chelsea et Dylan se tournèrent vers moi d'un même mouvement, un sourcil dressé en guise d'interrogation.
-J'ai des trucs à régler, m'expliquai-je immédiatement. Mais pas de panique, je reviens tout de suite.
-Des trucs à régler ? répéta Dylan, sceptique.
-Ça ne prendra pas longtemps.
-Normalement, toussota Connor.
Dylan me contempla longuement, les sourcils froncés et finit par abaisser ses lunettes de soleil pour pouvoir me sonder de ses prunelles sombres. Ses paupières se plissèrent sous l'agression du soleil, mais elle put planter son regard dans le mien. Comme à chaque fois, mon cœur s'emballa, pourtant je réussis à sourire d'un air que j'espérais rassurant. Dylan finit par soupirer, redressa ses lunettes et pivota vers Nico avec un léger sourire.
-Alors, cette visite ?
Je fus rassuré de la voir capituler si vite. Elle avait beau tenté de se faire la plus discrète que possible ces derniers temps pour me laisser digérer son retour, elle n'avait rien perdu de sa ténacité – jusqu'à parfois m'accompagner dans la fac pour être sûr que je travaillerais quand je laissai entendre que je jouerais plutôt au solitaire. Mais je soupçonnai ma mère de profiter de ses talents de harceleuse. Ils finirent par s'éloigner, me laissant seul avec Connor qui abordait un large sourire. Je le compris quand son regard passa de Dylan à moi plusieurs fois et je frappai le front du plat de ma main, anticipant la suite.
-Ça ne peut pas attendre les mauvaises nouvelles ?
-Bon, si tu y tiens, les mauvaises nouvelles d'abord ..., céda Connor, son sourire s'effaçant. Allez viens, tu es le dernier.
Je poussai un profond soupir et suivis mon frère à l'intérieur de la maison. Je fus frappé par la familiarité de l'endroit, mais ce fut lorsque j'entrai dans notre « salle du conseil » que la nostalgie m'envahit. Car autour de la table de ping-pong qui nous servait de table ronde ne se trouvait que des visages connus que je pensais appartenir au passé. L'un d'entre eux, une fille brune et baraquée, se dressa de sa chaise en nous pointant du doigt.
-Hey ! Je pensais qu'il n'y en aurait qu'un ?
-Clarisse ! s'exclamai-je en ouvrant les bras. Quelle joie d'entendre à nouveau ta douce voix !
La fille d'Arès me fusilla du regard et se rassit sur sa chaise, dépitée. Elle n'était pas la seule à afficher son déplaisir : Annabeth Chase avait immédiatement levé les yeux au ciel, et Jake Mason avait porté sa main à sa poche de jean, comme pour vérifier qu'il avait toujours son porte-feuille. Même Katie nous jeta un regard critique et Pollux parut momentanément inquiet.
-Oh par les dieux, va falloir que je mette mes bombes à raser sous clef, marmonna-t-il avant de lever une main. Salut les gars.
-Franchement on se sent accueilli. La Colonie, ce n'est plus ce que c'était ...
Percy Jackson éclata de rire. Il était assis en bout de table, entre Annabeth et Grover, le satyre, à piocher allégrement dans un paquet de chips.
-Ça tu l'as dit. Mais c'est normal : on est plus là. Donc la Colonie a perdu son capital de coolitude. Alors, comment ça a été les Enfers, au final ?
-Infernal. Mais bon, on est vivant.
Avec un nouvel éclat de rire, Percy leva la main et Connor et moi tapâmes chacun dans la sienne avec entrain. Ce faisant, je levai les yeux vers l'autre bout de la table où un homme d'une quarantaine d'année posait sur chacun d'entre nous un regard paternel tout en caressant sa barbe brune filée d'argent. Un nouveau sourire s'étira sur mes lèvres.
-Tu n'as pas pris une ride, Chiron.
C'était faux. Je lui trouvai l'air affreusement marqué et les cheveux blancs s'étaient multipliés. Cela aurait sans doute entamé ma joie de revoir l'une de mes figures paternelles, mais ce dernier se fendit d'un sourire rassurant, et répondit joyeusement :
-Je te remercie, mon garçon. Et toi, tu ressembles toujours autant à ton frère alors il va falloir faire quelque chose pour que je sache à qui je m'adresse.
-Quoi qu'avec cette dégaine, ça va aller, ricana Clarisse en reluquant Connor, les dernières traces de son coquard et ses cheveux. Qu'est-ce qu'il t'est arrivé, Alatir ?
-Nous évoquerons cela plus tard, la coupa Chiron avant que Connor ne puisse rétorquer quoique ce soit. Maintenant, si vous voulez bien vous asseoir ... On a des choses à traiter.
