Un parti 100% féminin se présente pour la 1ère fois aux élections législatives

C'est une première pour la Corée du Sud du 21e siècle : un parti féministe à l'assaut du pouvoir

A Séoul, un parti féministe a présentait pour la première fois des candidates aux élections législatives qui sait tenu mercredi 15 avril 2020 en Corée du Sud. Une date tout simplement historique pour le pays. Et qui fait écho au mouvement #MeToo. La Corée du Sud est un des pays développés les plus mal classés en termes d'égalité des sexes (la Corée est classée 108e sur 153 en matière d'égalité hommes-femmes par l'Organisation de coopération et de développement économiques.)

Ce parti, qui a vu le jour en mars, à l'occasion de la Journée internationale de la femme, reproche à la classe politique actuelle de négliger les femmes.

La société sud-coréenne demeure profondément patriarcale et les griefs de la gent féminine demeurent immenses.

Cela va de l'inégalité salariale à la diffusion illicite de vidéos sexuelles, en passant par les récents scandales sur les caméras installées par des hommes pour filmer des femmes dans des lieux publics (le Molka).  Selon le classement de l'OCDE, la Corée est 122e pour la représentativité féminine, et l'écart des salaires atteignait 34,1% en 2018.

"J'ai signé des pétitions, j'ai participé à des rassemblements contre la violence sexuelle faite aux femmes, mais je me suis aperçue que cela ne suffirait pas. Alors j'ai décidé de me présenter à l'Assemblée nationale", explique Kim Ju-hee, 25 ans, l'une des quatre candidates de cette nouvelle formation.  

La jeune femme se définit comme une militante, ayant déjà défilé dans la rue afin de défendre la cause des femmes, et affirme ne pas vouloir se marier ni avoir d'enfants, y voyant un moyen de lutter contre le patriarcat.

Le parti féministe compte 10 000 membres, dont les trois quarts âgés d'une vingtaine d'années. Déjà soutenu par des milliers d'anonymes qui, au sein du pays, se sentent sous-représentées. Une initiative puissante qui faisait face aux opposants traditionnels, du Parti démocratique au Parti du futur uni (opposition conservatrice).

Pour obtenir un siège à ces élections combinant scrutins proportionnel et majoritaire, il devra rassembler 3 % des voix à la proportionnelle. Mais ses chances d'attirer les suffrages masculins étant faibles, il devra obtenir le soutien de près de 6 % de l'électorat féminin. Un objectif, particulièrement ambitieux dans un pays où deux grandes formations dominent: le Parti démocratique, au pouvoir, et le Parti du futur uni.

Face à ce respect des traditions et bien qu'éclatant, ce féminisme qui persévère a du mal à investir la scène politicienne et, surtout, à réunir un vaste électorat."Pour beaucoup de femmes, il est difficile de soutenir un parti uniquement parce qu'il défend la cause des femmes", reconnaît Kwon Soo-hyun, présidente de Solidarité politique des femmes coréennes, une organisation de défense de leurs droits.

Chai Hyun-jung, une mère de famille de 33 ans travaillant à Séoul, souhaite voter pour un parti qui défend l'éducation et s'oppose aux prix élevés des logements. "J'ai trop de responsabilités dans ma vie pour me focaliser uniquement sur les questions de genre", explique-t-elle à l'AFP.  

Même si la violence sexuelle sur internet lui inspire de la colère, elle se dit "sceptique" sur le fait qu'une députée d'un parti féministe "fasse une vraie différence".  Plus encore pour ces législatives maintenues en pleine pandémie où le Covid-19 risque de faire passer un peu plus encore au second plan les revendications féministes.

Encore long est le chemin...

