Chapitre 18 : Dylan
Dylan ignorait ce que sa mère avait bien pu dire à Raven mais il lui avait menti. Au vu de son expression, ça le travaillait encore. Se pouvait-il que sa mère ait parlé de quelque chose qu'elle n'aurait pas dû ? Elle était la reine pour mettre les deux pieds dans le plat, après tout.
Une fois la vaisselle terminée, ils montèrent dans la chambre de Dylan pour que Raven puisse rédiger ses recettes. Il s'assit au bureau et Dylan se laissa tomber sur son lit. Il récupéra le livre qu'il avait posé au pied de son lit et reprit sa lecture.
Après plusieurs chapitres, il tourna la tête pour voir Raven penché sur sa feuille, la noircissant avec application. C'était la première fois qu'il voyait le texan travailler. Ça serait probablement la seule fois que ça arriverait. Il récupéra son téléphone et décida de se venger. Raven avait pris une photo de ses fesses, il allait prendre une photo qui pouvait ruiner sa réputation de dur à cuire.
Dylan trouva la vision d'un Raven en train de travailler extrêmement divertissante. Il penchait la tête lorsqu'il réfléchissait, se grattait la tête avec son crayon, pinçait les lèvres, fronçait les sourcils en concentration... C'était vraiment divertissant.
Il dut s'endormir à un moment car, quand il rouvrit les yeux, il était sous sa couverture, son livre de retour au pied de son lit, son téléphone par-dessus. Raven était toujours assis au bureau, en train de travailler sauf que la lumière extérieure l'avait cédé à celle synthétique de la lampe de bureau.
- On se réveille, marmotte ? sourit-il.
Dylan se redressa, repoussant la couverture et se frotta les yeux.
- Encore en train de travailler ?
- Hm, quelque chose comme ça.
Il empila les feuilles et les réarrangea avant de les placer sur la table. Il fit pivoter la chaise comme un gamin, tournant sur lui-même.
- J'ai dormi combien de temps ?
- Quatre heures.
Dylan fit basculer ses jambes hors du lit et se passa les mains sur le visage. Raven ne fit aucun commentaire sur ses cheveux en bataille ou sur la marque sur ses joues. Ça ne lui déplaisait pas mais c'était étrange.
- Tu es bizarrement calme.
- Je... Mon père m'a appelé.
La tête de Dylan se redressa violemment. Il savait ce que ça impliquait. Que Raven devait rentrer chez lui, qu'il allait sûrement encore se faire frapper par son père pour une raison ou pour une autre. Et que Raven ne savait pas comment y échapper.
- Qu'est-ce qu'il voulait ?
- Que je rentre au plus tôt. Il a vu les dégâts que j'ai fait dans la maison.
- La photo.
Raven hocha la tête sombrement.
- Tu lui as dit quoi ?
- Que j'étais chez un ami, que je rentrerais quand je pourrais. Je lui ai raccroché au nez, ajouta-t-il avec un sourire en demie-teinte.
- Tu n'as pas à y retourner. Pas avant demain matin. Tu peux rester ici.
- Tu sais bien que je ne peux pas. Ça sera encore pire si je ne rentre pas.
- Raven...
Dylan sentit sa poitrine se contracter à l'idée de laisser Raven rentrer chez lui pour faire face à son père sans pouvoir rien faire contre. Il voulait trouver une solution. Il voulait empêcher ce qui menaçait d'arriver.
- Ça va aller, dit Raven avec un sourire qu'il voulait rassurant. Ce n'est pas la première fois.
- Ce n'est pas une raison ! Tu ne rentres pas chez toi. Et si tu rentres, j'y vais avec toi.
- Alors ça, n'y compte pas ! Tu n'approcheras pas de mon père.
- Donc c'est décidé, tu restes ici.
- Ça ne changera rien, Dylan. Il faudra bien que je finisse par rentrer et il me guettera.
- Peut-être qu'il se sera calmé. Qu'il ne...
Il ne sut pas le dire. Prononcer les mots les rendrait tangibles et réels. Il ne pourrait plus faire comme si c'était quelque chose qui n'était arrivé qu'une fois.
- Je vais rentrer et ça va aller. Ça ne dure jamais longtemps. S'il est bourré, ça passera encore plus vite.
