Chapitre 19 : Et maintenant ?
BONJOUR !
J'accélère un peu je sais mais de toute manière l'histoire est finie d'écrire. Je vous livre donc le dernier chapitre de cette fanfiction, et je posterais l'épilogue sans doute samedi prochain !
J'ai un peu lutté pour ce chapitre, alors j'espère que ça vous plaira quand même ... N'hésitez pas à me le dire !
Bonne lecture - pour l'avant dernière fois ...
Chapitre 19 : Et maintenant ?
Dylan avait fini par s'endormir contre moi au moment où le soleil s'était couché derrière les montagnes. J'évoluai avec une grande prudence, tentant d'aller aussi vite que possible sans l'indisposer – il était plus qu'évident qu'elle avait besoin de repos. Sur la seconde partie du trajet, les douleurs du combat contre les oiseaux finirent par se réveiller et lorsque la ferme fut enfin en vue, je grimaçai à chaque mouvement de Maximus. Le soleil était couché depuis longtemps et ce fut avec un véritable soulagement que je fis les premières lumières de la ferme éclairer mon chemin. Lorsque j'arrivai enfin dans la petite cour, un comité d'accueil composé de Connor, Chelsea et Camille m'attendait pelotonnés sur les marches du perron. En entendant les pas de Maximus, mon frère bondit sur ses pieds, réveillant une Chelsea qui s'était assoupie sur son épaule. La jeune fille plaqua ses mains contre sa bouche en avisant Dylan inerte dans mes bras mais je me dépêchai de la rassurer :
-Elle va bien, elle est juste ... épuisée.
Mais cela ne parut pas rassurer Chelsea qui se précipita sur nous et repoussa Connor qui était en train de nous atteindre. Elle posa une main sur la jambe de la jeune fille : sa paume s'illumina d'une douce lueur dorée et la plaie qu'elle couvrait se referma sous la magie curative. Ses yeux s'écarquillèrent et elle s'écarta d'un bond pour me laisser descendre. Dylan gémit en se retrouvant sans soutiens, mais Connor m'aida à l'extirper de la selle. Elle ouvrit à peine un œil pendant l'opération et ne protesta pas lorsque mon frère l'éleva dans ses bras, ni quand Chelsea appliqua de nouveau la main sur son front.
-Elle a une sale mine, commenta Camille d'une petite voix, avant de lever le regard sur moi. Toi aussi, d'ailleurs.
Entendant la remarque, Chelsea posa un regard profondément inquiet sur moi et je levai les mains pour la calmer.
-Je vais bien, pas de problème.
-Rentrons, proposa Connor d'une voix morte. Solace n'arrête pas de nous casser les oreilles depuis des heures, il va enfin pouvoir se rendre utile ...
Ils se précipitèrent tous à l'intérieur et je les laissai partir, appuyé contre Maximus, haletant et les jambes raides. Lui aussi avait commencé à faire sentir des signes de fatigue et je sentais sa respiration irrégulière. Je tirai sur ses rênes pour le ramener dans son écurie. Déjà à l'intérieur de la petite bâtisse, l'air était plus sec et plus chaud et alors que l'étalon se précipitait sur son seau de granule, je m'écroulai contre un ballot de paille, les jambes tremblantes et le corps douloureux. Quelques minutes plus tard, la porte s'ouvrit avec fracas et Connor se précipita vers moi, tirant dans son sillage par le col un Will Solace de fort mauvaise humeur. Mon frère se figea en voyant mon état, la bouche légèrement entrouverte. Même Will quitta son masque bougon pour froncer les sourcils
-Sale mine, c'était un euphémisme, admit le fils d'Apollon en s'accroupissant en face de moi. Bon, Alatir, enlève ton tee-shirt.
Un sourire retroussa mes lèvres.
-Je doute que Di Angelo apprécie que tu demandes ça aux autres garçons, Solace.
-Travis, enlève ce tee-shirt ! m'ordonna Connor, visiblement à bout de nerf.
Comme je sentais mon frère prêt à se jeter sur moi pour m'arracher mon tee-shirt, je l'enlevai docilement, grimaçant face à la protestation de mes bras couverts de plaies. Will soupira en constatant mon état et se mit immédiatement au travail, passant ses mains illuminées par la magie paternelle sur mes plaies qui se refermaient les unes après les autres. Connor supervisait silencieusement l'opération, trépignant en se rongeant l'ongle du pouce.
-Tu vas avoir quelques nouvelles cicatrices, m'apprit Will en effleurant une particulièrement profonde sur mon flanc. Et il va falloir que tu te reposes dans les prochains jours, ton corps est à bout, Travis.
-Et pas que ton corps, ajouta sombrement Connor.
J'adressai un bref hochement de tête à mon frère. Maintenant que j'étais descendu de cheval et que je savais Dylan en sécurité, la fatigue me tombait de façon brutale sur les épaules et je me sentais prêt à répondre aux appels du sommeil. Je poussai un soupir de soulagement lorsque Will guérit une blessure douloureuse sur mon mollet et il acheva ses soins par celle qui me barrait le front. Cette fois, un large sourire fendit son visage.
-Celle la, j'espère que qu'elle laissera une cicatrice ! Au moins je saurais comment vous reconnaître !
-Soigne le bien au lieu de dire des conneries, Solace, persiffla Connor.
-Ça va, ça va ...
La remarque de mon frère m'arracha un sourire et j'attrapai doucement son bras pour le rassurer. En réponse, il posa une main sur mon épaule et je sentis toute son inquiétude dans la crispation de son geste.
