Chapitre 46 : Dylan

Le sentiment d'euphorie qui l'habitait était à toute épreuve. Il ignorait comment c'était possible mais il avait obtenu bien plus que ce qu'il avait espéré en forçant le dialogue avec Raven. Il avait voulu retrouver son ami ; il se retrouvait avec un petit ami. Il se sentit sourire bêtement, regardant Raven s'essuyer les mains sur un vieux chiffon.

Ils étaient rentrés en fin d'après-midi et Raven avait voulu jeter un œil à la voiture de sa mère. Dylan avait découvert que le véhicule usé par le temps et les trajets avait disparu au profit d'une voiture comme neuve. Durant la semaine, il était venu la repeindre et traiter la peinture dans son dos, demandant à Darren de ne pas lui parler de ses visites chez eux. Alors même que Raven avait le cœur brisé par sa faute, il était venu travailler sur la vieille Ford. Comment Dylan pouvait-il résister à un tel idiot ?

- Au fait, t'ai-je dit que ma mère voulait fêter son anniversaire demain et que ta présence était requise ?

Raven se tourna vers lui avec un sourire en coin.

- Je crois que tu as oublié ce détail, mon chéri.

Le cœur de Dylan fit un bond. Ce minuscule possessif changeait toute leur relation. C'était incroyable comment trois petites lettres pouvaient créer un monde de différence.

- Je dirais plutôt que c'était un oubli stratégique de ma part. Si je te l'avais dit ce matin, tu aurais trouvé un moyen de refuser. Ou bien, tu aurais accepté pour ne pas blesser ma mère mais l'ambiance aurait été terrible. Donc, j'ai délibérément passé sur cette requête en choisissant de forcer le dialogue entre nous.

- Un long plaidoyer pour dire que tu avais oublié.

Dylan lui jeta un boulon, le faisant éclater de rire. Il n'y avait que Raven pour lui répondre ainsi après un étalage d'arguments parfaitement valides. Globalement, il n'y avait que Raven pour réussir à se jouer de lui avec une telle facilité.

- Tu penses qu'elle roulera d'ici demain ?

- On va vite savoir ça, lui répondit Raven. À toi l'honneur.

Il lui tendit les clés de la voiture et Dylan partit s'installer derrière le volant. Le temps où il avait passé son permis était loin mais les automatismes revinrent rapidement. Il avait conduit cette voiture avec son père à côté de lui et sa mère derrière. Il la connaissait. Derrière la remise à neuf, c'était toujours la même voiture.

Il fit tourner la clé sur le contact. La première fois, il ne se passa rien. Raven lui dit de recommencer et le moteur faillit se lancer mais s'étouffa. Il essaya une troisième fois sans plus de succès.

Raven vint prendre sa place sur le siège conducteur et retenta. Dès son premier essai, le moteur se mit à gronder avant de céder et de s'éteindre. Obstiné, Raven recommença. Son entêtement paya puisque le moteur ronfla sous le capot comme une bête sauvage. Et, cette fois, il ne s'éteignit pas.

Fier de lui, Raven passa la tête par la fenêtre.

- Je t'emmène en balade ? Il faut la faire tourner.

Dylan alla ouvrir la porte du garage pour lui permettre de reculer dans l'allée et il partit le rejoindre après avoir verrouillé la maison.

- Tu as un don avec les voitures, lui dit-il en montant dans la voiture.

- Je t'ai encore impressionné, pas vrai ?

- Quelque chose comme ça...

Ils échangèrent un sourire. Une soudaine nostalgie vint lui étreindre le cœur. Il passa les doigts sur les plastiques qu'il avait nettoyé quelques jours auparavant, donna un petit coup sur l'horrible flamand rose en peluche qui pendait du rétroviseur.

- Je n'aurais jamais cru qu'elle reprendrait la route un jour, admit-il doucement. Elle était au bout du rouleau quand ma mère l'a enfermée dans le garage. Il n'y avait plus de chauffage, plus d'essuie-glace, elle ne montait plus au-dessus de 70 kilomètres heure... Même l'autoradio ne fonctionnait plus.

Comme pour mettre Raven à l'épreuve, il appuya sur le bouton de la radio. L'écran s'alluma et elle se mit à grésiller jusqu'àce qu'il trouve une station.

- Tu l'as changé ?

- Non. C'est celui d'origine. Je l'ai simplement réparé.

- Y a-t-il seulement une chose que tu n'aies pas su réparer ?

- Il y en a plusieurs, en vérité. Je suis doué mais quand ça veut pas, ça veut pas. Et le lave-vaisselle de la mère de Tim était de ceux qui ne voulaient pas.