Un silence angoissant s'installa autour de la table de ping-pong, uniquement brisé par Clarisse qui posa bruyamment ses pieds sur celle-ci et les sons de mastication sonores de Percy. J'observai la table. Nous étions presque tous réunis : les récents retirés de la Colonie, anciens piliers et Conseillers-en-chefs, survivants des deux dernières guerres. Entre les visages des vivants je vis flotter ceux qui étaient morts et nous hantaient encore : Silena Beauregard, Charles Beckendorf, Lee Fletcher, Castor Johanson. La figure de Monsieur D. manquait également, mais il avait été rappelé à l'Olympe et j'étais presque déçu de ne pas le voir nous accueillir d'un « hé bien, Trevor et Denis Alitair ». Remarquant que le silence se poursuivait, je puisai dans l'enfant que la Colonie avait réveillé en moi pour lancer avec sarcasme :
-Bien, mes amis nous sommes réunis en ce jour pour ... pourquoi, en fait ?
Malgré eux sans doute, des sourires naquirent sur les visages.
-Sans doute parce qu'une antique entité maléfique se réveille ? hasarda Jake Mason.
-Et qu'on a besoin des experts en sauvetage du monde pour remédier à cela ? poursuivit Clarisse en balançant son pouce du côté de Percy.
-Pour la troisième fois, acheva Annabeth avec défaitisme.
Chiron échangea un regard avec Connor, qui se balançait sur sa chaise, les bras croisés sur sa poitrine. Il n'y avait plus la moindre trace de sourire sur ses lèvres. Il était le seul « ancien » à être resté à la Colonie et je me rendis compte avec une certaine stupeur qu'il devait faire figure de doyen pour les autres. Il était également le seul à être au courant de ce qui se passait exactement : il n'avait pas voulu m'en révéler trop et de toute manière les moyens de communications déraillaient totalement. La seule forme qui demeurait utilisable était l'email – terriblement archaïque – et c'était par ce biais que Connor m'avait prévenu qu'une réunion se tiendrait à Colonie ce week-end. Ce manque de lien avait rendu la séparation encore plus difficile qu'accoutumé.
-Vous n'êtes pas loin, soupira Chiron, vaincu. Enfin presque. Mais oui ... on se prépare à une troisième guerre.
***
-Alors une nouvelle guerre.
Connor et moi étions assis sur les pentes de la colline, cachés dans les champs de fraise. Notre cachette préférée lorsque l'ensemble de la Colonie était contre nous et que nous avions besoin d'un endroit calme pour nous retrancher. Connor piocha allégrement dans les buissons quelques fraises et les engloutis sans mâcher ou presque.
-Ouais. Contre des Empereur Romains immortels. Au moins c'est original.
A dire vrai, je me fichai pas mal de l'originalité de la chose. Les explications de Connor et Chiron m'avait glacé jusque la moelle. Par les dieux, qu'avait donc fait notre génération pour mériter un tel enchainement ?
Le centaure nous avait ensuite rassuré : il n'attendait rien de nous en particulier. Il voulait simplement savoir si, des fois que la guerre frapperait de nouveau la Colonie, il pourrait compter sur notre soutien, mais nous pouvions bien refuser. Il m'avait ensuite pris à part pour me demander si cela me dérangerait de jouer les relais entre eux et le Camp Jupiter, comme les moyens de communications demeuraient inutilisables et que ma position centrale et mes relations avec Chelsea étaient idéales. Bien sûr, comme le fait de revenir se battre, j'avais le choix de refuser. Un goût aigre me monta à la gorge.
Ça me paraissait difficile de refuser.
Je jetai un bref coup d'œil à Connor, qui parut comprendre le fond de ma pensée. Il posa une main sur mon épaule avec un soupir.
-Tu sais, peut-être que ça n'aura pas d'impact. C'est la guerre d'Apollon contre Néron, si ça se trouve on n'aura même pas à intervenir ...
-Parce que c'est vrai qu'une guerre ne fait jamais de dommage collatéral, répliquai-je amèrement. C'est vrai que la Colonie n'a jamais été détruite dans les deux guerres ... Je te rappelle que la dernière s'est en partie jouée en Grèce. Ça ne l'a pas empêché de se finir ici. Et puis ne crois pas que je n'ai pas vu le bungalow de Déméter en reconstruction. Il s'est passé quelque chose récemment, et c'est ici que ça s'est passé.
-Juste un automate de douze mètres, rien de grave ...
-Connor.
Mon frère rentra la tête dans les épaules, touché par la sécheresse de mon ton. Je ramenais un genou contre ma poitrine, singulièrement contrarié.
-Ecoute, reprit Connor d'un ton résolument calme. Tu n'es pas obligé de faire quoique ce soit. Tu as une autre vie maintenant : la fac, maman, Dylan ... La vie de héros, c'est fini pour toi. On s'en est sorti deux fois, on s'en sortira une troisième.
Comme si c'était facile. Comme si c'était facile d'oublier que ma seconde maison était de nouveau en danger – qu'elle avait été attaquée par un colossal automate de bronze – d'oublier que la personne à laquelle je tenais le plus était embrigadée dans ce nouveau conflit, d'oublier qu'à nouveau, le monde était en danger et que les dieux s'en remettaient à nous pour le sauver.
Franchement, vous ne servez à rien.