-Bon, rien de très grave, conclut Will en se redressant. Juste ... (il posa une main sur sa tempe. Il avait pâli). Repose-toi ...
Il recula d'un pas, presque chancelant et Connor se dépêcha de le rattraper avant qu'il ne trébuche. Prendre soin de Nico puis soigner les blessures semblaient lui avoir coûté pas mal d'énergie.
-Va dormir aussi, Solace, marmonna Connor en le raccompagnant. Dans les bras de Di Angelo, il appréciera.
-Très drôle ...
Machinalement, Will se traina jusque dehors, une main sur la tempe. Connor le raccompagna et revint quelques instants plus tard avec un tee-shirt propre et un pull que j'enfilai avec un frisson. Puis il s'assit à côté de moi et restâmes un long moment silencieux, la tête rejetée en arrière. Je fermai les yeux, appréciant la vigueur qui revenait en moi avec délice.
-Tu n'étais pas censé être en retraite ? finit par lâcher Connor.
-L'univers n'a pas l'air d'accord avec ça ...
Connor coula sur moi un regard torve auquel je répondis par un léger sourire sarcastique. Il leva les yeux au ciel.
-Déjà les Enfers c'était limite ... Mais là, par les dieux ... comment elle a réagi, Blackraven, en voyant arriver son sauveur sur son beau cheval blanc ?
Un rire absurde me secoua et s'acheva dans une toux qui me déchira la gorge. Connor me donna des coups dans le dos qui se révélèrent absolument inefficaces pour la calmer, mais quand ce fut le cas il se départit de son sweat pour le mettre sur mes épaules.
-Et plus de ça tu vas tomber malade ... Tu es au courant que maman arrive dans deux jours ? Tu la vois, la casserole que tu vas te prendre ? Quoique réflexion faite, c'est peut-être Dylan qui va se prendre la casserole, maman était déçue de son départ ...
-Peut-être, convins-je d'une voix qui perdait tout timbre. Connor ? Et maintenant ?
Mon frère me lorgna du coin de l'œil sans un mot, comme s'il soupçonnait un piège. Généralement, ce n'était pas moi qui posais ces questions, mais lui. Mais aujourd'hui je n'avais pas de réponse et je n'étais pas certain d'avoir la force d'en chercher une. Il restait des traces d'agacement et d'inquiétude dans ses iris, pourtant ce fut d'une voix résolument calme qu'il entonna :
-On verra plus tard. D'abord ... D'abord tu vas te reposer, et on va remettre Dylan sur pied. C'est la priorité.
Je hochai la tête de façon passive. Je n'étais pas capable de voir plus loin que le sommeil prochain. Oui, dormir ça me disait bien. Dormir, sombrer, tout oublier, me régénérer. Plonger dans un monde où je n'aurais pas à jouer au héros et où mon cœur me laisserait tranquille. Je fermai les yeux. Oui, dormir ça me disait bien. Le reste attendrait.
***
Lorsque je m'étais réveillé le lendemain d'un sommeil d'une traite, vierge du moindre rêve, l'après-midi s'était déjà avancée. Mais Dylan me battit largement : installée auprès de Chelsea dans le lit de mon grand-père, elle émergea clopin-clopant vers vingt heures, au moment où Pollux préparait le dîner. Elle était toujours pâle, garderait des cicatrices de son voyage retour, et Connor avait dégotté en urgence des béquilles dans le grenier qui datait du temps où mon grand-père s'était fait opérer des ligaments du genou. Mais dans l'ensemble, elle allait mieux, et ce fut sans doute pour cela que Chelsea cessa de s'inquiéter pour se muer en un silence bougon et courroucé dont elle ne sortait que pour exiger de Dylan qu'elle boive son nectar ou reste tranquille dans le canapé. Elle n'était pas la seule à s'incommoder de la présence de la jeune fille : Alice se faisait un malin plaisir de lui lancer de nombreuses piques qui agaçaient profondément Camille, peut-être l'unique à parler de façon courtoise à Dylan avec Nico et Katie. Will et Pollux ne savaient pas quoi penser de la situation et se contentaient de soigner et nourrir.
-Elle est bête, grommela Camille en toisant une poule rousse l'air mauvais.
-Qui ça, la poule ? répondis-je avec un vague sourire.
-Non. Alice. Chelsea a le droit d'en vouloir à Dylan. Tu as le droit d'en vouloir à Dylan – et à la limite Connor parce que c'est une extension de toi. Mais nous concernant, on n'a rien à lui dire. Nous concernant, c'est la fille qui a abandonné sa maison en flamme pour plonger dans les Enfers avec nous et sauver Alice. Alors ce qu'elle fait, j'appelle ça de l'ingratitude.
Assise sur la barrière et emmitouflée dans son anorak, Katie hocha la tête en guise d'approbation. Nous venions tous les trois de nourrir les poules mais rechignions à retourner à l'intérieur où Chelsea, de fort mauvaise humeur, dégommait les zombies et où Connor tentait de raisonner une Alice certaine d'être dans son bon droit d'insulter Dylan.
-J'ai parlé un peu avec elle, ajouta Katie. Très honnêtement, quoiqu'il arrive, je pense qu'elle s'est punie toute seule de ce qu'elle a fait. La cicatrice qu'elle a sur sa joue, elle la gardera toute sa vie.
Par automatisme, Camille porta les doigts à ses propres cicatrices et Katie lui jeta un regard peiné. Puis, elle vrilla ses yeux sur moi et un léger sourire s'étala sur ses lèvres.
-Et toi ?
