Chapitre 38 : Dylan
Lorsqu'il arriva chez Raven, les fenêtres vibraient sous l'assaut de la musique. Frapper à la porte était inutile aussi envoya-t-il un message à Raven pour qu'il vienne lui ouvrir. La porte s'ouvrit quelques secondes plus tard sur une fille ravissante qui lui offrit un grand sourire.
- Dylan, c'est ça ?
Il hocha la tête, encore perturbé. Raven n'avait pas parlé d'une fille.
- Entre, les garçons sont dans la cuisine.
Elle s'écarta pour le laisser passer et il obtempéra, la suivant jusque dans la cuisine. Raven était en train de rire tout en faisant cuire des pancakes, trois spectateurs appuyés sur l'îlot au milieu de la pièce. Toutes les têtes se tournèrent vers lui lorsqu'il arriva et il se sentit soudain intimidé. Il garda son attention sur Raven, tentant d'oublier les quatre inconnus qui le fixaient avec curiosité.
- Salut, chéri, lui lança-t-il.
Dylan n'eut même pas le temps de lui répondre que Raven poussait une tasse de café devant lui comme si de rien n'était et que ses amis ne les observaient pas.
- Voilà Sean, le grand dadais, c'est Tim et les deux siamois, c'est Ricky et July. Les gars, voilà Dylan.
- Enchanté, dit-il prudemment.
- On avait hâte de te rencontrer ! s'écria Sean.
- Ignore l'excité, lui dit Tim. Et ne sois pas mal à l'aise. Puisque tu t'occupes de Raven ici, tu fais partie des nôtres.
Il s'appuya contre le plan de travail, préférant rester debout et garder Raven près de lui comme bouclier. Comme toujours, le café que lui servit Raven était parfait et il soupira de contentement. Celui qu'il s'était fait n'avait pas été trop mauvais mais il ne tenait pas la comparaison.
- Comment tu t'es retrouvé à le supporter ? lui demande Sean. T'as pas l'air d'être le genre vers lequel il va, d'habitude.
Sean marquait un point. Lorsqu'il regardait ses amis, Dylan n'avait rien de commun avec eux. Ils portaient des jeans élimés voire troués, des t-shirts usés de groupes qu'il ne connaissait pas. Même July, la seule fille du groupe, avait l'air de faire partie du même monde malgré sa blouse rose et son jean simple. Ils avaient tous cette allure sauvage et fêtarde que Dylan ne partagerait jamais. Qu'il le veuille ou non, il n'avait rien d'un fêtard et encore moins d'un rockeur. Il était trop calme et trop intello pour ça. Il détonnait et il s'en rendait parfaitement compte.
- Je suis irrésistible, sourit Raven.
- Tu es plein de jolies désillusions que je suis trop gentil pour briser, répliqua Dylan.
- C'est pas très gentil de dire ça et ça contredit ce que tu viens de dire. Donc, je suis irrésistible.
Ses amis se mirent à rire et Raven lui envoya un sourire fier.
- Beau syllogisme, dit-il simplement, sirotant son café.
Raven servit une énorme assiette de pancakes et l'arrosa d'une bonne dose de sirop d'érable. Il tendit une fourchette à Dylan qui la prit et s'approcha de l'îlot où ses quatre amis s'étaient déjà jeté sur la tour de pancakes comme des bêtes sauvages.
- C'est quoi alors, le plan, aujourd'hui ? demanda Ricky. Tu nous as parlé de cookies et d'une association.
- On essaie d'aider une association à survivre, expliqua Raven en agitant les morceaux de pancakes dégoulinant au bout de sa fourchette. Ils n'ont pas beaucoup de subventions et leurs locaux sont atroces et ne sont pas adaptés du tout. On a fait une vente de pizzas samedi dernier mais on n'a pas gagné autant qu'on l'aurait voulu. Du coup, on a décidé de tenter autre chose.
- La vente de cookies façon girl scouts ? s'amusa Tim.
