Chapitre 13 : "On my way"


CHAPIIITRE d'aujourd'hui. Il était prévu d'un seul tenant avec le chapitre qui suit, mais ça aurait fait trop de choses et trop d'actions en trop peu ... Alors voilààà

Le titre inspirée de la chanson de Frère des Ours Dites à mes amis que je m'en vais , ou plutôt de sa version anglaise dont le titre va mieux au chapitre. C'est aussi une chanson de Jain que j'aime beaucoup, donc je vous met les trois liens pour le fun ! ==> 

Bonne lecture ! 


Chapitre 13 : « On my way »

Perséphone fut d'une adorable humeur le reste de notre séjour en Enfer : elle était courtoise, affable et toujours souriante – notamment lorsque son regard se posait sur le caducée qu'elle avait planté sur le point le plus haut de son jardin. Elle avait même consenti à nous ravitailler en nectar et amboiserie, mais lorsque les jumelles avaient réclamé de pouvoir voir une dernière fois leur mère, elle avait dû leur refusé, entre tristesse et sadisme, comme si la détresse des jeunes filles la touchait mais qu'elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver un malin plaisir à refuser cette faveur à la fille qui avait brûlé son jardin. L'heure du départ était arrivée, et je n'éprouvais qu'une hâte : retrouver la chaleur du soleil sur ma peau et respirer l'air frais de mon monde. Par les dieux, que les Enfers m'étouffaient.

Je venais de finir mon sac, opération rendue difficile par les bandages qui m'entouraient les doigts – blessures auxquelles même Perséphone ne pouvait rien – mais lorsque je rejoins notre groupe, Dylan manquait à l'appel. Je finis par la trouver dans le cœur des jardins de sa mère, et me figeai en me rendant compte qu'elle n'était pas seule. Un homme aux longs cheveux d'un noir d'aile de corbeau attaché sur sa nuque se tenait face à elle. Il était assez petit, mais il émanait de lui une force apaisante et une aura sereine qui semblait le faire grandir et rayonner. Il tenta de toucher la joue de Dylan, mais sa main s'évapora en une brume disparate au contact de la peau de la jeune fille. Alors il sourit tristement, prononça quelques mots que je ne pus entendre et s'évapora à son tour, ondulant dans l'air jusqu'à disparaître. Je me trémoussai, gêné par les reniflements sonores de Dylan et par la scène à laquelle j'avais été témoin. Je n'avais aucun doute sur l'intimité de l'échange. J'attendis quelques minutes que Dylan se calme, avant de faire de grands pas bruyants pour annoncer ma venue. Lorsque la fille de Perséphone se tourna vers moi, ses yeux étaient rouges mais secs. Elle eut une moue contrite.

-Ah ... Vous m'attendez ?

-Moi qui pensais que tu serais la première à courir pour quitter les Enfers, plaisantai-je.

Dylan eut un léger sourire et son regard s'attarda un instant sur l'endroit où se tenait l'homme quelques minutes plus tôt. Presque aussitôt, ses yeux luirent mais elle chassa ses émotions d'un battement de cil et prit derechef les devants, les mains crispées sur les lanières de son sac à dos. Je la suivis, babillant tranquillement d'un ton badin qui lui fit lever les yeux au ciel. Mais un sourire passa furtivement sur ses lèvres et elle paraissait plus heureuse, même lorsque nous passâmes devant Perséphone, agenouillée dans la terre noire à faire des plantations. Elle se leva en nous apercevant, agitant les mains pour en retirer la poussières et nous rejoignit d'un pas souple. Elle m'adressa un regard moqueur.

-Adieu, fils d'Hermès ! La prochaine fois que je te verrais dans mon royaume, ce sera à ta mort, d'accord ?

-Volontiers, je passerais prendre le thé en arrivant. Je l'aime sans sucre, souvenez-vous en.

Dylan me donna un coup de coude réprobateur mais sa mère sourit, l'air mutin, et inclina doucement la tête en signe d'acceptation.

-Le rendez-vous est pris. Bon vent à toi !

Elle passa son pouce sur mon front en un geste qui sonnait comme une bénédiction et qui électrisa un instant ma peau. Puis ses yeux se posèrent sur sa fille et sa mine s'adoucit. Chaque fois qu'elle regardait Dylan, je pouvais presque deviner la mère sous l'aura épaisse de la reine des enfers.

-Alors ainsi tu me quittes Aiyana.

-Tu ne pensais quand même pas que je resterais ici ? rétorqua Dylan avec un certain mépris.

Mais sa voix restait rauque et gardait les traces d'émotivité de sa rencontre avec son père. Perséphone ne parut pas se formaliser des mots rudes et eut un sourire bienveillant pour sa fille. Elle caressa une mèche de ses cheveux, et Dylan se laissa faire, comme figée.

-Evidemment que non, les enfers ne sont pas un endroit pour qu'une si jolie fleur s'épanouisse ... C'est en haut, dans le monde réel qu'est ta place, Aiyana. C'est en tournant ton visage vers le soleil et en plantant tes racines en ta terre que tu pourras grandir et de développer.

Dylan resta un instant muette, les lèvres pincées, acceptant visiblement la caresse maternelle avec raideur. Une nouvelle fois, les ombres parurent ramper à ses pieds, et elle les percevant, elle écarquilla les yeux et se dégagea sèchement de sa mère.

