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Ils étaient en retard sur le planning. Genre, vraiment en retard, pas seulement un ou deux minuscules petits jours. Non, non on parlait de semaines, qui allaient bientôt se transformer en un mois entier.

Et pendant tout ce temps, Akutagawa avait fermé les yeux pendant peut-être une soixantaine d'heures. Il ne tenait debout que par la force de la caféine, et de son léger côté maniaque qui ne le laissait pas se reposer avant que tout soit parfait.

Il s'agissait de Dazai, l'idole qui s'affichait sur tous les posters de sa chambre d'ado, son premier crush, et la raison pour laquelle il possédait tellement d'imperméables. Il se devait de lui rendre justice.

– Jinko ! appela t-il, secouant son petit-ami qui était réduit à une ombre affalée sur la table, cernes jusqu'aux joues. On peut pas publier ça, debout ! ajouta t-il plus fermement, n'obtenant pas de réponse.

Ce faisant, il gesticula en direction du tableau -ou plutôt du mur devant eux. Sa main tremblait : manque de sommeil, stress ou plus probablement sa troisième tasse de café de l'heure; il l'ignora.

Le mur était couvert de notes, de pages de magazine des années passées, d'extraits d'interviews et de nombreuses images. Photos officielles, captures d'écrans, on aurait pu confondre la chose pour une performance d'art tant l'amalgame d'informations était complexe. Akutagawa voulait croire qu'il y avait une logique dans le classement des textes et autres bouts de papiers, mais c'était surtout un mensonge auquel il se raccrochait pour garder un semblant de calme.

Naomi entra dans la salle, son uniforme de serveuse toujours en place, boissons chaudes dans une main. Voyant les quatre personnes avachies autour de la table dans diverses positions inconfortables, elle leva un sourcil critique.

– On dirait que vous cherchez un meurtrier, c'est quoi tout ce fil rouge ? Ou est-ce qu'on a trouvé de la laine nous ? jugea-t-elle, vaillamment pour quelqu'un qui avait envoyé quatre pages pleines de liens en guise de recherche puis disparu des radars.

Gin roula de sous la table où elle avait essayé de grappiller quelques minutes de sommeil.

– La vraie question c'est qui a enfoncé des punaises dans le mur ? On est toujours en location on a pas le droit de foutre des trous partout, le proprio va nous tuer, se plaignit-elle, visiblement à moitié endormie.

Akutagawa, qui avait déjà un mal de crâne tenace depuis la veille, sentit son irritation monter comme de la lave à un cratère. Il frappa des deux mains à plat sur la table, faisant sursauter Atsushi qui se redressa avec un cri peu convaincant de "j'dors pas !".

– Vous êtes tous myopes ou bien ? chercha t-il à savoir, légèrement enragé, mais personne n'en avait grand chose à faire, c'était comme ça qu'il communiquait après deux nuits blanches passées. On a littéralement la preuve que Double Black vivent ensemble sous les yeux et vous parlez de la tapisserie ? cria t-il, à deux doigts de se tirer les cheveux de désespoir.

– La décoration est vraiment dégueu, ça distrait en même tem- Comment ça vivent ensemble ?! essaya de le calmer son petit-ami, avec que son cerveau n'intègre complètement les mots qui venaient d'être prononcés.

Akutagawa gesticula encore une fois muettement vers leur mur. La rage le rendait muet, ou alors il ne trouvait plus les mots.

Quand on regardait attentivement, les fils de laine connectaient en fait plusieurs bouts d'informations, et si tout était loin d'être placé en ordre chronologique, on pouvait voir des liens entre interviews datant de dix ans en arrière et photos récentes.

Par exemple, Dazai commentait à plusieurs reprises sur le sens de la mode du meneur de groupe rival, donnant plusieurs exemples détaillés. C'était courant, une blague qui remontait à loin, et tout le monde avait plus ou moins cessé de l'entendre. Pourtant, quelqu'un de leur équipe (Gin sûrement, la plus attentive aux détails) avait connecté les transcriptions d'interviews à de vraies tenues portées par Chuuya. Ce qui en soit n'avait rien de suspicieux.

(Mais prouvait soit un sens de l'observation impressionnant, soit un intérêt un peu trop poussé pour quelqu'un censé haïr le meneur de Port Mafia.)

Cependant quand, en regardant, on commençait à voir des vêtements partagés ? Légèrements trop grands ou un peu courts ? Jamais portés en même temps ?

, ça commençait à être intéressant.

Dazai dépassait Chuuya de plusieurs bons centimètres depuis leurs dix-sept ans environ, mais le rouquin avait toujours été plus musclé. Un gilet beige porté par le guitariste de Port Mafia était oversize, mais le vêtement avec un design suspicieusement similaire tombait pile au bon endroit sur Dazai. Un t-shirt stupide avec une inscription à base de mauvais jeu de mots à la bonne taille sur Chuuya montait à peine plus haut sur son rival, la coupe soudainement moins serré sur son corps élancé.

Dans tous les cas, il était au moins intéressant de noter que, s'ils ne portaient pas les vêtements l'un de l'autre, ils avaient acheté les mêmes articles.

L'affirmation de Dazai qu'il détestait les tenues du rouquin était dans tous les cas prouvée fausse.

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