Chapitre 41 : Raven

Ses jambes tremblaient encore lorsqu'il sortit de scène. Il se laissa tomber sur une chaise en relâchant le souffle qu'il lui semblait avoir retenu tout le long de sa performance. Il passa ses mains sur son visage, tentant de retrouver une certaine contenance.

Il l'avait fait. Il était monté sur scène et il n'avait pas flanché. Avoir demandé à presque éteindre les lumières avait fonctionné. Il n'avait pas pu voir le public et ça lui avait permis de se concentrer uniquementsur sa guitare.

Il avait encore du mal à croire qu'il avait réussi à chanter en public et que ce public l'avait acclamé. L'euphorie lui donnait envie de rire. Il avait vaincu sa peur et le sentiment de force qu'il en retirait était enivrant.

Ses concurrents le félicitèrent, lui donnant de grandes claques dans le dos, lorsqu'il alla rendre sa guitare à Graham.

- Tu as tout déchiré, mec, lui dit le terminale avec un grand sourire. Tu avais l'air tellement vert avant d'y aller que j'aurais pas cru que t'y arriverais !

- Je tremble encore, avoua Raven avec un rire.

Graham sourit et lui fit signe de se retourner. Il le fit pour voir Dylan se glisser en coulisses, venant droit vers lui. Il abandonna le terminale pour aller le rejoindre.

- Alors, chéri, déçu ? lui lança-t-il.

- Tout le contraire, répondit Dylan. Je dois le dire, tu as réussi à m'impressionner. C'était une magnifique performance. Je savais que tu en étais capable mais je ne pensais pas que tu irais aussi loin.

Raven ne trouva rien à répondre, les battements de son cœur l'assourdissant, l'émotion le laissant incapable de réagir. S'il n'avait pas été aussi sûr de se faire repousser une seconde fois, il l'aurait embrassé.

Au lieu de ça, il passa un bras autour de lui.

- Avoue-le, t'es mon plus grand fan !

Dylan lui donna un coup de coude dans les côtes, le forçant à le lâcher.

- Je dois retourner dans la salle. Jillian va annoncer les gagnants. Tiens-toi correctement.

Raven fit la moue alors que Dylan repartait aussi vite qu'il était arrivé. L'une des sbires de Jillian força tous les participants à se réunir et Raven fut obligé de suivre. Il se retrouva soudain sur scène, encadré par une fille qui ne cessait de lui sourire et qui le mettait franchement mal à l'aise et Graham qui s'en amusait.

- Je crois qu'elle a craqué pour toi, lui murmura-t-il.

- Ha, ha, ha, répondit Raven, peu amusé. Elle me fiche les jetons.

Graham sourit.

- C'est la rançon du succès.

Raven le fusilla du regard. Son attention se tourna vers Jillian lorsqu'elle parla enfin d'annoncer les résultats. Il espérait avoir gagné. Il ne savait pas ce que les autres avaient présenté puisqu'il s'était bouclé dans un placard jusqu'à ce qu'il ait enfin le courage d'en sortir quelques minutes avant qu'il ne doive passer.

Jillian annonça la troisième place. Puis la seconde. La fille à côté de lui partit rejoindre la bécasse, tous sourires. Raven n'avait même pas retenu son nom. Il s'en fichait. Du moment qu'elle le laissait tranquille, peu importait son nom.

- Et, enfin, la première place ! s'écria Jillian, sa voix résonnant dans toute la salle.

Elle sortit totalement le papier de son enveloppe et Raven vit ses lèvres se pincer bien qu'elle tente de garder un visage ouvert et son large sourire. Elle ne semblait pas apprécier le résultat. Pas du tout.

- La première place revient à... articula-t-elle, les dents serrées. Raven Herron !

Il sourit en s'avançant vers elle. Elle lui jeta le regard le plus mauvais qu'elle devait avoir en stock.

- Ne sois pas trop déçue, lui dit-il. Tu t'y feras.

Elle lui donna son trophée de mauvaise grâce, semblant vouloir lui fracasser le crâne avec.

- Trop aimable.

Il se détourna d'elle pour faire face au public et s'incliner, obtenant de nouveaux applaudissements. Il envoya un sourire à Dylan et un clin d'œil, manquant de rire face à la promesse d'une vengeance qu'il lut dans son regard.

- Et si nous demandions à notre grand gagnant de nous chanter une nouvelle chanson ? s'exclama Jillian, un sourire mauvais sur les lèvres.