- Exactement. Je leur ai donné ma meilleure recette pour un succès maximum. Il faut juste s'implanter.
- Je sens qu'on va s'éclater ! se récria Sean. D'ici la fin de matinée, tout sera vendu, t'en fais pas.
Dylan haussa un sourcil. Il ne s'étonnait plus que Sean soit le meilleur ami de Raven. Ils étaient tous les deux aussi insupportablement confiants.
Comme s'il avait entendu ses pensées, Raven se pencha sur lui.
- Sean peut vendre n'importe quoi à n'importe qui. Il a un bagout à toute épreuve. Personne ne résiste.
- J'attends de voir. Si c'est comme le soi-disant pouvoir de séduction de tes pancakes, que je cherche toujours, au passage, on va avoir du soucis à se faire.
- Attends, attends, rembobine ! cria July. Tu ne craques pas pour les pancakes de Raven ?!
- Oh, mon Dieu... soufflèrent les trois autres.
Raven poussa un soupir à fendre le cœur avec toute la théâtralité qui le caractérisait. Dylan ne comprenait pas pourquoi ils étaient si surpris. Il était vrai que ses pancakes étaient bons mais il n'y avait pas de quoi en faire toute une histoire. Sa tarte aux pommes était largement meilleure. De tout ce que Raven avait préparé, sa tarte aux pommes prenait la palme. Il aurait pu la manger entièrement à lui tout seul.
- Je crois que tu es la seule personne qui sache résister à la cuisine de Raven, révéla Ricky. Et ses pancakes sont sa marque de fabrique. Tu n'en goûteras jamais de meilleurs.
- Je ne raffole pas des pancakes de façon générale.
- Il préfère la tarte aux pommes, lâcha Raven avec son insupportable sourire en coin. Et le café.
- Oh, donc il n'a pas résisté à ta cuisine, releva July avec un large sourire.
- Personne n'y résiste. Et même toi, tu ne peux pas le nier, chéri.
- Je n'ai rien dit.
Il ne pouvait faire autrement que de céder cette victoire au texan. Il cuisinait vraiment bien et le nier serait de la mesquinerie. Il ne le laisserait pas baigner dans sa gloire, cependant. Raven était déjà bien trop confiant pour ça.
Ils terminèrent les pancakes et Raven fit une rapide vaisselle pendant que July terminait de se préparer.
- On ne pourra pas tous monter dans ma voiture, dit Tim. Il en faut une deuxième.
- Tu parles ! répliqua Ricky. Je vais prendre July sur mes genoux ! Tout se passera bien. On l'a déjà fait combien de fois sans avoir de problèmes ?
- On est plus au Texas, Rick. J'ai pas envie de me prendre un procès.
- Je vais aller chercher les clés de Steven, ça vaut mieux, souffla Dylan à Raven.
- Ça sera plus sûr, lui répondit son ami. Surtout avec la route qu'on a à faire.
- Je reviens.
Raven hocha la tête avec un sourire et Dylan partit chercher les clés de Steven qui ne posa pas de questions. Il lui tendit ses clés et Dylan repartit chez Raven. July était prête, les yeux maquillés de noir, la bouche peinte d'un rouge intense qui tranchait sur son teint bronzé. Mais elle était toujours d'une beauté incroyable.
Dylan donna les clés à Raven qui s'était changé aussi au profit d'un t-shirt blanc et du pantalon le plus moulant que Dylan lui ait vu jusque là. Il récupéra un teddy noir et gris dans le placard sous l'escalier et l'enfila en un mouvement fluide qui fit ciller Dylan. Il n'avait vu ça que dans les films que Darren l'avait forcé à regarder et ça n'avait pas paru aussi... impressionnant.
Raven vint passer un bras autour de ses épaules et regarda ses amis.
- Qui monte avec nous ? lança-t-il avec amusement, savourant le concours se jouant entre ses amis.
- Moi ! cria July.
