Les Yeux du Serpent


SAKURA HARUNO.

Sur le bord de ma coiffeuse, je déposai le rouleau de parchemin sur lequel étaient ancrées les volontés de l’empereur. L’ordre de mission que j’avais accepté concernait la santé de Karin Uzumaki. J’avais déchiffré chaque idéogramme avec une attention frôlant le ridicule. Il s’agissait simplement de visites routinières pour accompagner l’évolution de sa grossesse. Toutefois, une phrase me chiffonnait et allait à l’encontre de ma déontologie de médecin shinobi.

« Toujours prioriser la santé du bébé avant celle de la mère. »

« Si un accouchement à risque est prévu, sauver la vie de l’enfant en priorité. »

Au coin de mes lèvres fardées se crispa un sourire forcé que je renvoyais au miroir. J’allais devoir conserver cette bonne figure toute la foutue journée. Je savais que la rumeur de mon agression se répandrait comme une trainée de poudre. Comment faire face aux regards curieux, insistants et voyeurs ? J’étais morte d’inquiétude à l’idée que mon agresseur se terre juste sous mes yeux, dans la foule du palais, se confondant dans l’anonymat le plus parfait. Un autre Uchiwa….serait une vraie plaie. La voix impitoyable de mon maître qui me réprimandait sur mes faiblesses me permit un ressaisissement hâtif. Je fronçai les sourcils. Il était hors de question de céder à la peur.

Je pris congé de mes appartements peu avant midi et d’un pas souple, arpentai le couloir principal du Pavillon Interdit. A force d’y séjourner, j’en connaissais presque le moindre recoin. Il était composé de trois ailes. A l’est, mes appartements…et quelques pièces de commodités. A l’Ouest, les quartiers de Karin ainsi que d’autres chambrées. La partie Sud était le territoire de Kurenaï Yûhi et elle disposait d’une bibliothèque où j’avais pu dénicher quelques livres médicaux. Avec Karin, nous nous retrouvions dans cette zone du bâtiment lorsque la gouvernante souhaitait des moments de cohésion dans l’équipe des concubines impériales. Nous y partagions des repas, des goûters….avec des paroles acerbes l’une pour l’autre entre deux gorgées de thés. Et puis dans l’ombre, les petites mains du Pavillon s’affairaient à nettoyer les coursives, veiller au décor, annoncer les visiteurs. Ces servantes fantômes étaient nées dans leur condition servile, de parents qui avaient toujours servi au château. Aucune d’elles ne savait me raconter la vie à Konoha ou dans les campagnes avoisinantes. Aucune d’elle n’osait me répondre quand je questionnais, d’ailleurs. Exceptée Tenten. Son absence récente avait laissé un grand vide, mais j’avais cru comprendre qu’elle avait été rappelée auprès de sa maîtresse souffrante. Au Nord, enfin, l’entrée du Pavillon Pourpre et son bois incarnat. Tout autour du bâtiment, une galerie traditionnelle permettait de prendre l’air sans craindre la pluie. Elle était également le chemin de garde pour les kunoichis qui protégeaient l’écrin de l’empereur.

Yûhi-senpai m’avait parlé d’un temps où l’endroit n’était gardé que par des hommes : énucléés, bien évidemment. Et de cette tradition du concubinage naquit une légende colportée au-delà des frontières sur la beauté des femmes de l’empereur du feu, de leur grande valeur. Je ressaisis un pli de ma robe dorée pour accélérer le pas. Combien étions-nous à avoir foulé ce lieu de nos pieds angoissés ? Combien de femmes ? Et parmi elles, combien encore avaient choisi ce sort ? J’avais l’impression que leurs voix résonnaient à l’écho de mes pas. En atteignant l’entrée de l’aile Ouest, j’avisais les porte-bonheurs qui gigotaient paresseusement le long de la galerie extérieure. La plupart servaient de bons présages aux naissances et aux relations fertiles. Et combien d’enfants nés dans la bâtardise ? Qu’étaient-ils devenus ? L’un d’eux avait-il seulement accéder au trône sur les milliers d’années d’histoire que comptaient notre pays ?