Le trac remonta en flèche et ses doigts se crispèrent sur son trophée. Le public se mit à scander son nom et il observa Jillian, ravie de son effet. Elle savait. Elle savait qu'il avait peur de la scène. Elle voulait le mettre au pied du mur, l'exposer devant tout le monde.

Il força un sourire amusé et séducteur.

- Tu ne peux déjà plus te passer de moi, Jill ?

Sans lui laisser le temps de répondre, il alla récupérer la guitare de Graham que le terminale avait été chercher. Il inspira profondément, tentant de garder son calme. Une liste de chanson défilait à toute vitesse dans son crâne. Une seule retint son attention et il ne put que sourire. C'était exactement ce qu'il fallait. Personne ne penserait une seule seconde qu'il utilisait cette chanson autrement que pour terminer le Talents Show en grandes pompes et faire enrager Jillian. En vérité, son choix était bien plus personnel.

Ses camarades continuèrent de crier pour qu'il joue et ils ne se turent que lorsqu'il commença à jouer. Il se souvenait de la chanson et il n'avait jamais appris à la jouer autrement qu'à l'oreille pour s'entraîner. Il bénit son cerveau qui n'oubliait jamais ce qu'il avait appris.

Les notes coulèrent et il allongea un peu l'intro pour reprendre possession de la musique et du rythme. Et puis, il se lança. La chanson l'amusait énormément et le meilleur était le refrain. Le trac le quitta rapidement en voyant ses camarades réagir positivement.

Lorsqu'il arriva au premier refrain, il ne put s'empêcher de tourner son attention vers le premier rang. Le sourire que lui adressa Dylan le boosta un peu plus. Jamais il ne saisirait la sincérité derrière ces quelques lignes.


I'm so crazy

But I just may be

The type of personality that compliments your style

And I'm just waiting

For the day you save me

From myself cause I can't help the way I feel for you

For you

https://youtu.be/yki8NGpUaTg

Le reste de la chanson coula sans difficulté. Il termina en tenant sa note alors que ses camarades se remettaient à applaudir et à siffler. Jillian partit dans les coulisses, laissant le directeur mettre fin au concours. Raven alla rendre sa guitare à Graham et sauta de scène pour atterrir juste devant la table du premier rang. Il s'assit à moitié sur la table, juste devant Dylan qui s'enfonça dans son siège, les bras croisés.

- J'en connais un qui s'est beaucoup amusé, lui lança le président des élèves avec un sourire en coin qui contredisait son air fermé.

Raven haussa les épaules, ne pouvant retenir un sourire. Oui, il s'était amusé. Il ne pouvait le nier. Une fois que le trac avait disparu, il avait passé un bon moment.

- Je ne pense pas être le seul, riposta-t-il. Pas vrai ?

Dylan sourit en se levant.

- Va savoir.

Le président des élèves contourna la table pour s'éloigner. Il se retourna vers lui avec un sourire en coin.

- Au fait, ma mère est venue te voir et je suis certain qu'elle a tout filmé. Et, maintenant, elle doit sûrement être en train d'organiser ton fanclub.

- Et tu en es le président.

- Désolé, la place était déjà prise par Brianna.

- Par qui ?

- Ta nouvelle plus fervente admiratrice. La seconde place. Je crois que, si tu le lui demandes, elle te suivra jusqu'au bout du monde.

- Jusqu'à ce qu'un nouveau Bieber apparaisse.

- Probablement, en effet.

- Je sais que tu es la seule valeur sûre, chéri.

- Qui a dit que je faisais partie de ton fanclub, chéri ?

Dylan lui tourna le dos, prêt à s'éloigner. Raven le rattrapa et passa son bras autour de ses épaules.

- On sait tous les deux que tu l'es, souffla-t-il à son oreille.

Il plaqua un baiser sur sa joue avant de le planter là, sentant qu'il ferait mieux de fuir avant que Dylan ne tente de le frapper. Il ne savait pas pourquoi il avait fait ça. Il allait devoir subir la revanche du président des élèves.

Comme Raven l'avait deviné, il ne s'était douté de rien. Pour lui, ça n'avait été qu'une chanson pour déconner, rien d'autre. Une chanson écrite par un artiste et qui n'avait rien à voir avec eux deux.

Il tourna la tête vers Darren qui débarquait avec leurs amis et sa mère. Amanda le serra dans ses bras et le félicita.

- Tu étais génial sur cette scène ! s'exclama-t-elle.

