Chapitre 8 : Dylan
Le plan de Dylan s'était retourné contre lui. Il avait naïvement pensé qu'il suffirait de le traîner au lycée, débraillé et puant l'alcool pour qu'il baisse la tête, au moins un peu. L'inverse s'était produit. D'après ce qu'il avait compris à travers les paroles de son frère, tout le monde avait pensé que son allure de méchant garçon n'était que ça, une allure. Le voir débarquer avec le même uniforme après une nuit agitée avait servi à affirmer que non, ce n'était pas une allure mais bien une attitude.
Ce qui faisait râler Darren le plus était le pouvoir de séduction que pouvait déployer Herron lorsqu'il le voulait. Il l'avait vu à l'œuvre et ne s'en remettait toujours pas. Le seul réconfort de son petit frère était de savoir que Raven n'avait pas séduit tout le monde. Une bonne partie du lycée demeurait parmi ses détracteurs. Notamment la bande de Marvin.
Ce ne fut que lorsqu'il jeta sa veste sur son lit que Dylan réalisa qu'il avait oublié quelque chose. Les clés de Raven. Il ne les lui avait pas rendues avant de le laisser partir. Or, l'autre allait en avoir besoin.
Il récupéra son téléphone et envoya un rapide message à Harmon.
A Harmon :
Tu as le numéro de Raven ?
De Harmon :
Bien sûr. Pourquoi ?
A Harmon :
Envoie-le-moi, s'il te plaît.
Quelques minutes passèrent avant que Harmon ne cède et ne lui envoie le numéro de Raven. Il reposa sa question ; Dylan n'y répondit toujours pas. Après un rapide remerciement, il enregistra le numéro dans son téléphone. Il pressa le bouton d'appel et colla l'appareil à son oreille tout en descendant pour préparer le dîner. Le plafond vibrait avec le son de la télé de son frère. Dans son oreille, les sonneries se succédaient. Il tomba sur le répondeur de Raven. Il rappela, quelque peu agacé. Il aurait préféré régler le problème au plus tôt.
Lorsqu'il tomba à nouveau sur la messagerie, il renonça et envoya un message.
A Raven :
Raven, c'est Dylan. J'ai tes clés. Je passerai te les rendre demain matin avant d'aller au lycée.
Il rangea son téléphone dans la poche de son pantalon et s'immergea dans sa cuisine. Il ne se prit pas la tête, préparant quelque chose de rapide avant d'aller chercher Darren. Alors que les deux frères redescendaient, la porte d'entrée s'ouvrit sur la silhouette fatiguée de leur mère. Un sourire naquit sur les lèvres de Dylan et il alla l'accueillir, l'aider à se débarrasser de son épais manteau.
- Tu rentres tôt.
- Dis-le si tu veux que je retourne travailler ! rit-elle en déposant un baiser sur sa tempe.
- Va te laver, c'est presque prêt.
- Qu'ai-je fait pour mériter un fils aussi merveilleux que toi ?
Elle monta à l'étage et, peu après, la plomberie se mit en route. Darren était déjà attablé, le téléphone dans les mains. Rapidement, Dylan jeta un œil à son propre téléphone. Toujours aucun signe de Raven. Ça commençait à le stresser. Avait-il eu son portable sur lui, cet après-midi ? Il était incapable de s'en souvenir.
Il soupira et dressa la table alors que sa mère arrivait, en pyjama sous un épais peignoir rose fuchsia. Elle s'assit à côté de Darren et embrassa ses cheveux.
- Votre journée s'est bien passée, les garçons ?
- Elle aurait été parfaite sans ce maudit Raven Herron, pesta Darren. Il brise toutes les règles et Dylan ne le punit même pas !
- Ah bon ? Qu'a-t-il fait ? Racontez-moi tout !
Darren se fit un devoir de raconter par le menu à leur mère les faits et gestes de Raven. Dylan observa sans véritablement écouter. Il ne pouvait voir que la fatigue et les traits tirés de sa mère qui, malgré tout, gardait un immense sourire et parlait avec entrain, happée par le récit de son plus jeune fils.
- Et toi, Dylan ? Tu en penses quoi, de ce Raven ?
- Je n'en pense rien, éluda-t-il doucement.
- Ton frère le décrit comme l'antéchrist et toi, tu n'en penses rien ?
- Darren fait une montagne d'une taupinière. Raven n'a concrètement causé aucun problème.
- Raven n'a concrètement causé aucun problème, le singea Darren, un trait de sauce tomate sur le menton. C'est lui, le problème ! Tu m'écoutes quand je parle ?
- J'avoue généralement cesser de t'écouter lorsque tu commences à geindre comme un enfant de cinq ans.
Aussitôt, Darren chercha le soutien de leur mère et celle-ci se contenta de rire, détendant l'atmosphère, désamorçant la bagarre qui couvait entre ses fils. Le sujet Raven fut abandonné et ils parlèrent de tout le reste, passant un joyeux moment autour d'un plat de spaghettis.