J’interrompis brutalement ce décompte morbide. Dans le soleil matinal qui transperçait de sa lumière les cloisons donnant sur l’extérieur, l’ombre du Prince Uchiwa fut révélée. J’avais oublié qu’il veillait à présent sur la sécurité de mon homologue d’infortune. Nous étions à des mètres l’un de l’autre, mais le courant d’air permis par les portes ouvertes et l’architecture du Pavillon colporta nos parfums respectifs. Je ravalai péniblement ma salive et enjambai à grandes foulées la distance nous séparant.

« -Je viens pour la visite, fis-je sommairement.

-Tu en as mis du temps. »

Mes joues s’empourprèrent d’indignation. De toute façon, qu’avais-je à dire au meurtrier de Shizune ? Je redressai sur lui un regard plein de colère et vis, au travers des mèches qui échappaient à ma coiffure, ses airs renfrognés. Franchement, ses traits lisses et ses yeux immenses n’étaient pas faits pour de telles expressions. J’engageai encore un pas, bien déterminée à atteindre la porte de la chambre de Karin.

« -Que s’est-il passé cette nuit ? s’élança-t-il sur mon chemin 

Je compris qu’il serait inutile de mentir, de détourner l’attention ou de fuir. J’aurais espéré que cette question soit portée par une curiosité mal placée, mais….j’avais cru – peut-être à tort, déceler de l’inquiétude. J’observai le plastron de son armure sombre et soudain, je me souvins. Ce fut comme une évidence qui me frappa de plein fouet. Le Tournoi…la forêt des Âmes…le temple en ruine….

« -C’est après vous qu’il en…a… soufflai-je, sidérée.

-Qu’as-tu dit ?

-Cet inconnu avec un masque…il était là, dans le temple du Feu. Il avait un faux parchemin sans doute… »

Je n’achevai pas ma phrase. Sans doute avait-il voulu attirer Sasuke Uchiwa avec ce maudit piège. ? N’avait-il pas dit qu’il s’attendait à la venue de l’héritier ? Cela signifiait-il que la vie du prince Uchiwa était en danger ? Et si c’était le cas, je ne devrais pas m’en mêler. Mais quand bien même ma vengeance et mon ressenti espéraient le malheur du jeune prince, pourrais-je me regarder dans une glace s’il mourait par ma faute ? Serait-ce réellement rendre justice à Shizune que de le laisser vivre dans l’ignorance du danger ? Quelque chose en moi ne l’acceptait pas. Je ne laisserai pas ce qu’il y avait de mauvais dans ce palais me contaminer.

« -Sasuke-kun.  articulai-je calmement.

Mais avant tout, j’allais rompre cette hiérarchie qui existait entre nous. Si je devais l’aider, ou lui sauver la vie, peu importe, ce serait d’égal à égal. Après cela, nous serions quittes. A tout jamais. Et le vent se leva dehors, meurtrissant les porte-bonheurs qui se mirent à tinter fortement. Il allait répliquer. Je commençai à le connaître par cœur. Il voudrait me rappeler le respect inhérent à son statut princier. Sa main s’agita. Elle viserait ma gorge. Le mur proche…il m’y plaquerait pour me tenir en laisse.  Je sentirai son souffle chaud de rage échouer contre ma figure maquillée.

Le silence succéda à mes supputations. Son poing s’était refermé contre sa jambe, tremblant. Surprise par son self-contrôle et la froideur de son charisme, je me sentis obligée de poursuivre sur ma lancée, m’engouffrant dans la faille qu’il venait de découvrir :

« -Mon agresseur de cette nuit, m’avait déjà attaqué au Temple du Feu. Il en avait après….(je repris mon souffle, ma respiration ne suivait plus vraiment mes mots, écourtée.)…toi. Fais attention, s’il te plaît. »

Voilà. Balle au centre. Je ne lui avais pas tout dit parce que je sentais que le tutoiement avait refermé la faille. Une audace de trop. Il eut un geste et je me précipitai sur les portes des quartiers de Karin, les faisant coulisser pour me mettre à l’abri. Je m’adossais contre elles une fois refermées et soupirai mon soulagement. Il n’oserait pas….franchir ce pas et forcer l’intimité de la favorite ? Mon cœur battant la chamade compta les secondes et l’angoisse fit place à l’accalmie.