-Jusqu'à que l'hiver me fauche.

-L'hiver ne te fauchera pas, assura Perséphone en lorgnant les ombres qui s'accrochaient aux pas de sa fille. L'hiver te rend plus forte. Mais un jour ... (elle poussa un grand soupir, et prit la main de Dylan sans tenir compte de sa réticence). Aiyana, n'oublie pas ce dont on a parlé. Souviens-toi de ce que je t'ai dis ...

La jeune fille blêmit et les mots parurent la troubler si fort qu'elle en laissa sa main dans celles de sa mère. Perséphone profita de son immobilité pour lever une main et la passer sur le pendentif en forme de capteur de rêve de Dylan. Les motifs changèrent alors, passant de simples tissages à des formes plus complexes de fleurs comme celles que la jeune fille avait fait poussé dans les Enfers.

-Et n'oublie pas d'où tu viens, murmura-t-elle en s'écartant. N'oublie pas qui tu es. Sois forte, ma fille.

Elle lâcha sa main et le bras de Dylan retomba mollement le long de son bras. Il me sembla que ses yeux sombres s'étaient à nouveau embuer, mais ses paupières papillonnèrent et son regard reprit une sévérité qui était plus coutumière quand il s'agissait de sa mère. Elles se contemplèrent un long moment, silencieusement, assez longtemps pour que je trépigne sur place en espérant qu'une crevasse m'engloutirait. Puis Dylan lâcha un vague « au revoir », me faucha le coude et me força à avancer avant que sa mère n'ait le temps de lui répondre.

Je jetai un coup d'œil par dessus mon épaule pour adresser un « désolé » silencieux à Perséphone, qui nous fixait, le visage figé en un masque royal. Puis j'abaissai sur Dylan un regard presque réprobateur.

-« Au revoir » ? C'est tout ?

Sa mère avait fait l'effort de lui parler, et c'était sans doute grâce à elle qu'elle avait pu voir son père une dernière fois. Les doigts de Dylan se crispèrent au creux de mon coude et elle haussa les épaules avec un certain flegme.

-Ne t'en fais pas, Saint Protecteur des Familles. On s'est tout dit, elle et moi, pendant que vous faisiez la chasse au caducée sauvage.

-Et ?

Dylan pencha la tête sur le côté et me jeta un regard courroucé. Mais j'ignorais contre qui était dirigé cette colère : contre elle, sa mère, ou moins. Malgré tout, un lent sourire se dessina sur mes lèvres.

-Laisse-moi deviner ... Tu la détestes un peu moins ?

-La ferme, mauvaise herbe.

-Et que maintenant ta famille ne résume plus au gars qui t'a fouetté ?

-Oh par les dieux, Travis, soupira-t-elle en levant les yeux au ciel. Pourquoi on en revient toujours à ça ?

-Parce que c'était très stupide de ta part d'accepter une telle chose ?

-Et toi ce n'était pas stupide d'aller voler le caducée de ton père ?

-La balance est positive, évaluai-je tranquillement en désignant le groupe du regard.

Nous venions d'atteindre la grille de fer stygien devant laquelle nous attendait le reste de la bande. Connor tentait de faire des tours de magie devant Nico Di Angelo, arguant que c'était grâce à ça qu'il avait pu emballer Drew un été – malheureusement véridique – et Alice était penchée sur Camille, un immense sourire aux lèvres. Même cette dernière, malgré la perte de sa mère, semblait plus épanouie, moins sur la réserve et la défensive que lorsque nous étions entrés aux Enfers. Dylan s'était arrêtée et mordilla la lèvre inférieure en contemplant le tableau. J'eus un sourire et tapotai son épaule.

-A toi de voir si la tienne l'a été aussi.

Elle me contempla quelques secondes, de son regard noir qui avait gagné en profondeur depuis que nous étions entrés dans les Enfers. Une moue ennuyée déforma ses lèvres – qui n'était pas sans rappeler celle de sa mère.

-Travis ... C'est compliqué. Je ne suis pas sûre ... (Elle secoua la tête avec un soupir). Enfin bref. On ... on ferait bien d'y aller.

-Je suis d'accord, mais je n'ai toujours pas entendu le « oui Travis, je te remercie énormément pour tes sages conseils, tu es vraiment un ami exceptionnel, grâce à toi ma maman et moi nous entendons mieux. Tu as raison j'ai été méchante avec elle, j'aurais dû lui parler autrement ».

-Parce que tu crois être mon ami, mauvaise herbe ? rétorqua-t-elle en plantant son coude dans mes côtes.

Je la contemplai à travers mes cils et portai une main outrée sur mon cœur comme si elle venait de me vexer. Ses yeux roulèrent dans ses orbites mais un sourire furtif passa sur ses lèvres et elle enroula son bras autour du mien avec un soupir.

-Travis Alatir, mon ami. Ça fait bizarre mais bon. A ce stade, plus rien de m'étonne.

-Qu'est-ce que tu crois, il faut s'attendre à tout avec les fils d'Hermès. Nous sommes imprévisibles.

Cette fois, Dylan essuya un petit rire et ses yeux étincelèrent. Une nouvelle bonne humeur chassait la tristesse qui s'était installée dans ses iris et elle ne gardait de la rencontre avec son père que le blanc de ses yeux veiné de rouge – mais cela pouvait aussi bien être dû à la fatigue qu'aux pleurs. Elle me jeta un regard oblique.