Il semblait à Dylan que cela faisait des mois que ce n'était pas arrivé, que leur mère était rentrée avant qu'ils n'aillent coucher. Elle était toujours aussi belle avec son épaisse chevelure de feu dont ni lui ni Darren n'avait hérité. Cependant, de nouvelles rides creusaient son visage qui lui semblait plus émacié que la dernière fois. Il ne pouvait en être sûr avec l'épaisseur de son peignoir mais il était sûr qu'elle avait perdu du poids.
Lorsque le dîner se termina, sa mère posa une main sur son bras pour le retenir à table pendant que Darren débarrassait les couverts.
- Va te reposer un peu, Dylan. Tu as l'air préoccupé et épuisé.
- Je vais bien, assura-t-il avec un sourire. Et puis, tu n'es pas mieux, je te ferais savoir.
- J'ai beaucoup de travail, ce n'est rien. Toi, par contre, tu en fais beaucoup trop. Alors tu vas monter dans ta chambre pendant que ton frère s'occupe de la vaisselle. Ne t'en fais pas, je le surveille.
Il ouvrit la bouche pour protester mais elle le coupa.
- Dans ta chambre, jeune homme ! Tout de suite ! Ne me force pas à me répéter, Dylan Goodwind !
- D'accord, d'accord... céda-t-il.
Il alla embrasser la joue de sa mère qui le serra brièvement dans ses bras.
- Repose-toi, Dylan. Pas de devoirs ce soir. Ça ne te fera pas de mal.
Il hocha la tête et monta dans sa chambre. Il se laissa tomber sur son siège de bureau et sortit son téléphone. Une notification clignotait. Raven avait enfin répondu.
De Raven :
Dépose-les dans la boite aux lettres demain.
Dylan fronça les sourcils. Les déposer dans la boite aux lettres ? Pourquoi ? Comptait-il encore sécher les cours ? C'était hors de question. Il le traînerait au lycée par la peau de cou s'il le fallait mais il serait à l'heure à son premier cours. Et comme c'était lui qui avait ses clés, il pourrait s'inviter à l'intérieur si jamais Raven ne lui ouvrait pas.
A Raven :
A demain matin.
Il posa le trousseau de clés à côté de son portable avant de passer par la salle de bains pour mieux se jeter dans son lit juste après.
Le lendemain matin, sa mère était déjà partie lorsqu'il descendit faire le petit-déjeuner. Il avait dormi si profondément qu'il s'était réveillé en retard, secoué par Darren. Tous deux s'étaient mis à courir, Dylan passant en premier dans la salle de bains pour la première fois depuis des lustres. Il avait toujours laissé Darren y aller avant lui tant son frère était long à se préparer.
Le benjamin descendit à toute vitesse, loupant la dernière marche et s'étalant de tout son long en plein milieu de salon. Il se releva prestement, vérifia qu'il était en un seul morceau, et reprit sa course vers la table de la cuisine.
- Je dois partir avant, annonça Dylan. Tu n'oublies pas de fermer la porte, cette fois, d'accord ?
- Encore un truc de président ?
- Quelque chose comme ça.
Un coup de klaxon aigu et éraillé résonna. Harmon était là. Dylan saisit son sac et partit en coup de vent, abandonnant son frère tout seul et priant pour que tout se passe bien. Il se doutait qu'il retrouverait la vaisselle sale sur la table le soir-même. Avec de la chance, Steven rappellerait à Darren de verrouiller la porte d'entrée...
Il crut que la portière allait lui rester dans la main lorsqu'il l'ouvrit. Le siège grinça et s'enfonça lorsqu'il s'assit.
- Un jour, je vais passer à travers, souffla-t-il tout bas.
- Pourquoi tu dois aller chez Raven ? demanda Harmon, curieux, en démarrant.
- Concentre-toi sur la route, par pitié, éluda Dylan.
- Tu ne veux pas répondre, j'ai compris.
Dylan soupira. Il n'avait pas vraiment envie d'admettre qu'il avait oublié de rendre ses clés à Raven. Surtout pas à Harmon qui ne saurait pas tenir sa langue et le raconterait à tout le monde. Et Dylan n'avait pas franchement envie d'affronter ce qui suivrait. Il était censé être irréprochable et oublier le plus important d'une punition n'était pas digne de lui.
Par chance, Raven n'habitait pas très loin de chez lui. La voiture de Harmon se gara devant la grande maison jaune sept minutes plus tard et Dylan jaillit dehors. Il alla frapper à la porte, espérant que quelqu'un viendrait lui ouvrir.
Après plus de cinq minutes à frapper, sa main commença à lui faire mal et il céda. Il sortit le trousseau de clés de sa poche et déverrouilla la porte d'entrée. Raven ne fuirait pas le lycée s'il pouvait l'en empêcher. Il bénit le ciel lorsque l'alarme demeura silencieuse.
