Le soulagement que Raven avait ressenti en voyant Dylan se masser les yeux et tous les papiers étalés sur la table avait été violent. Il l'avait secoué du plus profond de son être. Il ne s'habituait toujours pas à ces émotions insensées et fougueuses sur lesquelles il n'avait aucun contrôle.

Pour ne pas donner la moindre occasion à Mike de jouer au prince, il avait commandé pour Dylan et s'était fait un devoir d'aller le narguer le binoclard avec tout le calme dont il était capable. Il avait même réussi à ne pas le fusiller du regard.

Il s'était installé dos à eux lorsqu'il avait rejoint ses amis pour parler de la soirée qu'ils préparaient. Il était toujours partant pour une soirée et ça faisait bien trop longtemps à son goût qu'il n'avait pas fait la fête jusqu'au bout de la nuit. Et puis, il avait bien besoin de se détendre.

Il parlait beaucoup avec Ricky. Au point que ça avait alerté leurs autres amis. Évidemment, Ricky n'avait pas pu garder le secret très longtemps. Tim était redoutable lorsqu'il voulait savoir quelque chose.

Depuis, il devait faire face à un harcèlement en règle. Même la sœur de Sean était au courant et lui demandait tous les détails. Par chance, il n'avait pas eu à faire face à la moindre désapprobation de ses amis. Pourtant, la famille de Sean était plutôt... stricte. Ils désapprouvaient totalement l'attitude libertine de leur fils. Ils désapprouvaient encore plus ses amis et le fait que, contrairement à leur fils, ils osaient « expérimenter ». C'était comme ça que Rachel et Bill appelaient les relations homosexuelles qu'avaient pu avoir Tim, Ricky et Raven.

Sean ne les avait jamais jugés même s'il n'avait jamais ressenti le besoin de faire comme eux. Il n'avait jamais été intéressé par les garçons. Il en allait de même pour sa sœur qui était toujours restée dans les règles. Elle était un peu plus proche de l'idéologie de ses parents et Raven aurait cru qu'elle ne serait pas ravie d'apprendre qu'il développait des sentiments pour un autre garçon. Mais elle agissait comme si de rien n'était et que ça ne la perturbait pas le moins du monde. Sa seule réponse lorsqu'il lui demanda pourquoi elle le prenait aussi facilement ?

- J'ai tellement attendu ce moment que je me moque bien que ça soit une fille ou un garçon !

Depuis, elle ne cessait de le harceler pour avoir tous les détails de ses moments avec Dylan. Raven rechignait, n'ayant pas vraiment envie de tout décortiquer comme Emmy avait toujours eu tendance à le faire quand elle avait le béguin pour quelqu'un.

Malgré tout, Raven hésitait à suivre les conseils de ses amis. À part Ricky, aucun n'avait jamais eu de relation sérieuse. Séduire pour une nuit, ils savaient tous faire. Mais aucun n'était resté avec la même personne plus d'une semaine et Raven, qu'il veuille l'admettre ou non, ne tenait pas à avoir ce genre de relation avec Dylan. Il savait intrinsèquement que ça ne serait pas assez de passer une seule nuit avec lui. Qu'il avait besoin de beaucoup plus.

Il n'était plus aussi terrifié et perdu qu'il l'avait été au début. Lorsque Dylan était dans les parages, il ravalait ce qu'il ressentait et faisait comme si ça n'existait pas pour pouvoir se comporter normalement. Bien que, parfois, ça soit très dur. Dylan avait bien trop de prétendants à son goût.

Le dimanche, il trouva un post-il sur le plan de travail de la cuisine. Il était parti courir autour du quartier et n'avait pas vu ses parents passer. Tant mieux. Il n'avait pas tellement envie d'avoir à les gérer en plus de tout le reste.

Il récupéra le post-it et lut le message de sa mère. Il détestait son écriture avec toutes ses courbes et ses entrelacements qui la rendaient presque illisible.

Réponds aux appels.

Rien de plus, rien de moins. Elle savait qu'elle n'avait pas besoin d'utiliser plus de mots pour faire passer le message. Elle savait que Stanford avait tenté de l'appeler et qu'il avait refusé tous ses appels. Elle devrait savoir que ce n'était son petit mot qui le convaincrait de céder et de répondre aux appels de Stanford.

Il jeta le post-it sans y prêter plus d'attention et alla prendre sa douche. Il passa le reste de la journée devant la télé à attendre que le temps passe en discutant par message avec ses amis, autant ceux du Texas que ses nouveaux amis.

