Virginités.


Sur cette estrade, entourée de personnes si chaleureuses, je m'étais sentie transportée dans un autre univers. J'avais l'impression d'être au sommet, et que mes doigts frôlaient le soleil. Dès qu'il fallut regagner mon palanquin, escortée par une myriade de dames nobles et de servantes, mon cœur s'était arrêté de battre avec frénésie pour appréhender les minutes qui me séparaient de ma rencontre avec le destin. Aujourd'hui, les lois du pays nous avaient uni en toute sobriété. Un sourire frappa mes lèvres colorées et je passais une dernière fois ma main chargée de bracelets à travers les rideaux de ma monture pour saluer la foule. A quoi ressemblait l'empereur? Je n'avais jamais admiré aucun portrait de lui et les descriptions données étaient si évasives que j'étais persuadée qu'elle ne lui rendaient pas justice.

Les rires, les cris de liesses, les détonations des feux de joie et la musique permanente m'emplissaient d'une fierté sereine. Mon union apportait bonheur et réconfort. C'était la promesse pour le peuple de la stabilité d'un empire aux portes de la guerre. Il y aurait un héritier, ce qui éloignerait le spectre d'un conflit civil. Dieux de l'univers, faîtes qu'ils aient raison.

Je dénombrais quatre-vingt huit marches dans l'escalier qui menait au pavillon Amaterasu, dit de la Lumière Céleste. Mon père bien-aimé et un dénommé Saï – que l'on m'avait présenté comme étant mon garde personnel, m'accompagnaient. Vite. Les grandes portes s'ouvrirent trop lentement. Plus vite. L'orchestre traditionnel présent dans la salle du trône cessa ses notes enjouées. Et j'écarquillai les yeux, abasourdie par la beauté des décorations et de l'architecture intérieure. Tout était agencé de manière à capter la lumière et la réfléchir de milles manières différentes, révélant un spectre de couleurs incroyables que même les bannières sombres des Uchiwa ne réussissaient pas à ternir.

A mi-chemin, Hinata Hyûga avait émergé de la foule des dignitaires pour venir ramasser la traîne de ma robe de cérémonie. Nous échangeâmes un regard et je fus troublé de lire au fond de son esprit une confusion et une tristesse déchirantes. Elle s'était ensuite empressée de gagner mon dos. Je pense qu'elle avait murmuré une salutation respectueuse, les joues empourprées de timidité. Un gong soudain retentit m'annonçant notre arrivée aux pieds de l'empereur. La brune m'avait distraite de mes principales préoccupations et dans un vif battement de cil, j'aperçus Sa Majesté. Mes jambes fébriles ployèrent et je tombai à genou pour lui témoigner mes respects.

Par tous les dieux. Bor-del.

Il était magnifique. Et mon sourire s'agrandit, dévoilant mes dents blanchies pour l'occasion.


◊◊◊


Elle avait des yeux clairs et acérés. Ses airs angéliques semblaient couvrir une femme déterminée. Après l'avoir contemplé un instant, je détournai ma figure, ennuyé. Ces cérémonies chronophages se prolongeaient inutilement. La femme faisait l'affaire. A mes côtés, petit frère s'impatientait. Quelque chose semblait le préoccuper. Dans mon dos, les chuchotements incessants de Karin à l'adresse de l'un ou l'autre m'agaçaient. Mon autre concubine était absente, ce qui expliquait également la non-présence de Shisui. Nulle trace également du prince Uzumaki, ou des Hyûga (exceptée la fille aînée). Tous ces détails, anormaux, pesèrent sur mon humeur et je poussai un soupir silencieux avant d'adresser un geste à mon épouse pour qu'elle se redresse. Désormais unie à moi, je n'appréciais guère la voir dans des postures humiliantes, ce serait mon honneur que l'on attaquerait. J'avais l'impression détestable que la cour se relâchait. Une invitation à mes noces était un ordre et par conséquent une obligation. Chacun s'était agenouillé pour la recevoir. Pourquoi ces absences risquées ? A régler plus tard.