De nouveau, je poussai un profond soupir pour libérer la tension. J'avais beau savoir que j'aurais le droit à quelque chose dans ce goût là en revenant, je ne pensais pas que ça m'ébranlerait autant.
-Les romains ?
-Ils sont au courant. J'ai juste demandé à Chelsea de ne rien te dire ... Je ne voulais pas que tu t'inquiètes.
-Trop aimable.
-Travis ... Ce n'est plus ton combat.
-Tu crois ?
Connor haussa vaguement les épaules. C'était évident qu'il disait ça pour me déculpabiliser et pour m'éloigner au maximum de cette nouvelle guerre, mais que dans les faits, il n'en pensait pas un mot. Les deux conflits précédant, nous les avions surmontés, mais ensemble. Maintenant Connor était seul face à ça.
Etais-je capable de le laisser seul face à ça ?
Je gardai un long instant le silence, les yeux rivés sur les champs de fraises qui bouchaient notre horizon. En regardant à travers les branches, je parvins à capter un mouvement : c'était Pollux et Katie qui parcouraient les buissons main dans la main, chuchotant à voix basse. Avec un pincement au cœur, je compris que la teneure de leur conversation était identique à la nôtre. Je baissai la tête et des boucles châtains vinrent obscurcirent mon champ de vision. Je n'avais pas coupé mes cheveux depuis un long moment, il faudrait que je remédie à ça également.
-Je commence à me dire ... que c'est illusoire.
-De quoi ? s'étonna Connor.
-Le principe de retraite. Se dire qu'un jour, quand on est assez grand, on peut tirer un trait sur sa vie de demi-dieux et dire qu'on très trop vieux pour ces conneries. Purement et simplement tourner le dos à ce monde. Mais j'ai réfléchi et je me suis rendu compte ... C'est impossible. On est des demi-dieux, et ça veut bien dire qu'une partie de nous fait partie de ce monde et que, quoi qu'on fasse, ça restera dans notre sang, dans notre tête. On ne peut pas tirer un trait dessus, on ne peut pas l'occulter. Quitter la Colonie, ça ne veut pas dire qu'on arrête d'être un Sang-Mêlé ... Simplement qu'on en a terminé la formation, et qu'à présent, on en est un à part entière.
Connor me fixait, visiblement songeur. Le léger froncement de sourcils m'indiquait qu'il n'était pas sûr d'apprécier ce qu'il entendait.
-Donc tu comptes te battre ?
J'eus un pauvre sourire.
-Est-ce que j'ai le choix ?
-Et tes études ? Et maman ? Et Dylan ?
-Ça n'aura plus d'importance si le monde part en lambeau, Connor.
La bouche de Connor se tordit et il riva son regard au loin entre les haies. Pollux et Katie avaient disparus mais on arrivait à percevoir le terrain de volley en contrebas où Chelsea s'était mêlée à ses frères grecs pour une partie. Du peu que j'apercevais, elle avait l'air aussi bonne en sport qu'à dégommer des zombies sur une télé.
-Mouais, je suppose, concéda-t-il finalement dans un filet de voix. Mais on n'en est pas là. Je te dis, pour l'instant c'est l'affaire d'Apollon – ou Lester, c'est son nom de mortel. Je te jure, cette histoire est absurde.
Un sourire effleura mes lèvres. J'avais rarement vu le dieu de la musique, mais l'idée même que le bel Apollon puisse être coincé dans un corps de mortel boutonneux était hilarante. Zeus devait réellement être furieux.
-Toute cette histoire a un rapport avec ta nouvelle coupe et ... c'était un coquard ?
Pour toute réponse, Connor me donna un nouveau coup de poing dans l'épaule et j'eus un léger rire. Visiblement, il n'était toujours disposé à évoquer cet épisode et pour qu'il refuse de m'en parler, c'était qu'il devait être sacrément humiliant – je n'en doutais pas s'il impliquait réellement une gamine et un fruit.
-Mais si tu y tiens, je te préviendrais si ça bouge, maugréa Connor, pour éloigner le sujet de son état. Mais tant que tu n'as pas de nouvelle, considère que tout va bien. Concentre-toi sur tes études et par les dieux, emballe enfin Dylan, ça commence à trop trainer cette affaire.
-Qui te dit que ce n'est pas déjà fait ?
Connor me jeta un regard circonspect qui signifiait qu'il lisait en moi comme dans un livre ouvert et qu'il avait bien perçu que mes relations avec Dylan stagnaient depuis qu'ils nous avaient quitté début janvier. Il était vrai que d'un point de vu formel rien n'avait changé, mais côté relationnel, la plaie avait enfin cessé de saigner et je la bandais par une proximité presque retrouvée avec la jeune fille. Bien sûr, il demeurerait de cette aventure une cicatrice fragile. Dylan avait eu raison : ce serait quelque chose qui resterait entre nous et contre nous. Mais plus j'avançais, plus je me disais qu'on devait être capable de vivre avec ça.
