Chapitre 6 : Dylan

Dylan se massa les tempes tout en attendant que son frère sorte de la salle de bains. Même à travers la porte fermée, Darren le harcelait de questions sur le nouveau. Raven Herron. Cette énigme qui donnait si mal à la tête à Dylan.

- Harmon m'a dit que tu avais cours avec lui en première heure. Tu crois qu'il va arriver à l'heure ?

Dylan en doutait. Il était évident que Herron se moquait royalement de ses études et qu'il ne redoutait en rien ce qui allait lui tomber dessus s'il continuait à ignorer les règles. Aussi Dylan doutait-il de le voir en littérature. De même qu'il doutait de le voir porter son uniforme complet.

La porte s'ouvrit et son frère s'arrêta sur le seuil, les bras croisés.

- Tu sais ce que tu vas lui infliger s'il est en retard ?

Dylan attrapa son frère par l'oreille et le força à sortir de la salle de bains.

- Va prendre ton petit-déjeuner, dit-il seulement.

Il ferma la porte derrière lui alors que Darren râlait en se massant l'oreille, marmonnant de façon inintelligible.

Dylan s'appuya sur l'évier, observant son reflet. Il avait un peu mieux dormi cette nuit mais il était visible qu'il avait encore besoin de dormir et bien trop de soucis.

Il se prépara rapidement avant d'aller chercher son sac dans sa chambre. Pour une fois, il eut le temps de grignoter une partie de son petit-déjeuner avant de devoir rejoindre Steven dans son tas de ferraille. Les trois amis discutèrent des cours de la journée – en tout cas, les frères le firent pendant que Steven conduisait, ne donnant son avis que sporadiquement.

Ils pénétrèrent dans le lycée, se firent avaler par la rumeur bourdonnante et constante qui faisait vibrer l'air. Sans un mot, Steven abandonna les deux frères pour gagner son casier et partir à son premier cours. Dylan arbora son sourire le plus sincère en retournant les saluts que tous ses camarades lui envoyaient. Il se rendit à peine compte que son frère l'avait abandonné à un moment pour discuter avec une fille de première année dont il était incapable de se souvenir du nom.

Il roula des yeux en continuant son chemin. Évidemment. Cela faisait trop longtemps pour Darren qu'il n'avait pas séduit quelqu'un pour mieux leur briser le cœur après, une fois qu'il aurait obtenu d'eux ce qu'il voulait. Dylan ignorait d'où Darren tenait ce côté séducteur et volatile. Personne dans leur connaissance n'avait pu lui donner un tel exemple. Le pire de tout était qu'il ne parvenait pas à le lui faire passer. Il n'avait pas renoncé et continuait de prier pour que quelqu'un se rebelle et lui brise le cœur à son tour. C'était cruel de sa part mais son frère finirait par apprendre sa leçon d'une manière ou d'une autre et Dylan attendait ce jour. Il détestait ce côté de son petit frère.

Le pire était que Darren parvenait toujours à rester hors de tout problème avec ses conquêtes. Si jamais les filles venaient à frapper quelqu'un, c'était toujours une rivale, jamais lui. Dylan avait cessé de compter le nombre de crêpages de chignons qu'il avait dû faire cesser alors que Darren prenait les paris avec ses amis.

Il s'arrêta brièvement à son casier avant de partir vers sa salle de classe. Il prit sa place habituelle au milieu de la classe, son sac posé à côté de lui. Il trouva une boite enveloppée dans un papier rose et fermé d'un ruban violet sur sa table. Il fronça les sourcils, devinant que c'était un énième cadeau dont il allait devoir discrètement se débarrasser. Tout le monde savait qu'il le faisait mais ils continuaient. Dylan ne savait s'il devait saluer leur persévérance ou s'agacer de leur obstination.

La seconde sonnerie résonna dans les couloirs, faisant se presser les derniers retardataires alors que les professeurs arrivaient. Le vieux M. Twinsted allait fermer la porte lorsque Raven Herron se glissa entre lui et le chambranle dans un dérapage impressionnant. Il envoya un sourire radieux au vieux professeur avant de s'approcher. Dylan se raidit malgré lui lorsque le nouveau se laissa tomber sur le siège à côté de lui.