Il me fallut quitter le nid d'aigle qu'était mon trône pour descendre à la rencontre d'Ino Yamanaka. D'un bras puissant, j'entourais ses épaules, sans lui accorder un regard. Les courtisans applaudirent timidement et l'orchestre reprit son air. Je l'emportai ensuite loin des regards et des festivités. Notre destination serait le pavillon des Impératrices que j'avais visité à de rares occasions durant mon enfance pour rendre visite à ma défunte mère. Mon dernier passage m'avait permis de sentir la présence de Sakura dans la couche de l'impératrice. Le souvenir du parfum floral qu'elle dégageait et de sa respiration régulière me figèrent une seconde.

Dans ses appartements qui embaumaient l'encens depuis des générations de souveraines, une table cérémoniale avait été dressée, présentant des victuailles et des boissons sacrées. A travers deux gestes d'Ino, en train de me servir du saké, les images de l'impératrice Mikoto Uchiwa apparaissaient. Je dus masser mes tempes pour me ressaisir alors qu'elle me tendait la coupe alcolisée. Qui ? Ma mère ou mon épouse ? Ce n'était plus très clair. Ma vision s'était troublée avant de se stabiliser douloureusement.

« -Votre Majesté ? Souffla-t-elle près de moi.

-Merci, fis-je en prenant la boisson pour y tremper mes lèvres moites.

Avec la reine, le protocole de sécurité n'était pas nécessaire. Il était établi que sans son empereur, l'impératrice était fragilisée par les luttes de pouvoir. D'autant plus, sans héritier mâle pour consolider sa légitimité.

-Aimez-vous une autre femme ? »

La gorgée fut difficile à avaler sous la surprise, mais je fis l'effort d'y parvenir.

-Je suis désolée de vous avoir surprise par ma question, reprit-elle poliment, assise à ma droite. J'ai parfaitement conscience que notre union est politique et artificielle. Je l'ai également accepté pour accomplir mon devoir. Toutefois, je suis votre femme désormais et....

-Tu es mon épouse, la coupai-je froidement, ta position incombe des responsabilités qu'aucune autre femme n'a en ces terres. Comme tu n'es pas censé l'ignorer, j'ai également des concubines. Est-ce vraiment nécessaire d'en parler ? »

Je la vis blêmir, secouer la tête puis détourner son attention. Assez de saké pour cette nuit. Je repoussai ma chaise et me penchai vers elle afin de glisser mes doigts dans sa chevelure. Je la sentis sursauter et poser ses grands yeux de clarté sur moi. Ses joues si pâles avaient soudainement viré au rouge. Bien. Défaisons son ruban immaculé. Elle n'était plus libre et appartenait maintenant à l'empire des Uchiwa. Je n'avais pas imaginé sa chevelure si longue lorsqu'elle retomba lourdement sur ses épaules. Sa respiration s'accéléra. Une main tenant le vestige de son célibat et l'autre ayant glissé entre son obi et son kimono, j'étais incapable de trouver les mots pour la rassurer. Je n'estimais pas cela nécessaire. D'une pression lente, je défis le nœuds de son vêtement avant de le renouer aussitôt. Elle ouvrit vivement des yeux qu'elle avait clos sous l'appréhension.

« -Quelque-chose ne vas pas ? Demanda-t-elle, paniquée et le minois froncé de contrariété. »

Je ne pouvais pas prendre le risque de concevoir un héritier ayant le sang d'un puissant clan de Konoha. Ce serait risquer l'ordre et l'harmonie, fragiliser les fondements de mon pouvoir. Foutu Shisui, foutu Danzô et leur stratégie politique. M'éloignant d'Ino, j'éteignai la lumière.

« -Je suis fatigué ce soir. A demain. » lançai-je en guise d'au-revoir.

Le corps contracté aussi bien par la frustration que la colère, j'usai d'une technique de déplacement instantanée afin d'éviter les rumeurs qui pourraient courir sur mon départ précoce.