- Moi aussi ! Je suis ton meilleur ami alors obligé, je monte dans ta voiture.
- Tim, Rick, vous suivez ?
- Pas de soucis ! répondirent-ils en chœur, ne semblant pas plus perturbés que ça.
Ils sortirent de la maison et prirent la route. Dylan dut subir July et Sean qui se firent un devoir de lui poser mille questions tout en révélant des informations sur Raven, nombre d'entre elles embarrassantes à souhait.
Lorsqu'ils arrivèrent à l'association, Raven boudait ses amis et Dylan riait avec eux à ses dépends. Deuce les rejoignit et et serra les nouveaux arrivants dans ses bras. Il semblait vraiment heureux devoir les amis de Raven. Dylan avait oublié qu'ils se connaissaient tous et avaient l'habitude de passer du temps ensemble.
- Tu ne m'avais pas dit que tu amenais du renfort ! lança Deuce à Raven.
- Surprise ! répondit-il simplement.
Dylan les laissa à leurs retrouvailles et alla saluer Bella et Farah. Les deux femmes l'accueillirent avec de vastes sourires.
- Je vois que Raven a encore ramené des amis, lui dit Bella.
- Ce sont ses amis du Texas, répondit-il. Ils sont venus le voir pour le week-end et ils vont nous aider à vendre les cookies.
- En parlant de ces cookies, ils sont à tomber ! s'exclama Deuce en entrant. On a failli tous les manger plutôt que de les emballer.
- C'est vrai qu'ils sont très bons, admit Farah.
- Tout ce que prépare Raven est incroyable, lança Sean.
- Je n'ai rien préparé, objecta le concerné.
- Mais c'est ta recette, répliqua Deuce. Donc, ça vient de toi.
- Ne fais pas le modeste, ça ne te va pas, ajouta Dylan.
Il ignora le regard que lui lança Raven et suivit Farah en cuisine pour aller voir tout ce qu'ils avaient su préparer durant la semaine. Ils avaient réussi à en faire assez pour que la vente puisse rapporter quelque chose. Ils avaient l'air délicieux et l'odeur de chocolat imprégnait encore l'air. Il était sûr qu'ils devaient être aussi bons qu'ils en avaient l'air.
Ils se répartirent les sachets de cookies et ils partirent tous à pied en discutant, tentant de convaincre les gens qu'ils croisèrent d'acheter. Dylan eut droit à Sean discutant avant un couple avec bébé pendant près de dix minutes et réussissant à les convaincre d'acheter trois paquets de cookies pour dix dollars.
Au bout d'un moment, Dylan se retrouva coincé entre Sean et Ricky alors que Tim discutait avec Raven qui était bras dessus bras dessous avec Deuce et July. Il sentit que les deux plus proches amis de Raven ne l'avaient pas isolé pour rien. Ils allaient saisir l'occasion pour lui parler de façon plus sérieuse.
- Qu'est-ce que tu penses réellement de Raven ? commença directement Sean. Il nous a dit qu'il t'avait parlé de son frère. J'ai du mal à croire que ça ne te fasse rien.
- À quoi t'attendais-tu ? répliqua posément Dylan. À ce que je cesse de lui parler ? À ce que je le traite comme s'il était un monstre ?
- Quelque chose comme ça. Ce n'est pas une histoire banale et elle peut effrayer. Alors pourquoi tu es resté son ami et que tu continues à lui parler comme si de rien n'était ?
- Je ne vais pas blâmer Raven pour ce que son frère a fait. Il n'a aucune part de responsabilité dans ce qu'il s'est passé. Je n'ai aucune raison de cesser d'être son ami.
- Beaucoup de nos amis lui ont tourné le dos lorsque l'affaire a éclaté, dit Ricky.
- Il y a des idiots partout. Il n'y peut rien.
- J'aime ta façon de penser, répondit Sean. En vrai, pour l'instant, je t'aime bien, Dylan. Je sais pas pourquoi c'est vers toi que Raven a été parce que t'es carrément pas son genre mais le fait est là, vous êtes potes et il se confie à toi alors fais gaffe. Raven, c'est notre meilleur ami et on le confie pas à n'importe qui.