- Elle est aussi fière que si tu étais son propre fils, dit Darren. Et elle a tout filmé. Je sens que Dylan et moi, on va en souper, de ta performance !

- Fais attention ou je ressors tous les films de quand tu étais bébé, Darren Goodwind.

- J'ai rien dit, céda-t-il aussitôt.

- Continue à ne rien dire, dans ce cas.

Darren bouda et alla voir Delilah pour se consoler de l'attitude de sa mère. Amanda l'abreuva de compliments et se montra fière de lui. Il ne pouvait que sourire, découvrant avec émerveillement ce que c'était que d'être la fierté de quelqu'un.

Elle insista pour qu'il rentre avec eux pour dîner. Il céda et les accompagna jusque chez eux. Il n'était pas contre passer plus de temps avec les Goodwind. Il aimait l'ambiance qu'il y avait entre eux. Si Dylan était silencieux à côté de lui, Darren et Amanda discutaient devant, la mère taquinant son plus jeune fils avec beaucoup de plaisir. Raven resta à côté de Dylan, appréciant de faire le trajet avec lui même s'il ne prononçait pas un seul mot.

Il aida Dylan à préparer le repas, le taquinant au maximum pour qu'il cesse d'être aussi silencieux. Il ne savait ce qu'il se passait avec lui. Quelque chose semblait le tracasser. Avec la présence de sa mère et de son frère, il y avait de fortes chances qu'il ne parle pas et ça le frustrait. Il n'aimait pas le sentir si éloigné de lui alors qu'ils étaient à quelques centimètres l'un de l'autre.

Après le dîner, Dylan monta à l'étage et Raven fut prompt à le suivre. Si son frère et sa mère semblaient savoir ce qu'il se passait, ce n'était pas le cas de Raven qui s'inquiétait pour lui. Il détestait le voir ainsi, détestait qu'il ne réponde pas à son flirt, à ses blagues. Une tristesse profonde avait pris possession de son ami et Raven en souffrait comme si elle était la sienne.

Il trouva Dylan allongé sur son lit, fixant son plafond. Il s'assit au bord, ne sachant pas comment lui demander ce qui n'allait pas. Il n'osait pas le toucher non plus, ignorant comme il réagirait.

- Comment fais-tu ? souffla Dylan.

- De quoi tu parles ?

- Pour continuer à avancer comme tu le fais. Pour vivre sans ta famille. Pour continuer à être aussi insupportablement courageux et fier malgré tout ce qu'il t'est arrivé. Mon père était le seul à venir aux spectacles d'école et c'est... C'est dur de ne pas l'avoir vu. De savoir qu'il ne pourra plus jamais venir. Et je pense à toi qui n'a jamais eu personne pour venir à tes spectacles et je me demande comment tu fais parce que, moi, je n'y arriverais jamais à ta place.

Raven vit les larmes couler le long des tempes de Dylan qui cilla pour tenter de les retenir, pour dissimuler son chagrin. Il tendit la main et la passa sur la joue de Dylan pour effacer ces larmes qui le blessaient comme mille lames.

- Je ne peux pas manquer de quelque chose que je n'ai jamais connu, c'est pour ça que je réussis à tenir bon, dit-il. Il n'y a jamais eu personne pour s'occuper de moi à part Nina et même si elle tenait à moi, elle était payée pour ça et je l'ai toujours su. J'ai accepté de ne jamais recevoir d'affection ou d'amour et j'ai appris à vivre avec. Quand tu as six ans, ton unique solution, c'est de continuer à lutter et bâtir des murs et des murailles et des douves jusqu'à ce que tu parviennes à supporter la vie de tous les jours. Après, ça devient une habitude. Et ce n'est pas dans ma personnalité de me laisser abattre et d'abandonner. Alors je continue. On verra bien ce que ça donnera. Soit ça finira mal, ce qui est une forte probabilité, soyons francs, soit un miracle se produira.

Dylan se redressa, faisant face à Raven qui sentit son sang pulser contre ses tempes. Les yeux du président des élèves étaient légèrement rouges et ils étaient emplis d'une peine douloureuse à voir. Le chagrin de Dylan était immense. Son père lui manquait énormément et Raven ne pouvait pas l'aider. Il ne pouvait pas comprendre.

