Le week-end arriva enfin. Pendant deux jours, pas de cours, rien du tout. À part les devoirs, il aurait juste à gérer son frère. Il alla récupérer ses livres dans son casier, les fourra dans son sac qu'il jeta sur son épaule. Il avait plus que hâte de rentrer chez lui.

Darren passa à côté de lui, discutant avec ses amis. Il n'allait pas rentrer tôt, Dylan était prêt à le parier. Il ne dit rien, le laissant partir sans rien dire. Il se contenta de sortir du lycée à son tour. Il rentra chez lui, trouva une maison vide. Il profita du silence pour tenter de mettre de l'ordre dans son crâne.

Ses inquiétudes ne le quittaient pas. Depuis qu'il avait été chez Raven, depuis qu'il avait lu ce post-it, une image terrible s'était dessinée et il ne parvenait pas à la chasser. Il ne savait pas quoi faire, ne savait même pas s'il avait raison. Il avait l'esprit d'analyse et une logique à toute épreuve. Il détestait ça, détestait ce que son cerveau lui disait, sa façon d'assembler les pièces du puzzle.

Raven clamait s'être battu avec quelqu'un. C'était possible. Avec Raven Herron, tout était possible. Mais Dylan doutait de la sincérité de ses dires. Il avait lu le post-it de sa mère, l'avait vu jeter le sachet à la poubelle sans y toucher. Il y avait une cassure dans la relation qu'il entretenait avec ses parents. Ce qui signifiait pas que son père...

Dylan secoua la tête. Il ne devait plus penser à ça. Depuis le jeudi, il ne s'était rien passé. Raven était même arrivé à l'heure en cours. Il ne faisait que dormir ou flirter mais, au moins, il était là. Il allait finir par devoir intervenir mais, pour le moment, tout se passait bien et c'était le principal.

Il se força à faire un brin de ménage amplement nécessaire, lança la lessive, prépara le dîner. Il le mangea seul. Darren ne rentra que tard le soir, sobre, par chance, la chemise tâchée par ce qui ressemblait à de la sauce.

- Va te coucher, se contenta-t-il de dire.

Darren lui jeta un regard orageux avant de monter dans sa chambre. Il claqua la porte et la musique ne tarda pas à pulser contre les fins murs. Depuis quand son frère se montrait-il si froid et distant avec lui ? Ils ne parlaient plus, ne riaient plus ensemble. Son frère semblait lui en vouloir pour quelque chose.

Avec un soupir, Dylan monta dans sa chambre et s'allongea sur son lit. Il fixa le plafond, les étoiles scintillantes dans le noir qui formaient plusieurs constellations, celles qu'il avait toujours préférées soit par leur nom, soit par leur signification. Il se souvenait du jour où son père et lui avaient passé deux heures à les coller au plafond, tentant de recréer le ciel nocturne au mieux de leurs capacités. Il avait à peine sept ans et il ne comprenait rien à l'astronomie. Tout ce qui comptait tenait dans ces longues heures passées avec son père, allongés dans l'herbe, observant les étoiles durant l'été.

Il n'avait jamais enlevé ces étoiles fluorescentes. Il ne comptait pas les enlever. C'était l'une des seules choses qui lui restaient de son père. Il n'y avait plus de photos, plus de lettres, plus de vidéos. Il n'y avait plus que cette poignée d'étoiles usées par le temps qui avaient cessé de représenter quoi que ce fut si ce n'était des souvenirs qui refusaient de s'effacer.

Il se redressa lorsque la musique de son frère cessa de pulser et que le silence se fit. Silence qui persista durant tout le week-end. Darren et lui n'échangèrent pas plus d'une dizaine de mots sur les deux jours. Leur mère ne fut pas très présente, s'excusant mille fois lorsqu'elle rentra le samedi soir, l'air encore plus fatiguée que la veille.