- Je serais toi, j'écouterais ce que dit Sean, ajouta Ricky, un étrange sourire sur les lèvres. Tu ne nous trouves sûrement pas effrayants ou menaçants mais ce n'est pas de nous que tu devrais te méfier mais de July.
- July ? répéta bêtement Dylan.
Pourquoi devrait-il craindre July ? Elle n'avait pas l'air bien méchante, au contraire. Que pourrait-elle bien lui faire si jamais il venait à blesser Raven ?
- Tu vois, July adore Raven. Vraiment. En fait, elle le considère comme le frère qu'elle n'a jamais eu. Si elle pouvait, elle changerait son arbre généalogique et deviendrait sa sœur à la place de Stanford. Alors avec tout ce qu'il a enduré, elle est devenue surprotectrice envers lui et mieux vaut éviter de blesser Raven.
- Pense à sa copine comme à Docteur Jekyll et Mister Hyde. Si tu la mets de mauvaise humeur, elle va te démonter pièce par pièce et aucun docteur ne pourra te recoudre en un seul morceau.
Au même moment, July se retourna vers eux pour leur faire signe d'accélérer et Dylan déglutit. Il avait du mal à croire qu'une aussi jolie fille soit capable du pire mais il préférait éviter de la provoquer.
- Elle n'a aucun besoin d'acérer ses couteaux, répondit-il. Je ne prévois pas de faire de mal à Raven. Comme tu l'as dit, il a déjà enduré bien assez.
Les deux amis échangèrent un regard et Dylan se demanda ce qu'ils pensaient. Il avait envie d'être accepté dans leur groupe, de leur faire comprendre qu'il voulait vraiment aider Raven. Son ami avait besoin de soutien, d'un confident, d'une épaule. Dylan avait été tout ça. Il pouvait continuer à l'être. Il voulait l'être.
- Tu sais aussi pour ses parents ?
- Je sais ce que fait son père, admit-il prudemment.
- Ses parents... commença Sean. Ils sont flippants. Son père a jamais été très net et quand son fils prodige a été arrêté... Il a retourné sa colère sur Raven. Quant à sa mère... Je l'ai rencontrée qu'une fois et elle est... vide. Elle a aucune émotion. Elle se fout totalement de son fils, elle aime ni son mari ni ses enfants... Parce que je suis sûr qu'elle aimait pas Stanford même si Raven pense le contraire.
- Tu ne l'as rencontrée qu'une fois ? Et vous êtes amis depuis... ?
- Plus de dix ans. Ça en dit beaucoup sur eux, pas vrai ?
Dylan hocha la tête, secoué. Raven n'avait jamais eu de parents, en fait. Il savait qu'ils existaient mais ils ne s'étaient jamais occupé de lui. Il avait été comme un jouet que l'on abandonne au fond du coffre et qu'on oublie. Heureusement qu'il avait eu sa baby-sitter. Sans elle, Dylan doutait que Raven ait vécu aussi longtemps.
La discussion s'arrêta là et Sean partit ennuyer Raven en lui sautant sur le dos, manquant de le faire tomber et d'entraîner Deuce avec eux. Ils allèrent dans un Burger King pour le déjeuner et Dylan eut plus que hâte que les texans finissent de manger pour pouvoir partir. Il était coincé en bout de banquette, Deuce à côté de lui, collé à Raven, manquant à chaque mouvement de le faire tomber. Agacé, il finit par lui assener un grand coup de coude dans la hanche.
Par chance, l'étudiant repartit à l'association avec les gains qu'ils avaient fait et ils reprirent la route. Ricky remplaça Sean dans la voiture de Raven. July vola le siège passager à Dylan qui se retrouva à l'arrière avec Ricky, obligé de subir la musique qui hurlait et les faux frère et sœur qui hurlaient en chœur.
