Requêtes Désespérées.

«-Enfin ! Hinata-sama. Vous ne devez plus lui accorder d'audience privée ! Si votre père l'apprend, je suis morte ! » se fâcha Tenten, paniquée. Elle était revenue en trombe après le départ du blond et se mettait à surveiller les entrées de ma chambre, dont les fenêtres, pour s'assurer que personne ne nous avait surpris. « -Il s'agit de votre réputation... »

Je n'avais pas le courage de lui résister, pas ce soir. Le soleil avait déjà plongé à l'Ouest et les lampes du palais s'étaient peu à peu éveillées. Déjà, les pas des domestiques rythmaient les coursives du pavillon afin de préparer bains et repas aux membres de notre noble famille. La clameur des voix et l'agitation des âmes étaient inhabituellement envahissant. La porte de mes appartements glissa avec brusquerie sur la figure irritée de ma petite soeur. Hanabi ne souriait qu'à de rares occasions ; elle prenait les choses très au sérieux malgré son jeune âge. Elle ne quittait jamais l'ombre de notre père et je savais qu'il ferait d'elle l'héritière du clan. Ce n'était qu'une question de temps.

« -Soeur aîné ! » me salua-t-elle froidement. « Cousin Neji est rentré. Nous vous attendons dans le dojo afin de procéder à la cérémonie du retour.

-B..bien...

-Vous semblez bien pâle. Est-elle malade, Tenten ? Demanda ma cadette, et ses yeux sévères fixaient ma servante avec dédain.

-Non, Hanabi-sama, s'inclina-t-elle, nerveuse, -elle a trop brodé, simplement.

-Pfff, je ne comprends pas pourquoi vous passez votre temps à vous occuper les mains ainsi, persifla la jeune fille avant de prendre congé, sans même avoir eu la délicatesse de refermer la porte derrière elle. »

Tenten et moi échangeâmes un regard plein de gravité. Neji-niisan revenait de la frontière avec le pays de l'Eau. Frontière particulièrement agitée ces derniers temps, à cause des raids incessants venant des terres de Kiri. Ces dernières formaient l'une des nations les plus puissantes du monde, et disposaient de shinobis aussi talentueux que cruels. Tout le succès politique du règne de l'empereur Itachi se jouait sur le désamorçage de cette poudrière. Et il n'y avait pas de énormément d'options à envisager. C'était soit décider la guerre et mener une victoire écrasante, soit négocier la paix - sans concessions. J'étais curieuse d'entendre ce que mon cousin aurait à nous dire concernant l'évolution de la frontière. Nous avions peu d'alliés. Selon mon père, l'empire de la Foudre tendait à se rallier au royaume de l'Eau. Une alliance qui semblait naturelle et terriblement menaçante pour ses ennemis. La Nation de la Terre serait, par principe, neutre à moins de se voir forcer la main. Quant au royaume du Vent, notre allié historique, il avait eu tendance à briser ses serments faits par le passé, et il était plus que temps de renouer le dialogue diplomatique avec ses représentants.

Aussi troublée que moi, ma fidèle servante terminait de nouer les mèches noires de ma chevelure en y glissant avec soin mon ruban blanc. Il était tenu par une broche en jade particulièrement coûteuse, héritée de ma défunte mère. Je dus quitter ma robe traditionnelle pour un kimono brodé à l'effigie du clan. Encore une fois, elle serra le obi trop fort, incommodant mon abdomen et mes cotes.

« -Puis-je vous accompagner, Hinata-sama ? »

Quelle étrange demande. Je pinçais mes lèvres, incertaine. En admirant son air attristé et préoccupé, je me radoucis.

« -Oui, tu peux. Mais sois discrète, s'il te plaît. L'ambiance risque d'être assez tendue... »

Comme toujours lorsqu'on réunissait dans le même lieu, Neji Hyûga de la branche secondaire et Hiashi Hyûga de la branche principale. Ajoutez ma présence et celle d'Hanabi et nous atteignions les sommets en terme de tension.