◊◊◊


« -Que faisait-elle assise sur toi ? » m'interrogea Shisui tandis que sa protégée se hâtait, harassée par l'épuisement. Le petit ton moqueur qu'il avait pris pour s'adresser à moi ne trompait personne. Avait-il assisté à ce début de rixe? Il haussa les épaules et posa une mon fraternelle au sommet de mon crâne. Comme au bon vieux temps, hein? Mais que restait-il du passé ? Quelques squelettes enterrés dans une crypte, et trois fantômes Uchiwa luttant pour maintenir ce qu'il restait de pouvoir. Je n'étais plus certain d'avoir les mêmes objectifs que frère aîné. Ses phalanges se baladèrent dans mes cheveux, effectuant un semblant de caresse et il rajouta plus sévèrement :

« -Elle sera punie pour ça, et tu l'as sciemment provoqué. Je tairai ta responsabilité dans cette faute, car l'ordre doit être préservé. Fais davantage attention à l'avenir.

-Ce sera donc ton rôle. Ta récompense pour avoir mené frère aîné au pouvoir ? Devoir te comporter comme un chien de garde ? Répliquai-je sèchement, en me soustrayant à son geste dominateur. Toi qui étais si brillant.

-Tiens-tu vraiment à m'affronter, Sasuke ? »

Non. Mais s'il insistait, nous pouvions régler cela. Toutefois, la silhouette de Sakura s'éloignait à vue d'oeil et prolonger notre petite discussion le mettrait en défaut de surveillance. Je le sentis hésiter, ses yeux impassibles passant d'elle à moi. Avait-il envie de se mesurer à moi? Au point d'en oublier la précieuse mission que l'empereur lui avait confié ? Nous nous défiâmes en silence plusieurs secondes, puis il soupira dans un sourire en demi-teinte.

« -J'ai aperçu ton nom sur la liste des combattants lors du futur tournoi. Peut-être que nous aurons l'occasion d'y régler ce différent.

Et il fit un pas pour s'éclipser mais je le retins avec autorité :

« -Attends. Quelle punition subira-t-elle ?

-Tu t'en inquiètes ? Dit-il avec une surprise sincère. Sois plutôt heureux que tu t'en tires à si bon compte. Tu dois être le seul homme de l'empire à ignorer que toucher une concubine impériale est une trahison sanctionnée par la mort. Même pour un prince. »

Quel connard. Enfant, j'avais toujours envié la relation privilégiée qu'il entretenait avec frère aîné. Leurs secrets de « grands », le temps qu'ils partageaient en entraînements et en compagnie l'un de l'autre. J'avais toujours jalousé Shisui Uchiwa, ce frère imposteur, si parfait. Je contractai ma mâchoire et tournai les talons pour rejoindre le pavillon Amaterasu où la cérémonie de ce soir prendrait fin. Dire que bientôt, ce serait mon tour. Un soupir de lassitude franchit mes lèvres pincées. Il me fallait sortir vainqueur de ce tournoi.



◊◊◊


La gifle fut sèche et surprenante. La paume de Yûhi-san claqua contre ma joue sous l'attitude glaciale de Shisui. Je dus reculer d'un pas fébrile pour encaisser le coup. Et les yeux rougeâtres de la gouvernante me foudroyaient. Je pouvais y lire une colère sourde et dangereuse.

« -Il me semblait que vous aviez compris le règlement, » dit-elle calmement. « -Vous n'avez pas le droit de vous retrouver seule avec un homme, sauf en présence d'un tiers. Il est formellement interdit d'avoir un contact avec un autre homme que l'empereur. Même si c'est le prince Sasuke Uchiwa. Même si l'on vous mettait un couteau sous la gorge. Vous appartenez à l'empereur. Il vous ai interdit de le déshonorer. »

Mon regard stupéfait la fixait avec incompréhension avant de se tourner vers mon « protecteur ». Il était allé me dénoncer. Lui. Merde. Je le détestais un peu plus chaque jour qui passait. Je n'aurais jamais dû sauver ses sharingans. Il finit par s'incliner devant nous et s'éclipsa sans un mot.

