Chapitre 49 : Raven

Tout semblait trop beau pour être réel. Ses parents n'étaient pas rentré depuis presque deux mois, il avait le droit d'appeler Dylan son petit ami, Marvin le laissait tranquille, sa vie au lycée était calme et plutôt agréable... Il s'était installé dans une routine confortable dans laquelle il trouvait beaucoup de bonheur.

Bien sûr, il aurait préféré que Dylan ne tienne pas à ce qu'ils se cachent. Il aurait aimé pouvoir tenir la main de Dylan dans les couloirs, l'embrasser devant tout le monde, clamer haut et fort que le président des élèves était à lui et qu'il ne comptait pas le lâcher de si tôt. Il espérait que ça viendrait. Que Dylan finirait par se débarrasser de ses inquiétudes et abandonne l'idée de se dissimuler aux regards. Pour l'instant, il le supportait assez bien.

Cependant, il se doutait que ça ne durerait pas. Il n'était pas taillé pour une vie aussi paisible et heureuse. Il n'y avait jamais eu le droit et il ne pouvait qu'être pessimiste sur son futur. Il savourait chaque seconde de ce bonheur car il sentait que quelque chose allait venir le réduire à néant.

Le mois d'avril arriva et, avec lui, le soleil. C'était devenu bien plus agréable de faire le trajet de retour avec Dylan sans craindre le froid ou la pluie. Il tentait souvent sa chance, laissant sa main frôler celle de Dylan, espérant qu'il finisse par la prendre. Il voulait cette toute petite chose qu'était lui tenir la main en rentrant de l'école. Et, parfois, il l'obtenait. Certains jours, Dylan cédait et entrelaçait leurs doigts jusqu'à ce qu'ils doivent se séparer au carrefour.

Il ignorait si Dylan avait connaissance de toutes les rumeurs qui circulaient dans les couloirs. La plupart de leurs camarades sentaient que les choses avaient changé entre eux et ils n'étaient pas idiots, pour la majeure partie. Brianna était obsédée par sa relation avec Dylan, ne cessant de poser des questions sur la véracité des rumeurs, voulant à tout prix une réponse claire et nette sur ce qu'il se passait. Réponse que Raven se refusait à donner, ne niant ni n'acquiesçant à ses questions. Il éludait comme il pouvait.

Et puis, ses parents rentrèrent. Le premier week-end d'avril, il trouva la voiture de ses parents dans l'allée. Il s'arrêta au milieu du trottoir, hésitant à continuer à avancer. Il s'était douté qu'ils finiraient par rentrer. Il n'avait pas prévu que ça irait si vite. Que sa routine serait brisée sans qu'il le voit venir.

Peu décidé à se montrer lâche, il reprit sa route vers chez lui, serrant les mâchoires, se préparant pour ce qui allait arriver. Il poussa la porte et trouva le salon vide. Sa mère était dans la cuisine, en train de se servir un verre d'eau. Elle ne lui adressa pas le moindre regard. Il se prépara son latte, ne tournant pas la tête lorsque son père débarqua.

- Je veux que tu dégages de cette maison, cracha-t-il. Tu prends tes affaires et tu te casses.

Cette fois, Raven se tourna vers lui, choqué. Son père le mettait dehors ? Comme ça ? Sans signe avant coureur ? Il serra les poings, ne sachant même pas quoi répondre. Son père lui jeta un sac de voyage qu'il avait déjà préparé. Raven tenta de le rattraper, faisant tomber sa tasse qui alla se fracasser sur le sol dans une explosion de porcelaine et de café.

- Dehors, ordonna son père.

Raven demeura figé sur place, incapable de comprendre ce qu'il se passait, comment il pouvait débarquer, du jour au lendemain, et le mettre dehors avec le minimum de ses affaires. Il était si choqué qu'il ne résista pas lorsqu'il fut traîné hors de la maison et que son père le jeta sur le porche avant de claquer la porte derrière lui.