-Comment ça, et moi ? rétorquai-je, sur la défensive.
Le sourire de Katie se fit désabusé et elle échangea un regard presque entendu avec Camille. Je me sentis m'empourprer. Cela faisait deux jours que Dylan était revenue, et je n'y voyais pas plus clair en moi. Il y avait des choses évidentes : la colère et l'amour. Mais je n'arrivais pas à démêler l'une de l'autre. Elles s'entredéchiraient en moi et lorsque l'une prenait le dessus, l'autre la plongeait dans les abysses. Camille se hissa sur la barrière pour pouvoir me regarder dans les yeux.
-Tu lui en veux beaucoup, pas vrai ?
Je haussai les épaules sans chercher à nier.
-C'est normal que tu lui en veuilles, même elle comprend, concéda Katie en penchant la tête. Mais ... Est-ce que ça peut changer ?
-Peut-être, admis-je en toute sincérité. Je n'en sais rien, à vrai dire.
-Tu n'as pas réussi à l'oublier, et tu t'es précipitée comme un preux chevalier pour la sauver, rappela-t-elle avec amusement. Ça veut dire quelque chose, quand même.
-Je ne dis pas le contraire. Mais il y a un grand pas entre refuser qu'elle meure et tout oublier.
Katie pinça des lèvres et Camille se fendit d'une moue. Cela m'agaçait assez qu'une partie des personnes présentes nous fixent, Dylan et moi, avec l'espoir que quelque chose se passent sous leurs yeux mais je les décevais à chaque fois. C'était un regard si pesant que je désertais rapidement les endroits où Dylan était. Je lui avais à peine adresser la parole depuis, et les quelques mots qui m'avaient été arrachés avaient été pour m'enquérir de son état. Je voyais bien que Dylan ne pouvait pas s'empêcher de se sentir blessée par mes fuites, mais je refusais d'avoir cette confrontation. Je pensais qu'il y avait une partie de moi qui craignait de craquer si jamais de parler de mes sentiments avec Dylan.
Mes réflexions furent interrompues par les crissements de pneus contre la neige et une voiture entra dans la petite cour pour se garer devant la ferme. Un sapin était solidement attaché sur le toit et les quelques flocons qui étaient tombée s'accrochaient désespérément à ses épines. Déjà les voix énervées nous parvenaient firent naitre des sourires amusés sur nos lèvres :
-Tu conduis comme une tarée Holly ! Je ne t'ai jamais appris à conduire comment ça !
-Ça c'est parce que c'est maman qui m'a appris à conduire, toi tu restais à l'arrière à dormir !
-Je travaillais tout le jour moi, jeune fille ! J'espère que tes fils conduisent mieux que toi, il est hors de questions que mes petits-fils aient un comportement aussi dangereux que le tien !
-Tu oses me parler de comportement dangereux ? Je suis sûre que c'est de ta faute si Travis fume !
-Est-ce que vous savez vous parler dans cette famille ? me souffla Camille.
J'eus un sourire. Si ma mère avait pris l'habitude de nous crier dessus, c'était bien parce que c'était comme ça qu'elle communiquait avec son propre père.
Enervée, ma mère claqua la porte de la portière conducteur et se dépêcha vers nous pour mettre un maximum de distance entre elle, et l'homme grand, sec et élancé qui marchait derrière elle, brandissant le poing avec exaspération :
-Tu vas m'attendre, jeune fille !
-Bon sang papa, j'ai quarante-deux ans ! Je n'ai pas plus d'ordre à recevoir de toi depuis que j'ai dix-huit ans !
-C'est vrai ça ?
Ma mère pivota brusquement vers moi pour pointer sur mon nez un index menaçant et en voyant les éclairs dans ses yeux, je suis fus heureux que l'enclot des poules nous séparent.
-Toi tu vis encore sous mon toit, jeune homme ! Essaie un peu ! (Puis elle posa son regard sur Camille et son expression s'adoucit). Comment tu vas ma grande ?
-Alors là, je suis vexé.
Ma mère me jeta un regard si féroce que, malgré la barrière qui nous séparait, je fis un pas de recul qui effraya une pauvre poule qui gloussa en s'éloignant.
-Je réglerais ton cas plus tard, mon garçon. D'ailleurs qu'est-ce que tu as à la main ?
Je baissai les yeux sur l'une des rares cicatrices apparentes que le combat contre les oiseaux avaient laissé sur mon corps, barrant la main d'une grosse balafre blanche. Ce n'était pas très joli et cela devait justifier l'inquiétude qui perçait le regard de ma mère. J'eus un sourire rassurant, teinté de moquerie.
-Moi ? Rien ... une estafilade.
Les yeux de ma mère étincelèrent et ses sourcils de froncèrent alors qu'elle m'examinait d'un regard critique.
-Je crois que tu mens.
-Mon nez remuerait-il ? Il faudrait que ce soit un mensonge énorme.
Ma mère me contempla un long moment, entre courroux et indécision et échangea un regard avec mon grand-père qui nous avait rejoins. Owen Alatir un homme grand et décharné dont les cheveux avaient pour la plupart blanchi, bien qu'il garde une belle épaisseur. Il avait ce grand nez qu'il avait légué à sa fille, et dont j'avais également hérité – l'une des rares différences physiques avec Connor. Je lus dans le regard qu'ils échangèrent qu'ils avaient longuement parlé – et pas seulement hurlé – pendant le trajet. Mon grand-père était au courant de notre filiation divine – ma mère serait devenue folle à être seule contre ça – alors ça ne me surprenait pas que ma mère ait besoin de son avis sur les derniers éléments. Il avait été la véritable figure paternelle de notre enfance. Ma mère finit par baisser son regard sur moi.