« -La punition dans ce cas-ci est très sévère, mais vous êtes nouvelle. C'est une circonstance atténuante qui ne vous sauvera guère à la prochaine incartade. Et vraiment, cela me désole de devoir me montrer sévère à votre égard. Vous avez un potentiel formidable.

-Je ne suis pas une bête ! M'exclamai-je, tremblante d'émotions. La tristesse et l'indignation avaient figé des larmes amères aux coins de mes paupières. J'étouffais déjà ici. -Le prince Sasuke m'avait provoqué, poursuivis-je avec insistance. Il m'a insulté. J'aurais dû me laisser humilier ?

-C'est le frère de Sa Majesté, Sakura-san. Ainsi vont les choses. Eloignez-vous de lui, c'est le meilleur conseil que je puisse vous donner. Si l'empereur apprend vos incartades, il ne sera guère aussi indulgent que moi et je risque également ma tête. »

La dernière affirmation me fit l'effet d'une douche glaciale. Etait-elle garante des concubines au point de risquer son existence ? Je considérai soudainement que nous étions toutes prisonnières, otages, bon gré, mal gré d'un système patriarcal injuste et dépassé. Les battements de mon coeur reprirent davantage de vigueur et je contractai ma mâchoire pour éviter de répliquer. Itachi Uchiwa semblait avoir coulé une chape de plomb sur le palais dont il était le maître. D'un geste autoritaire, elle m'indiqua la direction de mes quartiers.


◊◊◊


Assis en tailleur sur son trône surélevé, l'empereur paraissait inatteignable. Mon père, Neji-niisan et ma cadette m'entouraient. A deux mètres sur notre gauche, le prince Naruto était également agenouillé devant le souverain, l'air ennuyé. Puis encore plus loin, je reconnus la médic-nin Sakura en compagnie de Yûhi-san. Mes yeux revinrent sur le parquet, de peur que ma curiosité ne soit blâmée. Nous avions été convoqués tôt ce matin par le bureau d'investigation impérial que dirigeait Anko-san et le clan Yamanaka. C'était une officine assez crainte dans l'empire, puisqu'elle traquait les opposants de la dynastie Uchiwa. De l'exécution sommaire à la torture savamment dosée, leurs méthodes étaient redoutées. Ils étaient comme des millions d'yeux scrutant l'intérieur de l'empire.

« -Vous n'étiez pas présents à la cérémonie d'investiture. Malgré une convocation impériale. » déclara-t-il froidement et je me raidis toute entière. Quelques gouttes de sueurs avaient perlé sur mon front, que j'essuyai discrètement à l'aide de l'ourlet de mon kimono. J'aurais voulu dire : « mais moi, navrée, j'étais présente. » Je savais que c'était une mauvaise idée. Pas de chance. Mon père avait voulu jouer, tester les limites de l'empereur et il avait perdu. Je fermai les yeux afin de me soustraire à cette vision d'horreur.

« -Ministre Hyûga, en compensation de cette faute, vous offrirez votre fille aînée au service entier de l'Impératrice à titre de dame de compagnie. Voilà qui réglera l'affront.

-Merci Votre Majesté, c'est un honneur, répondit poliment le patriarche, s'inclinant bien bas. »

Le choc me fit frôler le malaise. Mes doigts, crispés contre mes cuisses, se mirent à trembler. Encore offerte, comme une vulgaire marchandise à l'une ou à l'autre. Tantôt épouse, tantôt servante. N'étais-je bonne qu'à être traitée en objet toute ma vie ? Mes nerfs optiques frémirent sous mon émoi. L'émotion perturbait mon flux de chakra et le byakugan menaçait de poindre. L'effort pour le contenir fut douloureux. La main exigeante de Hiashi se posa sur ma tête et d'une pression insistante, il me fit baisser la figure jusqu'au sol pour me prosterner en guise de remerciement. J'aperçus mes larmes, lourdes et brûlantes, échouer à terre. Je ne supportais plus de payer pour le clan.