Il marcha jusqu'au parc et s'assit sur une balançoire, tentant de réfléchir à ce brusque retournement de situation. Que pouvait-il faire ? Où allait-il vivre ? Il détestait l'idée d'aller demander à l'un de ses amis de l'héberger pour une durée indéterminée. Il ne savait absolument pas quoi faire.

Il sortit son téléphone et fit défiler ses contacts. Il avait envie d'appeler Sean pour avoir un conseil quelconque sur ce qu'il devait faire mais, s'il le faisait, son meilleur ami exigerait qu'il retourne au Texas pour venir vivre chez lui. Ce n'était pas un choix envisageable. Il ne voulait pas repartir d'où il venait et perdre Dylan. Il devait trouver un moyen de rester dans l'Oregon. Il allait falloir qu'il en parle à quelqu'un. Qu'il demande de l'aide.

Il inspira, refaisant défiler les numéros, cherchant un nom qui pourrait être la solution. Mais il ne pouvait pas demander à Kelian ou Martin, encore moins à Harmon. Il ne restait que Steven et Dylan. Il n'aimait pas l'idée de demander à son petit ami de l'héberger. Certes, la perspective de passer plus de temps avec lui, de dormir avec lui, de dîner avec lui... Cette perspective était attirante. Néanmoins, sa présence engendrerait des coûts que la famille ne pouvait pas se permettre.

Steven n'était pas réellement une option non plus. Connaissant les difficultés qu'il avait avec son père à s'ajuster à la séparation, sachant qu'ils commençaient seulement à renouer leurs liens, Raven avait des scrupules à aller lui demander un toit.

Il jeta son téléphone sur son sac et enfonça son visage dans ses mains. Il avait envie de hurler de rage et de frustration. Ses parents continuaient à aller voir Stanford en prison alors qu'il avait assassiné trois filles, les avait violées et en avait violé une quatrième avait d'être arrêté mais lui, qui n'avait rien fait, ils le mettaient dehors. Ça n'avait aucun sens. Qu'avait-il fait pour mériter ça ?

La nuit tomba et il pressa ses bras contre son ventre. La faim commençait à le tenailler. D'ordinaire, il aurait été dans le premier fast-food qu'il aurait croisé mais sans savoir s'il allait continuer à avoir de l'argent, il préférait économiser ce qu'il avait sur lui.

- Raven ?

Sa tête se redressa brusquement à l'entente de son prénom. Il reconnut aussitôt la Mustang d'Amanda garée devant le parc. Dylan avançait droit sur lui, l'air inquiet. Amanda avait la tête passée par la vitre de sa portière, observant ce qu'il se passait.

Le cœur de Raven battait ses côtes, violent, anxieux. Il n'osa pas regarder Dylan droit dans les yeux, ignorant comment lui expliquer ce qu'il se passait.

- Qu'est-ce que tu fais là ? C'est quoi, ce sac ? Raven ?

Dylan saisit son visage entre ses mains, l'obligeant à le regarder droit dans les yeux.

- Parle-moi, Raven. Qu'est-ce qu'il se passe ?

Il voulut éluder, trouver un moyen d'apaiser ses inquiétudes sans pour autant lui dire qu'il se retrouvait sans domicile. Il ne voulait pas l'embarquer dans tout ce qu'il se passait dans sa vie.

- Raven ! Réponds-moi, bon sang !

- Il m'a jeté dehors, lâcha-t-il dans un souffle.

Le silence de Dylan dura quelques secondes avant qu'il ne se redresse.

- Tu viens à la maison. Et ne tente pas de refuser ou tu vas souffrir.

Sans le laisser réagir, Dylan saisit les poignées du sac et la main de Raven et partit vers la voiture qui attendait. Amanda avait l'air inquiet. Elle se retourna sur son siège pour les regarder lorsqu'ils montèrent à l'arrière.

- Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Ses enfoirés de parents l'ont jeté à la rue ! explosa Dylan, tremblant de fureur.