Il s'avança dans le couloir, cherchant un signe de vie dans le salon. Il ne put que remarquer le luxe qui suintait des meubles, l'odeur de poussière qui imprégnait les murs. Pendant un instant, il se demanda si les Herron vivaient vraiment ici. La maison semblait dépourvue de vie, ses habitants l'ayant parée de ses plus beaux atours pour ensuite la laisser derrière eux sans se retourner.
Dylan déglutit, mal à l'aise. Il ne savait rien du nouveau et il venait de s'introduire chez lui. Il hésita à faire demi-tour et à faire ce que Raven lui avait dit : déposer les clés dans la boite aux lettres. Il atteignit le bout du couloir, s'arrêta devant les immenses baies vitrées. Non, les Herron n'étaient pas pauvres. Comment était-il possible que Raven ait une telle allure débraillée et banale alors qu'il était évident qu'il était né avec une cuillère en argent dans la bouche ?
Dans la cuisine, il n'y avait personne. Tout était aussi immaculé que dans le reste du rez-de-chaussée si ce n'était pour un sachet de pâtisserie suintant d'huile posé sur l'îlot central. Un post-it était collé dessus, une écriture délicate et toute en boucle le couvrant comme si l'auteur avait utilisé sa plus belle calligraphie.
Dylan jeta un regard autour de lui, nerveux. Il s'approcha, dévoré d'une curiosité qu'il ignorait posséder. Il se pencha pour lire la petite note jaune.
Raven,
Ne vas pas en cours aujourd'hui. Je t'ai laissé de quoi te soigner dans ta salle de bains. Essaie de te tenir correctement pour une fois et n'énerve plus ton père.
Ps : l'audience d'appel est le 08 mars.
Le message n'était pas signé mais il était aisé de savoir qu'il venait de sa mère. La curiosité de Dylan enfla. Chaque phrase suscitait des dizaines de questions. La plus importante concernait la santé de Raven. Sa mère parlait de se soigner. Que lui était-il arrivé ? Pourquoi ne le soignait-elle pas elle-même ? Il était inconcevable pour lui qu'une mère laisse son enfant seul et blessé sans même chercher à l'aider à aller mieux. Quel genre de parent laissait son enfant ainsi ?
- Qu'est ce que tu fais ici ?
Dylan sursauta à l'entente de la voix grave et furieuse de Raven.
- Je suis venu te rendre tes clés et t'emmener au lycée, répondit-il avec tout l'aplomb qui lui restait.
- Et fouiller aussi ? Ce n'est pas digne de toi, Altesse.
Raven pénétra dans la cuisine, la lumière d'un soleil paresseux venant frapper son visage. Sa chemise était ouverte sur son torse, quelques boutons ayant sauté, des gouttes d'un rouge brunâtre sur le col. Les manches étaient relevées sur des bras couverts de marques violacées. Mais ce n'était rien comparé à son visage. Sa mâchoire était enflée, couverte d'un hématome sévère. Un jumeau soulignait l'œil droit. Une coupure profonde entaillait sa lèvre inférieure et du sang tachait le dessous de son nez ainsi que sa joue en une longue traînée sèche.
La bile monta dans la gorge de Dylan alors qu'il observait son camarade chiffonner le post-it sans le lire et le jeter dans la poubelle avec le sachet de pâtisseries.
- Pourrais-tu cesser de me fixer ? Je vais finir par croire que je te plais, chéri.
- Autant que la peste.
- Sarcastique avec ça. Je ne pensais pas que tu avais ça en toi.
- Tu ne sais rien de moi. Tes talents d'enquêteurs sont médiocres.
- C'est que je savais que tu viendrais à moi de toi-même.
- Tu aimerais bien.
Dylan ne savait pas exactement pourquoi il se laissait entraîner dans cette joute verbale alors que l'autre était si mal en point. Sûrement par égard. Pour ne pas le braquer. Il était évident que Raven utilisait leurs taquineries pour distraire Dylan, pour qu'il ne pose pas de question.
- Tu veux quelque chose ? lui proposa Raven.
- Non, merci.
Il mourrait de faim mais ne tenait pas à ennuyer l'autre plus que nécessaire. Raven sortit de quoi se préparer des pancakes, tournant le dos à Dylan.
- Tu comptes me traîner au lycée ?
- Je pense, oui. Mais pas avant que tu aies repris forme humaine et ait mis un uniforme propre.
Raven tourna brièvement la tête vers lui.
- Tu vas être en retard, Altesse. Tu devrais y aller.
- Où est ta salle de bains ? répondit simplement Dylan.
- Première porte à gauche à l'étage...
Dylan sourit et partit à l'étage.
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NdlA : Et voilà ! Alors ? Vos avis ? D'après vous, ça va changer la relation entre Dylan et Raven ? Raven va-t-il révéler quelque chose ? Dites-moi tout en commentaire !
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