-Je veux bien te croire. Qu'est-ce que tu me réserves donc encore ?

J'eus un sourire, entre espièglerie et malaise. Presque malgré moi, mes yeux se portèrent sur les lèvres de Dylan, mais je réussis à y arracher mon regard assez vite pour cela passe inaperçu. Avant que je ne trouve quelque chose de spirituel à répondre, la voix de Camille fusa, mécontente :

-Je peux savoir ce que vous foutez ? Je veux m'en aller d'ici, moi !

-Pas plus que moi ! répliqua Dylan en allongeant le pas. On peut y aller.

-Amen, soupira Alice.

Elle fut la première à passer les grilles du palais des Enfers, vite suivie de sa sœur jumelle et de Connor. Nico prit les devants de la troupe : ils devaient nous amener jusque la barque où Charon nous attendraient pour nous remonter à la surface. Peu de mortels avaient la joie de faire le trajet en sens inverse et je savourai l'idée d'être l'un d'entre eux avec un délice coupable.

La traversée des champs monotones de l'Asphodèle se fit dans la bonne humeur. Connor négociait auprès de Nico un passe-droit pour atterrir à l'Elysée une fois mort, se répugnant à vivre sa seconde vie au milieux des peupliers noirs et des spectres qui perdait chaque jour un peu l'esprit. Alice tentait toujours de convaincre Camille de venir à la Colonie, mais sa sœur paraissait bornée et elles s'éloignèrent bientôt, hurlant l'une contre l'autre. Connor s'esclaffa et passa un bras autour de mes épaules.

-Comme quoi être jumeau n'est pas la garantie d'avoir une relation fraternelle sereine. Tu te souviens des disputes entre Castor et Pollux ? On devait toujours les séparer.

-Pollux est déjà venu dormir dans mon lit parce que Castor l'avait viré du bungalow, me souvins-je avec un sourire. Tu sais qu'il a trouvé une formation de cuisinier à Aurora ?

Je m'attendais à ce que mon frère se renfrogne à l'idée que notre vieux complice quitte lui aussi la Colonie pour vivre une vie ordinaire, mais il me surprit en se fendant d'un sourire entendu.

-C'est cool pour lui. Il réussira, c'est sûr : je me serais damné pour ses cookies. Mais du coup, Aurora ? Il habitait pas dans le Wyoming ?

Je lui répétai ce que j'avais pu lire dans le dernier texto de Pollux : sa mère était devenue trop protectrice depuis la mort de son frère jumeau et il avait souhaité s'en éloigner. La proposition de formation dans le Colorado avait été une vraie aubaine pour lui et j'avouais être soulagé de voir un autre Sang-Mêlé revenir à la vie civile – et de savoir qu'à quelques kilomètres de chez moi, j'avais un ami à qui rendre visite. Parler de Pollux me rappela les paroles de Luke que j'avais entendu en rêve, sur ses remords que Castor ait été victime de sa folie. Mes yeux se levèrent sur la colline que nous devions de dépasser au loin, la belle colline coiffée de beaux bâtiments à colonne grecques et qui rayonnait de tout son bonheur. Les champs Elysées dans lesquels Castor vivait sa mort, aux côtés de tout ceux qui étaient tombés durant les deux guerres successives. Connor suivit mon regard et son sourire s'effaça lentement de son visage. Sa main se crispa sur mon épaule et il s'immobilisa. Je passai mon propre bras derrière sa nuque et nous contemplâmes la colline en silence pendant que nos camarades fendaient l'herbe noire des champs d'Asphodèle au milieu des spectres. Le nom de tous nos amis morts pour la gloire des dieux et la sauvegarde de notre monde flotta autour de nous. Connor baisa ses trois doigts du milieu avant de les élever vers la colline en sifflotant quatre notes reconnaissables. Malgré la solennité du moment, je ne pus m'empêcher d'éclater de rire.

-Par les dieux, comment tu peux nous faire Hunger Games dans une situation pareille ?

-Hey ! Regarde-nous, on est les deux tributs du District onze ! Et on sort vivant de l'arène, si ce n'est pas beau ...

Je m'esclaffai à nouveau, et nous reprîmes notre marche en avant, bras dessus-bras dessous. Connor contemplait toujours la colline jusqu'à que nous la dépassions totalement et qu'il ne soit plus possible de la regarder sans marcher à reculons. Son visage s'était fait songeur.

-En parlant de ça ... Tu sais, j'ai réfléchi.

-Et quoi, tu veux une médaille ?

Pour toute réponse, il me poussa à l'épaule et je déviai de ma trajectoire en riant de son air contrarié.

-Arrête, je suis très sérieux. Tout ce qui est arrivé à Camille, à Dylan, et même à ... (d'un geste vague de la main, il indiqua les Champs Elysée qui n'était plus qu'un point doré à l'horizon). Bref, même tout ce qui s'est passé ces derniers jours, ça m'a fait réfléchir. Et ... j'en sais rien. Mais j'ai l'impression avec cette quête ... d'avoir atteint une genre de finalité, tu comprends ?