Le mardi arriva et il faillit arriver en retard. Il jeta un regard glacial à Mike qui avait osé prendre sa place à côté de Dylan. Du menton, il lui fit signe de retourner à sa place. Le blondinet jeta un regard à Dylan qui ne réagit pas, regardant le premier trio parler de leur œuvre. Mike céda, ramassa ses affaires et repartit à son siège.

Raven s'installa et s'orienta vers Dylan qui lui jetait un regard las.

- Salut, chéri, ronronna Raven avec un sourire.

- Tu es en retard, répliqua Dylan.

- De trois minutes.

- C'est un retard. Maintenant, tais-toi et écoute.

Raven fit la moue en s'étalant sur sa table. Le trio termina son exposé et Twinsted leur posa quelques questions avant de les laisser retourner à leur table.

- Monsieur Herron ! Puisque vous êtes arrivés en retard, venez donc nous présenter votre travail !

Raven se redressa en bâillant et rejoignant le bureau. Il brancha la clé USB qu'il avait amenée avec lui sur l'ordinateur du professeur qui était connecté au vidéo projecteur de la salle de classe.

- J'espère pour vous que vous avez fait quelque chose de décent, monsieur Herron, le prévint Twinsted.

- Vous allez adorer, sourit Raven.

Il s'adossa au mur à côté de l'écran blanc tendu sur le tableau en croisant les bras, un sourire irrépressible sur les lèvres. La vidéo se mit en route et laissa apparaître un cours de littérature parlant d'un livre appelé The Nature of the Beast et le professeur mettant en route une vidéo.

- Monsieur Herron, commença Twinsted.

- Attendez un peu, m'sieur, vous allez aimer.

Des gens déguisés en animaux apparurent à l'écran alors que la musique commençait à résonner dans la classe. Raven distribua un papier avec les paroles à ses camarades car il se doutait que tous ne seraient pas capables de comprendre ce que les chanteurs hurlaient et les paroles autant que la vidéo avaient de l'importance.

La vidéo se termina sur un retour dans la salle de classe qui se transformant en une autre salle de classe, celle des animaux.

- Monsieur Herron ! tonna Twinsted. Ce n'est pas du tout ce que j'ai demandé !

- Vous avez demandé à ce qu'on vous apporte une interprétation de l'œuvre sur laquelle on est tombé. C'est une interprétation de La Ferme des Animaux. Que je sache, on y retrouve tous les éléments du livre de façon divertissante et attractive.

- Retournez à votre place, monsieur Herron ! Vous devinez votre note, n'est-ce pas ?

- J'ai suivi vos consignes !

- À vrai dire, monsieur Twinsted, Raven n'a pas tort, intervint posément Dylan. Il a exploité la faille de vos consignes à son profit. Son travail est certes minimum et n'est assurément pas ce que vous attendiez mais, techniquement, il a respecté vos demandes quant à ce travail. Il a apporté une interprétation du roman. Selon le barème que vous utilisez habituellement, il mérite entre deux et trois et non un zéro.

Raven regarda Dylan, sûrement aussi surpris que Twinsted que le président des élèves le défende.

- Oh, je ne dis pas cela de gaieté de cœur et je n'approuve pas mais cette école prône l'initiative et ce qui est juste, monsieur. Malheureusement, Raven a trouvé une faille et l'a... ingénieusement exploitée, que nous voulions l'admettre ou non. Vous devez donc le noter en accord avec ce qu'il a fourni. C'est-à-dire un effort minimal.

Twinsted ne répondit pas, soupirant en pointant son siège à Raven. Celui-ci retourna s'asseoir avec un sourire victorieux. Il se tourna vers Dylan.

- Je pensais que tu serais furieux, remarqua-t-il.

- Oh, mais je le suis.

- Avoue que c'était bien trouvé.

- Je dois reconnaître que tu as trouvé une faille et l'a exploitée mais en dehors de ça, un enfant de maternelle aurait fait mieux. C'était misérable. Je te pensais assez intelligent pour produire quelque chose mais je me suis trompé. Ton dossier ne mentait pas à ce point.

Ses mots à peine murmurés heurtèrent Raven pleine poitrine. Dylan ne tourna même pas la tête vers lui en lui assenant ces mots pleinement méchants et méprisants.

- Ton frère m'a dit que tu pouvais être un vrai enfoiré froid et guindé et j'ai refusé de le croire mais, visiblement, lui non plus ne mentait pas à ce point.

