Chapitre 34 : Dylan
Lorsqu'il se réveilla, Dylan cligna des yeux, cherchant à comprendre ce qu'il s epassait. Raven était encore profondément endormi, son visage à quelques millimètres du sien, les mains coincées entre eux alors que les bras de Dylan étaient enroulés autour de sa taille. Comment en étaient-ils arrivés à se retrouver imbriqués comme deux pièces de puzzle alors qu'il y avait eu la place de mettre quelqu'un entre eux lorsqu'ils s'étaient endormis ? Le plus embarrassant était qu'il ne pouvait pas blâmer Raven puisque c'était lui qui le tenait fermement dans ses bras.
Il récupéra ses bras et roula sur le dos pour regarder les étoiles qui luisaient encore légèrement dans la pénombre. Viendrait un temps où elles cesseraient de briller et où elles ne seraient plus que des stickers au plafond.
Il repensa à leur discussion de la veille. À toutes les confessions qu'ils avaient échangé. Il ne s'était pas senti embarrassé d'admettre qu'il avait été harcelé au collège. Que tout venait d'une fille. La plupart des gens se seraient moqués de lui mais pas Raven. Son ami s'était contenté d'écouter. Il ne l'avait pas jugé, ne s'était pas moqué. Il avait simplement écouté.
Ce qui brisait le cœur de Dylan, c'était que Raven se noyait. Il le sentait. Il était en train de perdre pied à cause de ses parents, de son passé. Il souffrait plus qu'il ne laissait quiconque le voir. Il gardait tant de souffrance, tant d'incompréhension en lui qu'il suffoquait. Il avait pris l'habitude de se taire, de tout garder pour lui et ça commençait à déborder.
Et tout ce que Dylan pouvait faire pour lui, c'était d'être là pour le tenir pendant qu'il s'effondrait. Pour l'écouter lorsqu'il s'ouvrait, même un tout petit peu. Il se doutait que Raven n'aborderait aucun des sujets de la veille au soir, qu'il ferait comme s'il ne s'était rien passé. Il était si peu habitué à s'ouvrir qu'il ne saurait pas gérer la situation autrement.
Dylan se demandait si Raven s'était déjà ouvert à ses amis du Texas aussi profondément qu'il l'avait fait la veille. Il avait tendance à penser que non. Il ne connaissait pas les amis du texan mais il sentait qu'aucun n'était du genre émotif ou à écouter les souffrances de l'un des leurs. Ils étaient sûrement très proches et très liés mais il était à peu près certain qu'aucun n'osait aller creuser en profondeur comme Raven et lui l'avaient fait.
Il finit par se lever, veillant à ne pas réveiller son ami qui marmonna quelque chose en roulant sur lui-même, entraînant la couverture avec lui. Il se sentit sourire malgré lui. Raven avait l'air détendu, calme. Pas comme lorsqu'il avait dormi chez lui et que l'autre avait passé sa nuit à pleurer dans son sommeil. Visiblement, leur discussion lui avait fait du bien et c'était tout ce qui comptait.
Il retrouva sa mère dans la cuisine, assise en silence devant sa tasse de café. Elle lui offrit un sourire en le voyant arriver. Il alla déposer un baiser sur sa joue avant d'aller se préparer son propre café et de s'asseoir en face d'elle.
- Raven dort encore ? lui demanda-t-elle.
Il hocha la tête.
- Comme une masse.
Elle eut un sourire triste qui le fit froncer les sourcils. Se pouvait-il que sa mère sache quelque chose ? Que les secrets de Raven soient éventés ?
- C'est vraiment un garçon adorable et pourtant... Il y a un tel manque d'affection en lui que ça me brise le cœur. Je n'ai pas l'impression que ses parents s'occupent correctement de lui. Qu'ils le laissent livré à lui-même bien trop souvent.
- Comment peux-tu savoir ça ?
- Parce que je suis une mère et les mères, ça sait toujours tout.
Dylan sourit derrière sa tasse. Avant de faire la grimace tant le café était mauvais. Il le reposa sur la table et l'éloigna de lui.
- Mon Dieu ! Mon fils ne sait même pas se préparer son propre café !