« -Prince Naruto. Encore un énième manque de discipline. Tu partiras pour les frontières après les cérémonies auxquelles tu assisteras, cette fois.

-Non ! »

Non ! Mon Dieu. C'était moi qui m'étais exclamée non. Je croisai soudainement le regard d'un bleu sidéré d'Uzumaki et je secouai la tête. Je ne voulais pas le dire si haut. Mince. De nouveau, la paume de mon paternel écrasa mon crâne et il se prosterna de concert avec moi.

« -Veuillez excuser ma fille, Votre Majesté. Elle est légèrement perturbée. »

J'étais surtout complètement désemparée à l'idée que le prince quitte le palais. Je ne me le pardonnerai jamais.

« -Yûhi-san, qu'avez-vous à dire sur l'absence de ma concubine dont vous êtes responsable. Je suis curieux de vous entendre, continua Itachi, imperturbable.

Quoi ?! Et heureusement, la surprise n'avait pas franchi la barrière de mes lèvres. Mes airs stupéfaits étaient concentrés sur la silhouette magnifiquement bien habillée de la jeune médecin. Elle arborait, entremêlé dans ses mèches rosées, un ruban pourpre à la signification limpide. Comment était-ce possible ? J'avais tenté de la prévenir lors de l'opération, sans succès et aujourd'hui – encore une fois, mon inaction semblait avoir mené à la catastrophe.

« -Sakura se sentait souffrante, Votre Majesté.

-Est-ce que tu te sens mieux ? »

Il avait directement adressé la question à la concernée qui répondit d'un ton un peu revêche.

« -Légèrement, oui.

-Bien. Il s'agissait là de mon dernier avertissement vous concernant tous. »

Mon père et Kurenaï-san s'inclinèrent bien bas et exprimèrent d'une même parole leur gratitude envers le monarque. Dès que ce dernier quitta la salle du trône, accompagné de son fidèle garde personnel, Naruto se redressa pour prendre la tangente. Je me hâtai à sa suite, ignorant l'appel autoritaire de Hiashi. Nous devions avoir cette conversation à nouveau. C'était maintenant ou jamais de changer le cours de mon destin. Je ne souhaitais plus vivre écrasée par les regrets. Une ultime fois, mes prunelles s'attardèrent sur Sakura qui semblait s'entretenir avec sa gouvernante. J'étais tellement désolée.


◊◊◊


« -J'apprécierai que vous preniez Sakura-san sous votre aile, Karin-san.

-Hors de question, répondit la concernée avec indignation. »

Fallait-il s'attendre à une réponse différente de sa part ? Elle semblait me haïr, et ce sentiment n'était pas loin d'être partagé. Nous prenions le thé dans les jardins Est. La boisson chaude était accompagnée de pâtisseries qui réconfortaient mon ventre creux. La dépression que je subissais depuis quelques jours mettait à mal mon appétit et cette rencontre arrangée avec ma rivale ne faisait qu'aggraver les choses. Après l'audience de la matinée, j'avais espéré un peu de liberté – notamment pour m'entretenir avec le prince Naruto. Toutefois, Kurenaï veillait au grain. Il me fallait oublier le regard concerné du souverain lorsqu'il avait demandé avec familiarité si je me sentais mieux.

« -Karin-san. Vous connaissez les règles, le gynécée impérial est une communauté. Si l'une faute, toutes les autres sont punies et nous ne sommes pas passées loin de la catastrophe hier. L'indulgence de Sa Majesté a des limites que l'on atteint très rapidement. Vous le savez mieux que quiconque. »

La rouquine parut considérer la chose et je la sentis se crisper faiblement. J'enfournai un mochi entre mes lèvres affamées ce qui la fit réagir :

« -Pour commencer, arrête de t'empiffrer, tu vas grossir ! Yuhi-senpai ne te l'a peut-être pas annoncé, mais notre physique est une donnée conséquente dans notre rôle.