Mon sourire se figea sur mes lèvres et un espoir que j'avais enterré depuis longtemps, lorsque je m'étais retrouvé seul sur un quai de gare à fixer un train qui défilait, s'éveilla en moi en battant timidement des ailes. Je lui jetai un regard oblique, circonspect et Connor sourit d'un air penaud.

-Même pour toi, Travis. On est descendu aux Enfers – et on y a survécu. On a volé papa – et son caducée bon sang, c'est ... Je ne sais pas, c'est une consécration et doublement ! Tu penses un jour pouvoir faire mieux dans ta vie ?

-Sans doute pas, convins-je prudemment, attendant la suite.

Le sourire de Connor s'agrandit. Son pas s'était fait plus souple, plus assuré alors qu'il parlait, et ce fut avec conviction qu'il poursuivit :

-Je pense vraiment que te concernant, cette quête, c'était un cadeau de papa. Oui, un cadeau, insista-t-il alors que je le fixai l'air éberlué. Je pense que papa avait compris qu'il te fallait cette dernière aventure pour clore définitivement ta vie de héros. Et finir en un sens en héros. Et qu'il avait aussi compris qu'il me faudrait ça ... pour que je comprenne.

Même si j'étais sceptique sur le fait que la quête soit un cadeau de papa – quel genre de père ferait ce genre de cadeau ? – je commençai à lire le raisonnement de Connor. Les ailes de l'espoir en moi agitèrent leurs ailes de façon frénétique et un sourire naquit sur mes lèvres.

-Et tu as compris que ... ?

-Ne t'enflamme pas, me coupa immédiatement Connor. Je ne dis pas que je vais définitivement revenir à la maison et faire du lycée. Bon sang, aller au lycée sans toi, Travis, plus ennuyeux tu meurs, avec qui je passerais mes heures de colles ? Avec qui je jouerais au basket à la fin des cours ? Avec qui je ferais tourner les surveillants en bourrique ?

Malgré moi et l'espoir qui planait dans mon cœur avec déception, j'essuyai un petit rire. Nous étions si dépendant l'un de l'autre qu'il n'imaginait pas sa vie de mortel sans moi ... Mais il avait noué d'autres liens dans sa vie de demi-dieu. C'était là qu'il arrivait à se détacher de notre relation et à prendre de l'indépendance.

-Bref, le lycée en solo je n'ai pas envie, conclut-t-il avec un haussement d'épaule. Autant ... que je reste à la Colonie. Au moins quelques mois. Ça ne servira plus à grand chose : j'ai l'impression d'avoir fait mon accomplissement de fils d'Hermès. Mais je préfère ... que ce ne soit pas trop brutal, qu'il y ait une forme de transition. Que je forme la relève – Julia en future Conseillère, ça me semble bien, c'est l'une des plus anciennes et des plus aimées. Ou peut-être Cecil, il faudrait voir avec Chiron ... Que je fasse des derniers coups d'éclats et que je prépare mon diplôme par correspondance dans le calme avant de ... tirer ma révérence.

J'avais lentement ralenti jusqu'à m'immobiliser, gambergeant silencieusement sur les mots de mon frère. Après réflexion, c'était sans doute l'un des plans les plus censés qu'il m'ait donné de toute notre vie. Malgré le fait que cela signifiait que nous allions devoir évoluer séparément quelques mois, l'espoir s'embrasa en moi pour se muer en triomphe, en joie extatique qui fit naitre un sourire sur mes lèvres.

-C'est une bonne idée.

Connor me renvoya un regard surpris, comme s'il avait été persuadé que je protesterais.

-Vraiment ?

-Vraiment, assurai-je calmement, amusé par sa mine interdite. Tu as raison, je suis parti trop brusquement : ça fait quand même cinq ans qu'on est Conseillers tous les deux, ça fait un sacré chamboulement. C'est mieux si tu assures la transition. Et je sais que Chiron saura bien te cadrer pour avoir ton diplôme : somme toute, la Colonie n'a rien à envier aux lycées sur certains points et au moins tu seras avec des gens qui auront les mêmes soucis que toi. Je n'aurais pas eu aussi bien mon diplôme je n'avais pas révisé avec Pollux et Katie. Par les dieux, c'est affreux de faire du droit quand on est dyslexique.

Connor eut un sourire tenu, incertain.

-Mais ... nous ?

Mon cœur se serra parce que c'était la faille de ce plan si censé. Même quelques mois, ça me semblait une éternité pour nous qui avions été inséparables toute notre vie, l'ombre l'un de l'autre et la lumière l'un dans l'autre. Je me forçai à hausser les épaules, la gorge serrée.

-Oh, il fallait bien que ça arrive. On allait pas vivre en ménage toute notre vie, non ? Imagine le jour où on arrivera à se trouver des copines ? (Connor essuya un petit rire tremblant qui comprima un peu plus ma gorge). Non, mais sans songer à ça ... Je passerais à la Colonie et toi tu rentreras de temps en temps. Et on s'appellera. T'inquiète, on trouvera un moyen. Et puis ... tu reviendras. Ce n'est que l'affaire de quelque mois.

Les yeux de Connor papillonnèrent et un instant je me demandais s'il ne cherchait pas à refouler ses larmes. J'ignorais si c'était ces quelques mois de séparation, la perceptive d'être arrivé au bout de sa vie de demi-dieu ou celle du future qui s'étalait obscurément devant lui, mais mon frère, qui paraissait si confiant une minute plus tôt, semblait bouleversé. Touché, je l'agrippai fermement par les épaules pour le secouer un peu. Puis comme il se taisait encore, je l'attrapai par la nuque et posai mon front contre le sien.