-Ça avance, assurai-je puisque son regard se prolongeait. J'avais juste besoin de temps. Pas comme Lou Ellen et toi, visiblement.
-Hey, ne change pas de sujet. Tu as compris la base ? Il est hors de question que ça t'empêche d'avoir de bonnes notes ... déjà que j'ai ton « D+ » en droit des affaires en travers de la gorge ...
-Connor, la consigne commençait par « vous représentez la NRA* ». Je ne suis pas la NRA. Et D+, compte tenu que j'étais totalement hors-sujet, c'est plutôt une bonne note, je pense que je suis tombé sur un correcteur anti-arme aussi.
Mon frère leva les yeux au ciel mais un léger sourire passa sur ses lèvres.
-On ne pourra pas te changer, pas vrai ? (Il se redressa et bondit sur ses pieds, sa tête crevant la surface des haies pour apparaître au grand jour). On y va ? Tu n'es là que pour trois jours et on ne va pas les passer à se morfondre ... La vie continue.
-Et risque d'être terriblement courte, ajoutai-je avec un certain sarcasme. Surtout si trois empereurs romains nous tombent dessus et qu'Apollon ne fait pas son job. Bon sang pour une fois qu'ils nous envoient un dieu, il faut qu'ils le fassent sans pouvoir ...
Cette fois, Connor rit et me tendit la main. Je la saisis et me levai à mon tour avant de m'étirer. Nous dévalâmes les pentes de la colline et émergeâmes des fraisiers pour rejoindre le terrain de volley. Chelsea avait l'air à l'aise au milieu de ses demi-frères et sœurs grecs, à ceci près qu'elle portait un tee-shirt pourpre qui clamait sa provenance du Camp Jupiter. Avec un sourire amusé, je me rendis compte que son équipe n'était pas composée d'« Apollon », mais d'une bande de gamin disparate qui m'était familière. Une petite fille aux nattes rousses lâcha le ballon avec un cri de ravissement et se précipita vers Chelsea pour tirer sur un pan de son tee-shirt.
-Chels' ? C'est lequel Travis ?
-Euh ..., hésita la jeune fille avec un sourire incertain. Celui qui n'a pas encore mis son tee-shirt orange et qui a les cheveux intacts ?
-Gagné, souris-je avant de tirer l'une des nattes de la fille. Ça va Anna, tu t'habitues ?
La fille de Morphée hocha la tête, tout en se cachant à moitié derrière Chelsea avec timidité. Finalement, les « Apollon » finirent par s'impatienter et elle retourna sur le terrain rejoindre ses anciens camarades de la Cour. Certains me firent un signe de la main et Chelsea eut un sourire amusé en m'adressant un coup d'œil.
-Fais gaffe, je pense qu'Anna est amoureuse de toi.
-Je suis honoré. Alors comme ça tu m'as caché des choses ?
Chelsea rougit furieusement et jeta un regard furibond à Connor avant de le frapper sèchement sur la poitrine.
-Hey ! protesta-t-il en croisant ses bras devant son visage pour se protéger. Qu'est-ce que j'ai fait ?
-Où sont les autres ? m'enquis-je avant qu'une bagarre n'éclate.
-Camille est avec Alice et Julia, répondit Chelsea, tout en observant Connor avec défiance. Et Dylan ... Je ne sais pas. Elle regardait le volley et elle s'est éclipsée. Peut-être qu'elle en avait marre d'être au soleil.
-Oui parce que c'est l'un des défauts principal de notre Colonie : elle est trop ensoleillée, railla Connor avec un sourire mutin.
Chelsea leva les yeux au ciel, et nous planta là pour retourner jouer, sa queue-de-cheval battant furieusement ses épaules. Connor me jeta un regard désemparé.
-Mais qu'est-ce qui lui prend ?
-Ah, petit frère, soupirai-je en mettant une main sur son épaule. Tu comprendras quand tu seras plus grand.
Connor parut encore plus déboussolé, et même un brin vexé par ma réponse énigmatique. Je tapotai son épaule avec condescendance et le laissai là pataugeant dans la perplexité. Il lui fallut quelques secondes pour me crier :
-Hé attends ! Où tu vas ?
-Connor, par les dieux !
Je fis brièvement volte-face pour voir Chelsea secouer la tête d'un air désespéré avant de prendre Connor par le bras et le forcer à intégrer l'équipe. Mon frère eut beau lui répéter qu'il ne savait pas jouer au volley et qu'elle « presque aussi méchante que Meg depuis qu'elle était arrivée », Chelsea le fit taire d'un regard avant de me faire un signe agacé de la main, comme pour me dire de poursuivre mon chemin. Je lui adressai un pouce approbateur avant de m'enfoncer dans la Colonie en sifflotant joyeusement.