◌◌◌

J'avançais de quelques pas à l'intérieur de la première pièce qui composait les quartiers de l'empereur. Mon attention se posait partout, à l'image d'une abeille qui butinait. Mes yeux assumaient le dur labeur d'observer toute chose présente. Des fauteuils aux coussins de soie sombre, des tatamis qui bénéficiaient d'un meilleur entretien que le reste du pavillon et peu de meubles si ce n'était une table basse et un secrétaire fermé sur lequel trônait un katana. L'air était saturé d'encens et cela me rappela ma précédente visite en qualité de docteur. Je luiavais promis une relation différente que celle d'un suzerain et de son sujet, ce jour-là. J'avais été son médecin et cette époque me sembla si lointaine.

« -Sakura. » me salua une voix désormais bien familière.

Il était vêtu d'un simple hakama noir et d'un jinbei* aux couleurs du clan Uchiwa. Qu'avait-dit Kurenaï-sensei, déjà ? De m'agenouiller. Je choisis la révérence, inclinant raidement mon buste pour lui présenter un semblant de respect. J'étais persuadée que mes yeux portaient encore les séquelles de mes larmes silencieuses - pleurées quelques minutes auparavant.

« -Votre Majesté...soufflai-je, tendue.

-Souvent, je me demandais à quoi pouvait bien ressembler la femme qui avait commis l'impossible : soigner mes yeux et ceux de Shisui. On dit de Tsunade qu'elle utilise des sorts afin de préserver son apparente jeunesse. Je la savais agréable d'apparence, mais sa disciple. Je l'ignorais. Et te voilà, à présent, entièrement dévoilée à ma vue. Je t'en suis reconnaissant. De plus, j'admire ton courage. Abandonner le confort de la fuite, pour revenir et sacrifier ta vie en échange de celle de ton maître. Ce courage vaut bien toutes les beautés de l'empire.»

Il ne m'avait toujours pas ordonné de me redresser. J'admirais ses pas aller et venir autour de moi, s'arrêtant parfois au milieu d'une phrase tandis qu'il fixait mes apparats. Son timbre était grave, et intimidant - je devais l'avouer. Une autorité glaciale découlait de ses paroles. Sa proximité effaçait l'odeur désagréable de l'encens au profit d'un parfum légèrement musqué.

« Redresse-toi, » décida-t-il en s'éloignant pour aller s'asseoir en tailleur sur l'un des immenses fauteuils. Je restais interdite en le contemplant. Ses cheveux frôlaient librement ses épaules et son dos, et ses prunelles ténébreuses paraissaient refléter toute la solitude du monde.

« -Je suis désolé que tu aies eu l'obligation te plier au protocole de sécurité. J'aurais dû informer Shisui que je ne comptais guère avoir de rapports intimes avec toi, ce soir. »

Soulagement. Le poids qui écrasait mon cœur et bloquait mon souffle se dissipa et je pus prendre une profonde inspiration. Mes prières avaient été exaucées.

« -Le ferez-vous, un jour ?

-C'est dans les attributions d'une concubine. Préfères-tu mourir plutôt que de te plier à ces exigences ?

-J'aurais pu être n'importe quoi ! Dans de pareilles conditions je n'aurais pas refusé d'être médecin impérial ! M'écriai-je. Mes nerfs venaient de lâcher. C'était l'ascenseur émotionnel, pour ne pas dire les montagnes russes. J'avais le cœur au bord des lèvres désormais.

-Je n'aurais pas été satisfait longtemps par la relation médecin-patient, que tu proposais avec tant d'autorité. L'autorité, c'est moi. Je suis ton empereur. Je ne pouvais pas te laisser bouleverser l'ordre des choses. »

Je poussai un soupir de protestation. Mes jambes menaçaient de céder et je pris un siège, sous son regard examinateur. Bousculer l'ordre des choses était exactement ce qui me motivait à faire semblant. Je ramenai mes genoux contre moi et y déposai lâchement mon menton, épuisée par ma journée.

-Je ne pourrais plus jamais vous soigner, si je n'utilise pas mon chakra. »

A son tour de soupirer face à ma voix railleuse.