- Salut, Altesse, lança-t-il joyeusement.

- Impressionnant dérapage, se contenta de répondre Dylan.

- Je suis bourré de talent.

Le président des élèves tourna enfin la tête vers son voisin qui lui souriait largement, les yeux pétillant de malice. Celui-ci ignora le dédain peint sur le visage de Dylan et s'intéressa à la boite.

- On dirait que quelqu'un a des admirateurs, roucoula-t-il en désignant le cadeau du menton. Tu ne l'ouvre pas ?

- Non.

- Cool.

Sans attendre, il se saisit du cadeau et défit le ruban. Dylan ne chercha même pas à l'en empêcher. Il n'avait aucune envie de savoir ce qu'il y avait dans cette boite ni de qui ça venait. S'il pouvait éviter un face à face gênant, c'était tant mieux.

- Hé ! C'est pas pour toi ! cria Jillian en bondissant de sa chaise au dernier rang.

M. Twinsted frappa dans ses mains.

- Mademoiselle Andrews ! Veuillez vous asseoir ! Et vous, monsieur Herron, je vous prierais de ranger ceci et de sortir vos affaires !

Si Jillian obéit, les lèvres tremblantes, Raven continua de s'acharner sur le scotch qui maintenait le papier cadeau en place.

- Monsieur Herron !

- Commencez votre cours au lieu de vous occuper de moi, répliqua le concerné sans même lever les yeux.

Dylan ne put s'empêcher d'observer l'air concentré et frustré du nouveau, le bout de sa langue pincé entre ses dents alors qu'il forçait pour faire céder le scotch. Au moment où celui-ci craqua enfin, le poing de Raven vola et frappa le pauvre professeur qui finit renversé sur la table de la timide Anna qui se rejeta en arrière, un air d'effroi sur le visage.

- Oups ? pouffa Raven en clignant des yeux.

La seconde suivante, toute son attention retournait sur le contenu de la boite. Alors que Twinsted se préparait à crier, Dylan secoua la tête, l'interrompant.

- Faites votre cours, professeur, énonça-t-il posément. Vous avez déjà perdu dix minutes.

- Écoutez donc Big Brother, m'sieur, rigola le nouveau.

Le vieil homme céda, déjà épuisé. Raven se tourna vers Dylan, tous sourires.

- C'est trop meugnon ! sourit-il en sortant une petite peluche en forme d'éléphant. Mais, franchement, tu te sens pas vexé ? Un éléphant, quoi !

Dylan détourna la tête, amusé malgré lui.

- Oh, des chocolats ! Ça devient intéressant. Hm, pas mauvais. Un peu trop sucrés. Je les préfère plus amers.

- C'était pas pour toi, espèce d'abruti, pesta Jillian.

Raven tira une lettre de la boite et l'ouvrit lentement, un sourire joueur sur les lèvres. Il défroissa le papier, mettant bien en évidence qu'il allait lire chaque mot que Jillian avait écrit. Dylan jeta un coup d'œil à côté de lui, veillant à demeurer indétectable. À vrai dire, toute la classe était plus intéressée par ce qu'il se passait entre Jillian et Raven que par le cours.

Twinsted craqua et vint arracher la lettre des mains du nouveau.

- Ça suffit, monsieur Herron ! Sortez vos affaires et cessez de perturber mon cours !

- Vous êtes pas drôle. Je voulais savoir ce qu'elle a écrit, moi ! Elle explique peut-être pourquoi elle a choisi un éléphant !

Plusieurs élèves se mirent à rire. Dylan lutta contre le sourire qui menaçait d'apparaître sur ses lèvres.

- Sortez vos affaires ! tonna une troisième fois le vieux professeur.

Il tourna les talons, jetant la lettre sur son bureau tout en reprenant son cours. Dylan soupira alors que l'atmosphère de la classe s'apaisait enfin dans ce silence studieux où seuls la voix du professeur et le grattement des crayons sur le papier se faisait entendre.