Cela me dit un effet étrange de traverser la prairie. Tout m'était familier et pourtant tout semblait avoir changé : je jetai un regard différent sur chaque bâtiment, chaque visage, chaque détail. Et plus que ma perception de l'endroit, c'était les gens qui n'étaient plus les mêmes : la Colonie était en plein renouvellement. Beaucoup ne me connaissaient même pas, moi le co-maître du chaos et je traversai l'espace des bungalows presque comme un fantôme jusqu'au 11, le plus simple, en bois et aux rideaux jaunes délavés surmonté du caducée paternel. Avec un sourire, j'effleurai la tortue de bronze que m'avait offerte mon père et passai la porte du bungalow. Il était presque vide : peu de pensionnaires étaient permanents et tous devaient être sortis. Pourtant je vis mon demi-frère Cecil seul sur son lit, des écouteurs dans les oreilles et j'entendis des cris dans le fond de la pièce :
-Camille, ne sois pas idiote, ce n'est qu'un tee-shirt.
-Je ne mettrais pas ça, c'est immonde.
-Mais c'est le symbole de la Colonie !
-Peut-être, mais c'est orange !
Etouffant mon rire de mon mieux, je grimpai sur le lit qui m'avait toujours été alloué et que Connor avait veillé qu'il reste libre – luxe qu'on pouvait à présent se permettre. Un sac de couchage et un oreiller avaient déjà été préparé, et je trouvai également un tee-shirt orange soigneusement plié sur les draps, surmonté d'un petit mot qui clamait « bienvenu chez toi ». Avec un sourire ému, j'effleurai le tee-shirt et l'enfilai sans attendre. Contrairement à Camille, je n'avais rien contre le orange. C'était comme une seconde peau dont je ne pouvais me débarrasser.
Par les dieux, comme ça avait été illusoire de penser que je pouvais simplement oublier ce que j'étais ... J'étais peut-être le fils d'Holly Alatir, mais j'étais également le fils d'Hermès. C'était dans ma chair et dans mon sang. Et ça le serait toute ma vie.
-Travis ?
Je fis volte-face pour voir Cecil se redresser sur un coude, un écouteur dans la main et les yeux encore ensommeillés. Pourtant un lent sourire s'étira sur ses lèvres lorsque je descendis de mon lit pour toquer mon poing contre le sien.
-T'es revenu quand ?
-Je suis arrivé à une heure, répondis-je en m'asseyant au bord de son lit. Et toi, comment ça va ?
Cecil haussa les épaules et passa une main dans ses cheveux couleur chocolat et ébouriffés. Lui aussi avait les yeux noisette et le sourire tordu des « Hermès », mais cette fois il ne souriait pas. Connor m'avait fait le récit de son enlèvement dans le bosquet de Dodone, et de Néron qui avait voulu le transformer, lui et d'autres demi-dieux, en torche humaine qui aurait emporté la Colonie avec elles.
-Ça va, je me remets. Pas simple avec Julia et Alice qui se moquent tout le temps, pourquoi tu nous l'as ramené, elle ?
J'eus un sourire désabusé devant la tentative de Cecil de dévier la conversation et de dédramatiser la situation, mais je voyais bien qu'il avait été heurté par l'expérience. Il parut comprendre que j'étais inquiet, car il avança une main pour tapoter mon genou.
-Hey, t'en fais pas grand frère. Un fils d'Hermès, ça s'adapte à toutes les situations, on est les maitres de la précarité, c'est toi qui me l'as appris, non ?
-J'aurais dû être là ...
J'aurais voulu de pas laisser échapper ce remord, ce qui me rongeait depuis que j'avais vu les traces de coquard sous l'œil de Connor, ou les travaux de reconstruction du bungalow de Déméter. Mon frère m'aurait frappé à l'arrière de la tête pour avoir laissé échapper une telle plainte, mais Cecil eut un sourire indulgent.
-Mais non, regarde, on s'est en sorti sans toi. Tu as fait ce que tu pouvais pour la Colonie, Travis. Maintenant, c'est notre tour.
J'observai mon demi-frère, du léger sourire qui persistait sur ses lèvres à la détermination qui brillait et dominait son regard, chassant les brumes de l'épreuve qui lui avait infligé. En un sens, je comprenais pourquoi Chiron le préférait à Julia pour succéder à Connor. Lui non plus n'avait rien du héros, mais il représentait le « Hermès » - prêt à tout faire pour sa famille. Avec un sourire ému, je lui ébouriffai les cheveux.
-Tu as notre héritage entre tes mains, mon petit gars. Fais nous honneur.
-Promis.
-MAIS CAMILLE TU ES PENIBLE METS CE TEE-SHIRT !