- Ils ont fait quoi ? béa Darren depuis le siège passager. Mais pourquoi ?

- Rentrons à la maison, interrompit leur mère. Nous discuterons là-bas.

Elle redémarra et Raven sentit sa poitrine se contracter douloureusement, son souffle devenir difficile. À côté de lui, Dylan détacha sa ceinture et se rapprocha, venant passer ses bras autour de lui. Il n'en fallut pas moins pour que les vannes cèdent et qu'il se mette à pleurer dans l'étreinte chaude et rassurante de son petit ami. Même une fois la voiture dans le garage, ils restèrent à deux à l'intérieur jusqu'à ce qu'il parvienne à se calmer.

Amanda et Darren étaient dans le salon, le visage inquiet, patientant. La mère des deux frères vint happer Raven dans une étreinte d'ours, caressant ses joues humides, ses cheveux, son dos. Il s'agrippa à elle, cherchant un ancrage quelconque pour ne pas céder.

Expliquer sa situation familiale ne fut pas compliqué. Pas autant qu'il l'aurait cru. Il était sonné par la fatigue, la faim, le choc. Il répondit aux questions, se sentant comme étranger à toute l'affaire. Comme si ce n'était pas à lui que ça arrivait. Que tout n'était qu'un atroce cauchemar qui finirait par prendre fin.

Amanda assura qu'il pouvait rester chez eux, qu'il partagerait la chambre de Dylan, que tout irait bien. Mais Raven savait qu'elle se trompait. Que ça n'irait jamais bien. Pas pour lui. Jamais pour lui. Il avait goûté au bonheur pendant quelques semaines, commençant à croire que la vie pourrait lui sourire. Il avait commencé à remonter la pente. Pour tomber plus bas encore.

Dès qu'il le put, il s'enroula sous la couverture de Dylan, lui tournant le dos alors qu'il était là, derrière lui, le tenant fermement dans ses bras. Il l'avait su dès le début. Il ne pourrait pas le garder. Il n'était pas assez bien, pas assez digne de Dylan. Il n'était qu'une erreur, l'une de ces choses dont personne ne veut, dont le défaut secret est si grand qu'il ne pourra jamais être accepté.

- Je sais ce que tu penses, murmura Dylan contre sa nuque. Je sais très bien ce que tu penses et je t'interdis de le penser, Raven Herron. Tu ne perds pas ta valeur parce qu'ils sont trop cons pour voir ce qu'ils perdent. Tu es toujours le même et je ne tiens pas moins à toi parce qu'ils t'ont jeté dehors. Arrête de croire que ce qu'ils t'infligent est de ta faute. C'est entièrement de la leur. Rien ne cloche chez toi. Absolument rien.

Il serra les paupières, tentant de retenir les nouvelles larmes qui menaçaient de déborder. Les mots de Dylan le touchaient en plein cœur. Il lui disait exactement ce qu'il voulait entendre. Chaque mot, chaque idée, chaque sentiment. Il croyait en lui. Il l'aimait. Il était encore là en dépit du tableau pathétique qu'il offrait. Il voyait chaque plaie purulente en lui, chaque cicatrice, chaque coup de poignard et, malgré tout ça, il était encore là. Il le serrait encore contre lui, continuait de lui dire qu'il était quelqu'un de bien et qu'il l'aimait.

Il se retourna pour enfouir son visage dans le cou de Dylan et se laisser aller. Toute la muraille en lui lâcha et il s'effondra en petits morceaux dans les bras de son petit ami, priant pour qu'il ne l'abandonne pas.


Le lendemain, Amanda les conduisit au lycée. Darren avait envoyé un message à Steven pour le prévenir. Raven eut du mal à lâcher Dylan mais le fit malgré tout lorsqu'ils sortirent de la voiture. Il se sentait légèrement mieux. L'attention maternelle dont l'abreuvait Amanda et la façon qu'avait Dylan de le couver lui faisaient un bien incroyable.