Il rougit de honte en lui jetant un regard noir. Elle tendit la main par-dessus la table pour lui ébouriffer les cheveux. Il râla pour la forme, loin d'être dérangé par l'affection maternelle. En sachant combien Raven en était dépourvu, il était bien décidé à profiter de chaque seconde avec sa mère et de la chérir au maximum.
- Tu fais du bon travail sur Raven. Depuis la dernière fois, il a l'air d'aller mieux.
- J'essaie. Il garde tout pour lui.
- C'est un mécanisme de survie, de tout garder pour soi. Lorsque l'on est livré à soi-même trop jeune, lorsqu'il n'y a personne pour nous prêter une épaule ou une oreille, on balaie toutes nos peines, toutes nos colères sous le tapis et on les laisse moisir et ronger tout ce qui est sain en tournant la tête. On prétend que ça n'existe pas et on continue à avancer. C'est ce que fait Raven. Ses parents sont absents, il est seul et, avant toi, il ne devait pas avoir quelqu'un à qui se confier aussi ouvertement qui accepte de l'écouter et de l'aider.
Dylan demeura silencieux, les mains enroulées autour de sa tasse de café infect. Sa mère avait sûrement raison. Ça confirmait tout ce qu'il pensait. Que même ses meilleurs amis n'avaient pas été à la hauteur.
Il releva les yeux vers sa mère lorsqu'elle posa ses mains sur les siennes avec un sourire.
- Ne te torture pas l'esprit, Dylan. Laisse-toi aller et sois là pour lui. Rien de plus. Cesse de voir les choses avec ton cerveau et essaie de voir avec ton cœur.
Elle se leva et embrassa son front avant de monter à l'étage. Il la regarda partir et soupira. Il leva sa tasse avant de se souvenir à quel point il avait mal préparé son café. Il grimaça en reposant sa tasse.
- Pourquoi ta mère m'a-t-elle supplié de te faire du café ?
Il tressaillit en entendant la voix de Raven. Le texan entra dans la cuisine, l'air encore à moitié endormi.
- Parce qu'elle adore m'embarrasser, répondit simplement Dylan en allant vider sa tasse dans l'évier.
Raven arriva à côté de lui et la lui prit des mains, lui donnant un coup de hanche pour le faire reculer.
- Va t'asseoir, Calimity Jane.
Dylan céda, laissant Raven s'occuper de son café. Il l'observa bouger dans la cuisine comme s'il la connaissait déjà par cœur. Il habitait ici depuis qu'il était enfant et pourtant, il lui arrivait encore de chercher dans les placards lorsqu'il avait besoin de quelque chose. Et Raven osait prétendre être un idiot... Il était sûrement plus intelligent que lui !
- Et voici pour son Altesse, se moqua Raven en déposant un café fumant devant lui.
Il but une gorgée et soupira. Il était parfait. Avec juste les bonnes quantités de lait et de sucre pour qu'il puisse le boire.
- Je ne sais pas comment tu fais pour le réussir à chaque fois alors que j'en suis incapable.
- J'ai un secret. Un petit ingrédient qui fait toute la différence.
- Lequel ?
- C'est un secret, chéri. Si je te le dis, à quoi bon ?
Dylan roula des yeux et but une nouvelle gorgée de son café, appréciant la chaleur se répandant en lui. Il ne tenta pas de trouver l'ingrédient secret de Raven, préférant garder le mystère et continuer de donner l'occasion à son ami de le lui préparer.
- Qu'est-ce que tu veux manger ?
- Il n'y a pas grand-chose à manger, ici. Pas comme chez toi.
- On peut toujours préparer quelque chose avec le minimum d'ingrédients.
- Fais comme chez toi, alors. Surprends-moi.
- Vos désirs sont des ordres, Altesse.
Curieux, Dylan s'installa en travers de sa chaise pour regarder Raven sortir ce dont il avait besoin des placards et commencer à préparer le petit-déjeuner. Ils tournèrent tous les deux la tête lorsque sa mère revint dans la cuisine, prête à aller travailler.
- N'as-tu donc pas honte de laisser Raven te préparer un petit-déjeuner alors que c'est lui l'invité ?
- Il connaît mieux la cuisine que moi, répliqua Dylan. Et sûrement mieux que toi aussi.
- Ça ne me dérange pas, ajouta Raven.
- Tu vois ? Ça ne le dérange pas.