Il ignora le regard que son voisin lui jeta, enfonçant ses écouteurs dans ses oreilles et mettant le volume à fond. Il s'étala sur sa table, dos à Dylan. Il regrettait déjà ce qu'il avait dit à Dylan. Il regrettait mais ne comptait pas revenir en arrière. Ce n'était pas tant les mots qui l'avaient blessé que son ton. Ce mépris avait été un coup beaucoup trop dur à encaisser.

Lorsque la sonnerie résonna, il ne chercha pas à attendre que l'élève au tableau ait terminé son exposé pour sortir. La porte claqua derrière lui alors qu'il se mêlait à la foule qui sortait des salles de classe. Il n'avait pas la moindre intention d'aller à son prochain cours. Il gagna le stade et jeta son sac sur un banc avant de se laisser tomber à côté. Sa colère était mêlée de peine, ne faisant que la rendre plus puissante.

Dans sa poche, son téléphone se mit à vibrer et il l'en sortit. Harmon, évidemment.

De Harmon :

Pourquoi t'es pas en cours ?

Raven ne chercha même pas à répondre, se contentant de jeter son téléphone sur son sac et de se laisser tomber en arrière. Il n'aurait jamais pensé que la journée prendrait une si mauvaise tournure aussi vite. Il n'avait pas la sensation d'avoir fait quelque chose qui mérite un tel mépris. Il pouvait comprendre que Dylan soit mécontent puisqu'il prenait l'école au sérieux contrairement à lui. Cependant, ça ne pardonnait pas sa réaction. D'abord, il le défend face à Twinsted et ensuite, il le traite comme un moins que rien ? L'avait-il défendu dans le seul objectif de rendre ses mots encore plus violents ? Raven ne comprenait tout simplement pas comment ils en étaient arrivés là.

Des silhouettes apparurent en bas des gradins et il les reconnut. Kelian et Martin. Il s'était lié d'amitié avec eux puisqu'ils partageaient plusieurs cours ensemble et qu'ils étaient plutôt sympas. Un peu trop sages à son goût mais toujours les premiers à sécher avec lui.

- Hé, mec ! On t'a trouvé ! On t'a vu sortir mais on savait pas trop de quel côté t'étais parti, dit Kelian.

- Bonne planque, ajouta Martin. Pourquoi on y a jamais pensé ?

- J'en sais fichtre rien.

Raven ne chercha pas à participer à leur conversation, les laissant apprécier les avantages et les désavantages de se cacher dans les gradins pour sécher.

- J'ai envie d'un café, lâcha soudain Martin. Avec un muffin. On va à Starbucks ?

- Ouais ! Tu viens, Raven ?

- Pourquoi pas.

Tous les trois sortirent des gradins et Raven se contenta de suivre les deux autres pendant qu'ils contournaient le bâtiment et gagnaient le parking. Ils s'entassèrent dans le vieux van de Kelian. C'était un vieux tank en fin de vie qui sentait le chat mais qui roulait plutôt bien. Par contre, Kelian avait une façon de conduire brutale et chaotique.

Ils ne retournèrent au lycée que pour aller déjeuner. Ils parvinrent à divertir Raven et à le calmer. Ils n'avaient même essayé mais Raven s'était laissé happer dans leur conversation sans queue ni tête, mettant ce qu'il s'était passé dans le cours de littérature de côté.

Ils rentrèrent tous les trois dans la cafétéria avec leurs gobelets du Starbucks dans la main, discutant et riant comme s'ils n'avaient pas séché les trois quarts de leur matinée. Ils allèrent chercher leurs plateaux et ils s'installèrent à une table. Kelian et Martin ne firent pas de remarques sur le fait qu'il mangeait avec eux et pas avec sa bande habituelle.

Son téléphone sonna et il jeta un œil aux messages qu'il avait reçu. Harmon et Darren. Évidemment. Tous les deux ne comprenaient pas pourquoi il ne mangeait pas avec eux. Il tapa une réponse rapide pour les deux. Simple et directe.

À Harmon ; Darren :

Demandez à son Altesse.

Il rempocha son téléphone et termina son repas avec Kelian et Martin. Ils finirent par repartir en cours tous les trois puisqu'ils étaient ensemble en sciences. En passant à côté de la table de ses amis, il croisa le regard de Dylan.

Il continua son chemin sans chercher à s'arrêter.

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NdlA : Ouuuuuuh ! Des problèmes ! Qu'est-ce que vous pensez de l'attitude de Dylan ? Méritée ? Pas méritée ? Et comment pensez-vous que les choses vont tourner ? Vont-elles s'arranger ?