Chapitre 35 : Raven
Il avait été excité à l'idée de travailler sur la voiture mais ce n'était rien comparé à ce qu'il ressentait maintenant. À présent qu'il avait vu la voiture, cette merveilleuse Ford Mustang, il fallait qu'il la restaure, qu'il la remette en état et la fasse rouler. Il n'était plus seulement question d'aider Dylan, d'aider pour le cadeau d'Amanda. Désormais, il était question d'une œuvre d'art de l'automobile à faire resplendir comme à la sortie de l'usine.
Il n'en revenait pas que les Goodwind possédaient un tel bijou dans leur garage et l'avait laissé prendre la poussière. Il prit un chiffon sur l'étagère derrière lui et frotta la portière, tentant de redécouvrir la peinture dessous. Il allait falloir lui redonner un coup de peinture après avoir tout remis en état. Elle aurait aussi besoin de nouveaux sièges. Le cuir était usé, la banquette arrière était même fendue par endroits. Le reste semblait à peu près en état.
Par contre, sous le capot, c'était une autre histoire. Il ne s'était pas étalé dans les détails avec Dylan. Il savait que l'autre ne comprendrait rien à son jargon. Autant lui épargner un mal de crâne et ne lui donner qu'un os à ronger. Parce que la voiture avait souffert mais, s'ils trouvaient les pièces dont il avait besoin, la voiture serait prête pour l'anniversaire d'Amanda.
Il resta caché dans le garage aussi longtemps qu'il le put, n'ayant aucune envie de rentrer chez lui. Il ignorait si ses parents seraient encore là pour le déjeuner ou non. Ce qu'il risquait s'il rentrait avant qu'ils soient partis. Il ne voulait pas les voir. Il voulait continuer à vivre comme s'ils étaient morts et qu'il était orphelin. C'était plus simple pour lui, plus facile. Ça lui épargnait la pensée qu'il devait fuir ses propres parents pour ne pas se faire tabasser.
Il s'assit derrière le volant de la Mustang, imaginant ce que ça serait de la conduire. Un rêve. Un véritable rêve devenu réalité.
Il tressaillit lorsque son téléphone sonna dans sa poche. Un sourire vint étirer ses lèvres alors qu'il décrochait.
- Hey, mec, lança-t-il. Tu me téléphones étonnamment tôt pour un dimanche matin.
- Je sais, je sais, répondit Sean, ayant l'air impossiblement sobre. C'est juste que j'ai pas dormi, pour dire. Et je me doutais que tu serais réveillé puisque t'es devenu bien trop sage à mon goût.
- Je dois prendre ça comme une insulte ?
- Sûrement. Ça t'a jamais ressemblé de rester dans le rang. T'as beau être un mec super, c'est pas toi de rester dans le rang.
- Je suppose que ce n'est pas pour m'insulter que tu m'as appelé. Qu'est-ce qu'il se passe ?
Sean laissa un silence.
- Je suis dans la merde, Rave. Je sais pas pourquoi j'ai fait ça mais je l'ai fait et je peux même pas dire que c'est parce que j'étais beurré parce que je l'étais pas.
- Ça ne me dit pas ce que tu as fait.
- J'ai... J'ai embrassé quelqu'un. Quelqu'un que j'aurais pas dû embrasser.
Raven eut la sensation que ça allait bien plus loin qu'un simple baiser avec quelqu'un qu'il n'aurait pas dû embrasser. C'était autre chose. C'était plus profond. Il pouvait l'entendre rien qu'à la voix de son meilleur ami.
- Qui ?
- Tu me croiras pas si je te le dis.
- Balance. Tant que tu ne me dis pas July, je pourrais y croire.
- C'est pas July. Carrément pas.
Il y eut une pause et Raven donna le temps à Sean de trouver les mots, de trouver le courage d'avouer.
- C'était un mec, Rave. J'ai embrassé un mec.
Ça, c'était un choc. Il ne l'avait pas vue venir. Sean ? Embrasser un garçon ? Ça paraissait plus qu'impossible aux yeux de Raven. D'abord, il n'avait jamais été intéressé et l'avait toujours fait savoir, ensuite, avec la famille qu'il avait, ça rendait l'éventualité encore plus mince. Si ses parents l'apprenaient, ils allaient l'envoyer dans le premier camp religieux qu'ils trouveraient. Ils étaient plus ou moins laxistes sur les amis de leurs enfants mais si l'un des deux venaient à aller contre la religion... La chanson ne serait plus la même.