« -J'ai besoin de revoir mon maître, » poursuivis-je avec insistance. « Accordez-moi cette faveur, s'il vous plaît.

-Accordée. Tu pourras lui rendre visite demain matin, avant qu'elle soit transférée à la prison de Tanzaku. »

Quoi ?! La prison de haute-sécurité de Tanzaku était la seule de l'empire. De la taille d'une ville, elle abritait toute sorte de criminels de haut rangs.

« -Vous m'aviez dit....

-Je t'ai promis que je l'épargnerai tant que ton comportement serait impeccable. Ce que je fais, elle ne manquera de rien là-bas et sera protégée. Ce sera elle, mon médecin impérial, me coupa-t-il sévèrement. »

Voilà qui réglait définitivement le problème du chakra que j'avais soulevé. Si Tsunade soignait l'empereur, alors il n'avait plus la nécessité de mes compétences. A cet instant, je ne voyais aucune faille dans ses desseins tant qu'il arrivait à nous garder sous contrôle. Si je marchais au chantage, mon maître - elle, profiterait de la moindre occasion pour prendre le dessus.

« -Je ne te toucherai pas, si tu résistes de la sorte à cette idée, » expliqua-t-il avec calme. « -Nous verrons bien combien de temps tu vas tenir avant que je ne perde patience et que j'ordonne l'exécution de Tsunade. Tu ne quitteras pas cette pièce, et tu auras la nuit pour réfléchir, Sakura. Mais si tu t'entêtes, saches que tu me feras perdre mon médecin impérial et que tu perdras ton maître. J'aimerais sincèrement ne pas me tromper en disant que le courage dont tu as fait preuve pour lui sauver la vie peut se muer en honneur et en abnégation.»

J'étais foutue.

◌◌◌

Endormie, elle perdait ses airs farouches. Ses griffes étaient rétractées, et ses yeux accusateurs s'étaient fermés sous des paupières délicates aux longs cils ébènes ; ce qui tranchait avec sa chevelure de clarté. Après une heure de silence, ma nouvelle concubine n'avait pas tardé à glisser vers le royaume des songes. Il persistait un pâle résidu de contrariété sur ses traits. Ses lippes demeuraient désespérément pincées dans une moue boudeuse. Je n'aurais jamais pensé trouver une femme endormie aussi séduisante. Je n'étais pas homme à courir les jupons. Je pensais même être l'un des rares empereurs à n'avoir possédé que deux concubines. Mon propre paternel en avait entretenu une dizaine, toutes du clan Uchiwa. Seule exception : son prédécesseur qui avait refusé le concubinage pour se consacrer à son épouse principale. Pour ma part, c'était davantage une nécessité qu'un luxe. Je n'appréciais pas l'idée de mêler mon sang à un clan rival. Les Yamanaka avaient beau être des alliés de choix, ils profiteraient de cette union pour accéder au pouvoir. Il me fallait des enfants sans prétention du côté maternel afin de renforcer ma dynastie. C'était une question de survie et de préservation de l'ordre. Toutefois, je ne pouvais pas nier que lier l'utile à l'agréable me soulagerait du poids de la culpabilité.

Puisqu'elle n'avait pas l'air d'être confortablement installée, je décidai de la soulever dans mes bras. Son visage éteint glissa lentement contre mon torse et ce contact me rassura. Si près de sa tempe, mon cœur battait régulièrement. J'étais vivant.

Une fois déposée dans ma couche, je me remis à la contempler. Et j'en vins inéluctablement à la désirer. Penché au-dessus de la dormante, je souhaitai profiter de ce moment paisible pour lui voler un baiser. Il serait chaste, promis. Elle sentait délicieusement bon. C'était le même parfum de plantes et de fleurs que j'avais humé des jours auparavant en la raccompagnant chez elle. Et il m'enivrait.

Je fus interrompu avant d'avoir eu le temps d'y goûter.

« -Itachi.

-Oui Shisui ? »

Il avait le don d'apparaître n'importe où, n'importe quand et à une vitesse toujours proche de celle de la lumière. Agaçant.