-Alors elle est revenue ?
Je hochai la tête et ne parvins pas à retenir le sourire qui me venait spontanément aux lèvres. Ma mère se frotta la tempe et je vis le déchirement dans son regard – ainsi qu'une étincelle que j'apercevais généralement avant qu'elle n'empoigne la casserole.
-Bien, je suppose que c'est une bonne chose ...
-Tu vas faire quelque chose, Holly ? demanda timidement Camille. Pour Dylan ?
Ma mère poussa un profond soupir et mon grand-père, lui pardonnant visiblement sa conduite, posa une main sur son épaule.
-Je connais cette petite depuis presque dix ans, rappela ma mère en passant une main sur son visage. Quand j'ai compris que c'était une vagabonde, plusieurs fois je lui ai proposé de venir habituer chez nous ...
-Alors rien ne t'empêche de lui proposer à nouveau, dit mon grand-père avec douceur. Une de plus, une de moins ...
Là-dessus, il gratifia Camille d'un clin d'œil, qui lui répondit d'un sourire. Mon grand-père avait immédiatement adopté les jumelles quand il était venu nous visiter à Denver, et comme ma mère il avait une fibre protectrice qui l'inciter à recueillir toutes les brebis galeuses sur son chemin. Ma mère vrilla ses yeux brillants sur moi et lâcha :
-C'est une décision qu'on va prendre en famille, alors ... Allez chercher Connor et Alice. Il faut qu'on soit vite fixer.
-Nous aussi ? s'étonna Camille.
Le visage de ma mère s'adoucit et elle ébouriffa les mèches soyeuses de la jeune fille.
-J'ai dit « famille », ma grande.
Camille parut sur le point de fondre en larme. Malgré la boule qui s'était crée dans ma gorge en comprenant qu'on allait poser un premier jalon d'une aventure dont je n'étais pas sûr de savoir la suite, j'attirai ma jeune sœur contre moi et embrassai le sommet de son crâne. Ma mère eut un sourire ému. Nous finîmes par repartir vers la ferme, sans hurler. Mais les hurlements revinrent vite, dès l'instant où nous passâmes la porte. De la cuisine parvenaient les cris diffus de Connor et d'Alice, étouffés par la porte et la distance. En revanche, j'entendais parfaitement ceux de Will et de Chelsea, devant Dylan et Nico qui s'entre-regardé, gênés. Visiblement, les deux guérisseurs n'étaient pas d'accord sur l'état de la cheville de Dylan : Chelsea refusait de lui retirer ses béquilles, alors que Will pensait qu'elle était assez remise pour marcher seule. Et visiblement, la concernée n'avait pas son mot à dire et se contentait de partager un paquet de biscuit avec Nico, la jambe allongée sur les genoux de son demi-frère par alliance pour maintenir sa cheville à une relative hauteur. Le fils d'Hadès nous jeta un regard suppliant.
-Par les dieux, faites les taire ! Ma tête n'en peut plus !
-Parle pour toi, maugréa Dylan en piochant dans le paquet. Hey, mais t'as pris le dernier !
-C'est toi qui a mangé les trois quarts du paquet !
-Stop, stop, stop, tout le monde se tait ! exigea ma mère d'une voix forte, avant de pointer un nouvel index sur Nico, puis sur Will. Vos noms !
Dylan, se rendant visiblement compte de sa présence, rentra sa tête dans ses épaules alors que Will et Nico échangeaient un regard avant de décliner leurs identités. Un sourire m'échappa quand je vis la lueur de crainte dans les yeux du fils d'Apollon. Ma mère était un véritable dragon et c'était agréable de constater cela quand son feu n'était pas dirigé sur vous. Satisfaite, Holly Alatir baissa alors son regard incendiaire sur Dylan, les bras croisés sur sa poitrine et le pied battant impatiemment le sol. La jeune fille déglutit nerveusement, mais eut la force d'articuler :
-Salut, Holly.
Ma mère expira nerveusement par le nez, si fort que je m'attendais presque à voir des flammes surgir de ses narines. Je voyais bien qu'elle ne savait pas comment la prendre : à la fois soulagée de retrouver cette petite vagabonde dont elle s'était prise d'affection, et vexée qu'elle n'ait pas eu confiance en elle le jour où cela était nécessaire. Faute de trouver un réel compromis, elle se tourna sèchement vers Camille et moi et d'un mouvement brusque, nous indiqua la cuisine.
-Commencez à poser le débat. Et dieu tout puissant, faire taire ton frère. Frappe le, s'il le faut.
-Et il me faut quelqu'un pour détacher et installer le sapin, enchérit habilement mon grand-père d'une voix joyeuse. Disons, toi, toi et toi ?
Il pointa Will, Nico et Chelsea. Visiblement, ces deux derniers n'avaient pas la moindre envie d'aller s'occuper du sapin, mais leur mauvaise volonté fut compensée par Will qui en une seconde sa bonhomie qui lui était plus coutumière.
-Avec plaisir ! Noël c'est pour demain, il ne faudrait pas que vous le fêtiez sans sapin ...
-Non mais je rêve, il hurle depuis une heure et maintenant il fait le garçon parfait, bougonna Nico.