- Ne t'occupe pas de Deuce, lui glissa Ricky, penché sur lui. Il n'a aucune chance.
Dylan tourna la tête vers lui, ne voyant pas pourquoi il lui disait ça mais l'autre était penché entre les deux sièges, criant quelque chose à l'oreille de sa petite amie qui se mit à rire. Il s'appuya contre la portière et regarda par la fenêtre, ayant hâte de sortir de cette voiture.
Tim et Sean étaient déjà arrivés lorsque Raven les laissa descendre. Il jeta ses clés à Dylan et partit ramener sa voiture à Steven. Malgré lui, Dylan fut intimidé par la présence des quatre texans sans Raven pour faire tampon.
Heureusement, ils l'inclurent dans leur conversation comme s'ils se connaissaient depuis longtemps. Il se détendit et le reste de la soirée passa à toute vitesse, ponctuée de rires et de révélations sur Raven que Dylan se jurait d'utiliser contre lui à toutes les occasions possibles.
Il dormit avec eux dans le salon, enveloppé dans la couverture de Raven sur le canapé alors qu'ils étaient tous dans leurs sacs de couchage devant la télé. Il ne put s'empêcher de rire face à l'intrépide Raven Herron qui était recroquevillé autour de son oreiller, n'osant même pas regarder l'écran et qui ne cessait de houspiller ses amis qui avaient choisi un film d'horreur sachant qu'il mourrait de trouille.
En fait, Raven eut tellement la trouille qu'il garda Dylan éveillé une bonne partie de la nuit. Il finit par descendre du canapé pour s'installer à côté de lui. Raven se saisit de sa main et la garda serrée dans la sienne tout le temps qu'il dormit.
Lorsqu'il se réveilla, Raven lui tournait le dos mais tenait toujours sa main comme un enfant tient un doudou. Il y avait du bruit dans la pièce, lui donnant l'impression qu'il y avait au moins une personne réveillée. Il tenta de récupérer ses doigts pour pouvoir se lever aussi mais Raven râla dans son sommeil et ne fit que tirer un peu plus sur son bras. Dylan se retrouva collé au dos du texan, entièrement bloqué.
- Ça ne sert à rien, lui dit Tim. Tant qu'il ne sera pas réveillé, il ne te lâchera pas.
- Il fait ça à chaque fois ?
- Oui. Tu as de la chance qu'il ne tienne que ta main. La dernière fois qu'on l'a forcé à regarder un film d'horreur, il s'est vengé de moi pour l'avoir proposé en me serrant dans ses bras toute la nuit. J'ai cru suffoquer.
Dylan garda le silence, imaginant bien Raven réagir ainsi. Il ne se serait jamais attendu à ce que Raven entre tous puisse avoir une telle trouille devant un film d'horreur. C'était ridicule en sachant qu'il n'avait pas peur de se battre avec des inconnus bâtis comme des camionneurs.
- C'est ça, sa plus grande faiblesse, alors ? finit-il par demander. Les films d'horreur ?
- Oh, il en a d'autres, répondit Sean en bâillant. C'est juste la plus drôle à provoquer.
- Arrête de leur donner l'occasion de se moquer de moi, chéri, marmonna Raven en roulant sur lui-même pour lui faire face. Surtout quand je peux pas me défendre.
Ses amis se mirent à rire et Raven enfouit sa tête dans l'épaule de Dylan qui le regarda faire, lui donnant le temps de se réveiller complètement.
- Je vous déteste tous cordialement, finit-il par dire, son regard noir passant sur tous ses amis. Tous. Même toi, chéri. Tu les as laissé me traumatiser.
- C'était trop drôle pour que je les en empêche, avoua Dylan, luttant contre un rire.
- Ils t'ont converti !
Cette fois, Dylan se mit à rire. Son ami se comportait vraiment comme un enfant. C'était à la fois ridicule et adorable. En dépit de tout ce qui lui était arrivé, Raven avait gardé au fond de lui une part d'innocence qui lui allait bien, qui cassait son image de mauvais garçon. Dylan devait admettre avoir un point faible pour l'enfant qui se cachait en Raven.