« -La concubine Karin est là. »

Non. Je ne l'inviterais pas à rentrer, pas cette nuit, et l'ignorai. Saisissant le sens de mon silence, mon ami le plus proche prit congé rapidement. Il se chargerait, à ma place, de renvoyer Karin. Ce brusque rappel à la réalité me fit renoncer à mes prétentions initiales. Je ne profiterais pas du sommeil de mon « invitée » pour obtenir ce que je désirais.

◌◌◌

J'émergeais progressivement, sans reconnaître les lieux. L'odeur de la couche où j'étais étendue ne m'était pas familière, malgré les marques de mon sommeil. Il fallut que le mot lit percute enfin mes pensées pour que je me remémore en catastrophe. Les quartiers de l'empereur. L'esprit encore embrumé, j'inspectai mon corps en vitesse. Aucune trace, ni biologique, ni physique. Il n'avait pas profité de ma vulnérabilité afin de satisfaire ses envies. Sa Majesté avait tenu sa promesse. Serait-ce donc à mon tour d'apporter une preuve de ma bonne foi ? Je baissai légèrement les yeux, incertaine. Le doute commençait à s'immiscer, fissurant doucement le fer de ma volonté. Stop. C'était la fatigue et la confusion due à mon endormissement, j'étais désorientée. J'avais besoin d'air.

« -C'est ma volonté, petit frère. »

Hein ? Je redressai vivement ma figure et me ruai hors du lit. La voix sévère de l'empereur venait de transcender l'atmosphère. Elle provenait de la pièce principale, au-delà de l'alcôve qui servait de chambre à coucher. A pas feutrés, je m'approchai, prenant mes précautions pour rester dans l'ombre et la discrétion. D'un œil, j'apercevais la silhouette du prince Sasuke incliné devant le souverain, poing et paume rejoints devant son visage en signe de soumission et de respect.

« -Il y a peu de temps, je t'avais envoyé vivre l'expérience des frontières pour te mettre en garde contre tes erreurs passées. Et j'ai eu raison. De toutes les choses qui existent dans ce monde, seules celles que je te donne, t'appartiennes. Quant aux autres, je te déconseille fortement de te les approprier par la force.

-Tes conseils sont gravés dans le cœur de ton petit frère, affirma froidement l'héritier. »

La perplexité et l'incompréhension alimentèrent mes réflexions. Alors qu'il se relevait, le cadet figea ses sharinganssur moi. Mince, repérée. Je détestais quand il utilisait son dôjutsu pour me mettre en défaut. Il me fallut rassembler mon courage afin d'avancer. Ma destination ? La sortie. Je ne souhaitais pas interrompre une réunion de famille. Ils donnaient l'impression d'avoir des tas de choses intéressantes à se dire. Arrivée à leur hauteur, l'empereur attrapa mon bras, froissant le tissu de mon kimono sous sa poigne ferme.

« -Où comptes-tu aller ? »

Je ne sais pas. Loin d'ici pour espérer terminer ma nuit en toute quiétude. Manquant d'inspiration pour lui répondre, j'opposais un silence poli.

« -Sasuke.

-Oui.

-Conduis-la au pavillon pourpre interdit, s'il te plaît. »

Ma nouvelle escorte me fusilla du regard et me fit signe de suivre. Pas d'adieux déchirants. Je prenais congé d'Itachi de la manière la plus laconique qu'il soit. Je n'avais pas tenu longtemps. Je m'étais endormie plutôt que de lui tenir tête, de débattre sur ma condition et d'argumenter mes prétentions. J'avais été faible, ce qui me condamnait à accepter les devoirs inhérents au statut de concubine. Toutefois, je n'avais pas joué toutes mes cartes. Faire semblant avait été mon as, et il me restait un joker - planqué sournoisement dans la manche. En quittant le palais de l'Eventail, je découvris avec stupeur qu'il faisait encore nuit. Devant moi, Sasuke dévalait les marches deux à deux, visiblement pressé. Nous étions seuls au milieu de toute cette immensité. Ramenant les pans de mon hanfuet la traîne de mon kimono entre mes deux mains, je me dépêchai de le rejoindre. Dans un élan de désespoir j'agrippai la manche de son armure, l'obligeant à l'arrêt. Il dévia ses prunelles noires vers mes airs angoissés.