Cela faisait déjà quelques temps que Dylan songeait à prendre un job étudiant. Sa mère se tuait à la tâche pour s'assurer qu'ils ne manquaient de rien. C'était dur de la voir rentrer si tard et partir si tôt, les rides chaque fois plus marquées.

La semaine reprit, semblable à la précédente. Les jours se mêlèrent en une masse informe et sans relief qui se brouilla dans son esprit. Il enchaîna les cours, les réunions, les punitions. La seule chose qui mettait un peu de couleur dans ses journées était Raven Herron. Dylan ne s'habituait pas à la présence du texan. Il ne savait jamais ce qu'il allait faire ou dire. Ses bleus s'étaient estompés et un groupe s'était formé autour de lui. Il ne leur prêtait pas vraiment attention, semblant ne jamais les écouter parler, ne pas participer à leurs conversations.

Ses rares interactions avec Raven consistaient en des échanges de regards dans les couloirs et de quelques mots de temps en temps. Dylan avait renoncé à l'empêcher de l'appeler « Altesse » ou « chéri ». Il était évident que Raven adorait ce jeu qui s'était établi entre eux. Dylan ne comprenait pas pourquoi le texan flirtait aussi ostensiblement avec lui mais Dylan s'en amusait, en usait comme un divertissement bienvenu, un changement dans la routine.

La seule personne avec qui Raven semblait réellement s'entendre était Harmon. Il n'était plus rare que les deux traînent ensemble entre les cours ou à la cafétéria. Ça ne ravissait pas du tout Darren qui s'en agaçait sans cesse lorsqu'il voyait Harmon à une autre table, riant avec Raven, au lieu d'être avec eux.

- Je ne comprends pas pourquoi il traîne avec lui, pesta-t-il.

- Lui as-tu seulement donné une chance ? répondit Dylan.

- Je n'aime pas ce type, c'est tout.

- Tu es jaloux.

La voix de Steven résonna et les deux frères se tournèrent vers lui.

- Je suis pas jaloux de ce type ! Il a rien dont je pourrais être jaloux !

- Il s'est intégré en deux jours. Personne ne s'est moqué lorsqu'il a été traîné par Dylan en cours après une nuit alcoolisée. Certaines filles ont tourné leur intérêt vers lui.

Darren serra les dents, assassinant Steven du regard.

- Avoue que tu adores retourner le couteau dans la plaie.

- Je ne fais qu'énoncer les faits.

- Steven a raison et tu le sais, enchérit Dylan. Demain, laissons Harmon l'amener à notre table. Je suis certain que tu pourrais t'entendre avec Raven.

- Bien sûr, tu prends son parti à lui ! Alors quoi ? C'est ton nouveau meilleur pote ? Il t'a séduit comme il a séduit le reste de l'école ? À moins que vous vous envoyiez en l'air !

- Darren, tonna sèchement Steven.

- C'est moi, ton frère, Dylan ! Tu devrais peut-être essayer de t'en rappeler !

Darren prit son plateau et partit de la cafétéria en trombe. Dylan cilla, perdu. Comment une simple discussion avait-elle pu exploser ainsi sans qu'il ne puisse rien faire pour l'empêcher ? Pourquoi Darren était-il si furieux contre lui ?

- Ai-je dit quelque chose de mal ? demanda-t-il à Steven. Pourquoi semble-t-il toujours si en colère ?

Steven posa ses couverts et se tourna vers son ami sans rien dire, ne semblant pas avoir la réponse à sa question. D'ordinaire, Steven était toujours capable de lui dire ce qui clochait, de quoi la situation retournait. Ce n'était pas pour rien qu'il avait toujours les meilleures notes en psychologie.

Dylan releva la tête lorsque deux plateaux apparurent sur leur table. Harmon s'installa, Raven semblant un peu hésitant à s'asseoir.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda Harmon. On a vu Darren partir comme une furie.

- Honnêtement, je n'en sais rien, admit Dylan. Il est... difficile, ces derniers temps.