- Ne fais pas ça, Raven. Reste ici cette nuit. Et demain matin, on ira chez toi à deux. On trouvera une solution. Tu peux rester ici jusqu'à ce que tes parents repartent.
Raven se leva et lui sourit avec tristesse.
- Si on attend, ils reviendront encore plus souvent.
- Pourquoi j'ai l'impression que ce n'est pas la première que tu as une telle conversation ?
- Parce que ça l'est pas. Sean aussi a cru qu'il pouvait m'éviter une raclée. Je suis resté caché chez lui pendant deux mois. Tu devines comment ça s'est fini.
Dylan serra les poings et se leva à son tour.
- Je viens avec toi. Je... J'attendrais dehors. Si c'est la seule solution, j'attendrais dehors.
- Dylan...
- Ce n'est plus ouvert à discussion.
Il sortit de sa chambre et descendit les escaliers pour récupérer son plus gros manteau. S'il devait attendre dehors, mieux valait qu'il soit couvert. Raven tenta de l'en empêcher, de le convaincre que ce n'était pas nécessaire, qu'il l'appellerait après pour le rassurer mais Dylan refusa de l'écouter. S'il ne pouvait pas l'empêcher de rentrer chez lui, alors il restera dehors et attendrait, subirait avec lui à distance.
La maison jaune finit par apparaître et Dylan attendit que Raven rentre avant d'aller s'asseoir sur les marches de l'entrée. Il ramena ses jambes contre sa poitrine et pleura en silence jusqu'à ce que le calme n'envahisse la maison. Il essuya ses joues et tenta de se composer un visage calme et neutre. La dernière chose dont Raven avait besoin, c'était de savoir qu'il avait pleuré.
La porte se déverrouilla dans son dos et il se leva. Il faisait noir comme dans un four et seule la lueur du portable de Raven lui permit de trouver sa main. Il le fit entrer et monter à l'étage dans un minimum de bruit. Il le laissa seul dans sa chambre pour aller dans la salle de bains. Dylan commençait à sentir l'angoisse lui étreindre la gorge quand enfin il revint dans la chambre.
Dylan l'observa allumer sa lampe de chevet et sa lampe de bureau sans se tourner vers lui. Il attrapa sa main et le força à s'asseoir sur le lit. Il saisit son menton pour l'obliger à lui faire face. Il relâcha un soupir de soulagement en ne découvrant qu'un coquard et une lèvre fendue. Peut-être son père avait-il renoncé après un ou deux coups.
- Ton œil te fait mal ?
- Non, ça, ça va.
Dylan se débarrassa de son manteau et s'occupa de soigner le visage de Raven. Il réalisa vite qu'il avait crié victoire trop vite. Lorsque le brun bougeait, il grimaçait. Il était blessé ailleurs qu'au visage.
- Enlève ta chemise, exigea-t-il.
- Je ne suis pas en état, chéri, souffla-t-il en laissant échapper un rire douloureux.
- Enlève ta chemise. N'essaie pas de me duper, Raven.
Raven soupira et céda, déboutonnant sa chemise et la jetant dans un coin. Dylan orienta la lampe de bureau pour pouvoir mieux voir le reste du corps de Raven.
- Ce ne sont que des hématomes, murmura-t-il. Il n'a pas assez de forces pour me casser des côtes.
- Parce que c'est arrivé ?
- Jamais. Ça ne fait pas longtemps qu'il est comme ça.
Dylan étala le gel sur les bleus de Raven sans chercher à en savoir plus.
- Ta mère et ton frère ne vont pas s'inquiéter de ne pas te voir ?
- Ma mère doit encore être en train de travailler. Quant à mon frère, il ne fera pas attention. Et s'il s'en rend compte, il se dira que j'ai enfin une vie et se fera livrer une pizza.
Il prit Raven par les épaules et le poussa à s'allonger sur le lit.
- Dors. Je viens te rendre tes clés demain matin.
Il le retint par la main, la lui pressant doucement.
- Merci, Dylan.
- Dors.
Les doigts de Raven glissèrent des siens, le laissant se faufiler hors de la maison. La première chose qu'il remarqua en sortant, ce fut l'absence des voitures dans l'allée. Les parents de Raven étaient déjà repartis. Ils laissaient leur fils seul et blessé dans une maison vide.