-Ça va aller, Connor. Je te promets que ça ira.

Connor hocha mollement la tête contre la mienne et ses mains attrapèrent mes poignets bandés, pas pour me dégager mais pour s'accrocher un peu plus à moi.

-Tu sais que c'est à cause de toi que Leah m'a quitté l'an dernier ? m'apprit-t-il dans un ricanement. Elle disait que tu prenais trop de place dans ma vie et qu'elle n'arrivait pas à trouver la sienne.

-Euh, désolé.

-Si tu savais comme je m'en fiche. Je préfère cent fois t'avoir toi. Mais réflexion faite, c'est peut-être aussi pour ça que tu n'es jamais sorti avec Katie. Parce que sur la fin vous vous entendiez plutôt bien, ça aurait pu ... Enfin bref, je ne sais pas pourquoi je dis ça.

-Parce que tu comptes profiter de ses quelques mois pour renouer avec Leah ?

Connor eut un petit rire et s'écarta un peu de moi. Son regard était humide, obscurci par de folles boucles châtains mais un sourire s'étalait sur ses lèvres.

-Bah, si elle ne sait pas t'accepter ça ne risque pas. Mais tant qu'on en parle, Dylan ...

-Oh stop ! l'interrompis-je en faisant un bond sur le côté. Fin de la conversation !

Mais les yeux de Connor étincelèrent et s'asséchèrent et son sourire se fit plus tordu. Je décidai alors de m'éloigner à grandes enjambées, les joues brûlantes. Mon frère trottina jusque moi avant de se mettre à marcher à reculons devant moi.

-Mais pourquoi ? protesta-t-il, ragaillardi et malgré le reste du groupe qui nous attendait et se rapprochait. Moi je t'ai toujours parlé de Leah, de la façon dont j'ai embrassé Drew dans les écuries ...

-Oui bah celle la je m'en serais bien passé ...

Connor éclata de rire et se jeta presque sur moi pour entourer mes épaules d'un bras. A présent, le reste du groupe était à portée de voix et mon frère eut la décence de ne pas renchérir sur Dylan. Malgré moi, la perspective des prochains mois solitaires et mes joues où persistait une certaine rougeur, un sourire insensé avait retroussé mes lèvres. Ce fut sans doute ce sourire et notre proximité affichée qui fit rembrunir Nico, le premier que nous atteignîmes.

-Oh par Hadès, marmonna-t-il en passant une main sur son col. Ça, c'est une vision à aller vérifier que je n'ai pas d'ail dans mon bungalow.

-Ah, j'étais pas là pour le coup, il va falloir innover, répliquai-je d'un ton joyeux. Remplacer ton lit par un cercueil, est-ce que ça t'irait ?

-Et puis on peut toujours essayer de trouver de vieilles affiches d'Hitler pour décorer ton bungalow à la mode de papa, enchérit Connor. Oh ouais ! (il crispa une main sur mon épaule et m'adressa un sourire extatique). Je vais faire ça en rentrant !

-Oui bah calme-toi, rétorquai-je en le repoussant au visage. Hazel a dit que s'il arrivait encore quelque chose de ce goût à son frère c'est sur moi qu'elle se vengerait.

Nico ne parut savoir s'il fallait qu'il soit amusé ou en colère, et faute d'un choix il se contenta de soupirer et de faire volte-face sous nos ricanements. Alice nous jeta un regard ravi par dessus son épaule et l'éclat d'espièglerie dans ses yeux m'indiqua qu'elle avait parfaitement entendu et que si nous étions dans l'incapacité morale d'organiser notre plan, elle se ferait une joie de nous suppléer. Mais ce fut Dylan qui parut la plus joyeuse et qui leva les bras au ciel en signe de triomphe.

-Cool, ils sont de retour ! Les parties de cache-cache dans Denver vont pouvoir reprendre : je compte jusque combien ?

-Je préfère jouer à « qui arrive le premier à la barque de Charon » aujourd'hui, suggéra Connor d'un air mutin. Et comme tu as de toute petite jambes ça va être vite régler.

Mais la pique ne parut pas entamer la bonne humeur de Dylan, dont le sourire s'agrandit. Elle sauta sur un tronc mort étalé de tout son long dans l'herbe noire et se mit à siffloter joyeusement, les bras tendus pour garder son équilibre. Camille eut un léger sourire en l'entendant.

-Après Le Bossu de Notre-Dame, Frère des Ours ?

-Je trouve que c'est approprié, rit Dylan avant de se mettre à chanter : Dites à mes amis que je m'en vais, je pars vers de nouveaux pays ! Où le ciel est bleu dites que je m'en vais et c'est tout ce qui compte dans ma vie !

Presque tout le monde éclata de rire et Camille daigna esquisser un sourire amusé. Nico ne parut pas comprendre et regarda Connor rejoindre Dylan sur la branche avec perplexité, suivie d'Alice qui chanta en chœur avec les autres :

-Dites à mes amis que je m'en vais, et j'aime chacun des pas que je fais ! Le soleil est mon guide et moi je m'en vais, je ne peux m'empêcher de sourire ... Car il n'y a rien de mieux que se revoir, peu importe ce qui nous sépare ... Vous ne pouvez que sourire de notre histoire ! Oh, ça me fait chaud au cœur !