- Les parents de tes amis t'utilisaient comme réparateur ?

Raven haussa les épaules, peu perturbé. Dylan pouvait imaginer le texan accepter de regarder au lave-vaisselle d'un parent de l'un de ses amis parce qu'il était comme ça. Il aimait rendre service, il adorait réparer les choses. Il se voyait en teintes de noir, sous le pire des jours. Pourtant, c'était un être magnifique et généreux qui donnerait tout ce qu'il avait si quelqu'un venait à en avoir besoin. Et les gens en abusaient. Les parents de ses propres amis abusaient de cette bonté et de cette générosité, préférant demander à un adolescent de venir réparer leur électroménager plutôt que d'appeler un réparateur.

Il prit la main de son petit ami, la serrant doucement, obtenant un petit sourire. Cet idiot avait une vie difficile, semée de ronces et de fossés et il était plus gentil et doux que la moyenne des gens. Il avait transformé ses épreuves en courage et en bonté au lieu de les laisser moisir et le pervertir.

Ils rentrèrent chez Dylan au moment où Darren rentrait, déposé par le père de Delilah. Il leur sauta presque dessus, admirant la voiture avec des yeux de gamin. Il flatta l'ego de Raven bien plus que nécessaire. Cependant, Dylan se contenta de les écouter en allant en cuisine pour commencer à préparer le dîner.

- Et si tu nous disais comment ça s'est passé ? le questionna-t-il.

- Ça s'est bien passé, répondit Darren avec un sourire. Sa grand-mère a été sympa avec moi même quand j'ai lâché un "saloperie !" quand je me suis coupé. Elle a été me chercher un pansement elle-même.

Il montra son doigt enroulé dans un pansement rose Hello Kitty qui fit rire Raven.

- Le père de Del m'a dit qu'il était fier de moi quand on est sortis. Qu'il acceptait que je continue à voir sa fille parce que je m'étais transformé pour plaire à sa grand-mère. Par contre, Del a détesté ma tenue. Sérieusement ! Elle a dit que c'était pas moi et que j'avais plus intérêt à m'habiller comme ça si je voulais continuer à la voir.

- Je suis sûr qu'elle a apprécié l'effort, répliqua Raven.

- Ouais, elle était contente mais elle a détesté la tenue quand même. D'ailleurs, je vais aller me changer. J'en peux plus de cette chemise !

Darren fila à l'étage et Dylan sentit Raven le rejoindre. Le texan déposa un baiser sur sa joue, glissant sa main dans son dos.

- Ton frère est dingue de sa copine et il a été adopté par ses parents.

- Il obtient tout ce qu'il veut quand il fait l'effort.

- Comme son frère.

Dylan roula des yeux en luttant contre un sourire.

- Attrape-moi une grande casserole au lieu de dire des âneries.

- Laisse-moi deviner ! Macaroni ?

Il ignora Raven en récupérant la casserole. Par esprit de contradiction, il avait envie de lui dire non alors qu'il avait deviné au premier essai. Comment il avait réussi ce prodige, il n'en avait pas la moindre idée. Dylan n'avait strictement rien sorti des placards avant que Raven n'arrive en cuisine. Il avait juste fouillé pour voir ce qui leur restait.

- Avec tout ce qu'il y a dans tes placards, tu peux faire mieux que ça. Laisse-moi faire.

- Raven... tenta-t-il de protester.

Raven le fit taire d'un baiser droit sur les lèvres qui lui coupa le sifflet.

- Laisse-moi faire, j'ai dit.

Il le prit pas les hanches et le força à reculer. Dylan soupira et rendit les armes. Honnêtement, il en avait assez des pâtes et il était plus que prêt à laisser les fourneaux à Raven s'il pouvait préparer autre chose qu'un plat de mac and cheese.

Cependant, il avait une conscience et celle-ci refusait de laisser un invité cuisiner chez lui sans qu'il mette la main à la pâte.

- Laisse-moi t'aider, au moins.

Raven hésita un instant avant de céder. Il lui donna un oignons à éplucher et à faire revenir dans une poêle une fois coupé en dés.

Il continua de donner des instructions précises à Dylan qui les suivit religieusement, voyant une sauce prendre forme sous ses yeux sans qu'il en comprenne la magie. Darren revint et alimenta la discussion, trouvant des détails à raconter de son repas chez la grand-mère de Delilah. Il prit un grand soin à souligner la meilleure entente entre Raven et lui. Par chance, son petit ami ne dit rien de ce qu'il se passait réellement entre eux. Dylan ne manqua pas le regard que lui envoya son petit frère et il sut qu'il aurait droit à un interrogatoire en règle une fois Raven partit.