Jamais encore Dylan n'avait ressenti une telle haine pour quelqu'un qu'il n'avait même jamais rencontré. Comment pouvaient-ils traiter leur fils ainsi ? D'après Raven, ça ne faisait pas longtemps que ça avait commencé. Cependant, que devait-il entendre par « pas longtemps » ? Quelques mois ? Un an ? Deux ans ? Et quel avait été le déclencheur ? Pourquoi, du jours au lendemain, son père s'était-il mis à le frapper entre deux abandons ?
Darren était dans sa chambre lorsqu'il rentra. Il monta directement dans sa chambre, l'appétit coupé. Il se laissa tomber sur son lit et regarda les étoiles briller au plafond. Il plaqua une main sur sa bouche pour étouffer ses sanglots. La dernière chose qu'il voulait, c'était que son frère l'entende pleurer.
Maladroitement, il chercha son téléphone et le fouilla à la recherche de la chanson que lui avait fait écouter Raven. Il la mit en route, regrettant de ne pas avoir d'écouteurs. Il s'enroula dans ses couvertures, tentant de se calmer, de relativiser.
Les parents de Raven étaient repartis pour quelques semaines. Il n'avait rien de cassé et ne semblait pas en trop mauvais état. Avec le peu de lumière, il ne pouvait pas en être sûr et il devrait le vérifier le lendemain matin.
La porte s'ouvrit doucement, son frère passant la tête par l'entrebâillement de la porte.
- Dylan ? Ça va ?
- Ça va. Retourne dans ta chambre.
Darren fit l'inverse, s'approchant du lit, s'asseyant au bord.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi tu pleures ?
Pourquoi fallait-il que son frère s'intéresse à lui quand il ne pouvait pas lui parler ? Que pouvait-il dire ? Il ne trahirait pas le secret de Raven, n'imposerait pas ce savoir à son petit frère. Darren n'avait pas besoin de savoir. Il ne pourrait pas l'aider à trouver une solution.
- Ce n'est rien. Je te jure.
Darren, étonnamment, n'insista pas. À la place, il enjamba son frère et s'allongea à côté de lui, l'entourant de ses bras, enfouissant son visage dans son dos. Ils restèrent ainsi longtemps, sans rien dire, écoutant seulement la musique que crachait le téléphone de Dylan.
Darren finit par s'endormir et Dylan se dégagea. Il alla s'installer derrière son bureau et regarda les feuilles laissées par Raven sur son bureau. Son écriture était lâche et toute en boucles. Dylan sentit un sourire venir jouer sur ses lèvres malgré lui en voyant tous les petits dessins autour des instructions, comme des personnages de bande dessinée avec leurs petites bulles et les petites remarques comiques. Du Raven tout craché.
Il jeta un œil à toutes les pages, ne prêtant attention qu'aux petits dessins laissés par l'auteur. La dernière page était différente. Il ne s'agissait pas d'une recette mais d'un dessin. Sûrement ce sur quoi il travaillait pendant que Dylan dormait.
Le dessin les représentait tous les deux, dans la chambre de Dylan. Raven n'avait manqué aucun détail. Il avait retranscrit la chambre du sol au plafond, dessinant les galaxies fluorescentes au-dessus du lit où il avait représenté Dylan en train de dormir, le bureau et ses quatre pots à crayons, les piles de livres de cours, les cahiers et les classeurs où il s'était griffonné en train de regarder Dylan dormir, le crayon levé, la penderie, le poster de toutes les galaxies, le télescope derrière la porte... Tous les détails y étaient.
Tout en bas, il avait laissé un petit message.
T'es trop mignon quand tu dors, je vais mourir.
Il ne put s'empêcher de pouffer. Il n'en manquerait jamais une. Il remit le dessin sous la pile de recettes, le dissimulant à la vue. Darren n'avait pas besoin de tomber là-dessus. Ce dessin était pour lui et pour lui seul. Il savait que ni lui ni Raven n'en parlerait, que ça serait l'une de ces choses qu'ils savaient mais n'avaient pas besoin d'évoquer.
Dylan retourna se coucher à côté de son frère, regardant les étoiles briller au plafond, priant pour que les jours qui suivent apportent un peu de magie de Noël à Raven et apaisent un peu sa douleur.
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NdlA : Parfois, je me dis que je suis quand même horriblement sadique avec mes personnages... Vous en avez pensé quoi, vous ?
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