Pour toute réponse, Will l'attrapa par le bras, faucha le coude de Chelsea et les poussa tout les deux vers la sortie. Mon grand-père leur adressa un grand sourire, tapota mon épaule et les suivis. Captant le regard de ma mère, je me dépêchai de prendre Camille par la nuque et nous trainai jusque la cuisine. Je sentis le regard de Dylan m'effleurer et je m'efforçai de garder le mien sur la porte, la fixant à m'en assécher les yeux.
Bon sang, c'était déjà difficile de ne pas la regarder ...
Je poussai précipitamment Camille dans la cuisine et refermai la porte sur nous avec un certain fracas qui fit taire les cris dans la cuisine. Alice, carrément montée sur une chaise pour mieux s'égosiller face à un Connor qui s'était figé en plein geste, vrilla sur nous un regard surpris. Camille croisa les bras sur sa poitrine d'un air critique.
-C'est franchement idiot. En plus il va falloir te calmer, on a un sujet à débattre. Holly est d'accord pour accueillir Dylan, si on se met d'accord. La voix de Travis compte double.
-Pourquoi ? protesta vertement Alice.
Camille prit une profonde inspiration, le feu dans les yeux et je me bouchai les oreilles en anticipant son long et sonore plaidoyer. J'échangeai un regard désespéré avec Connor. Par les dieux, ça allait être long ... et bruyant.
***
C'était fantastique, les fêtes de noël. En cette veille de 24 décembre, il était vrai que la maison manquait cruellement de décoration : personne n'avait pris le temps de s'en occuper. Alors quand le sapin avait été rentré et que toutes les décisions avaient été prises, chacun s'était attelé à la tâche de rendre cette maison plus festive. Et alors les cris s'étaient tus, remplacés par les rires – y compris celui de Nico après qu'Alice ait mis un serre-tête avec des ramures de rênes sur la tête de Will. On aurait presque pu croire à une fête de famille ordinaire – et que nous étions une famille et un groupe d'ami tout ce qui avait de plus normal. On aurait pu croire brièvement que Chelsea et Dylan étaient redevenues deux sœurs, que Camille et Alice ne se disputaient jamais et que Nico Di Angelo était un adolescent comme les autres, simplement heureux de vivre. J'aurais aimé m'en tenir aux apparences et ne pas voir tout ses petits signes qui me disait que c'était faux : les regards de Dylan pour Chelsea à la dérobé, les piques d'une jumelle à l'autre et les yeux vides de Nico qui fixaient la fenêtre, comme hantés par un passé lointain.
Enfin peu importait. C'était noël.
Appelés par leurs familles respectives, Pollux et Katie repartirent le soir même après que mon grand-père les ait aidés à réparer le van, non sans m'avoir demandé de les tenir au courant des évolutions de la situation. Le clin d'œil de Pollux était plus qu'explicite, mais cela m'avait laissé un goût amer dans la bouche alors qu'ils s'éloignaient sur la route neigeuse. Troublé, je m'étais alors assis sur le porche, écoutant les rires qui émanaient toujours de l'intérieur de la maison et les sifflements joyeux de mon grand-père qui installait les décorations lumineuses sur le corps de ferme. Pour la première fois depuis une éternité, je ressentis le besoin de tabac et allumai une cigarette piquée à mon grand-père en espérant que cela me détendrait enfin. Non seulement c'était illusoire mais en plus quelqu'un vint crever ma tentative dans l'œuf. J'entendis la porte s'ouvrir derrière moi et mes doigts se figèrent sur la cigarette que j'avais portée à mes lèvres. Si c'était ma mère, j'étais cuit.
-Travis ?
Je tirai une bouffée nerveuse sans me retourner. Dylan.
Sans faire état de mon silence, ni de la fumée malodorante que je rejetai dans les airs, elle referma la porte et s'assit sur le perron, à une distance respectable de moi. Malgré moi, je l'observai à la dérobée. Elle non plus ne me regardait pas, fixait la neige qui tombait en doux flocons, les bras entourant les genoux qu'elle avait pressé sur sa poitrine. Lavée et remise sur pied, elle avait retrouvé son teint olivâtre et ses cheveux un éclat brillant que faisait scintiller la faible lumière. Avant de partir, Katie lui avait laissé quelques affaires qui étaient bien trop grande pour elle et le sweat qu'elle portait lui tombait sur les cuisses et les mains.
-Je viens de parler avec ta mère, finit-t-elle par entonner au terme d'un silence qui s'éternisait. Elle ... m'a fait part du résultat de vos débats.
Je ne répondis pas, la cigarette fumant entre mes doigts. La discussion avait été virulente, mais plus courte que je ne l'avais pensé : Connor avait prévenu dès le début qu'il s'alignerait sur moi, comme c'était une décision qui m'impactait principalement. Avec ma voix double décidée par Camille et lui, cela avait été vite tranché. Il avait été plus difficile de se mettre d'accord sur les modalités, mais ma mère avait fini par parvenir à une ébauche qu'elle venait visiblement de transmettre à Dylan. Mon cœur se mit à battre la chamade et je réussis à demander :
-Et alors ?
Dylan pressa joue contre son bras, le visage incliné dans ma direction, mais toujours sans croiser mon regard.
-Je veux ... être certaine que tu es sûr de toi avant de prendre la moindre décision.
-Je le suis.
Je m'étonnai à peine de mon ton catégorique. Autre preuve de ma faiblesse, je n'avais pas mis longtemps à me décider.
Je n'avais pas fait tout ça pour qu'elle parte maintenant.
Alors autant accepter la proposition de ma mère et que Dylan vienne vivre chez nous.