« -Sakura ?! s’exclama une voix surprise depuis le centre de la pièce. »

Je clignai des yeux et observai attentivement les lieux plongés dans une pénombre inquiétante. On avait l’impression d’être dans le terrier d’une bête blessée et on suffoquait. L’encens mêlé au peu d’air frais soulignait ce sentiment d’oppression. Karin me fixait d’un air partagé entre la stupéfaction de me voir débouler du néant et la colère. Contrairement à ses habitudes, elle était vêtue d’une robe des plus sobres bien qu’audacieuse. Le lit était défait et des restes d’un repas à peine entamé traînaient sur une table non loin. Je fronçai les sourcils, indisposée par cette lourde atmosphère.

« -Que fais-tu ici ?! Qui t’a perm…

-L’empereur, la coupai-je en me dépêchant vers les cloisons menant au jardin afin de les ouvrir en grand, l’une après l’autre. La lumière du jour transperça l’obscurité des lieux et la brise printanière s’engouffra dans la pièce.

 -Je dois t’ausculter poursuivis-je avec sévérité avant de prendre un vase dans lequel des chrysanthèmes achevaient leur existence. J’en jetai l’eau croupie dans le bol à encens.

-Je suis en parfaite santé…pas besoin de..(étrangement, la prétention de sa voix était redescendue d’un ton.)

-Une grossesse comporte toujours des risques. L’empereur a raison d’exiger un suivi. Beaucoup de femmes perdent encore la vie en enfantant ou en portant un enfant, faute de soins adéquats. Tu peux t’allonger sur le lit, s’il te plaît. »

Le médecin avait chassé la concubine. Je reprenais enfin le rôle qui m’était dévolu dans cette société. Sous mes yeux déterminés, elle s’exécuta, hésitante. Dès qu’elle fut sur le dos, je me penchai sur elle. La sévérité céda à la bienveillance que refléta mon sourire. Mains au-dessus de son ventre, je concentrai doucement mon chakraDoser une juste mesure. Sa respiration saccadée témoignait de son agitation. Mes paumes se posèrent contre son bas-ventre et je laissai le chakra pénétrer les tissus et les organes de la rouquine. Je décelais au travers de cette énergie toute l’anatomie de son corps et ressentais sa vitalité. Afin de mieux percevoir, je massai avec fermeté mais sans brusquerie sa peau. RienPas l’ombre d’un petit battement de cœur ou d’un corps étranger. Je cherchais désespérément un fœtus, un embryon et les minutes passaient sur des résultats infructueux. Je fronçai les sourcils, contrariée et déplaçai mes mains aux alentours de la zone utérine, agacée. Et alors que je m’éloignais de ses organes génitaux, j’aperçus une cicatrice près de l’aine. Sa couleur et sa forme approximative prouvaient qu’elle était toute récente. J’arrêtai subitement mon auscultation.

« -Que s’est-il passé ? interrogeai-je brusquement.

-Je….(Et elle commença à fondre en larmes, tremblante). Je vais tout t’expliquer mais…s’il te plaît…ne dis rien à Itachi-sama…je (Et un flot de sanglots bruyants emporta ses dernières paroles.)

Je pris le temps de me radoucir face à sa détresse et m’assis au bord du lit, n’hésitant pas à la couvrir au passage car le courant d’air avait rafraîchi la pièce. La plaie récente était en train de mal cicatrisé, signe d’une opération clandestine. J’avais peur de ses réponses….Une peur effroyable qui me prit aux tripes. J’étais terrifiée à l’idée que mes suppositions s’avèrent exactes. Je me redressai pour me diriger vers son immense coiffeuse et lui verser un verre d’eau. Dans mon dos, je l’entendis prendre une grande inspiration pour calmer son hystérie.