Ça n'y manqua pas. Dès que la porte claqua sur un baiser volé dans le dos de Darren, Dylan fut assailli par son frère qui le traîna dans sa chambre au cas où leur mère rentrerait.

- Alors ? Il avait quoi ? Qu'est-ce que tu lui as dit ? Tout va mieux ?

- Oui, tout va mieux. Ce n'était qu'un énorme malentendu et nous l'avons réglé. Il n'y a plus de problème.

- Vous avez parlé du baiser ?

- Un peu, admit Dylan en sentant le sang lui monter au visage.

- Oh, allez ! Sois pas si avare et raconte ! Il se passe quoi, entre vous ?

Dylan baissa le yeux, sentant ce sourire irrépressible venir étirer ses lèvres.

- Vu ta tête, j'ai bien l'impression que vous sortez ensemble, tous les deux

Il hocha la tête, ne tentant plus de le cacher à son frère. Darren avait déjà connaissance des sentiments de Dylan alors à quoi bon lui cacher qu'ils avaient trouvé une réciproque en Raven ? De plus, Darren était censé et s'il le lui demandait, il respecterait son choix de garder leur relation secrète. Il ne serait sûrement pas d'accord mais il le ferait.

- Si vous sortez ensemble, pourquoi je l'ai pas vu te rouler de patin ? Surtout que, connaissant Raven, ça lui ressemble pas de pas se vanter de t'avoir mis le grappin dessus.

- C'est moi qui le lui ai demandé.

- Pourquoi ?! Me dis pas que tu veux pas qu'on sache que tu sors avec un mec ?!

- Non, ça n'a rien à voir. C'est juste que je ne veux pas que tout le lycée se mêle de notre relation. Ils y mettent déjà bien assez leur grain de sel alors s'ils apprennent que Raven et moi sortons bel et bien ensemble, ça va devenir n'importe quoi et je ne veux pas de ça. Je veux que ce qu'il y a entre lui et moi reste entre lui et moi.

- Et il a été d'accord avec ça ?

- Oui. Il a compris.

- Tu dois l'avoir sacrément bien accroché pour qu'il accepte de se taire parce que c'est carrément pas son genre. Il se fout de ce que le gens pensent. Au contraire, il adore leur donner de quoi parler alors s'il se tait, c'est qu'il doit vraiment être amoureux de toi.

Dylan rougit vivement, son cœur chavirant dans sa poitrine. Raven n'avait pas prononcé les mots et Dylan n'avait pas eu besoin de les entendre. Cependant, entendre son frère dire ça le rendait euphorique. Il se doutait que Darren avait raison, que Raven avait accepté pour lui, que s'il n'avait pas eu un minimum de sentiments pour lui, il n'aurait jamais été aussi aisé à convaincre.

- Mais, Dylan, fais gaffe quand même, hein. Qu'il finisse pas par croire que tu le caches ou que t'as honte.

- Ça n'arrivera pas.

Il n'était pas question de honte ou de le cacher. Il n'avait aucune intention de refuser de s'afficher avec Raven devant sa famille et leurs amis. Devant les personnes qui comptaient. Le seul moment où ils n'agiraient pas en couple serait au lycée. Leurs camarades n'avaient vraiment pas besoin de savoir. Sa vie privée était privée et il ne comptait pas la leur faire partager pour qu'ils la critiquent et la jugent et s'en mêlent.

- Je suis content que ça se passe bien pour toi, reprit Darren, soudain timide. Vraiment.

- Pareil pour moi. Je suis véritablement content que tu aies trouvé quelqu'un avec qui tu sois enfin sérieux. Tu grandis et je suis sûr que papa aussi est très fier de toi.

- Tu crois qu'il l'aimerait ? Delilah ?

- Il l'adorerait.

- Il adorerait Raven aussi, tu sais.

Dylan sourit, tentant d'imaginer la réaction qu'aurait eu son père s'il lui avait dit qu'il était tombé amoureux d'un garçon. Il n'aurait rien eu contre, de ça il était sûr. Son père n'était pas comme ça. Il acceptait tout un chacun comme il était. Son ouverture d'esprit était pleine et entière et il avait même tendance à trouver des explications aux pires comportements.

Il aurait adoré mener Raven en bateau. Les deux se seraient bien entendu mais son père aurait pris un malin plaisir à malmener le texan, à le pousser à bout, à le forcer à montrer qu'il tenait réellement à son fils.

Et Dylan était certain que Raven aurait passé tous les tests avec brio.

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NdlA : Tellement de fluff ! Je crois que c'est le chapitre le plus mignon que j'aie jamais écrit !

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