Cecil et moi grimaçâmes face au cri d'Alice, et finîmes par quitter le bungalow quand les voix se firent trop nocives pour les oreilles. Mon demi-frère m'adressa un signe de la main avant de rejoindre Lou Ellen, bondissant comme seuls pouvaient le faire les enfants de Hermès. Je me fondis dans la foule de demi-dieux en tee-shirt orange qui vaquaient à leurs occupations semi-divines, sous le regard bienveillant mais attentif de Chiron, qui avait revêtu sa forme de centaure pour donner un cours de tire à l'arc aux « Hécate ». La plupart d'entre eux se faisaient un malin plaisir à manipuler la Brume pour changer leurs flèches en jouets en caoutchouc ou en fleurs, ou simplement faire croire à Chiron qu'elle avait atteint le mille, mais chaque fois, l'instructeur leur lançait ce regard pénétrant dont il avait le secret et la Brume dévoilait sa vérité. Will et Nico s'étaient installés au bord du lac et je ne pus m'empêcher de remarquer que leurs mains se touchaient fréquemment et que les joues du fils d'Hadès prenaient une couleur rose inhabituelle. Dans l'arène, Clarisse reprenait du service contre Annabeth : c'était étrange de voir ces deux filles qui ne s'étaient jamais entendues être arrivées à une sorte d'amitié cordiale, soudée par les épreuves et leur esprit militaire. Percy encourageait bruyamment sa petite-amie et je remarquai un groupe de jeune l'observer bouche bée. Ils avaient dû entendre parler des exploits du fils de Poséidon, en passe de devenir légende dans notre monde. Lui adressant un signe de la main, je poursuivis ma route. L'arène était le dernier bâtiment avant que ne s'ouvre les dunes de sables qui menaient au détroit de Long Island.
Le soleil se réfractait en mille éclats dorés sur l'eau agité par la brise marine. Je repoussai les mèches que le vent plaquait contre mon visage et emplis mes poumons de l'air iodé. J'étais un enfant des Rocheuses, mais j'avais passé de si bon moment au bord de cette mer qu'elle m'était devenue tout aussi importante. Mon regard embrassa le paysage et j'eus un sourire entendu. Une fille était assise seule sur la plage, face aux vagues vrombissantes, le visage levé vers le soleil et les lunettes repoussées dans ses cheveux noirs. Je m'approchai à pas de chat et finis par retirer mes chaussures quand le sable commença à y entrer.
-J'étais sûr de te trouver ici.
Dylan sursauta et mit sa main en visière pour m'observer. Un faible sourire retroussa ses lèvres.
-Et pourquoi ?
-Parce que tu n'as jamais quitté le Colorado de ta vie. Donc je doute que tu aies déjà vu la mer.
Le sourire sur les lèvres de Dylan s'agrandit et son regard fut irrémédiablement attiré par les flots devant elle. Ses yeux étaient plissés par l'agression du soleil, mais elle ne fit pas le moindre mouvement pour remettre ses lunettes. Sans doute la teinture rendrait le spectacle moins majestueux pour elle.
-En fait je l'ai vue à Vancouver. Mais il faisait moche, et je n'y suis allée qu'une fois et ... Bref, oui, je voulais la revoir. Bien joué, mauvaise herbe. Tu commences à me connaître.
-Que veux-tu, tu vis chez moi maintenant, rappelai-je en me laissant tomber dans le sable. Je commence à percer tout tes secrets, princesse. Même si tu persistes à m'en cacher. Tu n'exultes pas un peu ?
-Pardon ?
Elle me renvoya un regard franchement dérouté. Mon sourire se fit légèrement amer et je rivai mes yeux sur le détroit pour ne pas avoir à croiser les siens, ce qui emballerait mécaniquement mon rythme cardiaque.
-La guerre contre les Empereur Romains. Je suis presque certain que Chelsea t'en a parlé et que la raison pour laquelle tu n'as fait aucune remarque contre la Colonie est que tu attendais que je sois au courant pour mieux me répéter qu'on est vraiment qu'un camp d'entrainement pour l'armée de réserve des dieux.
Dylan m'observa un moment, les sourcils froncés avant de secouer la tête et de se lever d'un bond, furibonde.
-Ce n'est pas ce que j'allais dire, rétorqua-t-elle d'un ton exaspéré. Oui, Chelsea m'a dit, mais je ne comptais pas « exulter » comme tu le dis. Ça va, Travis, j'ai fini par comprendre. Sinon je ne serais pas là.
Je ne répondis rien, vaguement honteux d'avoir sous-entendu cela. Il était vrai que cela avait dû demander un effort colossal à Dylan de venir ici, dans ce lieu qu'elle avait méprisé toute sa vie. C'était en quelque sorte un renoncement à tout ce qu'elle avait cru pendant près de dix ans. Je passai une main sur mon visage.
-Désolé, ce n'est pas ce que je voulais dire. C'est juste ... bon sang, Dylan, je vais finir par croire que c'est toi qui avais raison.
Dylan fronça les sourcils avant de lentement se rassoir, visiblement radoucie.
-J'avais un peu raison. Les demi-dieux sont une armée de réserve pour les conflits des dieux, oui, Travis, c'est une réalité. Mais j'avais aussi un peu tort. On ne peut pas simplement se tenir à l'écart des affaires des dieux en se disant que ça ne nous concerne pas. Ça nous concerne. Parce que, même si on ne le veut pas, on est leurs enfants et que leur monde est le nôtre. Alors si leur monde est en danger, c'est nous qui le sommes. S'ils valsent, nous valsons avec eux. On ne pourra pas changer la nature des dieux alors on sera toujours en première ligne. Alors il faut se préparer à ça, je suppose.