« -Je…dès que les premiers symptômes sont apparus, je….je me suis précipitée chez Kabuto-san. Il m’a ausculté et a confirmé ma grossesse. Il s’est empressé de l’annoncer au ministre Shimura mais…après un second diagnostic… 

Elle ménagea une pause, les pleurs menaçant de reprendre le dessus. Je revins près d’elle et lui offrit l’eau qu’elle refusa d’un geste.

-Le fœtus…s’était logé hors de mon utérus. C’était ma mort assurée. Il n’avait aucune chance de survie…c’est…Kabuto-san m’opéra sur-le-champ et en secret. Il…il m’a promis qu’il réussirait à maintenir le fœtus en vie et le faire grandir…que je n’aurais qu’à feindre ma grossesse et mon accouchement…que l’on présenterait le bébé…Ca s’est passé tellement vite. Le soir même, je regagnai mes appartements je… »

Sa voix s’éteignit dans une supplique et elle occulta son visage dans l’oreiller de soie. Mes craintes s’étaient confirmées. Parmi tout ce fatras d’informations, je dus reconnaître que le médecin Kabuto avaient des compétences plus qu’excellentes pour assurer une opération aussi délicate de manière rapide, clandestine et sans complication. La cicatrice mis à part, je n’avais pas détecté de tissus abimés ou d’adhérences post-chirurgicales. Qui était ce gars, sérieusement ? Et quand était-ce arrivé, en un si court laps de temps ?

 

« -Karin….soufflai-je avec bienveillance. En dehors de ton ventre, le bébé n’a aucune chance de survie. Quoique t’ai dit le médecin, c’est impossible.

-L’empereur….me tuera…s’exclama-t-elle d’une voix étouffée. C’était l’héritier qu’il attendait tant… 

Je déposai une main rassurante sur son épaule, attristée.

-Je vais t’aider et lui parler. Je vais lui expliquer que tu as eu une fausse-couche, c’est courant. Tu étais fragile, c’est tout.

-Il te blâmera toi de n’avoir su prévenir ce drame…persiffla-t-elle en détournant finalement son faciès défiguré par les larmes vers moi.

-Et alors ?

-Tu veux finir comme ta parente ?! Parce que moi…non merci…

Chassez le naturel….A mon tour de prendre une profonde inspiration pour calmer la colère qui menaçait d’exploser.

-De toute manière, il est trop tard. Je vais le lui annoncer, décidai-je en me relevant.

-NON, hurla-t-elle, Kabuto-san a sans doute raison ! Il va y arriver, il est doué. Je….je vais faire semblant. Je t’en supplie ne dis rien.

-Parce que mentir à l’empereur est une meilleure solution ? Et comment vas-tu feindre une grossesse ? C’est trop dangereux. Je suis navrée, je peux imaginer que la perte d’un enfant est douloureuse mais… »

Elle redressa brusquement son buste, me coupant dans ma phrase. Et d’une main tremblante, elle empoigna la manche de ma robe. Ses prunelles ambrées me transperçaient avec une rage brutale. Elle portait ce masque aux traits familiers : celui de la détermination absolue. Je comprenais que la raisonner ne servirait à rien et qu’elle serait capable du pire pour que la vérité n’éclate pas. Ce regard, je l’avais eu lorsqu’on m’avait passé injustement ce ruban pourpre dans les cheveux. Ses lèvres pâles articulèrent calmement :

« -Tu sais. Tu n’es pas mieux que moi. Tu as simplement la chance d’avoir vécu moins longtemps que moi aux côtés d’Itachi Uchiwa. Il se lassera de toi tôt ou tard. Ce ruban, que nous portons. Ca fait de nous des prostituées impériales, rien de plus, rien de moins. Et l’exclusivité au souverain permet simplement de lui éviter toutes les maladies que la générosité sexuelle transmet. C’est pour ça qu’il est explicitement interdit pour nous de voir un autre homme. Concubine ? C’est presque trop beau. Mais tu sais quoi…cet enfant, ce bébé…ce fœtus. C’était ma carte de sortie. C’est la seule issue pour les concubines de sortir de cette cage dorée. Tu offres un bâtard héritier à l’empereur et tu es libre. Tu deviens une mère, tu deviens respectable. Alors….si Kabuto-san dit qu’il peut sauver mon bébé, on va le laisser faire. »