Je chantonnai en chœur avec eux, trouvant dans les paroles un écho de la quête et de toutes les résolutions qu'elle avait engagé. L'écho de nos voix se perdit dans l'immensité de l'Asphodèle et le chant nous donna la force d'affronter spectres et la morosité du champ d'herbe noire.

Dites à mes amis que je m'en vais ... Je suis impatient de rentrer ...

Oui, impatient de rentrer.

***

Le reste du trajet se passa dans une bonne humeur assez surprenante compte tenu de notre environnement et la réjouissance de remonter à la surface était telle que Connor poussa le vice à vouloir faire un « hight-five » avec Charon une fois arrivé aux abords du Styx. La lumière extérieure me piqua les yeux lorsque nous atteignîmes l'entrée des studios DOA mais j'écartais les bras en sortant de la bâtisse, savourant la pluie qui ruisselait sur mon visage et la brise m'emmenant toutes les senteurs de la ville. Même les gaz d'échappement m'étaient agréables, tant ils signifiaient mon retour dans le monde de la vie. Puis soudainement, la pluie cessa et j'ouvris les yeux. Mon ciel était devenu jaune et je mis une seconde à me rendre compte que c'était le parapluie de Camille qui me couvrait. Je baissai les yeux sur ma jeune demi-sœur, forcée de tendre le bras et de s'élever sur la pointe des pieds pour que le parapluie dépasse ma tête. J'eus un sourire en coin.

-Ainsi, il fait donc parapluie normal. Un coup de main, peut-être ?

-T'allais attraper froid, marmonna-t-elle en me tendant le manche, ce qui lui permit de revenir à taille normale. C'est pas le moment de tomber malade.

-Je suis juste content d'être sorti.

Je contemplai un instant le ciel maussade de Los Angeles avec l'impression que c'était le plus beau paysage du monde. J'avais déjà envie de voler l'une de ses voitures et de rouler sans m'arrêter jusque Denver, retrouver les Rocheuses, le bon vieux Colorado et le petit restaurant dans lequel j'avais passé mon enfance. Peut-être même que j'irais passer chez mon grand-père, qui habitait une fermette à plus d'une heure de Denver où il élevait en solitaire ses poules et ses chevaux – l'un des endroits que je préférais sur terre. Puis je levai à nouveau les yeux sur la toile jaune et un sourire effleura mes lèvres.

-C'est papa qui te l'a offert, c'est ça ?

-C'est ça, répondit prudemment Camille. Après être sortie du Colorado, à moitié soignée par la nymphe, il s'est mis à pleuvoir des cordes et ... Je l'ai trouvé, comme ça, sur le sol. Regarde, il y a sa marque.

Je scrutai le manche pour découvrir le caducée gravé dessus, surplombée du « hêta » grec qui ne laissait effectivement que peu de doute sur sa provenance.

-Je n'ai jamais pu me résoudre à le jeter, avoua-t-elle d'une petite voix. Quand je suis arrivée à la Cour, je ne savais pas trop qui j'étais – la fille de qui j'étais. C'est le parapluie qui m'a donné l'indication. C'est une sorte de ... comment vous appelez ça ?

-Une revendication, répondis-je en soupesant le parapluie.

Le premier cadeau de notre père, et qui lui avais été somme toute bien plus utile et salutaire qu'une paire de basket ailées ou un poignard en bronze. La façon dont Camille avait préféré le transformer son parapluie en arme plutôt que de s'en séparer montrait l'attachement qu'elle avait au seul cadeau que notre père lui eût fait. Et en un sens, ça me rassurait pour la suite. Je posai une main entendue sur l'épaule de Camille et elle ne se dégagea pas, se contentant de m'adresser un sourire presque timide.

-Alors qu'est-ce qu'on fait, maintenant, fille d'Hermès ?

Un sourire retroussa ses lèvres et animèrent ses cicatrices de façon inquiétante.

-Euh ... On vole une voiture, fils d'Hermès ?

J'éclatai de rire, content de voir apparaître dans les yeux de Camille la lueur de malice caractéristique des enfants d'Hermès. Alice battit des mains, l'air impatiente de se mettre en action mais Connor eut une moue ennuyée en observant notre environnement. Il avait rabattu sa capuche sur son front mais elle était déjà toute gorgée d'eau, et rangea souplement le téléphone qu'il avait à son oreille.

-On est six, il va falloir trouver une grande voiture ...

-Mais non, au pire on te mettra dans le coffre, plaisanta Dylan.

Elle n'avait pas de capuche et la pluie l'avait littéralement trempée. Mon réflexe fut d'avancer le parapluie vers elle pour la protéger, mais il découvrit Camille qui poussa un cri de protestation.

-Frère en carton, maugréa-t-elle en revenant sous le parapluie. De toute façon y'en a que pour Dylan ...

-Sinon, on ne pourrait pas, je ne sais ... prendre le train ? proposa Nico, qui ne cherchait même pas à s'abriter. Vous n'avez pas assez volé pour le reste de vous jours, vous ?