Il grimaça lorsque sa mère lui assena un coup à l'arrière de la tête, déclenchant un sourire chez Raven. Malgré tout, elle reprit sa place à la table de la cuisine, face à Dylan, discutant avec Raven sans s'occuper de son propre fils.
Une dizaine de minutes plus tard, Raven déposait devant eux deux bols remplis de ce qui ressemblait à du gâteau.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Le mug cake le plus improvisé que j'ai jamais fait, répondit Raven.
- Tu es certain que c'est mangeable ?
- C'est absolument délicieux ! s'exclama sa mère, ravie et surprise.
Dylan prit une bouchée et sentit le gâteau fondre sur sa langue, libérant un fort arôme de chocolat. Raven vint s'installer à côté d'eux et ils prirent leur petit-déjeuner en parlant à peine, préférant savourer l'improvisation de leur invité.
Sa mère termina son mug cake en quelques secondes et se leva, se rendant compte qu'elle allait être en retard pour prendre son bus. Elle embrassa les deux garçons avant de partir laissant la porte se refermer derrière elle.
- Elle travaille aussi le dimanche ?
- Elle fait la plonge dans un restaurant à quelques kilomètres d'ici.
- Ça nous donne le temps de regarder à sa voiture. Je doute de pouvoir faire quoi que ce soit aujourd'hui mais je peux toujours évaluer les dégâts.
Dylan tourna la tête vers lui, surpris. Il avait oublié qu'ils avaient parlé de ça, que Raven avait proposé de regarder à la voiture pour leur épargner un voyage chez le garagiste. Il n'avait pas pensé qu'il s'en souvenait ou qu'il voulait toujours le faire. Il n'avait pas osé le lui rappeler. Raven était déjà occupé par l'association et ses propres problèmes.
Mais, évidemment, c'était ne pas connaître Raven que de croire qu'il ne reviendrait pas sur cette idée. Surtout que c'était un domaine qu'il maîtrisait. Ou qu'il disait maîtriser, du moins.
- Tu n'es pas obligé, on peut se débrouiller.
- Laisse-moi juste prendre une douche. Je sens toujours la pizza et je vais faire une overdose.
Dylan se mit à rire malgré lui. Raven se leva et repartit à l'étage, le laissant seul dans la cuisine. Il termina son mug cake et fit la vaisselle en attendant que Raven redescende. Il tressaillit lorsque Raven revint, en râlant.
- Mes fringues sentent encore le fromage et le pepperoni.
- Pourquoi tu les as remis ?
- Si je dois regarder à la voiture, je risque de finir avec des taches et je préfère éviter de couvrir tes vêtements de cambouis.
- La voiture est dans le garage.
Dylan ouvrit la voie jusqu'au garage. Ça faisait plusieurs mois que personne n'y était entré. Lorsqu'il ouvrit la porte, une odeur lourde de poussière le prit à la gorge. Il agita la main pour tenter de récupérer un peu d'air frais. Il dut tâtonner pour trouver l'interrupteur et illuminer la pièce.
Il redécouvrit le garage avec ses longues étagères couvertes de bric à brac et couvertes d'une épaisse couche de poussière. La vieille voiture de ses parents gisait au milieu, plus abîmée et usée qu'il ne s'en souvenait. Il avait beaucoup de souvenirs dans cette voiture. C'était bizarre de la voir ainsi décrépite, en train de tomber en morceaux. Si Raven pouvait réellement sauver cette voiture, ça serait un miracle.
- Oh. Mon. Dieu ! s'exclama Raven en s'approchant de la voiture. Oh, mon Dieu !
- Quoi ? Qu'est-ce qui t'arrive ?
- Tu te rends compte de ce que tu as dans ton garage ?! C'est une Ford Mustang de 66, Dylan !
Loin d'être perturbé par la saleté qui couvrait la voiture, Raven fit glisser ses doigts sur la portière, une expression emplie de révérence alors qu'il tournait autour de la voiture.
- C'est une voiture, Raven. Une vieille voiture.
- Ce n'est pas qu'une vieille voiture. C'est une Ford Mustang de la première génération, c'est la plus belle voiture américaine de tous les temps !
- C'est bien ce que je dis, c'est une voiture.
