Chapitre 43 : Raven
Il ne sut comment il fit pour faire le trajet jusque chez Dylan, pour y déposer les pièces, pour discuter avec Darren jusqu'à ce qu'il puisse s'échapper, sans exploser. Il se retint autant qu'il put, luttant de toutes ses forces alors qu'il rendait les clés à Steven. Il sortit à toute vitesse, rentrant chez lui. Il claqua la porte, sentant le barrage en lui céder, les larmes dévaler ses joues, de gros sanglots venant le secouer du plus profond de son être.
Il plaqua une main sur sa bouche alors qu'il cédait complètement sous la destruction de son cœur dont il ne restait qu'un paquet de cendres fumantes. Il n'aurait pas cru que ça ferait si mal. Il aurait dû se douter que Dylan ne l'avait pas laissé l'embrasser parce qu'il avait des sentiments pour lui.
Non, il avait juste voulu expérimenter.
Au-delà d'avoir le cœur brisé, Raven se sentait sale. Utilisé. Il savait que le jour viendrait où ça serait son tour. Il avait joué avec plus de personnes qu'il ne pouvait compter et il commençait à payer pour ses péchés. Ça n'avait été qu'un baiser. Son plus beau baiser. Et ça n'avait été qu'un mensonge.
Lorsqu'il n'eut plus de larmes à verser, il se releva et sortit son téléphone.
À Deuce :
T'es libre, ce soir ?
De Deuce :
Carrément. Je suis chez toi à 20.
Raven ne répondit pas et partit prendre une douche et se changer. Il allait sortir avec Deuce et noyer le désastre dans l'alcool. Panser ses plaies de la seule façon qu'il connaissait.
Lorsqu'il sortit de la salle de bains, une mauvaise surprise l'attendait. La voix de ses parents résonnait au rez-de-chaussée. Cette journée allait magnifiquement finir. Il alla s'enfermer dans sa chambre en attendant que Deuce arrive. Il n'avait pas particulièrement envie de se faire démonter avant de sortir en boite.
Malheureusement pour lui, son père n'était pas décidé à le laisser tranquille. Il débarqua dans sa chambre, envoyant claquer la porte contre le mur. Il jeta un journal à la tête de Raven qui se contenta de s'en débarrasser et d'augmenter le volume de sa musique. Son père s'égosilla, ramassant le journal pour le forcer à y regarder.
- Putain mais je m'en branle ! Dégage de ma chambre ! explosa-t-il, ses nerfs cédant sous la pression.
Son père jura et le saisit par les cheveux, l'obligeant à selever. Il lui assena un coup de poing en plein visage. Raven heurta son bureau de plein fouet. Il se redressa et cracha au visage de son père. Cette fois, il était bien décidé à rendre coup pour coup.
- Sale petit con, marmonna son géniteur en s'essuyant le visage.
Il se jeta sur Raven, déclenchant la bagarre la plus violente qu'ils aient connu. Raven parvint à mettre quelques coups à son adversaire, en encaissant bien plus qu'il n'en mit. Peu décidé à laisser la victoire à son père, il rassembla toutes ses forces, toute sa rage, toute sa haine, toute sa souffrance pour infliger un coup de poing si violent que son père partit s'encastrer dans le mur du couloir et s'effondra, à peine conscient. Sans un mot, il sortit de sa chambre et bouscula sa mère qui avait attendu patiemment au pied des escaliers que ça se termine.
Il essuya le sang qui coulait de son arcade sourcilière sans y faire plus attention que ça. Il attendit Deuce au bout de la rue, appuyant un vieux mouchoir contre son nez pour tenter d'arrêter le flot de sang avant que son ami n'arrive.
Il avait songé que rendre coup pour coup l'aiderait à se sentir mieux, à évacuer tout ce qu'il ressentait, tout ce qui le rongeait de l'intérieur. Au lieu de ça, il se sentait encore plus vide. La seule différence était que l'extérieur ressemblait à l'intérieur. Un paquet de chairs tuméfiées et ensanglantées, c'était tout ce qui restait de lui.
La voiture de Deuce finit par arriver et il se leva, faisant signe à son ami de s'arrêter. Deuce fit demi-tour en plein milieu de la route pour s'arrêter devant lui. Il monta en voiture, grimaçant face à la douleur qui explosa dans son dos. Il ne dit rien et claqua la portière.
- Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
- Démarre et c'est tout.
- Il va falloir faire quelque chose pour ton père, Raven, objecta-t-il en démarrant. Ça peut plus continuer. Tu as vu dans quel état tu es ?
- Laisse tomber, d'accord ?
Deuce céda et Raven soupira, regardant par la fenêtre.