La solution parut déplaire à Alice, qui me jeta un regard suppliant, comme si ses gènes ne fille d'Hermès ne pouvaient résister à l'idée de voler quelque chose d'aussi gros. Mais Nico avait en un sens raison : les miens avaient été sevrés par le vol du caducée. Si je pouvais faire le trajet tranquillement sans avoir à trop fournir d'effort, je prenais également.

-On va avancer vers la gare et on verra bien, évaluai-je en haussant les épaules. Si on voit une voiture bien et pas trop difficile à voler on y va, sinon ... Quelqu'un de grand peut-il prendre le parapluie pendant que je regarde les trains ?

-Et qu'est-ce que tu as contre les petits, mauvaise herbe ? répliqua Dylan en enfonçant un coude dans mes côtes.

-Vous n'êtes pas assez grands pour tenir les parapluies ! Et d'ailleurs, qu'est-ce que tu as contre les mauvaises herbes ?

Un sourire malicieux s'étira sur les lèvres de Dylan et elle repoussa une mèche humide qui barrait son front. C'était peut-être une illusion, mais il me semblait qu'une petite couleur rose était venue peindre ses joues et elle détourna le regard.

-Absolument rien.

-Oh, je vous jure, râla Camille en levant les yeux au ciel. Je ne tiens pas un parapluie, je tiens une chandelle.

J'ignorais qui de Dylan ou de moi rougit le plus fort mais Camille ne nous laissa pas le temps de réagir et s'éloigna à grand pas, passant le rideau de pluie pour rejoindre sa sœur devant. Je me retrouvai ainsi seul avec Dylan, les joues brûlantes sous un parapluie jaune bourré d'explosif – et de tout ce que j'ignorais encore. La fille de Perséphone avait passé une main sur son visage et le sourire sur ses lèvres s'était fait embarrassé. Elle me jeta un regard oblique et un rire tremblant secoua sa poitrine.

-On est grillé, pas vrai ?

-Pardon ?

-Oh, on peut passer par ce parc ?

Alice pointait l'entrée d'un parc en sautillant sur place, aspergeant copieusement Nico et sa sœur d'eau à chaque bond. Mais Camille ne parut pas lui en tenir rigueur car elle souriant d'un air mélancolique en observant les grilles de fer forgées qui délimité l'espace vert du reste de la ville.

-On y passait souvent quand on était petite. Et on sera plus abrité de la pluie sous les arbres qu'en pleine rue ...

-Vendu, accepta Connor, qui grelottait. Et ces trains, où ça en est ?

Troublé par les mots de Camille, je n'avais plus songé aux trains et j'extirpai maladroitement mon téléphone de ma poche. Charitablement, Dylan me proposa de prendre le parapluie et ses doigts frôlèrent les miens, ce qui ne fit qu'accélérer mon rythme cardiaque et affluer le sang à mes joues.

On est grillé, pas vrai ?

On ? Grillé ?

Ses pensées parasites m'empêchèrent presque de taper convenablement sur mon téléphone alors que l'on pénétrait dans le parc. J'entendais vaguement les jumelles s'extasier sur les endroits qu'elles avaient connus petite, Connor râler qu'il pleuvait toujours et Nico faire remarquer qu'on s'éloignait de la gare, mais j'avais surtout douloureusement conscience de la présence de Dylan à mes côtés, de sa respirations régulière, de nos bras qui se frôlaient régulièrement sous le parapluie et de la rougeur qui persistait sur ses joues. Au prix d'un effort incommensurable, je réussis à faire afficher les trains entre Los Angeles et Denver et un cri étranglé resta coincé dans ma gorge.

-Ça fait mal niveau prix, lançai-je maladroitement pour crever la bulle de silence pesant dans laquelle nous étions plongés. Voler se sera plus économique.

-Comme souvent. Tu as déjà volé le Dylan's Candy Bar ?

Malgré mon malaise, je ne pus m'empêcher d'essuyer un petit rire. J'avais vécu à l'ombre de New-York pendant des années : dire que j'avais volé la célèbre boutique de confiserie était un euphémisme.

-Plus souvent que mon foie ne le permettait.

-J'ai toujours rêvé d'aller dans cette boutique, avoua Dylan avec un léger sourire. Depuis toute petite : j'avais vu des annonces dans les rares magasines que j'avais dans la réserve, et pour une gamine qui n'avait rien ... Voir toute cette tonne de sucre accumulée dans un seul endroit, quel enfant n'en rêverait pas ?

-Je te rassure, même les gamins qui ont quelque chose en rêve. C'est la première boutique qu'on a volé avec Connor.

Un petit rire monta dans la gorge de Dylan. Elle avait croisé les bras sur son ventre et la pluie avait plaqué les mèches qui n'étaient pas attachées sur ses joues. Son vieux blouson de cuir – qui ne devait plus être imperméable depuis longtemps – était trempé et malgré son visage empourpré, sa lèvre inférieure tremblait de froid. Elle y planta ses dents et je regrettai de ne rien avoir à lui donner pour la réchauffer, mais j'étais moi-même en tee-shirt.

-Tu sais, c'est pour ça que je m'appelle Dylan. Pour la boutique.

-Tu es sérieuse ?

Je ne m'attendais pas à une telle confidence, et mon incrédulité arracha un sourire à ses lèvres tremblantes.

-Tu n'as pas entendu comment ma mère m'appelait ?

-Aiyana, me rappelai-je, perplexe. Tu veux dire que ... ?