-L'empereur apprécie les femmes avec des courbes, rectifia la gouvernante en me rassurant légèrement. Shannarô, je m'étais assez privée ces derniers temps !

-Pff, soupira Karin, agacée. Que voulez-vous que je lui apprennes ?

-Tout ce qu'il y à savoir. Les nuits en compagnie de l'empereur, les rapports plus intimes. Je suppose que Sakura-san est vierge. »

Je recrachai vivement ma gorgée de thé vert. Les deux râlèrent devant mon manque d'élégance, mais la supposition m'avait glacée sur place. Ma virginité. Je ne souhaitais pas aborder le sujet et encore moins y penser. Le petit ricanement de la favorite me crispa et fit rougir mes joues. J'avais soudainement honte. Je n'étais pas prête à cela. A vrai dire, cela n'avait jamais fait partie de mes priorités. Mon épanouissement passait par un autre chemin que les bras d'un homme. Devant mon air renfrogné, elles se consultèrent du regard et Karin reprit dans un soupir dédaigneux :

«-Un conseil. Ne tiens pas trop à ta pureté et apprête-toi à en faire le feuil rapidement. Ce n'est qu'une mauvaise étape à passer. Les choses sont plus simples après. Franchement, où êtes-vous aller la dénicher celle-là, Yuhi-senpaï ? L'empereur déteste les gamines.

-Tu devrais la rassurer, insista Kurenaï d'une voix plus autoritaire.

-J'ai besoin de vin pour ça, et d'une bonne dose d'hypocrisie. Sur ce, j'ai à faire. »

Puis elle nous quitta sans cérémonie et sans même méritée une gifle de la part de notre matrone. Décidément, le statut de favorite était au moins enviable sur ce point.


◊◊◊


« -Naruto-sama ! » m'exclamai-je, essoufflée. J'étais arrivée à sa hauteur alors qu'il franchissait les sentiers du jardin Extérieur. Il se retourna avec un air surpris pour m'examiner. Plusieurs émotions colorèrent sa figure aux traits enfantins.

« -Hinata-sama » s'inclina-t-il rapidement. Et ses yeux me lancèrent mille et unes questions. Il me fallait le rassurer, m'excuser également, peut-être même lui avouer. Tant de pensées se bousculaient dans ma tête que j'en avais la nausée. J'allais vomir mon audace. L'air me manquait, je n'y arriverai jamais. Ca suffit, Hinata, me sermonnai-je. Tu n'es plus en train de broder, tu n'as plus à faire semblant. Le ciel était au-dessus de nous, vaste et sans limites.

« -Je vais me battre, articulai-je, le regard bas.

« -Pardon ? »

J'étais tellement assurée, que je l'avais murmuré. Vu la distance qui nous séparait, il ne m'avait pas entendu malgré son oreille attentive. Oh, Seigneur. Il m'obligeait à répéter. Cette fois-ci, je redressai mes prunelles claires pour les ancrer dans les siennes.

« -Je vais me battre ! » m'exclamai-je, plus fort. Mon coeur battait avec frénésie et je sentis une poussée d'adrénaline brûler mes veines. « -Je ne veux pas épouser le prince Sasuke. Je veux avoir le choix. Et...et... ! Surtout, ne partez pas pour les frontières. Battez-vous avec moi, Naruto-sama. »

Il me fixait d'un air complètement ahuri, la bouche grande ouverte. Et cette grimace d'innocente stupeur se mua en un sourire magnifique qui empourpra mes joues pâles. J'étais tellement soulagée. Il leva à mon égard un pouce optimiste et le geste se maria à merveille avec la blancheur de ses dents dévoilées. Il me plaisait, ainsi. Il me rassurait, également.

