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Le silence était pesant dans le bureau de Mori en ce début de matinée.

Lui-même se trouvait assis, mains croisées sous le menton et regard sérieux. L'effet était un tantinet gâché par sa robe de chambre, mais Chuuya avait assez de respect pour lui pour ne pas le mentionner.

A la différence de Dazai qui n'avait pas encore fini de rire, plié en deux sur la chaise face à leur patron, une main pressée contre son visage dans une tentative peu convaincante pour cacher son hilarité. Lui-même ne portait pas grand chose de plus qu'un t-shirt trop grand à imprimés bob l'éponge et un bas de survêtement de Chuuya trop petit pour lui au niveau de la longueur, mais personne ne commentait.

Les tenues de Dazai dans le studio d'enregistrement n'étaient en même temps jamais très glorieuses. Il clamait ne rien pouvoir faire à moins d'être à l'aise, et parfois cela signifiait les accoutrements les plus ridicules qu'il ait été donné de voir. Une fois, Chuuya avait interrompu une répétition de Stray Dogs pour trouver le brun en pilou pilou orange vif. La capuche était ornée de pinces de crabe.

Il n'avait jamais pu se sortir l'image de la tête, elle était comme encrée sur sa rétine.

Fukuzawa, en revanche, affichait comme à son habitude un costume impeccable, en tenue traditionnelle et feignant d'ignorer à la fois Dazai et Mori. Il buvait un thé face aux baies vitrées, et n'estimait pour le moment pas nécessaire de se mêler à la scène. Ce devait être trop puéril pour qu'il s'y abaisse.

Mori se râcla la gorge, envoyant un regard noir à Dazai tout en souriant -un combo terrifiant. Chuuya lui envoya une claque à l'arrière de la tête, bien plus efficace.

– De rien, déclara-t-il avec flegme quand le brun cessa de se fendre la poire, ignorant l'air quelque peu surpris de Fukuzawa.

Ce dernier n'était simplement pas habitué à les avoir tous les deux dans la même pièce, puisqu'il s'occupait quasi exclusivement des autres artistes et du côté technique du label. Mori, lui, qui devait les supporter depuis leur quinze ans, parla comme s'il ne s'était rien passé.

Pour un homme en robe de chambre à roses rouges et noires, il avait étonnement de prestance.

– Je suppose que vous avez vu le magazine ? annonça t-il simplement, presque plus une affirmation qu'une question.

Chuuya se contenta de hocher la tête alors que Dazai ricanait dans son coin.

– Il est plutôt difficile à manquer, rétorqua le brun, non sans une bonne dose d'ironie.

Il était vrai que le magazine auparavant inconnu était à la une de tous les marchands de journaux et qu'internet ne parlait que de ça. Le fait que les responsables refusaient toute interview ne faisait que renforcer l'engouement, sans même parler de la raison de leur popularité en premier lieu.

L'article.

Mori le fit glisser sur son bureau, une belle parution sur papier glacé, avec de grandes photos et des tas de sources pour appuyer ses dires. En gras, l'énorme titre annonçait : Double Black, le mystère de leur relation enfin résolu ?

De l'avis de Chuuya, ils auraient pu mieux faire. Quelque chose comme Double Black ou double vie ? par exemple, mais c'était juste son expérience de lyriciste qui parlait. Restait le fait que l'article était plutôt bien écrit, fiable, et surtout que c'était un véritable dossier d'enquête sur eux.

– Bon, on a quand même réussi à avoir quelques années de calme même si on a fini par être grillés, non ? dit Dazai, qui fut le premier à parler alors que tout le monde regardait encore le magazine.

Mori et Fukuzawa acquiescèrent, alors que Chuuya continuait à fixer les photos.

Ses sourcils étaient froncés et ses yeux bleus orageux. Malgré ses cheveux longs en bataille, que d'ordinaire il tressait pour aller se coucher mais qui ce matin étaient complètement défaits, il arrivait à avoir l'air sérieux. Ses poings étaient serrés sur le jean noir qu'il avait insisté pour revêtir avant de sortir.

Dazai fronça lui aussi les sourcils, rapprochant sa chaise et lui donnant un gentil coup de coude.

– Hey, ça va aller ma limace, promis, essaya t-il de rassurer en un murmure, tentant de tirer un mot des lèvres du rouquin qui était resté obstinément muet.

Il avait les yeux rivés sur plusieurs photos en particulier, celles qui dataient de leurs interviews et performances du confinement.

Alors que tout le monde s'inquiétait de son manque de réaction, lui qui d'ordinaire était si vocal, il releva la tête. Son expression n'était plus orageuse, mais pleine d'une calme détermination.

– ... Nakahara ? osa Mori, perturbé.

Ce dernier se contenta de se lever, fouillant dans les poches de sa veste en cuir. Il avait fait deux pas sur la moquette que c'était au tour de Fukuzawa de l'interpeller :

– Nakahara, qu'y a-t-il ? demanda l'homme d'ordinaire imperturbable, ayant même reposé son thé fumant.

Il avait atteint la porte et sortit un briquet rose fluo quand Dazai se décida à l'interpeller, pas inquiet mais plutôt très intrigué par ce comportement inhabituel :

– Chuuya...

Le jeune homme leva une main pour l'arrêter, actionnant la poignée. Le sourire sur son visage frôlait le maniaque quand il daigna enfin donner une explication à ses actions.

– Deux secondes, je vais cramer la tapisserie et je reviens.

La porte claqua derrière lui le temps que ses paroles s'impriment dans les esprits, et alors Dazai partit d'un immense fou-rire pendant que deux des hommes les plus riches et influents de Yokohama se précipitaient en dérapant dans le couloir en criant.

– Chuuya, nON ! hurlèrent t-ils de concert.

Seul le rire, triomphant et légèrement dérangé, du rouquin leur parvint, ainsi que, quelques secondes plus tard, une forte odeur de brûlé.

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