-C'est mon vrai prénom. Mon père m'a appelé Aiyana. Aiyana Blackraven. C'est un prénom amérindien qui veut dire « fleur éternelle ». Je sais, c'est un peu kitch ...

-Moi je trouve ça joli.

Dylan s'empourpra de nouveau et riva son regard sur le sol, un sourire gêné aux lèvres. Nous évoluions à présent presque au ralenti et elle était si distraite par la conversation que son bras se baissait et le parapluie frôlait la tête, mais cela ne me gênait pas : la conversation présente occupait bien trop mes pensées.

-Je n'ai plus voulu m'appeler comme ça à la mort de mon père, expliqua-t-elle, la voix enrouée. Parce que les gens de la réserve m'auraient chassé si ma mère n'était pas arrivée avant et que je ne voulais pas avoir l'air Ute ... Et parce que ça m'a rappelé que rien n'était éternel – et encore moins une fleur. Alors quand j'ai rencontré Clopin et qu'il m'a demandé comment je m'appelais ... je n'ai pas trop réfléchi et j'ai récupéré le nom des bonbons – et un nom bien américain. Dylan.

-Tu as eu de la chance que ce soit un prénom mixte. Ça aurait pu être le Bernard's Candy Bar.

Je savais que ma réflexion était affligeante, mais mon cerveau tournait au ralenti depuis que j'étais sorti des Enfers. Dylan me donna une petite bourrade qui me fit marcher dans une flaque et je glapis d'indignation, provoquant son éclat de rire.

-Je te raconte l'une des parties les plus intimes de moi et tu me sors ça ? Sache que tu es le premier à qui j'en parle, mauvaise herbe !

-J'en suis flatté, princesse, plaisantai-je en m'inclinant moqueusement. Que me vaut l'honneur ?

A présent, on s'était immobilisé au milieu du parc, sous le parapluie jaune de Camille, sans se soucier des autres qui avançaient. Elle le tenait si bas que cela me forçait à courber l'échine et me rapprochait encore un peu plus d'elle, si bien que j'arrivai à voir chaque goutte de pluie qui ruisselait sur son visage, chaque éclat de ses yeux sombres, la fine courbe de ses lèvres alors qu'elle souriant d'un air effarouché.

-Peut-être parce que je t'aime bien, souffla-t-elle et son haleine chaude me caressa la joue en un constate brûlant qui me fit frissonner.

Un sourire releva la commissure de mes lèvres lorsque je reconnus la raison qu'elle utilisait toujours pour justifier qu'elle me harcelait. Mais le temps employé était totalement différent. Elle l'avait prononcé comme si les mots lui brûlaient les lèvres, comme un aveu qui enflamma de nouveau ses joues et fit pianoter ses doigts sur le manche du parapluie avec une certaine nervosité. Mon cœur battait à présent si fort dans ma cage thoracique que je n'entendais à présent que lui. Je ne sais pas où je trouvais la force de murmurer en retour :

-Moi aussi je t'aime bien, Aiyana Blackraven.

Un rire secoua la carcasse de Dylan, et elle repoussa une nouvelle mèche avec fébrilité. Le temps parut se suspendre entre nous. J'aurais voulu poursuivre, avoir l'audace de franchir les quelques centimètres qui nous séparaient et de l'embrasser, malgré la pluie, malgré l'embarras ... Mais avant que je ne puisse prendre la décision, le visage de Dylan changea brusquement d'expression. Avant que je ne puisse l'interroger, elle m'agrippa le bras et me hurla :

-Baisse-toi !

Sans discuter et mu par mes réflexes, j'obtempérai et une lance passa à un cheveu de mon épaule avant de se ficher dans l'arbre en face de nous. Je fis maladroitement volte-face pour voir le regard frustré d'Allison, la fille de Némésis de la Cour des Miracles.

-Je les ai ! cria-t-elle par dessus son épaule.

-Et merde, jurai-je en me redressant. Je les avais oublié, eux.

Sans réfléchir, j'attrapai la main de Dylan et nous nous élançâmes dans le parc. Le reste du groupe avait depuis longtemps disparu de notre vue mais je les aperçus vite en détour d'une allée boisée et bordée d'un étang à la surface brisée par la pluie. Un sourire retroussa les lèvres de Connor.

-J'espère que ça c'est conclu votre affaire, parce que je commençais à me les gel ...

-Tais-toi et avance !

Le sourire de Connor se fana sur ses lèvres et son regard se porta derrière moi. Nico jura en grec et Camille échangea un regard horrifié avec Alice. Nous voulûmes nous précipiter vers la sortie la plus proche mais Dylan tira sur ma main avant de pointer la grille du doigt. Clopin en personne nous barrait la sortie, l'arc bandé, l'œil noir planté sur nous. La pluie ne paraissait pas le gêner et je doutais qu'elle l'empêche d'atteindre sa cible. Un bruissement me fit pivoter et je remarquai Allison suivie de quatre autres demi-dieux, dont Giovanni, le fils d'Athéna et un garçon athlétique qui me disait vaguement quelque chose sans que je ne réussisse à le situer. Deux autres étaient apparus derrière Clopin, ce qui les rendait numériquement supérieur à nous. J'échangeai un regard paniqué avec Dylan.

La Cour nous avait retrouvée. 

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