- Quelqu'un que je connais ?
- Noah.
- Je n'aurais pas pensé à Noah mais il est plutôt canon.
- C'est tout ce que tu retiens ? Que Noah est canon ?
- Tu as embrassé un mec, Sean. Ce n'est pas une fatalité. Tu ne vas pas en mourir.
- Y'a pas que ça, Rave. C'est pas juste que je l'ai embrassé.
- Tu as couché avec Noah Miller ?!
- Non mais ça va pas ?! Si j'avais couché avec lui, je te l'aurais dit directement !
- Alors quoi ? T'as aimé l'embrasser ?
- Ouais...
Raven ne fut même pas surpris. Noah savait embrasser. Le reste était beaucoup moins bien mais bon sang, ce petit enfoiré savait embrasser.
- Ce n'est pas la fin du monde, Sean. Ce n'était qu'un baiser.
- Pas quand t'en as envie depuis un moment et certainement pas quand t'as envie de recommencer...
Il se redressa, sincèrement surpris par ce qu'il entendait. Sean ? Sean avait eu envie d'embrasser Noah ? Sean avait envie de recommencer ? S'il n'avait pas entendu les mots sortir de la bouche de son ami, il aurait cru à une blague. Une très mauvaise et très peu crédible blague. Mais Sean lui-même venait de le dire. D'avouer avoir voulu ce qui était arrivé et de le voir encore. Et Raven ne savait pas comment gérer cette révélation.
Pour lui, les choses avaient été simples. Il n'avait eu de compte à rendre à personne. Il n'avait jamais prêté attention à ce que l'on pensait de lui. Il ne s'était jamais pris la tête lorsqu'il avait échangé son premier baiser avec un autre garçon. Lorsqu'il avait couché avec un autre garçon. Il n'avait pas pensé à la réaction de ses parents, de ses amis. Il l'avait voulu, il l'avait fait. Ça s'était résumé à ça.
Pour Sean, la donne était différente. Ses parents n'accepteraient pas un « comportement déviant » comme ils disaient. Pour eux, Sean renierait leurs croyances, leur religion, leur Dieu. Leur fils n'était pas particulièrement croyant mais il aimait ses parents et les respectait. Raven n'osait imaginer la terreur et l'angoisse que devait ressentir Sean en cet instant.
Raven savait ce que ce baiser et tout ce qu'il y avait autour signifiait. Sean était attiré par Noah. Que ce soit romantiquement ou sexuellement, il était attiré par lui et ne parvenait plus à le nier. Cela signifiait-il que Sean était homosexuel ? Pas forcément. Ricky en était la preuve vivante. Il avait eu des relations avec des garçons et pourtant, il était en couple avec une fille et il était heureux.
Cependant, Sean ne devait pas penser logiquement et calmement. Son esprit devait être en train d'imploser.
- Tout ce que ça veut dire, c'est que Noah te plaît. Ça n'a rien de définitif. Vois ça comme de la curiosité.
- Pourquoi je voudrais recommencer si c'est juste de la curiosité ?
- Parce que t'as aimé. Il faut dire que Noah embrasse sacrément bien. Il n'en a pas l'air mais il sait y faire, l'enfoiré.
- Ah oui, c'est vrai, tu as pris ce chemin.
- Yep. J'ai fait toute la route et je n'ai pas été impressionné parce qu'il a offrir. Mais ce n'est pas de ça qu'on parlait. Pour l'instant, tu n'as pas à t'inquiéter et à te faire des films. Ce n'est pas parce que tu as aimé embrasser Noah que tu es gay. Tout le monde aime embrasser Noah.
- Tu crois ?
- J'en suis sûr. Le jour où tu tomberas amoureux, là, ça sera plus inquiétant. Mais un baiser, c'est rien. Regarde Ricky. Combien de mecs a-t-il embrassé pour, au final, finir avec July ?
- Beaucoup, admit son ami.