- Ça va lui passer, comme toujours. Il ne doit pas aimer se faire voler la vedette, ce n'est rien.

- Harmon a raison, dit Steven.

- Je crois que c'est la première fois que tu dis ça ! s'exclama le concerné, ravi.

Les trois autres l'ignorèrent, le faisant bouder.

- Je pense que Darren se sent délaissé. Raven lui a volé les projecteurs sans même essayer. Et tu te montres extrêmement clément envers lui. Darren a l'impression que tu le délaisses.

Dylan soupira longuement, épuisé.

- Parle-lui et ça ira mieux, tenta Harmon. Tu restes son frère et il t'adore.

- J'essaierai, répondit Dylan. Je doute qu'il accepte de m'écouter mais je ne vois pas quoi faire d'autre.

Steven enleva sa main de son dos et recommença à manger comme s'il ne s'était rien passé. Les trois autres l'imitèrent. Dylan sentit le regard de Raven s'attarder sur lui. Il était resté étrangement silencieux. Ça ne lui ressemblait pas vraiment.

Dylan sortit en premier de la cafétéria, laissant les autres derrière. Il avait presque oublié qu'il devait passer par le secrétariat pour aller voir le résultat des posters qu'ils avaient commandé pour le spectacle de Noël.

Il faudrait qu'il parle à son frère. Qu'ils mettent les choses à plat, tous les deux. Si Steven avait raison, si Darren se sentait abandonné, qu'était-il censé faire ? Il ne voyait pas ce qu'il pouvait faire de plus. Il veillait à ce que son petit frère ait tout ce dont il avait besoin, à ce qu'il soit nourri, à ce qu'il ait des vêtements propres, à ce qu'il ait de bonnes notes... Il le laissait sortir le week-end, flirter et s'amuser avec ses amis. Que pouvait-il faire de plus ?

Il força un sourire sur ses lèvres en poussant la porte du secrétariat. Jillian était déjà là, ses cheveux blonds attachés en une queue de cheval haute, ses lèvres peintes en rouge pincées. Elle se mit à sourire lorsqu'elle le vit entrer.

- Oh, Dylan. Tu es venu voir les affiches aussi ?

Il hocha la tête etelle s'écarta pour le laisser voir. Il fut plutôt content du résultat. Les couleurs ressortaient bien, la police était assez large et bien lisible. Le programme était exact, l'orthographe impeccable. Tout semblait parfait. Enfin quelque chose qui fonctionnait correctement.

- Demande à Johnny et Andrew de t'aider à les accrocher, dit-il sans lui prêter plus d'attention que nécessaire. Essayez de le faire avant la fin de la journée.

- Pas de soucis.

- Merci.

Il s'éloigna, pressé de sortir, d'échapper à ce sourire insistant et ouvertement séducteur qu'elle lui envoyait sans cesse.

- Dylan ! le rappela-t-elle.

Il sentit ses doigts se refermer sur son bras pour le retenir. Il se dégagea doucement, se forçant à lui faire face.

- Oui ?

- Je fais une fête le week-end avant Noël... Tu viendras ?

- Je ne pense pas, désolé.

Il sortit du secrétariat et poussa un long soupir. Il détestait devoir travailler avec Jillian. Il savait qu'elle se pensait amoureuse de lui. Elle ne cessait de lui laisser des cadeaux sur sa table et des lettres dans son casier. Elle n'était pas la seule mais elle était la plus persistante, la plus directe. Il lui avait clairement dit qu'elle ne l'intéressait pas et pourtant, elle n'avait pas arrêté. Elle avait même intégré le conseil des élèves dans le seul espoir de passer le plus de temps possible avec lui. Et depuis l'arrivée de Raven, elle se montrait encore plus agressive dans ses avances.