Raven lui jeta un regard consterné avant de se ré-intéresser à la voiture. C'était la première fois que Dylan lui voyait une telle expression. Il semblait totalement subjugué, séduit par la voiture, excité comme un gamin devant un nouveau jouet.
- Tu peux être sûr que je vais te remettre à neuf, ma belle, l'entendit-il murmurer. Tu vas resplendir une fois que j'en aurais fini avec toi.
- Tu parles sérieusement à une voiture ?
Raven vint le prendre par les épaules et le regarda droit dans les yeux.
- C'est un véritable trésor que tu as dans son garage, Dylan ! Un vrai trésor ! Cette beauté mérite bien plus de respect.
- Donc tu vas essayer de la réparer ?
- Peu importe ce qui ne va pas avec cette voiture, tu peux être certain que je vais le réparer. Elle va filer au vent comme durant sa prime jeunesse !
Dylan soupira et l'observa retourner vers la voiture, chasser la poussière pour pouvoir regarder à l'intérieur. Il alla chercher les clés de la voiture et ouvrit les portières, laissant Raven ouvrir les portières et le capot. Il s'appuya contre le mur, observant son ami s'immerger dans la mécanique, semblant analyser tout ce qu'il voyait.
- J'aurais besoin d'un papier et d'un crayon, s'il te plaît. Pour noter tout ce qui cloche.
- Je reviens.
Dylan lui ramena un bloc-notes et un crayon où il nota une liste qui ne fit que s'allonger de choses qui ne lui disaient absolument rien.
- Tu penses pouvoir la sauver ?
- Oh, oui, je peux la sauver. Avec un peu de chance, comme c'est une vieille voiture, on pourra trouver les pièces dans une casse. Il n'y a pas de dégâts majeurs si ce n'est l'inducteur qui a sacrément souffert. Il faut juste changer une poignée de pièces pour qu'elle roule mais je préfère pousser un peu plus pour que la sécurité soit maximale et qu'elle tienne la route longtemps sans avoir à passer au garage.
- Et tu penses qu'il faudra quel budget ?
- Honnêtement ? Je n'en ai pas la moindre idée. Ça sera toujours moins cher que d'aller dans un garage. Mais je suis sûr que c'est faisable.
Dylan l'espérait. Il était évident que Raven irait jusqu'au bout de la restauration de la voiture, quoi qu'il lui en coûte. Cependant, Dylan ne comptait pas le laisser payer les pièces dont ils auraient besoin. S'il réparait leur voiture, ça serait avec leur argent, pas avec le sien.
- Je verrai avec Steven où sont les casses les plus prometteuses et on ira voir si on peut trouver ce qu'on cherche.
- Et l'association ?
- On peut faire les deux. J'ai envoyé une recette de cookies à Deuce qui l'a transmise à Bella et il m'a dit qu'ils allaient tenter d'en faire et qu'il me dirait comment ça se passe. On peut aller voir le samedi matin et garder le samedi après-midi pour faire les casses.
- Et la vente de cookies ? Il faut faire le tour des supermarchés, des boutiques, des maisons... Ça nous prendra plus qu'une matinée.
- On peut enrôler des gens pour nous aider. Je suis certain que Skye et Hailee seraient partantes. Delilah aussi donc Darren suivra. On pourra s'échapper, bébé, ne t'en fais pas.
- Tu ne sais pas rester sérieux.
Raven haussa les épaules avec un sourire.
- Pas quand tu es là, chéri. Tu sais que tu me rends dingue.
- Je vais aller me doucher en espérant oublier à quel point tu es insupportable.
- Tu m'aimes comme ça, ne le nie pas.
- Brûle en enfer.
Il tourna les talons et l'abandonna dans le garage, un sourire venant étirer ses lèvres malgré lui. Il aimait voir Raven comme ça. Il préférait ce flirt invétéré au Raven sérieux et triste. Il n'aurait jamais pensé dire ça mais si Raven ne flirtait pas, c'était étrange. Comme si ce n'était pas son ami, celui qu'il commençait à connaître, celui avec qui il passait tout son temps. Et puis, si Raven flirtait, c'était qu'il se sentait bien. Et c'était tout ce que Dylan pouvait vouloir.
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NdlA : Oooooooh, c'est trop meugnoooooooon !!
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