- Ça m'a étonné que tu veuilles sortir. Tu ne devais pas aider Dylan avec une histoire de voiture ?
Entendre parler de Dylan réveilla le poison qui s'était glissé dans son sang. Il serra les dents et les poings, tentant de rester aussi neutre que possible.
- Je l'ai fait.
- Okay... Tu vas pas être bavard, aujourd'hui. Compris.
Ce qu'il y avait de bien avec Deuce, c'était qu'il finissait toujours céder et comprendre quand il ferait mieux de le laisser tranquille. Le trajet se passa sans qu'ils n'échangent un seul mot, la radio brisant le silence. L'étudiant le força à entrer avec lui dans un fast-food pour avaler quelque chose. Raven se força à avaler quelques bouchées pour que l'autre le laisse tranquille.
Son téléphone sonna dans sa poche et il se crispa en voyant le nom de Dylan. Il rejeta l'appel et le mit en silencieux. Il ignorait ce qu'il pouvait lui vouloir et il n'avait aucune envie de s'en occuper. Il remit son téléphone dans sa poche et mordit dans son hamburger avec rage. Ses yeux le brûlaient et il sentait qu'il allait craquer à nouveau s'il ne faisait pas quelque chose.
- Tu as bientôt fini ?
Deuce embarqua avec lui les restes de son repas pendant qu'ils faisaient la route jusqu'à la boite de nuit. Raven ne chercha pas à l'attendre. Il avait sa fausse carte d'identité en poche et il avait nettoyé le sang sur son visage, le rendant à peu près présentable. Les hématomes ne devaient pas s'être totalement développés aussi n'avait-il pas grand-chose à craindre.
Comme prévu, il passa le vigile avec facilité. Il fonça droit vers le bar pour commencer à dépenser son argent dans de l'alcool hors de prix. Il enchaîna les verres sans les compter, finissant très vite par perdre le fil.
Deuce dut le traîner hors de la boite de nuit et le ligoter dans la voiture avec la ceinture. Il s'endormit probablement et ne rouvrit les yeux que pour voir qu'il était chez lui. Il ne se préoccupa pas de son ami, partant s'enrouler dans son lit, fermant les yeux pour lutter contre la nausée et les larmes. Deuce le rejoignit quelques minutes plus tard et caressa ses cheveux.
- Qu'est-ce qui se passe, Raven ?
- Fous-moi la paix, marmonna le concerné, ayant du mal à articuler ses mots tant sa langue était lourde et son cerveau engourdi.
- Très bien, dors. On verra plus tard.
Il le couvrit de sa couverture et partit, fermant la porte derrière lui.
Et Raven fondit en larmes.
Le lendemain, le soleil était haut dans le ciel lorsqu'il se leva. Il sortit son téléphone de sa poche pour voir l'heure et le découvrit vidé de sa batterie. Il le brancha à son chargeur et descendit dans la cuisine. Sa mère y était, rangeant la vaisselle qu'elle devait avoir fini quelques minutes auparavant. Son père n'était pas visible mais ne devait pas être loin. Il devait être dans son bureau, probablement.
Il se servit un verre d'eau et repartit dans sa chambre. Les choses n'allaient pas en s'arrangeant. Il avait une gueule de bois du tonnerre et il ne pouvait même pas cuisiner. Il ne pouvait pas se vider l'esprit, se purger en faisant ce qu'il aimait le plus faire. Tout ce qu'il lui restait, c'était le sport.
Il se changea et partit courir. Il suivit des chemins qu'il n'avait jamais exploré, se perdant plusieurs fois, se retrouvant finalement au milieu de nulle part sans savoir où il était ou depuis combien de temps il était parti. Il était couvert de sueur, ses jambes et ses poumons le brûlaient mais ce n'était rien à côté de son envie de vomir. Il se plia en deux et rendit ce qui restait dans son estomac, soit de la bile acide.
Il regarda autour de lui et repartit en courant. Il retrouva le chemin de la ville, de chez lui. Ses parents étaient partis lorsqu'il rentra. Il se traîna sous la douche, vidé. Il s'assit au fond, laissant l'eau couler, tentant de reprendre son souffle, un minimum de contrôle. Il était épuisé, totalement vidé. Tout en lui était anesthésié et c'était exactement ce qu'il voulait.
Il sortit et se changea. Il hésita à aller chez Dylan comme c'était prévu. Il n'avait pas envie de lui faire face. Mais que pouvait-il faire d'autre ? Il ne s'agissait pas que de lui. Il s'agissait de Darren et d'Amanda. Il ne pouvait pas leur faire ça. Il utiliserait ce temps pour créer la scission, pour détruire entièrement ses sentiments et passer à autre chose. Il assassinerait chaque sentiment qui surviendrait avec toute la rage et toute la haine qui l'avaient construit depuis l'enfance.