Il s'arrêta dans le couloir du troisième étage et regarda la ville s'étaler devant lui. Il fronça les sourcils en voyant deux silhouettes familières dans la cour. Darren et... Raven ? Tous les deux, côte à côte en train de discuter. En tout cas, Darren parlait. Dylan était capable de le dire rien qu'au mouvement de ses mains. Son petit frère ne pouvait s'empêcher de faire de grands mouvements quand il parlait.

Les yeux de Dylan s'écarquillèrent lorsque son frère fondit dans les bras de Raven, semblant pleurer. Comment était-ce possible ? Comment Raven avait-il réussi le prodige de faire craquer son frère ? La dernière fois que Dylan avait vu son frère pleurer datait de l'année dernière. Darren et lui étaient similaires sur ce point, ils préféraient panser leurs blessures cachés au monde, dans le silence et la solitude.

Quelqu'un s'appuya contre la fenêtre à côté de lui. Le seul reflet dans la vitre suffit à lui apprendre de qui il s'agissait. Jillian. Évidemment. Son bracelet plein de breloques cliqueta lorsqu'elle agita ses cheveux.

- On dirait que le nouveau te préfère ton frère, désormais, dit-elle, un contentement à peine contenu dans la voix.

- Je ne vois pas de quoi tu parles, dit-il avec désintérêt.

- Depuis qu'il est arrivé, il te colle, te harcèle... Il va même jusqu'à oser flirter avec toi comme s'il pensait sincèrement que tu étais de ce bord-là. Et maintenant, il a ton frère dans ses bras... Heureusement qu'il n'a pas poussé le vice jusqu'à réussir à faire de toi l'une de ses victimes.

Dylan ne répondit pas, devinant qu'elle n'avait pas terminé de cracher son venin.

- Quoi que, tu me diras, ils vont plutôt bien ensemble. Tous deux des séducteurs, des joueurs, des menteurs. Qui se ressemble s'assemble.

Dylan repoussa vivement la main qu'elle avait posé sur son bras en lui jetant un regard noir.

- Je ne sais pas qui t'a dit que cette attitude pouvait être attirante mais tu devrais penser à cesser de l'écouter et retrouver un peu de sens commun, Jillian. Et je te rappelle que tu parles de mon frère et d'un ami. Tu dois vraiment être idiote pour avoir cru que parler ainsi jouerait en ta faveur.

Dylan tourna les talons, la plantant là avec un dernier regard noir et écœuré. Il n'en revenait pas de ce qu'elle avait osé insinuer. Rien que le venin dans sa voix avait été repoussant mais chacun des mots qui avaient suivi avait terminé de le faire la détester.

Cependant, ce qu'elle avait raconté le travaillait. Il savait que son frère avait des torts. Oui, Darren aimait séduire. Ce n'était un secret pour personne qu'il adorait jouer avec les filles, leur faire tourner la tête jusqu'à obtenir ce qu'il voulait. Il avait bien remarqué que Raven semblait jouer dans la même cour même s'il n'avait fait encore aucune victime.

Jillian semblait penser que le jeu qui s'était établi entre Raven et lui était sérieux, que le texan cherchait réellement à le séduire. Au départ, Dylan y avait pensé aussi. C'était la première fois qu'un garçon était aussi directement séducteur envers lui. Mais Raven n'était pas sérieux. Dylan avait compris qu'il utilisait cette attitude envers lui pour le titiller, l'amuser. Ce qui était une réussite bien qu'il ne l'avouerait jamais à voix haute.

Toutefois, si Jillian le pensait, le reste de l'école devait sûrement le penser aussi. Tous ses camarades devaient penser qu'il se passait quelque chose entre Raven et lui. Un sourire désabusé vint jouer sur ses lèvres alors qu'il retenait un rire.

Ils avaient bien trop de temps pour eux s'ils en venaient à créer de telles rumeurs.

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NdlA : Ooooooh ! Dramaaaaaa ! Et des rumeurs !

Qu'en avez-vous pensé, mes petits lecteurs ?