Il se força à agir normalement, à rire et à sourire. Harmon et Steven surent immédiatement que quelque chose s'était passé. Ils ne posèrent pas de questions, s'assurant simplement qu'il allait bien. Leur sollicitude le toucha et lui rendit un peu d'espoir. Malgré tout, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'ils ne connaissaient pas tout de lui. Ils ne savaient pas pour Stanford. Seul Dylan savait. Il ne comprenait toujours pas pourquoi son petit ami était encore là. Il lui infligeait tellement d'inquiétudes et de tourments qu'il aurait dû partir sans se retourner. Au lieu de ça, il était encore là, lui souriant, lui disant d'un regard qu'il l'aimait sincèrement.

Durant ses cours, il regarda à l'extérieur, admirant le soleil qui transformait le paysage qu'il avait toujours connu froid et pluvieux. Devait-il croire que de meilleurs jours l'attendaient ? Il en doutait. Il était terrifié à la pensée que ses espoirs pourraient être détruits, réduits en fine poussière à la première occasion. Pouvait-il espérer garder Dylan, la meilleure chose qui lui soit jamais arrivée, le seul être qui semblait tenir à lui envers et contre tout ?

Il gagna son casier à la pause, les écouteurs bourdonnant dans ses oreilles. Il tressaillit lorsqu'on les lui arracha. Il cilla en trouvant Jillian appuyée sur le casier adjacent, un rictus mauvais sur les lèvres.

- Qu'est-ce que tu veux ? lui demanda-t-il, n'ayant aucune envie de subir ses mesquineries.

- Je sais que tu sors avec Dylan, éluda-t-elle froidement. Je vous ai vus dans la voiture de Steven, lundi.

Il garda le silence, attendant la suite. Connaissant Jillian, elle ne venait pas lui dire qu'elle acceptait leur relation et qu'elle allait les laisser tranquille. Non, elle avait préparé quelque chose contre lui. Elle allait exiger qu'il quitte Dylan en agitant une menace sous son nez.

- Je sais aussi ton vilain petit secret, poursuivit-elle.

Elle lui tendit une coupure de journal. Celle sur Stanford. Sur son arrestation.

Il se sentit pâlir malgré lui. Il chiffonna le papier dans sa main et jeta un regard meurtrier vers la rousse. Elle avait découvert la vérité. Elle savait tout ce qu'il voulait cacher. Et elle allait le révéler à tout le monde.

- Si tu ne romps pas avec Dylan d'ici vendredi midi, tout le monde saura ce que ton frère a fait. Je glisserai moi-même une photocopie dans chaque casier. On verra si Dylan voudra toujours de toi, après ça. Déjà qu'il ne veut pas s'afficher avec toi... Je ne parie pas sur les chances qu'il te restera après un tel scandale.

Elle se décolla du casier avec un large sourire.

- On se revoit vendredi, Raven.

Elle le planta là, fière d'elle, alors qu'il bouillait de rage. Elle le tenait et elle le savait. Si le lycée apprenait que son frère avait violé et tué, il redeviendrait un paria, le monstre sorti du placard. Plus personne ne lui adresserait la parole, ils s'écarteraient de son passage, murmureraient dans son dos, feraient tout pour le faire partir.

Et Dylan... Quelle réaction aurait-il ? Le défendrait-il ? Le repousserait-il ? Jillian n'avait pas tort. Il était peu probable que Dylan encaisse la révélation. Raven pouvait accepter qu'il veuille que leurs camarades les laissent tranquille mais si l'existence de Stanford et de ses actes venait à être révélée...

S'il quittait Dylan, il pourrait continuer à vivre au milieu de ses pairs, Jillian maniant ses ficelles.

S'il ne quittait pas Dylan, elle révélerait tout et il perdrait Dylan, ses amis, ses camarades.

D'un côté ou d'un autre, il perdrait Dylan.

Alors autant le perdre en faisant un maximum de bruit.

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NdlA : *ressort le bouclier anti-émeute du placard*


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