- Alors arrête de te monter la tête et relaxe. Embrasse Noah si tu en as envie. Tu ne finiras pas grillé sur le barbecue de Lucifer pour avoir embrassé Noah.
Il tourna la tête en entendant quelqu'un étouffer un rire. Dylan était dans l'entrée, la main sur la bouche, les yeux plissés par le rire. Raven haussa les épaules, se sentant sourire à son tour.
- Va dire ça à mes parents.
- Tu leur fais la liste des gens que tu embrasses ? Pas que je sache. Alors pourquoi tu aurais besoin d'aller leur dire ? Ce qu'ils ignorent ne leur fait pas de mal.
- Et s'ils l'apprennent ?
- Pourquoi ils l'apprendraient ? Ce qui se passe en soirée reste en soirée. Et si tu veux le voir en dehors, fais attention.
- Je sais pas ce que je dois faire.
- Tu dois arrêter de te prendre la tête et d'avoir peur. Laisse-toi aller. Pense à toi, pour le moment. Pense à ce que tu ressens, à ce que tu veux. Essaie. Qu'est-ce que tu as à perdre ?
- Ma famille ?
- Tes parents seront furieux sur le moment et ils t'enverront sûrement dans un camp au milieu des bois avec des rats d'église mais ils ne te renieront pas s'il s'avère que tu préfères embrasser des mecs plutôt que des filles. Ou même les deux. Ce que tu dois voir, c'est que c'est qui tu es au plus profond de toi. Tu es la seule personne qui va devoir vivre avec toi-même jusqu'à ta mort. Tu t'imagines renier une part de toi toute entière pour quelqu'un d'autre ? Tu t'imagines pouvoir être heureux sans pouvoir être libre d'être qui tu es ?
Sean ne répondit pas et Raven entendit le sommier grincer. Il avait oublié que ses parents étaient à l'église et qu'il pouvait parler librement sans redouter d'être entendu.
- Sérieusement, Sean, sois toi-même. Que cela signifie continuer à embrasser Noah ou non. Et si tes parents essaient de te faire exorciser, tu connais mon adresse.
Cette fois, Sean se mit à rire.
- En vrai, avec les mecs, on pensait prendre une semaine et venir te voir. Partir le mercredi soir et arriver le samedi dans la matinée, passer le week-end et repartir le lundi matin puisque monsieur va au lycée, maintenant.
- Ça serait génial. Sérieusement. Ça serait démentiel si vous pouviez venir.
- Ça devrait pouvoir s'arranger. Mes parents vont pas être ravis mais une fois que je serai dans la voiture, c'est pas comme s'ils auront encore leur mot à dire. Et puis, ça me donnera du temps pour réfléchir au cas Noah.
- Il n'y a rien de mieux qu'un road trip pour t'éclaircir les idées.
- Tu as intérêt à l'amener. Je veux rencontrer ce type qui réussit à te faire aller au lycée à l'heure et qui t'a transformé en guimauve.
- Je ne vois pas de quoi tu parles, répliqua Raven, embarrassé.
- Non, bien sûr que non ! Ça avance avec lui ou pas ?
- Ça... stagne, je dirais.
- Oh. On verra ça le week-end prochain ! J'ai hâte de le rencontrer ! Celui qui a réussi le braquage le plus impressionnant de l'année.
- Un braquage ? T'appelles ça un braquage ?
- Avec toi, c'en est un !
Outré, Raven ne sut pas quoi répondre. Dylan toqua à la porte pour attirer à nouveau son attention et lui fit signe que le déjeuner était prêt.
- Je dois y aller, mec.
- Déjà ?
- Je suis pas chez moi, admit Raven. Et son Altesse m'attend pour manger.
Dylan lui jeta un regard noir, un sourcil haussé, croisant les bras. Raven lui répondit par son sourire le plus innocent en sortant de la voiture.
- J'en connais un qui a découché !
- En effet. Il ne peut plus se passer de moi !
Dylan lui jeta le torchon qu'il avait dans les mains et lui claqua la porte du garage au nez sans répondre.
- Il faut que tu l'amènes le week-end prochain, Rave. Je veux le voir te remballer en direct !
- Enfoiré !