Ça c'était décidé si vite que je ne percevais pas toutes les implications. Elles avaient lentement mûries en moi pendant que l'on décorait la maison. Dylan allait venir vivre chez nous, à la condition qu'elle reprenne ses études – par correspondance si elle le souhaitait – et qu'elle travaille certains jours le restaurant. J'avais depuis longtemps constaté qu'elle avait un niveau scolaire plus élevé que celui de Connor : elle n'aurait pas à réviser énormément pour avoir son diplôme, ce qui lui permettrait de travailler cette année pour amortir son coût dans le foyer et économiser pour l'université si jamais elle le souhaitait. Le petit bureau alloué à ma mère pourrait être déménagé en bas, à l'arrière du restaurant, pour permettre à Dylan de s'y installer.
Elle allait venir vivre chez moi. J'allais la voir tous les jours : elle allait partager mes repas, les moments où je prendrais une permanence au restaurant. Quand j'y pensais, quelque chose s'agitait en moi, mue par la même force que les ailes de l'espoir qui avait failli faire éclater ma cage thoracique. Et, remuée par cette force, la plaie recommençait à saigner.
Je pris une nouvelle tirée de ma cigarette en espérant que les vapeurs toxiques me calmeraient. Rien n'était encore décidé. La balle était dans le camp de Dylan, qui restait silencieuse, ses yeux luisants fixant le vide. Ses paupières se fermèrent.
-Je ne suis vraiment pas revenue pour ça ... j'espérais rien de ça ... Je voulais juste te voir, m'excuser ... je ne pensais pas que ...
Elle s'interrompit, la gorge visiblement nouée, et je soufflai :
-Tu penses vraiment que je suis venu en cheval me battre contre des Oiseaux de Stymphale pour te laisser retourner dans la rue ? Ça manquerait de cohérence, non ? Qu'est-ce que tu serais devenue ?
-Je pensais retourner chez moi, à vrai dire.
Je mis du temps à comprendre ce que voulait dire « chez moi » pour Dylan. Elle avait eu un foyer avant Denver – avant la Cour. Un foyer auquel elle avait été arrachée quand son père était mort. Cette fois je la contemplai avec surprise.
-La réserve ?
Elle eut un pauvre sourire.
-Je sais contrôler mes pouvoirs de l'ombre, maintenant. Ils m'ont beaucoup servi d'ailleurs pendant mon retour ... Alors peut-être ... je ne sais pas, que j'aurais réussi à trouver ma place là-bas. A redevenir Aiyana.
Je ne m'attendais pas à ce que cela me heurte mais ce fut le cas. Pourtant, avant même que je n'ai le temps de me sentir déçu, elle poursuivit dans un filet de voix :
-Mais je préfère votre solution. C'est plus stable, ça ... me convient plus. Alors si tu es sûr de toi ... C'est d'accord.
Trop de choses explosèrent en moi pour que je puisse les analyser et je concentrais toute mon énergie à ne pas montrer à quel point ces deux petits mots me touchaient, dans tout les sens du terme. Ce fut sans doute un petit miracle que ma voix reste neutre quand je lâchais un :
-Parfait, alors.
Mais cela devait être justement trop neutre. Dylan leva le visage vers le ciel et je vis ses yeux s'emplir de larmes qu'elle se refusait à laisser couler. Conscient d'avoir été un peu trop sec, j'écartais ma cigarette de ma bouche, dépité.
-Désolé. C'est juste ... Je suis content que tu restes.
Et dans l'ensemble, c'était plutôt vrai. Quand elle avait évoqué la possibilité de retourner dans sa réserve natale, je m'étais à nouveau déchiré en voyant le spectre d'un nouveau départ. Là encore, c'était des signes que je ne pouvais pas ignorer. Je n'oubliais pas, mais j'étais lentement en train de lui pardonner. Dylan posa son regard brillant de larme sur moi. Un sourire tremblant s'étira sur ses lèvres.
-Tu es sérieusement en train de t'excuser ?
Je souris en retour et pour la première fois depuis que je l'avais retrouvé sur les pentes de Shadow Mountain, nos regards s'accrochèrent réellement et perdirent l'un dans l'autre. Les larmes donnaient une beauté singulière aux yeux de Dylan : ils étincelaient, captant la lumière et amplifiant l'émotion que véhiculait son regard. Je ne les trouvais pas sombres du tout, ces prunelles rendues noires par l'hiver, ces yeux couverts de larmes. Ils étaient magnifiques.
Ma main s'avança mécaniquement vers la sienne, et nos doigts s'entrelacèrent naturellement. Sa main restait glaciale dans la mienne, mais j'avais l'impression que c'était l'une des caractéristiques des enfants des Enfers. J'observai nos doigts noués, ce lien que je n'arriverais jamais à défaire entre nous, malgré la plaie qui saignait et les larmes dans ses yeux. L'une d'entre elle lui échappa et roula sur sa joue.
-Je suis tellement désolée d'avoir tout gâché, Travis. Je ... Je te l'ai dit, je n'attends rien de toi, mais ... Je ne me suis pas fichue de toi, sur ça. Je te jure, j'ai ... (elle ferma les yeux et acheva dans un filet de voix : ) je t'aime.
Mon cerveau mit un long moment à faire le lien entre ces mots et leur sens. Lorsque ce fut fait, tout éclata de nouveau en moi : l'espoir d'entendre à nouveau ces mots comme le rappel du contexte de la dernière fois où elle les avait prononcé.
Par les dieux Dylan, moi aussi je t'aime. Simplement, pas maintenant ... pas encore.