Ils prirent un brunch – que leur cuisinier favori refusa de préparer en guise de vengeance – et ils allèrent faire un tour dans le quartier pour donner aux texans de voir où vivait désormais Raven. Ils s'arrêtèrent au parc et Dylan les regarda s'amuser sur les jeux qui n'étaient pas censés accueillir des enfants de plus de dix ans.
Il resta assis sur une balançoire en attendant. Ça ne le dérangeait pas, au contraire. Il préférait ça. Il appréciait Sean, Tim, Ricky et July mais ils étaient les amis de Raven et ce dernier avait besoin de les retrouver. Malgré tout, Raven vint prendre le second siège et se balança à côté de lui.
- Ils t'ont adopté. Vu tous les secrets qu'ils révèlent sans sourciller, tu fais partie de la bande, maintenant.
- Ils t'ont beaucoup manqué, répondit simplement Dylan.
- C'est vrai. Ça me fait du bien de pouvoir passer du temps avec eux même si ce n'est plus pareil. Ça me booste. Je vais pouvoir affronter l'interminable ennui des cours avec un regain d'énergie et de nouvelles idées pour mettre un peu d'ambiance !
Dylan sourit en secouant la tête.
- Trouve déjà ce que tu vas présenter au Talents Show. Il est trop tard pour que je puisse te tirer de là maintenant.
- Je vais trouver. J'ai encore trois jours pour ça.
- Tu vas participer à un Talents Show, Rave ? Sérieusement ? s'exclama Sean, riant déjà à moitié.
- J'ai rien demandé, je te ferais savoir. C'est l'autre bécasse qui m'a inscrit sans me demander mon avis et le directeur a trouvé ça super intelligent de refuser de me retirer de la liste. Du coup, il faut que je trouve quelque chose pour lui rabattre la caquet.
- Tu as toujours ta guitare ? interrogea July.
Dylan vit Raven se durcir alors qu'il secouait la tête avec vigueur.
- Tu sais très bien que je ne peux pas.
- Mais si, tu peux ! insista Ricky. C'est plus la sixième et c'est pas pareil !
- Quelqu'un pour m'expliquer ?
Tim s'assit sur la bordure en bois qui entourait le bac à sable où était plantée la balançoire.
- En sixième, on avait classe de musique et...
- Et j'ai subi la pire humiliation de ma vie. Pendant un an, grinça Raven.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Sa voix a commencé à muer, reprit Tim. Quand il chantait... C'était atroce. Tout le monde s'est moqué de lui et depuis, il ne peut plus chanter en public. Enfin, il peut mais seulement si le public, ce sont ses amis. Et pourtant, il chante bien.
- Bizarrement, ça ne m'étonne même pas qu'il sache chanter. Je commence à croire qu'il sait tout faire.
- Faux, objecta Sean avec un rictus moqueur. Il est incapable de lire un livre ou une BD ou quoi que ce soit. S'il doit rester assis à se concentrer sur quelque chose, il réussit pas. Il peut rester allongé des heures sous une voiture pour la réparer mais tu ne le verras jamais avec un livre ou un magazine dans les mains. Même les livres de recettes, il arrive à peine à les lire.
- Je connais enfin ta faille, se moqua Dylan en poussant Raven.
- Je compte sur toi pour en abuser, chéri, riposta l'autre.
Ils échangèrent un sourire complice. July vint s'asseoir sur les genoux de Raven, rompant le charme.
- Pour en revenir à ce concours, tu peux le faire, Rave. J'en suis sûre.
- Tu te trompes. Je n'y arriverai pas. Ça fait des mois que je n'ai pas joué, en plus.
- Rentrons et voyons si tu es si rouillé que ça, lança Ricky.