Sean se mit à rire et Raven raccrocha. Ses amis adoraient vraiment se moquer de lui, Sean plus que les autres. Au fond, ça ne l'étonnait pas. Il faisait tout pour ça. Pour amuser le monde. Quand il faisait le pitre, personne ne cherchait à voir plus loin que son sourire. Personne ne cherchait à gratter la surface et à chercher ce qui se cachait réellement dessous.
Dylan était le premier à dépasser les premières couches et à creuser plus loin. Était-ce parce qu'il n'était pas là pour assister aux événements ? Était-ce parce qu'il était ce genre d'ami qui cherche à aider et à soigner ? Ou était-ce encore autre chose ?
- C'était Sean ? lui demanda simplement Dylan lorsqu'il entra dans la cuisine.
- Oh, chéri, tu connais déjà mes amis sans les avoir encore rencontrés, je suis impressionné.
- J'ai juste fait une déduction logique. Rien de plus. Lave-toi les mains avant de te mettre à table.
- Tu as fait une bonne supposition, alors.
- Dois-je demander pourquoi tu lui as dit qu'il ne finirait pas grillé sur le barbecue de Lucifer ou aurais-je trop peur de la réponse ?
Raven sourit en secouant la tête.
- Sean a embrassé un mec et il est en train de flipper parce que ses parents sont croyants et qu'il a peur de leur réaction s'ils l'apprennent. Il n'a pas tant peur d'avoir aimé embrasser un mec mais de ce que ses parents en diront. Après, son premier baiser avec un mec a eu lieu avec Noah alors je ne suis pas franchement étonné qu'il ait envie de recommencer.
- Pourquoi ?
- Parce que Noah sait embrasser comme personne.
Dylan se tourna vers lui avec une expression étrange sur le visage.
- Tu l'as embrassé aussi ?
- Noah ? Oui.
- Et tu as sûrement été plus loin.
- Ça aussi. J'aurais dû éviter parce que ça m'a tout gâché. S'il sait embrasser, le reste, c'est pas son fort. Il est chiant à mourir.
- Un simple « oui » aurait suffi.
Il haussa les épaules en se laissant tomber sur sa chaise. Il servit leurs deux assiettes.
- Si tu trouves que ça, c'est trop d'informations, attends de les rencontrer la semaine prochaine ! Tu ne vas pas être déçu !
- Les rencontrer ?
- Sean vient de me dire qu'ils vont prendre la route mercredi soir pour arriver samedi et passer le week-end. Évidemment, tu es invité. Ils veulent te rencontrer.
- Parce que tu leur as parlé de moi ?
- Comment aurais-je pu ne pas leur parler de toi, chéri ? Ne sais-tu pas que tu es mon seul sujet de conversation ?
- Pourquoi ai-je posé la question... ?
Raven se contenta de lui sourire en guise de réponse. Il avait hâte de revoir ses amis, de passer du temps avec eux, de prendre de leurs nouvelles, de retrouver un semblant de normalité. Ils lui manquaient plus qu'il ne le leur avouerait.
- Et pour l'association ? Et la casse ?
L'enthousiasme de Raven retomba comme un soufflé. Il avait oublié cette partie pendant un moment. Et puis, il haussa les épaules.
- On s'arrangera. Connaissant les mecs, on ne restera pas enfermés chez moi. Il leur est arrivé de m'accompagner quand j'allais à l'association que fréquentait Maria. Ils ne devraient pas rechigner à venir vendre des cookies avec nous. En plus, ça leur donnera l'occasion de revoir Deuce. Quant aux casses, on peut les faire tous ensemble. Ça nous permettra de couvrir plus de terrain. Tout se goupillera, j'en suis sûr.
- Au pire, tu peux rester avec tes amis pour un week-end, tu sais.
- Tu ne les connais pas encore mais tu verras qu'ils voudront participer. Ils ne sont pas le genre à rester assis autour d'une table avec une bière à discuter. Ils préfèrent bouger. Ils seront partants.
Si Dylan continuait de paraître dubitatif, Raven n'avait aucun doute. Le week-end prochain allait être génial et rien ni personne ne pourrait le gâcher.
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NdlA : Alors ? Ce chapitre ? Qu'est-ce que vous en avez pensé ?
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