Malgré les avancées économiques et technologiques de la Corée du Sud, les différences de salaire entre hommes et femmes y sont parmi les plus élevées des pays développés, selon un rapport de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

Les femmes ne représentent que 3,6 % des membres des conseils d'administration des conglomérats. Sur le plan politique, elles ne sont que 17 % au sein du Parlement sortant, soit la 125e place au sein du classement mondial de l'Union interparlementaire, pas loin derrière la Corée du Nord, qui occupe la 120e place.

"Presque tous les hommes politiques, qu'ils soient progressistes ou conservateurs, sont traditionalistes en matière de droits des femmes", reconnait Lee Soo-jung, professeur de criminologie à l'université de Kyonggi.

Première brèche dans le patriarcat en 2012, l'élection de Park Geun-hye, première femme à accéder à la présidence, a encouragé les femmes. Les médias se sont aussi mobilisés pour leur défense révélant de sordides affaires. Hong Joon-pyo, l'ex-candidat de l'opposition à la présidentielle pour le Parti du futur uni, a dû confesser avoir fourni, à l'université, un stimulant à un ami en vue de droguer une étudiante et la contraindre à des relations sexuelles.En 2019, un gouverneur de province du Parti démocrate se revendiquant féministe a été condamné et emprisonné pour le viol d'une assistante...

Mais le vrai changement est arrivé avec la vague #Metoo. La Corée du Sud n'a pas échappé au tsunami qu'il a représenté, en libérant la parole des femmes. Et dernières années, les jeunes Sud-Coréennes ont cependant remporté de nombreux succès avec notamment la légalisation de l'avortement il y a tout juste un an. 

Mais avant cela, ce n'est évidemment pas la première fois que les principales concernées se soulèvent contre l'oppression. Des élans fédérateurs de libération de la parole par les victimes de violences sexistes et sexuelles (comme le retentissant témoignage de la magistrate Seo Ji-hyun) aux nombreux mouvements viraux organisés sur les réseaux sociaux (face aux injonctions à la féminité et à la "beauté, du maquillage au corset), les Sud-Coréennes n'hésitent pas à déstabiliser le patriarcat.

Ce qui n'est pas sans conséquences hélas, car être ouvertement féministe peut susciter l'opprobre dans une société où ce mouvement est souvent présenté comme égoïste, extrémiste, voire irrationnel.

Une autre candidate du parti féministe, Lee Ji-won, affirme que certaines de ses camaradesont déjà récolté de nombreuses insultes et menaces de mort. Des agressions qui prennent notamment la forme d'un des plus virulents. Et que des femmes participant à la campagne ont essuyé des jets de pierres. 

Linda Hasunuma, une politologue de l'Université Temple, aux États-Unis, estime que la problématique féministe est souvent présentée comme "ne représentant pas l'opinion majoritaire" mais plutôt comme une "préoccupation de militants radicaux".

"Il est difficile pour la condition féminine de gagner du terrain dans une société qui dévalue le statut et le travail des femmes depuis des générations", selon elle.

Mais la "féminisation" de la politique en Corée du Sud n'est pas née avec le cyber-activisme. Comme le rappelle TV5 Monde, le premier "parti des Femmes", initié par la ministre Im Young-shin, nous renvoie carrément en 1945. Depuis, bien des soulèvements ont eu lieu au sein de la culture coréenne. 

C'est pour cela que Kim Ju-hee insiste sur un possible changement de paradigme : "Des milliers de femmes ont rejoint notre parti dès la première semaine. Je crois à l'aspiration des jeunes femmes à vivre dignement". Et à refuser un conservatisme rance qui, quelle que soit la sensibilité politique, ne va que rarement dans le sens des femmes et de leurs droits.


C'est le Parti démocratique au pouvoir, dirigé par le président Moon Jae-in, qui a finalement largement remporté ces élections législatives. Mais l'existence même du Parti des femmes est d'ores et déjà une petite révolution dans le pays. Ce parti féministe pourrait être l'un des visages du fameux "monde d'après".


Source : Le journal de Montréal (Monde Asie-Pacifique), TV5MONDE, Terrafemina

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