J'arrachai mon regard aux flots pour contempler Dylan, assez stupéfait de son discours. J'avais beau avoir conscience que sa pensée avait évolué depuis qu'elle était revenue de Vancouver, je ne m'attendais pas qu'elle a atteint un tel degré d'acceptation du monde mis en place. J'eus un petit sourire.
-Bon sang. Continue comme ça et dans un mois tu iras boire le thé aux Enfers avec ta mère tous les dimanches.
Un rire secoua la poitrine de Dylan et elle se mit à jouer avec son collier d'attrape-rêve. Le tissage en forme de fleur semblait se modifier au fur et à mesure que la saison avançait : les cordages bruns et ternes se verdissaient lentement à l'approche du printemps.
-Dans un mois, ma mère remontera à l'Olympe, mauvaise herbe. Je redeviendrais une fille de la Terre.
J'avais oublié de détail. Je m'étais tellement habituée à ses prunelles sombres que j'en avais oublié que c'était l'hiver qui les avait rendues ainsi et qu'originellement elles étaient aussi vertes que les feuilles qui tapissait la forêt au printemps.
-C'est vrai que c'est pour bientôt. Tu dois avoir hâte, non ?
-Un peu, admit Dylan en observant son collier. En vérité, j'attendais ça pour ... retourner à la réserve.
Je hochai la tête d'un air compréhensif. Elle n'avait pas abandonné l'idée de retourner sur ses terres ancestrales, au moins une dernière fois mais préférait que sa nature ait changé avant de le faire. Ses doigts se crispèrent sur le lien de cuir.
-Dis ... Je voulais te demander ... ça te dérangerait de m'accompagner ? Je n'ai pas envie d'y aller seule ...
Je souris, à la fois touché et surpris de sa requête.
-Bien sûr, Aiyana.
Dylan inclina la tête et quelques boucles de cheveux noirs couvrirent son visage, mais je pus capter le sourire qui effleura ses lèvres lorsqu'elle entendit son vrai prénom – le prénom que lui avait donné son père, celui qui la liait au Colorado à jamais. Elle laissa sa main couler sur le sable et la mienne la rejoignit naturellement. Nous restâmes silencieux, un silence apaisant fracassé par les vagues qui mourraient sur la plage et le vent qui n'en finissaient plus d'emmêler nos cheveux. Elle finit par laisser aller sa tête contre mon épaule et je pressai ma joue contre son crâne, fermant les yeux pour profiter de cet instant de quiétude. Mon cœur se mit à battre la chamade. Le calme avant la tempête. A présent qu'une nouvelle guerre se préparait, le temps me semblait infiniment plus court et me filai entre les doigts comme ces grains de sables. Une bouffée d'angoisse faillit me faire suffoquer mais je m'efforçai de la repousser. Ce n'était pas le moment d'y penser. Aujourd'hui, le soleil brillait, les vagues chantaient et j'étais de retour chez moi. Dylan finit par s'écarter légèrement pour lever le visage vers moi, un léger sourire aux lèvres.
-C'est un bel endroit. Je comprends que tu l'aimes autant.
Elle était si proche que je ne savais plus où poser les yeux. Mon regard effleura les courbes de son visage, ses pommettes hautes, la cicatrice blanche sur sa joue, ses lèvres roses et pleines avant de se plonger dans le sien, sombre, pétillant, éclatant. La couleur n'avait pas d'importance. Elle aussi, elle était belle. Je levai une main et caressai l'une de ses mèches soyeuses et sa joue du dos de mon doigt avant de poser ma paume contre sa joue. Elle couvrit ma main de la sienne, me fixant avec un sourire incertain. Je savais qu'elle n'oserait rien faire, que tout dépendait de moi. Alors je trouvai la force de franchir enfin les quelques centimètres, ce rien qui nous séparaient depuis des mois, depuis dix ans, et effleurai ses lèvres des miennes. C'était à peine plus qu'une caresse, un aveu d'inexpérience, une preuve de mon amour et de mon pardon. Je m'écartai d'un souffle, l'observant à la dérobée pour guetter sa réaction. Le sourire de Dylan s'agrandit et elle passa une main sur ma joue, puis dans mes cheveux avant de descendre sur ma nuque et incliner doucement mon visage vers le sien. Elle m'embrassa, ses lèvres se mouvant contre les mienne avec tendresse et timidité. Je refermai mes bras sur elle, et répondis à son baiser sans pouvoir réprimer le sourire qui me montai aux lèvres. Nous nous embrassâmes longuement, nous écartant pour nous sourire et rire avec cet air niais que, finalement, je ne trouvais si insupportable, plongeant nos regards l'un dans l'autre avant que nos lèvres ne se rencontrent à nouveau. Tout était parfait. Jusqu'à ...
-ALATIR !!