- Les choses ont changé, Raven. Tu as des amis qui tiennent à toi. Tu n'as plus à tout gérer seul et à te cacher dans une tour d'ivoire. Tu ne t'en rends sûrement pas compte mais c'est dur pour nous aussi, de savoir que tu te débats tout seul. Tu ne demandes jamais d'aide, tu ne viens chercher un quelconque soutien... Ce n'est pas une vie, Raven. C'est un enfer.

- Tout le monde ne peut pas être un ange, Dylan. Quand tu t'es habitué à l'enfer, le paradis n'est qu'un mirage que tu prends soin d'éviter.

- Viens-tu sérieusement de me comparer à un ange ?

Raven se contenta de hausser les épaules avec un sourire innocent. Dylan se laissa retomber sur ses oreillers et tourna la tête vers lui.

- Vas-tu aller à l'audience de ton frère ?

- Comment tu sais qu'il va repasser au tribunal ?

- Je l'ai lu sur le post-it de ta mère. C'est mercredi prochain.

- Je ne compte pas y aller.

- Pourquoi ? Ne veux-tu pas savoir ce que le juge va décider ? Ne veux-tu même pas voir ton frère.

- Ça va sûrement te choquer mais non. Non, je ne veux pas voir Stanford et je me fiche de ce que le juge décidera. Il n'est pas majeur alors il ne recevra pas la peine de mort. Tout ce qu'il peut obtenir, c'est une réduction de peine ou une possibilité de liberté sur parole au bout d'une trentaine d'années. Pourquoi j'irais m'infliger des heures dans un tribunal à regarder mon frère dans le box des accusés, à rester assis au milieu des familles des victimes alors que je pourrais être ici, loin de tout ça ? La semaine prochaine, je serai en cours, comme tous les jours depuis que je suis ici.

- Rien de ce que je pourrais te dire ne te fera changer d'avis.

- Non. Parce que même toi, tu sais que ça ne servirait à rien que j'y aille. Ma haine pour mon frère sera toujours la même en revenant. Et ce qui lui arrive, ce n'est plus mon problème. J'ai fait plus que ma part et vu comment ça s'est fini...

- Ce n'est pas de ta faute, Raven. Tu n'aurais rien pu faire. Tu étais un gamin.

- J'aurais sûrement pu faire les choses différemment, objecta-t-il. Mais... même si j'avais l'occasion de revenir en arrière, je ne sais pas si je le ferais. Je ne pense pas que ça servirait à quoi que ce soit à part à retarder l'échéance. Que je le pousse ou non, ça aurait fini de la même façon. Au moins, il était mineur quand c'est arrivé.

Il avait cessé de penser à Stanford depuis longtemps. Il ne voulait plus se préoccuper de ce qui lui arrivait. Il voulait continuer à vivre comme si sa vie avait recommencé quand il avait déménagé. Il ne comptait pas oublier ses amis du Texas, il ne le pourrait jamais, mais il ne voulait pas baser sa nouvelle vie sur celle qu'il avait eue avant.

- Tu ne devrais pas t'inquiéter pour moi, Dylan. Je vais bien. Si ce qui t'inquiètes, c'est que je finisse par faire une connerie, ça n'arrivera pas. Je n'ai jamais réellement envisagé l'option. Pour sûr, elle m'est venue de temps en temps mais ça n'a jamais été sérieux. Et ça ne le sera jamais.

Il observa les émotions jouer sur le visage de Dylan. Ça le touchait qu'il s'inquiète pour lui, qu'il redoute qu'il fasse quelque chose d'idiot. Oui, Raven avait déjà pensé à en finir. Plus qu'il n'aimait se l'avouer à lui-même. Il avait essayé, une fois. Une seule et unique. July l'avait trouvé, assommé par bien trop de cachets et l'avait traîné à l'hôpital pour un lavage d'estomac. Elle n'en avait jamais parlé à personne, pas même à Ricky. C'était resté entre eux et ça le resterait toujours.

Il sourit tristement.

- Ne parlons plus de ça. La journée s'est bien passée. Elle ne doit pas se terminer comme ça. J'ai réussi à chanter sur scène et la tête qu'a fait Jillian valait la peine d'affronter mon trac. C'est tout ce qui compte. Finissons la journée sur une victoire, tu veux bien ?

- D'accord, céda Dylan. Ne gardons en tête que ta victoire. Largement méritée.

- Je savais que tu faisais partie de mon fanclub.

Dylan pouffa de rire et Raven sourit, soulagé d'avoir réussi à alléger ses inquiétudes à défaut de pouvoir apaiser son chagrin.

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NdlA : Je les adore, ces deux-là ! Pas vous ?


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