Aucun ne laissa le moindre répit à Raven et Dylan était curieux de voir ce que ça allait donner. Ils s'installèrent dans le salon, en arc de cercle, faisant face au canapé où Raven était assis avec une guitare poussiéreuse qu'il avait été récupérer dans son grenier.
Il ne put que remarquer l'allure qu'avait Raven avec l'instrument sur les genoux, penché dessus pour le régler, les cheveux lui tombant sur le visage. Son stress était palpable et cela se ressentit dans ses premières notes.
- Ne sois pas aussi stressé, tout va bien se passer, lui dit Tim. On est entre amis.
Raven inspira profondément plusieurs fois avant de retenter de jouer. Il fit couler une mélodie familière mais dont Dylan était incapable de savoir d'où il la connaissait. Il jouait bien, retrouvant son assurance au fur et à mesure que la musique lui glissait entre les doigts.
Il s'arrêta au bout d'un moment et ses amis le poussèrent à chanter, l'encourageant doucement, lui manifestant un soutien sans faille. Dylan se contenta d'attendre, de l'observer pendant qu'il rassemblait son courage. Il lut le trac dans son regard. Raven avait réellement peur d'échouer et c'était presque douloureux à voir. Il ne se serait jamais attendu à voir une telle vulnérabilité chez le texan qui se montrait toujours si vantard et confiant.
Il offrit un léger sourire rassurant à Raven, une promesse silencieuse de ne pas se moquer de lui s'il venait à ne pas y arriver. Mais il savait que ça ne serait pas le cas. Il l'avait écouté jouer. Il avait le sens de la musique.
Finalement, Raven céda et commença une nouvelle mélodie à la guitare, plus douce et mélodieuse que la précédente. Il ferma les yeux et, au bout d'une dizaine de secondes, sa voix s'éleva doucement, légèrement tremblante, doutant d'elle-même. Il prit confiance dès les premières phrases et les paroles s'envolèrent de sa bouche, puissantes, frappant Dylan en plein cœur.
Will our stars ever align ?
Will two hearts beat in time ?
These words you should always remember
To you, my heart I surrender
Chasing love that can never be mine
Maybe one day you'll realize
These words you should always remember
To you, my heart I surrender
My heart I surrender...
La chanson continua, le happant dans cette histoire d'amour non réciproque qui faisait souffrir l'auteur qui abandonnait son cœur à la personne qu'il aimait. La voix de Raven transmettait une émotion puissante qui rendit Dylan incapable de se détourner de lui. Il ne pouvait qu'admirer le charisme mêlé d'une séduction inconsciente qu'exsudait son ami. Son cœur battait fort dans sa poitrine, plus fort qu'il n'avait jamais battu, alors qu'il regardait Raven.
Il ne put s'empêcher se demander si Raven pensait à quelqu'un en chantant cette chanson. S'il était possible que ce séducteur soit finalement tombé amoureux de quelqu'un. Et si c'était le cas, ce qui ne lui plaisait pas étrangement, qui était-ce ? Quel genre de personne pouvait avoir réussi à ravir le cœur fragile et volatile de Raven ?
La musique s'évanouit sur la dernière phrase de la chanson, ne laissant que la voix pure de Raven. Un silence suivit sa performance. Il ne releva la tête que lorsque ses amis se mirent à applaudir bruyamment, le félicitant à grands cris.
À côté, Dylan était figé. Il regarda son ami sourire avec un soulagement apparent, repousser ses cheveux hors de son visage, dévoilant l'étincelle heureuse dans ses yeux.
Et son cœur n'arrêtait pas de tambouriner dans sa poitrine.
En cet instant précis, durant ce court silence qui avait suivi la chanson de Raven, il avait compris. Il connaissait enfin la raison derrière ses propres réactions qu'il n'avait pas comprises jusque là.
Sans s'en rendre compte, sans savoir quand...
Il était tombé amoureux de Raven.
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NdlA : Elle est magnifique, cette chanson, vous ne trouvez pas ? 😇😇
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