« -Sauvez-moi, soupirai-je et le supplier mettait ma fierté à l'agonie, mais je devais tenter. -Je vous en prie, Sasuke-sama. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour vous remercier, aidez-moi. »

Il me regardait, toujours aussi glacial et silencieux. C'était un risque inconsidéré. Il pourrait répéter ma requête à l'empereur. Cependant, nos yeux s'étaient mêlés un long moment et je n'y lisais aucun mépris, seulement de l'étonnement. Je voulais croire qu'il me trahirait pas. A tous les dieux de l'univers, faîtes qu'il ne me trahisse pas. Finalement, il se remit en branle. Qui ne disait mot consentait, mais je préférais interpréter son silence comme un refus. Le reste du trajet, il le passa à mes côtés, complètement fermé. En traversant les jardins extérieurs, j'admirais les lucioles s'égayer autour des rosiers fleurissant, le spectacle faillit m'arracher quelques larmes tant il me rendait nostalgique. Avant de m'abandonner devant le pavillon des concubines, il prit la peine de s'incliner très légèrement.

« -Sakura. » salua-t-il avec gravité et il disparut dans un écran de fumée. Ces trois syllabes flottèrent dans l'air encore un moment, aguichant mon ouïe sensible. Mais sensible à quoi?

◌◌◌

Nous étions agenouillés sur les tatamis flambants neufs du dojo Hyûga. Récemment reconstruit derrière le pavillon de l'Oeil Blanc, c'était une école de ninpô pour tous les membres du clan, dès leur plus jeune âge. Sous la supervision des aînés et des professeurs, ils apprenaient à maîtriser le byakugan et les meilleures techniques de taïjutsu. J'avais lamentablement fait mes premières classes - entre les murs de l'ancien dojo. Nos positions, notre tenue sombre, nos regards emplis de gravité donnaient l'impression que nous vivions dans le deuil permanent et cette tristesse me révoltait. Les portes de la grande salle s'ouvrirent sur les pas assurés de cousin Neji. Après tous ces longs mois, il n'avait guère changé. Il dégaina son katana, le présenta au patriarche avant de se courber.

« -Hiashi-sama, » salua-t-il, sans émotion particulière.

Ses genoux touchèrent le sol alors qu'il déposait son arme dans un geste délicat. Il était complètement à notre merci, désarmé et prosterné comme un mendiant.

« -Neji. » répondit sévèrement mon père.

Aucune marque de politesse, rien. J'admirais en silence le front bandé du jeune homme. J'imaginais sans peine la marque de l'oiseau en cage gravée à même sa chair. Nerveuse, je mordillai ma lèvre inférieure et jetai un coup d'oeil par-dessus mon épaule pour apercevoir la silhouette de Tenten s'affirmer entre les rangs. Elle semblait si pâle.

« -Quelles nouvelles des frontières ?

-La guerre est à nos portes, Hiashi-sama. Nous avons réussi à maintenir un relatif équilibre, mais les pertes furent nombreuses. Les raids des Kiriens sont trop fréquents, et de plus en plus violents. Les populations côtières commencent à fuir vers l'intérieur des terres.

-J'aimerais savoir ce que l'expérience des frontières t'a apporté. Hanabi.

-Oui, Oto-sama. »

Je baissai les yeux au sol, et me détournai de la scène tandis que ma petite soeur se dressait avec souplesse. La plupart des membres présents se concentrèrent sur le duel qui se préparait. Je détestais ces combats factices visant à mesurer les forces des uns et autres. C'était l'escalade d'une compétition malsaine entre les représentants du clan. Si j'avais pu, un jour, prétendre à la tête de notre famille, j'aurais brisé cette roue infernale.

« -Observe et apprends, Hinata. » me déclara notre chef.