Son discours me donna la nausée. Plus douloureux que le coup à l’abdomen de mon agresseur. Les mots impitoyables de la favorite venaient de m’accabler d’un désespoir oppressant.

« -Il existe…un autre chemin, j’en suis sûre, lui répliquai-je.

-Le Prince Uchiwa ? C’est vrai qu’il est bel homme. Tu as déjà emprunté ce chemin-là et il t’a mené à l’échec. Je te déconseille d’ailleurs d’y remettre un pied. Pour ton bien, pour ta vie. Pour que ta foutue tête de paysanne reste sur tes épaules ! Franchement… »

Elle me repoussa avec mépris et porta une main à son front pour remettre ses idées en place. Puis elle eut un rire nerveux avant de poursuivre :

« -Tu as cru que tu étais à l’abri parce que Shisui-san était gentil avec toi ? Parce que le Prince s’est porté pitoyablement à ton secours ? Parce que le souverain a préféré tuer une innocente plutôt que la coupable ? »

J’en avais assez entendu. Le venin de ses paroles était une flèche qui venait se ficher dans mon cœur. Alors c’était le fond de sa pensée ? J’aurais dû mourir à la place de Shizune ? Des larmes incontrôlables montèrent à mes yeux. Était-ce ce que tout le monde pensait ? Ce constat glaçant me figea une seconde. J’avais eu un élan de compassion pour Karin, mais elle me dégoûtait désormais. Comment pouvait-elle supporter une telle lucidité et une telle résignation ? Je devrais de ce pas la dénoncer au souverain et me tenir loin de ce complot ridicule. Mais merde. Mon honneur me demandait d’y réfléchir sérieusement. La favorite n’était qu’un animal blessé et désespéré, proférant des propos que sa détresse lui dictait. Je devais lui laisser le bénéfice du doute, elle n’était pas dans son état normal.

« -Bien, cédai-je à contrecœur. Je vais te couvrir pour cette fois. Mais à la prochaine visite médicale, nous devrons trouver une solution. D’ici là, ne quitte pas ce foutu Pavillon. 

-         Merci…s’écroula-t-elle de nouveau en pleurs, relâchant lentement sa poigne autour de mon bras. »

-         

Ce que je haïssais ce palais.

TENTEN.

Hinata-sama avait été rappelée auprès de l’Impératrice, me permettant de reprendre mes fonctions auprès de Sakura-sama. Avant de regagner le Pavillon Pourpre, je devais toutefois régler une dernière chose. Depuis sa disqualification au Tournoi, Neji-sama n’apparaissait plus en public, disgracié contre sa volonté. De l’ombre d’une coursive de service, j’avais capté l’échange houleux avec ce foutu patriarche Hyûga.

« -Premièrement. Tu essayes d’entraîner ma fille aînée dans un Tournoi…dangereux. Deuxièmement. Tu perds la face en faisant équipe avec Shisui Uchiwa. Troisièmement tu salis le nom de notre clan en étant disqualifié dès la première heure.

-J’assume la responsabilité de mon échec, Hiashi-sama, avait répondu le brun agenouillé devant son chef, tête baissée.