-Je ne dis pas que j'oublie, murmurai-je, les paupières closes pour mettre de l'ordre dans mes pensées. Ni même ... que tout est pardonné. Disons simplement que ... j'espère que le temps effacera. Et que ce jour là, je pourrais te répondre la même chose.
Dylan eut un léger ricanement et je sentis ses doigts se crisper dans les miens. Quand j'ouvris les yeux, un sourire amer déformait ses lèvres.
-Je sais que je me mets une balle dans le pied ... Mais Travis, je ne suis pas sûre que ça disparaisse un jour. Peut-être qu'effectivement, tu arriveras à me pardonner et à ne plus y penser mais ... je suis vraiment désolée, mais j'ai crée un précédant qui sera toujours là entre nous. Au fond de toi, sans que tu en aies conscience, tu auras toujours peur que je parte, et quand cette peur refera surface, la rancœur reviendra aussi. C'est un mécanisme dont je me suis rendue compte avec Clopin. Au fond ... (Elle passa une main sur son omoplate, là où devait se trouver les cicatrices du sévices qu'il lui avait infligé). Je ne lui ai pas pardonné ça ...
-Encore heureux.
Les yeux de Dylan s'écarquillèrent et elle essuya un léger rire. Ça avait été la seule chose sur laquelle j'avais eu envie de renchérir, puisque je savais qu'elle avait sans doute raison pour le reste. La cigarette s'était éteinte entre les doigts, répandant une odeur de tabac froid dans l'air qui parut indisposer Dylan car elle fronça du nez. Elle finit par froncer les sourcils et un léger sourire retroussa ses lèvres.
-Tu sais que c'est moi qui aie appris à Chelsea à jouer aux jeux vidéos ?
-Pardon ?
-On s'ennuyait parfois dans la planque. Mais l'élève a vite dépasser le maitre : c'est une fille d'Apollon, elle a des yeux de lynx.
-D'accord mais qu'est-ce que ça vient faire ici ?
Le sourire de Dylan se fit presque gêné, et elle poursuivit avec une certaine timidité :
-Bien, je ne sais pas ... Mais puisque tu m'en veux mais qu'on est quand même réduit à passer un certain temps ensemble dans les prochains moi, peut-être que ça te ferait du bien de me tuer virtuellement. Une sorte de purgation par les jeux vidéo ... Comment on appelle ça au théâtre ? La catharsis ?
Cette fois, j'éclatai de rire, amusé par l'idée. Ce serait sans doute totalement inefficace en plus d'être inutile, mais j'avouai être séduit par l'idée de disputer une partie de jeux avec Dylan Blackraven. Et le sourire de défi qu'elle me servait était l'un des plus beaux qu'elle pouvait me faire, ceux auquel je ne pouvais résister. Cette fois l'amour prenait le dessus sur la colère et pour la première fois, la colère n'essaya pas de le tirer dans les abysses. Il tenta, mais l'amour le repoussa pour me faire dire :
-Ça se tente, oui.
***
Nous avions joués jusque tard dans la nuit dans un salon déserté par les dormeurs. Dylan était d'un niveau équivalent au mien, et pour la plus grande frustration, elle vendit chèrement sa peau à chaque partie. Mais la fatigue finit par la rattraper et elle s'endormie dans le canapé, la manette à la main et la bouche légèrement entrouverte. Je l'avais contemplé, assez attendri et rassuré par la détente complète de son visage. Je ne me souvenais pas avoir un jour vu la jeune fille si apaisée. J'étais en train de réellement basculé, mais ce n'était pas parce que je l'avais plusieurs fois tuée virtuellement. C'était parce que j'avais retrouvé des traces de complicité avec elle, et retrouvé ces expressions qui avaient fini par me charmer : sa ténacité, son humour, sa façon de toujours vouloir me contrarier qui en faisait l'une des rares personnes à être capable de me tenir tête. Je finis par la couvrir d'un plaid, vaincu par mes sentiments.
Pas de doute, j'étais amoureux de cette fille. Mais il fallait que le temps fasse son œuvre avant que je ne puisse à nouveau lui faire une pleine et entière confiance.
Mais à présent, j'étais sûr que ça viendrait.
N'arrivant pas à trouver le sommeil, je finis par laisser Dylan au sien et à sortir dans l'air frai de la nuit qui s'achevait. Il était près de huit heures du matin et les premières lueurs perçaient timidement le ciel. Ne persistaient que quelques nuages de la nuit, blancs et dépourvus de neige. Je sortis du corps de ferme, ignorant les poules qui commençaient à sortir et à caqueter pour réclamer leur grain et me postai face aux montagnes qui commençaient à s'illuminer, une cigarette au coin des lèvres. J'ignorai même d'où je la tenais, celle là. Mais c'était le lot des fils d'Hermès : je volais si machinalement que j'en oubliais que je le faisais.
-Une cigarette, dès le matin ?
Je sursautai en faisant volte-face. Connor venait à ma rencontre, en pyjama et sweat, frottant ses yeux gorgés de sommeil. Puis mes yeux se baissèrent sur ses pieds et j'explosai de rire.
-Et toi tu sors en chausson dans la neige ?
-Ouais, bah on a l'air particulièrement stupide dans la famille. Tu as passé la nuit avec Dylan ?
Il n'y avait ni trace de moquerie, ni même allusion espiègle dans la question de Connor. Il se contenta de s'adosser à la bâtisse, un léger sourire aux lèvres. Je tirai une bouffé de ma cigarette et répondit tranquillement :
-Ouais. Enfin, on a pas mal parlé. Elle m'a dit qu'elle avait parlé avec Chelsea aussi. J'ai l'impression que ... tout s'arrange petit à petit.