Il redescendit au son de coups frappés à la porte. Il haussa un sourcil en découvrant Dylan sur le seuil.
- Tu es venu me chercher, chéri ? Peur que je ne vienne pas ? lui lança-t-il en le laissant entrer.
- Tu as bu, répondit froidement Dylan en passant devant lui.
- Je suis sorti avec Deuce. On s'est fait une petite soirée en boite.
- Avant ou après que ton père te frappe ?
Il ne demande même pas comment Dylan savait que ses parents étaient là la veille. Il s'en fichait. Qu'il prétende s'inquiéter pour lui si ça le rendait heureux. Ce n'était pas comme s'il pouvait y faire quelque chose.
- Il a eu plus mal que moi, cette fois-ci.
- Tu avais promis de m'appeler s'il recommençait. Je t'ai appelé cent fois, je t'ai envoyé des tonnes de messages toute la soirée. Je n'ai pas eu la moindre réponse. Rien. Pas même un message pour me dire que tu allais bien.
- Je te l'ai dit, je suis sorti avec Deuce. Et mon téléphone avait plus de batterie, de toute façon.
- Tu prends ça totalement par-dessus la jambe. Tu t'en fous que je me sois inquiété et que j'en ai passé une nuit blanche. Tu as fait la fête, tu t'es bourré la gueule.
Raven ignora les reproches de Dylan avec plus de facilité qu'il ne l'aurait cru. Il ne croyait plus le moindre mot qui sortait de cette bouche. Elle savait trop bien se jouer de lui. Il ne commettrait pas l'erreur de croire qu'il s'était réellement inquiété pour lui en sachant que ça ne le perturbait pas de l'utiliser pour expérimenter sans lui demander son avis.
- Tu pourrais au moins me répondre, Raven !
- Que veux-tu que je te dise ? Oui, je suis sorti. Oui, j'ai fait la fête et oui, j'ai bu ! Oui, je me suis battu avec mon père ! Mais ça, chéri, c'est ma vie. Ça l'a toujours été et ça le sera toujours. Ça ne changera pas.
- Très bien. Puisque tu le vois comme ça. Je suppose que je ne m'inquiéterai plus pour toi.
Raven faillit lui demander s'il s'était déjà sincèrement inquiété pour lui mais se retint. Mieux valait en finir avec cette conversation avant qu'il ne se mette à cracher tout ce qu'il avait sur le cœur. Il ne laisserait pas Dylan savoir qu'il lui avait brisé le cœur, qu'il avait sauté dessus à pieds joints, qu'il l'avait piétiné et réduit en poussière.
- On y va ? demanda-t-il en ignorant le regard de Dylan.
Ils firent le trajet en silence. Raven garda les mains dans les poches, ne cherchant pas à ouvrir le dialogue. Il n'aurait pas cru qu'être en présence de quelqu'un puisse faire si mal. Sentir Dylan à côté de lui était un sel sur ses plaies dont il n'avait pas besoin. S'il avait de la chance, la douleur finirait par s'endormir ou, alors, il s'y habituerait.
Il parvint à se vider la tête une fois qu'il put travailler sur la vieille Ford. Il s'immergea dans le travail, ne pensant qu'aux connections, qu'aux enchaînements, qu'aux mécanismes qui faisaient tourner le véhicule. Il installa les nouvelles pièces, finissant juste avant qu'Amanda ne rentre. Il eut à peine le temps de s'enfermer en vitesse dans la salle de bains que la porte d'entrée claquait.
Il enleva toute l'huile et toute la graisse de ses mains avant de descendre. Amanda l'accueillit en le prenant dans ses bras, heureuse de le voir. Il se laissa aller dans ses bras, savourant l'étreinte maternelle dont elle le couvait. Elle prit son visage dans ses mains et l'observa.
- Je n'aime pas du tout ce que je vois, Raven. Tu as soigné tes bleus ?
Il se contenta de faire la grimace en guide de réponse.
- Tu dois faire un peu plus attention à toi.
- Je vais bien, mentit-il avec aplomb, un sourire sur les lèvres. Ne vous inquiétez pas.
- Je vois bien que c'est faux, lui dit-elle tout bas. Tu vas très mal. Et tu ne devrais pas garder ça pour toi.
Il ouvrit la bouche pour persister dans son mensonge mais elle ne lui en laissa pas le temps. Elle déposa un baiser sur son front avant de le relâcher et de rejoindre ses fils.
- Tu dînes avec nous, Raven ?
Si le ton d'Amanda ressemblait à une interrogation, son regard lui assura qu'il n'avait pas le choix.
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NdlA : *ressort son bouclier anti-émeute*
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