Le ruban blanc d'Hanabi nouait fragilement sa longue tignasse noire. Et son jinbei* d'entraînement lui allait à ravir. C'était une tenue que bien peu de femmes osaient porter. Les deux adversaires se mirent enfin en garde. Les prunelles blanches de Neji étaient voilées de haine. Leurs pieds et leurs mains prenaient des positions précises afin de protéger toute potentielle ouverture. Je t'en prie, Neji. Ne sois pas stupide. Et il attaqua le premier, souple et rapide. Il pratiquait le Jûken avec une maîtrise stupéfiante. L'un des rares représentants de la Sôke à avoir atteint un niveau de perfection si élevé. Ils avaient activé leur byakugan de manière simultanée et enchaînaient les mouvements à une vitesse éprouvante. Mon cousin était agressif. Il combattait pour défaire, vaincre et se libérer. Hanabi criait à chaque impulsion, chaque élan pris, chaque coup porté ou esquivé. Bientôt, elle fut acculée par les assauts du shinobi et riposter devenait presque impossible. Ne fais pas ça, Neji, pensais-je très fort. Par pitié. Trop tard, il avait déjà remarqué la faille parfaite et s'y engouffra pour porter un coup décisif et mortel à ma petite soeur. Tout devint confus à partir du moment où mon père intervint pour arrêter la main de son neveu.

« -NEJI-SAMA ! » hurla la voix familière de Tenten et j'écarquillai les yeux. Hiashi s'apprêtait à punir l'insolence de son vassal. Je me précipitai pour m'opposer à cette décision brutale, imposant ma présence entre les deux hommes. Cet acte de courage et d'insoumission, je venais de le puiser dans mon coeur - encore touché par les remontrances du prince Naruto.

« -Tu t'opposes à ton père, Hinata ? Gronda-t-il.

-J'ai une requête à vous soumettre, soufflai-je, emportée par mes sentiments et mon instinct. Je me sentais terriblement vivante et toute l'assemblée était suspendue à mes lèvres, impatiente.

-Une...requête ?

-Si je réussis à vaincre mon cousin, au cours d'un combat. Alors, j'aurais le droit de refuser l'union imposée avec le prince Sasuke. »

La paume tremblante du paternel, fatalement destinée à Neji, s'abattit violemment sur ma joue. La surprise et la brutalité du coup brisèrent mon équilibre et je terminai au sol, près de ma cadette qui reprenait son souffle.

« -Laissez-nous. » ordonna-t-il froidement à l'adresse du clan. Il fut obéi et dans la minute qui suivit, le dojo se vida de ses visiteurs. Ses deux filles venaient d'être humiliées et il avait été humilié à son tour ; le prodige Hanabi défaite par un membre de la branche secondaire ; l'aînée qui osait le chemin de la rébellion. Son monde ferme et inébranlable venait d'être bouleversé par ce séisme impromptu. Du haut de son mètre soixante-seize, il nous dévisageait avec cette colère patiente qui le caractérisait si bien. Nous étions ce à quoi il tenait le plus. Nous punir le dévastait, nous le savions.

« -C'est un ordre de l'empereur, Hinata, » reprit-il sérieusement, sans hausser le ton. « -Même si tu étais de taille à affronter Neji, le but de ta requête ne dépend pas de ma seule volonté. Je ne veux plus jamais t'entendre à ce sujet. Quant à toi, Hanabi. Relève-toi. Tu ne t'entraînes visiblement pas assez. »

Les larmes souillèrent mes joues rougies par l'émotion. Mon visage m'élançait du côté où le coup m'avait heurté et mon cœur était en mille morceaux. J'avais affronté la fureur de mon père. J'avais osé. J'en étais capable. Il ne me restait plus qu'à réitérer l'exploit face à l'empereur. Et cela me paraissait insurmontable. J'avais pensé que je n'aurais jamais à me battre, qu'il me suffirait de fermer les yeux et de patienter. J'avais été naïve. Et désormais, je prenais conscience des enjeux. On jouait ma vie sur ce coup-là. Naruto avait mille fois raison. La résilience n'était plus une option.

*jinbei : vêtement japonais.


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