- Bon, murmura Raven. Tu n'as peut-être pas une cave remplie d'otages... À moins qu'elle n'essaie d'acheter la libération de son ours en peluche en t'offrant des chocolat et un éléphant en replacement.

Il tourna le regard vers Raven qui continuait d'enfourner les chocolats dans sa bouche, l'air curieux et songeur. Et grandement amusé.

- Alors, quoi, Altesse ? En plus d'être le berger de ces moutons, tu serais un séducteur invétéré ? Serais-je tombé dans ta secte personnelle ?

- Ne sais-tu donc pas te taire ? répondit simplement Dylan, un sourcil haussé.

- Pas quand je suis curieux. Et tu me rends très curieux, Altesse.

Son ton avait changé, devenant plus profond, plus séducteur. Dylan fut pris au dépourvu par ce changement. Par chance, il avait suffisamment entendu son frère utiliser le même genre de ton et il ne laissa rien paraître face à Raven. Il roula des yeux et se ré-intéressa à son téléphone. L'autre s'étira en bâillant et s'étala sur sa table, le visage tourné vers Dylan, le fixant intensément.

Il ne pipa plus mot du reste du cours, se contentant d'observer le moindre geste du président des élèves. Celui-ci l'ignora royalement, jouant avec son téléphone, écoutant distraitement le cours. Le regard rivé sur lui le mettait quelque peu à cran. Raven Herron prenait des libertés envers lui qui le mettaient mal à l'aise. Il était si habitué à être respecté, évité voire, parfois, admiré, que l'attitude insolente et amusée de Herron le troublait.

Enfin, la sonnerie résonna dans le lycée et Dylan relâcha un soupir en se levant. Il haussa un sourcil lorsqu'il se rendit compte que Raven marchait à côté de lui. Il avait la boite de chocolats dans les mains, continuant de les avaler l'un après l'autre. Il la lui tendit.

- Un chocolat, Altesse ?

- Non merci.

- Tant mieux, ça en fait plus pour moi.

Et comme pour le confirmer, il enfourna trois chocolats dans sa bouche avec un contentement visible.

- N'empêche, tu ne vas pas lui répondre ? À la petite Jillian ?

- Je pensais que ma réponse était déjà claire quand bien même ne la lui ai-je pas adressé en personne.

- C'est l'éléphant, pas vrai ? Un vrai tue-l'amour, si tu veux mon avis.

- Une chance que je ne le veuille pas, alors.

Raven lui donna un coup d'épaule, son sourire ne vacillant pas une seule seconde.

- Tu es toujours aussi sérieux, monsieur le président des élèves ?

- Tu viens de passer ta salle de classe.

Et il continua vers sa propre salle, abandonnant le nouveau derrière lui.

Les heures passèrent. Happé par ses réunions du conseil des élèves, les quelques professeurs qui voulurent lui parler, il se retrouva à passer la journée sans avaler quoi que ce soit. Ce n'était rien de très inhabituel pour un mardi. Ou simplement pour une journée animée au lycée. Il avait pris l'habitude.

Le soir venu, il se retrouva à devoir rester plus longtemps à cause d'un premier année qui n'avait toujours pas compris le sens du mot ponctualité. Steven et Darren partirent sans l'attendre. Il rejoignit le gamin dans le stade. Il avait le bon sens d'être intimidé, vaguement inquiet.

- Bien, tu sais pourquoi tu es là. Puisque tu n'es pas capable d'être à l'heure depuis la rentrée, j'ai cumulé chaque minute de retard. Tu en es à trois heures vingt-deux. En à peine un mois et demi, c'est beaucoup, tu ne crois pas ?

- Je... Je suis désolé, Dylan...

- Alors j'espère que, après ces trois heures vingt-deux à pédaler sur le vélo elliptique, tu réfléchiras un peu plus pour ne plus être en retard.

- Q-Quoi ?

- Tu m'as très bien entendu. Allez. Chaque minute où tu ne pédales pas est une minute de retard supplémentaire.