Connor acquiesça et se frotta de nouveau l'œil.
-Et Alice a fini par accepter qu'elle n'avait pas à en vouloir à Dylan. Je te jure, si elle avait voté contre, je l'aurais renvoyée aux Enfers avec un coup de pieds aux fesses.
-Oh par les dieux, ricanai-je. Alice ... la source de la moitié de mes maux. Non, en fait de tous, maintenant que j'y réfléchis.
Oui, maintenant que j'y pensais, cette quête absurde avait été le point de départ de tout ce qui se jouait à présent. Sans elle, pas de Cour, pas de rapprochement avec Dylan, pas de souffrance – mentales comme physique. Il était vrai que la Cour des Miracles avait cristallisé tous mes griefs, mais tout trouvait son origine dans cette quête pour retrouver ma sœur. Connor dressa un sourcil, sceptique.
-Ah ouais ? Tu trouves ?
-Pas toi ?
Connor donna un coup pied dans un caillou, qui ricocha plus loin, comme s'il souhaitait par ces petits bons rejoindre les grandes montagnes qui s'illuminaient plus loin. Un léger sourire, énigmatique, persistait sur ses lèvres.
-Boh, je ne sais pas. Sans cette quête, qui sait si on se serait réconcilié ? Peut-être que j'aurais continué de bouder à la Colonie jusqu'à que tu craques.
Je levai les yeux au ciel, mais un sourire effleura mes lèvres. Evidemment qu'il avait raison. Sans cette peur de me voir descendre aux Enfers sans lui, jamais Connor n'aurait accouru, et jamais nous aurions pu nous expliquer. Comprenant dans mon silence que je lui concédai ce point, Connor poursuivit :
-Sans quête, pas de vol de caducée et donc pas le plus bel exploit de notre carrière. Sans quête, pas de Camille et je suis presque sûr que ta vie serait triste maintenant, sans elle. Sans quête, pas de super-lunettes qui t'aident pour ta fac. Sans quête ... pas de Dylan. Et je pense que ça compte un peu, non ? Que malgré tout ... il y a du bon ?
-Tu as fini ?
Le sourire de Connor s'élargit.
-Pas vraiment. Enfin, moi, en tout cas, ça m'a vachement appris à relativiser. Sur ma vie, et sur le monde extérieur. Alors je pense que te concernant ... Oui, ça a été douloureux. Oui il a fallu passé par la Cour des Miracles et tout ce qu'elle a impliqué – une bataille, le départ de Dylan ... Mais malgré tout, je ne pense pas qu'il n'y ait que des maux qui aient découlés de cette quête.
-Mais c'est qu'elle t'a rendu philosophe, plaisantai-je en ébouriffant ses boucles.
Il me repoussa d'une main avec un petit rire. J'observai mon frère, tentant de percevoir les changements physiques qui s'étaient opéré en lui. L'ombre d'une barbe assez mal répartie et qu'il faudrait raser dans les prochains jours. Une profondeur accrue dans ses iris noisette, plus calmes, plus songeuse. Des joues creusées qui perdaient les rondeurs de l'enfance. Et malgré tout, ce perpétuel sourire au coin des lèvres et cet éclat dans le regard qui s'allumait dès qu'il croisait le mien. Ce lien, qui malgré tout, malgré la pire dispute de notre vie, malgré les Enfers, la fac, l'amour, demeurait indéfectible, que ce soit dans les épreuves ou dans la bêtise. Avec un sourire, je pris mon frère par les épaules et lui passa un bras derrière mon dos pour me donner une tape entre les omoplates.
-Bah, sage, tout au plus, finit-il par répondre. Bon ... et maintenant ?
J'essuyai un petit rire, les yeux rivés sur les couleurs d'or et de rose que prenaient les monts enneigés en face de nous. Le retour de Dylan venait de mettre un point final à tout ce qui avait été entamé depuis le jour où mon père m'avait demandé de retrouver Alice. C'était une page à la fois brève et intense de ma vie qui s'achevait, ce que je savais un véritable tournant, comme un marqueur définitif qu'à présent, je n'étais plus un enfant. A présent que ce passage était passé, fermé et que je pouvais enfin laisser tout cela derrière moi, la question s'imposait effectivement.
Et maintenant ?
J'avais une idée en vrac de la liste des choses à faire sans en trouver de ligne directrice. Réussir à avoir ce premier semestre de droit et poser le premier jalon d'un avenir professionnel que j'espérais stable. Aider Camille à reconstruire une famille qu'elle avait perdue. Tenter de retisser un lien effilé avec Dylan. Rendre mes parents fiers. Et reprendre la constante de ma vie : poursuivre ma route avec mon frère qui avait partagé toute ma vie, contre vents et marée.
Je soupirai, prenant largement appuis sur Connor, qui crispa sa main sur mon côté, comme pour m'assurer qu'il était là et qu'il le serait toujours. Je pris une bouffée de ma cigarette, avec l'intuition que c'était la dernière. Il était temps de mettre un peu de stabilité dans une vie qui n'avait été que précaire.
Et pour la première fois de ma vie, j'avais la certitude d'y parvenir.
VOILAAAA j'espère que ça vous a pluuu ! Donc l'épilogue arrivera la semaine prochaine et je ferais sans doute un petit bilan comme j'avais fait avec Lucy - vous n'êtes peut-être pas beaucoup à suivre mais j'ai adoré écrire cette histoire donc je suis assez curieuse de voir ce que vous vous en avez pensé !
Bref, à la semaine prochaine !
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