Je poussai un grognement de frustration tout contre les lèvres de Dylan qui lui arracha un rire lorsqu'elle s'écarta, les joues rosies. Je levai les yeux vers les dunes de sables et mon cœur s'arrêta de battre quand je vis la brochette qui agitait la main avec un immense sourire. Connor, bien sûr, aux côtés de Lou Ellen, Chelsea et des jumelles, mais également Clarisse, Annabeth et Percy – celui qui m'avait interpellé.
-Et mince. On est grillé.
Dylan pouffa en reconnaissant les mots qu'elle avait utilisés sous le parapluie. Percy pointa un index accusateur sur nous.
-Dis-moi, mec, tu n'étais pas parmi ceux qui nous ont jeté dans le lac, Annabeth et moi, après le Siège de Manhattan ?
-Je pense bien qu'il l'était, enchérit Annabeth avec un sourire malicieux qui ne me disait rien du tout.
-C'est bien ce qu'il me semblait.
Je n'eus pas besoin de voir Percy lever les bras pour comprendre ce qui allait se passer. J'enfermai Dylan dans mes bras et me recroquevillai en entendant la mer se soulever en un son assourdissant avant de s'abattre sur nous avec violence. La fille de Perséphone poussa un cri de surprise en recevant les flots d'eau mais je fus rassuré de l'entendre éclater de rire lorsque la vague reflua, nous laissant trempés jusqu'aux os, les cheveux plaqués contre nos joues. Je m'esclaffai à mon tour et nous nous écroulâmes l'un contre l'autre, hilares, le cœur bondissant et euphoriques. Percy parut déçu de notre réaction car il poussa un gros soupir.
-Vous n'êtes même pas drôle ! Allez, on vous attend au pavillon-réfectoire pour le dîner !
-Et préparez-vous, c'est Capture-l'étendard ce soir, rappela Clarisse en levant sa lance. Et on est dans la même équipe, Alatir : tâche de ne pas attraper un rhume !
-Pas trop tôt, j'ai cru que ça n'arriverait jamais, gémit Camille, qui n'avait toujours pas revêtu de tee-shirt orange. Bon dieu, vous êtes longs !
-Mais au moins c'est fait, se réjouit Connor en joignant ses mains. Mon grand frère grandit enfin !
-Mais par les dieux, cassez-vous ! m'exclamai-je sans retenir un sourire amusé. Et prenez Connor avec vous !
-Mais pourquoi ?!
Chelsea éclata de rire et faucha le coude de Connor pour le forcer à s'éloigner. Pour mon plus grand soulagement, les autres suivirent, disparaissant derrière les dunes de sables. Dylan s'était levée pour essorer ses cheveux, toujours un immense sourire aux lèvres et je la rejoignis pour l'attraper par la taille. Elle dressa un sourcil à mon adresse.
-Tu as jeté le sauveur du monde dans le lac ?
-C'était une idée de Clarisse. Mais bon sang, c'était une bonne idée.
Elle essuya un petit rire et écarta une mèche de cheveux que l'eau avait collée contre mon front. Son sourire était large, mais toujours teinté d'incertitude et d'espoir, comme si elle craignait avoir rêvé ce qui s'était passé.
-Tu ... tu es sûr de toi ?
Pour toute réponse, je me penchai vers elle et effleurai ses lèvres d'un baiser qui agrandit de nouveau son sourire, si toutefois s'était possible. Elle noua ses doigts à l'arrière de ma nuque et inclina mon visage vers le sien pour approfondir le baiser. Le bonheur qui se répandait en moi, pompé par un cœur qui s'accélérait dans ma cage thoracique, balayait tout : les blessures, les cicatrices, le passé comme le futur pour sublimer le présent.
Certes, un nouveau conflit se profilait. Mais Connor avait peut-être raison. On avait survécu à deux guerres. On pouvait surmonter la troisième.
Si on le faisait ensemble.
FIN
Alors, comment il était cet épilogue? Personnellement, j'ai adoré l'écrire, peut-être ma partie préférée, c'est tellement sympa de retrouver la Colonie ! On passe au bilan, ça vous va? (Bon, j'ai pris presque le même que pour Lucy ...)
1) Qu'est-ce qui vous a plu dans cette fanfic'?
2) Qu'est-ce qui vous a déplu ?
-Au niveau de l'histoire :
-Au niveau de l'écriture :
3) Quel(s) personnage(s) avez-vous préférés ? Et si possible pourquoi?
4) Si possible et si vous vous en souvenez, quelle a été votre scène préférée? Et celle que vous avez moins aimé? Et pourquoi?
5) Y'a-t'il des choses qui ne sont pas claires? Ou des défauts de confections qui vous ont gênés?
6) D'autres choses auxquels je n'aurais pas pensée? Des demandes ou remarques particulières ? Laissez libre court à votre imagination !
VOILA ! Pour les conseils de lecture, n'hésitez pas à aller voir les profils de Cazolie, Annabethfan, et PtiteCitrouille (dont la plupart des récits sont sur Booknode, n'hésitez pas à aller faire un tour !). Toutes leurs fics sont excellentes, voire plus que ça ! Encore un immense merci à tous !
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