« -On est pas seul, Hinata-sama. »

Oui. Neji, pensais-je avec inquiétude. Ce tournoi annoncé prochainement.

« -Vous êtes courageuse, » reprit-il avec sérieux et son compliment me revigora toute entière. « Je ne vous laisserai pas tomber. »

Derrière mon dos, la voix de mon paternel s'élevait déjà. Il allait me rattraper. Comprenant le danger d'une confrontation avec le patriarche du clan Hyûga, Naruto eut la sagesse de me présenter ses respects et de disparaître avec agilité, sautant sur le toit d'un bâtiment proche au moment même où la patte de Hiashi retombait lourdement sur mon épaule. J'allais gravement payer les conséquences de ma désobéissance lorsqu'il m'avait appelé une première fois, puis une seconde. Toutefois, je me sentais armée et intouchable.


◊◊◊



Il avait conservé mon ruban blanc au moment de quitter le pavillon des Impératrices. Mais il ne m'avait pas touché. Je m'étais éveillée au milieu d'une couche froide, un goût amer dans la bouche. C'était le saké dont je m'étais saoulée pratiquement toute la nuit, noyant ma colère et ma persistante solitude. Fixant le plafond aux sculptures magnifiques, je m'interrogeai avec gravité : m'avait-il trouvé laide? L'étais-je comparé à ses concubines dont on ne devait pas parler ?

J'étais faible et ignorante. Une piètre impératrice, somme toute. Et je me ferai dévorer si je ne réagissais pas. J'avais l'impression douloureuse que mon époux ne serait peut-être pas le soutien escompté. Quoiqu'il en était, nous étions liés, lui et moi. Il ne pourrait pas le nier éternellement. Il avait sept jours pour consommer notre union. Je souris bêtement, me retournant dans mon lit immense. Un jour était déjà passé. On lui pardonnerait ce premier écart : la fatigue, l'émotion, etc. Sept écarts, en revanche, ne sauraient être pardonnés. Quant à ces concubines impériales, je n'étais pas dupe. Si l'une d'entre elles enfantait avant moi – voire après, son bâtard serait un obstacle à l'héritier que je concevrai.

A l'entrée, dans mes appartements décorés pour l'occasion, une petite cloche retentit, signe qu'une servante demandait à se présenter. Je détestais ce son aigu.

« -Entre », ordonnai-je d'une voix fluette bien que tremblante.

« -Ojou-sama » s'inclina-t-elle sitôt arrivée face au lit. Ses cheveux sombre étaient sobrement attachées dans un chignon indiquant qu'elle était mariée. Elle semblait pourtant jeune. « -Vous devez être prête pour ce soir. Il est midi et... »

Je remarquai ses yeux curieux s'attarder sur le repas que je n'avais pas entamé.

« -Votre garde personnel sera là bientôt pour vous accompagner lors de vos déplacements.

-Bien, soupirai-je en me redressant lentement. Prépare-moi, alors. J'ai hâte de voir ce que donne la coiffure des épouses sur ma personne.

-Si je puis me permettre, Ojou-sama, osa-t-elle, il a été officialisé ce matin que votre dame de compagnie serait Hinata Hyûga. L'empereur en a décidé ainsi. »

Joie. Bonheur. Mon mari me rendait ainsi un immense service en rapprochant de moi, une de mes rivales redoutées. C'était ce que j'avais espéré. Tandis que je m'installais devant ma coiffeuse toute de pierres précieuses incrustées, j'admirais mon pâle reflet. Une fois mes cheveux coiffés, je plongerais dans un bain salvateur afin de donner une seconde vie à mes traits tirés de fatigue. Mes yeux étaient encore gonflés et rougis par les pleurs incessants qui étaient survenus cette nuit. Entre deux mouvements de la domestique, j'aperçus dans le miroir, la silhouette discrète de Saï. Au travers de la glace, il me fixait avec un fin sourire aux lèvres. Depuis quand était-il arrivé? Je finis par détourner mon attention, gênée par sa présence.


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