Aussitôt, le gamin sauta sur le vélo elliptique et commença à pédaler. Dylan se retint de lui dire d'y aller plus doucement. Ils avaient tous la même réaction. Ils semblaient tous croire que pédaler vite, courir vite ou autres feraient accélérer les choses. C'était idiot parce que ce n'était en enchaînant les mouvements à toute vitesse que le temps passerait plus vite. Ils finissaient tous en sueur, épuisés autant physiquement que mentalement une fois la punition terminée.

Pendant ce temps, Dylan s'installa sur un banc et commença à recopier le rapport de réunion du jour. Il avait pris des notes éparses, tentant de ne retenir que ce qui était véritablement essentiel. Sa migraine avait bourdonné dans son crâne toute la journée, l'empêchant de pleinement se concentrer. Le tube d'aspirine dans son sac s'était révélé être vide, pour ne rien arranger.

Chaque mot était un cauchemar à écrire. Ses yeux le brûlaient et il n'avait qu'une hâte : rentrer chez lui et s'enfermer dans sa chambre. Il passa une main dans ses cheveux pour tenter de recouvrer un minimum de courage et de concentration avant de se remettre à travailler. Surtout que, même une fois son travail terminé ici, il allait devoir rentrer à pied puis faire le dîner parce que Darren n'y aurait pas pensé et faire un brin de ménage et de rangement avant de pouvoir aller coucher.

Il regarda le minuteur sur son téléphone et relâcha un long soupir. Encore deux heures et demie. Il subissait chaque minute. Peut-être encore plus que le gamin qui continuait de pédaler laborieusement, à bout de souffle.

Il sursauta lorsqu'un gobelet de Starbucks fut agitée devant son nez. Il leva les yeux, remontant le long de la main qui la tenait, du bras, de l'épaule pour découvrir le visage souriant de Raven Herron. Ce dernier insista, agitant le gobelet.

- Tu as l'air d'en avoir besoin.

Dylan posa son stylo et prit le gobelet avec un remerciement à peine audible. Raven s'assit à côté de lui, buvant une gorgée de son propre café.

- Ce n'est pas du café, dit-il. Il est trop tard pour en boire. Mais un petit chocolat chaud peut faire des miracles.

Le président ne dit rien, prenant à son tour une gorgée du breuvage. Il enroula ses doigts autour de la tasse en carton, les réchauffant. Il ne s'était pas rendu compte qu'il était transi de froid.

- Il en a encore pour longtemps ?

Dylan baissa les yeux vers le minuteur.

- Deux heures vingt.

- Sérieusement ? Et tu vas rester là jusqu'à ce qu'il ait fini ?

- Il faut bien que quelqu'un le fasse.

- Tu ne vas pas rentrer chez toi avant quelle heure ? Vingt heures ? Vingt et unes heures ?

Le chocolat chaud et crémeux coula dans la gorge de Dylan alors qu'il comptait les kilomètres qui le séparaient de chez lui.

- Que fais-tu encore ici ? s'enquit-il finalement.

- J'étais collé. Apparemment, certains profs n'aiment pas mon humour. Maintenant, je meurs de faim.

- Second jour et tu te fais déjà coller... Je suppose que, bientôt, c'est toi que je vais devoir surveiller.

- Je te tiendrais occupé, ne t'en fais pas.

Dylan pouffa malgré lui. La confiance de Raven dépassait l'entendement. Celui-ci sourit en étendant les jambes devant lui. Il s'étira en bâillant. Il finit par se lever.

- Je vais te laisser à... ça (il désigna le bloc-notes sur les jambes de Dylan) et au spectacle pitoyable de ce gamin en train de pédaler et je vais aller m'enfiler un énorme hamburger avant d'aller comater devant Esprits Criminels. Bon courage !

Il s'éloigna, ne pouvait s'empêcher d'aller ennuyer le gamin qui faillit tomber de son vélo. Dylan enfonça son visage dans ses bras.

Et regretta que Raven ne parte.

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NdlA : Surprise, surprise ! Le chapitre est arrivé en avance ! Comme j'ai énormément d'avance, je pense poster tous les jours désormais.

J'espère que ce petit chapitre vous aura plu !

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