-Tu seras envoyé aux Frontières. J’espère que cette expérience te fera comprendre où est ta place dans ce monde. Tu m’as déçu. Reviens en Hyûga, ou ne reviens pas. »

 

Le départ de Neji-sama était imminent. Je ne pouvais pas simplement le laisser partir sur ce silence, ce malentendu. La dernière fois que nous nous étions vus…dans les quartiers de la concubine rose… Et puis j’avais dû soutenir Hinata-sama depuis la prison qu’était sa chambre. Tout s’était sinistrement enchaîné : l’exécution d’une innocente – une de plus sur la liste des victimes des empereurs Uchiwa, le retour d’Orochimaru…Je fermai les yeux et serrai les dents. Que pouvais-je faire ? Je n’étais qu’une domestique…Nous avions l’habitude de nous rencontrer dans la cour arrière du Pavillon, près des cuisines. Poules et coqs tournaient en rond, caquetant et picorant ci et là des graines et des restes de légumes jetés à leur attention par les cuisiniers pressés. C’était un lieu sûr. Les courtisans n’y mettaient pas les pieds et en pleine matinée, les domestiques vaquaient ailleurs.

Je poussai une cloison avec force pour me jeter dans la petite cour et me heurtai au dos d’un homme dont je reconnus le parfum comme étant celui de Neji-sama. Il m’avait devancé de quelques secondes. Mes joues rosirent lentement et il se détourna vers moi.

« Tu voulais me voir ? »

Toujours aussi franc et direct. Ses prunelles précieuses me transperçaient et j’avais la désagréable sensation qu’il me mettait à nue. Instinctivement, je portai mes bras devant ma poitrine et déviai ma figure vers le ciel nuageux.

« Vous partez ce soir pour les frontières ? rappelai-je avec incertitude.

-Oui. Le capitaine Yamatô escorte un groupe de shinobis vers les frontières. Je fais partie du voyage sur ordre de Hiashi-sama. »

Je ne répondis rien, abaissant mon attention vers le sol, attristée. J’aurais aimé lui offrir des mots encourageants et réconfortants. Mais ma gorge nouée se refusait au moindre son.

« -Ecoute, me dit-il, ce n’est pas le moment de se relâcher. Je compte sur toi pour protéger Hinata-sama. S’il advenait que je ne revienne pas.

-Ne dîtes pas ça ! le coupai-je fermement.

-Aucun des Uchiwas n’a ma confiance. Tu le sais.

-Mais…Shisui-dôno a…sauvé la concubine lors du Tournoi…essayai-je.

-Tenten.

Et mon nom prononcé par sa voix douce mais froide alerta mes sens. Je me mis à l’admirer, l’expression de désolée

-J’ai confiance en toi. »

Cette confidence soufflée du bout de lèvres me fit réaliser qu’il partait vraiment. Reviendrait-il ? Combien d’hommes n’étaient pas revenus ? Au bord du gouffre de l’incertitude et du chagrin, j’ouvris mes bras et me précipitai contre lui pour l’étreindre. Si proche de lui, je sentis son cœur – enfoui loin dans sa poitrine, battre de stupeur. Je resserrai mon emprise et soupirai avec ardeur :

« -Peu importe que vous soyez un Hyûga ou non, revenez s’il vous plaît. »

Et contre ma chevelure tressée, je sentis son souffle répondre avec modestie :

« -Merci. »  

Avec ce précieux moment en tête, j’atteignais enfin le Pavillon des concubines, prête à relever le défi. Hinata-sama m’avait demandé de supporter la toute rose dès que je le pouvais. Je fis la moue soudainement. Je craignais qu’en ma courte absence, elle ne se fut mise dans le pétrin. Cette fille avait un don inouï pour se foutre dans l’embarras. J’en prenais pour preuve ce fameux plan pour le Tournoi. Et elle avait eu l’aide du prince Sasuke ! Enfin, il était vrai qu’on ne bernait pas l’empereur si aisément. Leçon à retenir pour l’avenir. Dire que j’avais failli jouer ma tête. Et mes pensées se tournèrent vers cette innocente sacrifiée sur l’échafaud impérial. Comment se nommait-elle déjà ? Shizune…Elle avait été détenue au Palais depuis l’arrivée de Sakura Haruno. Je devais absolument collecter des informations auprès des domestiques.

L’une d’elle m’avait d’ailleurs discrètement informé, dès mon arrivée au pavillon, que ma patronne se trouvait chez la favorite Karin. Après un bref remerciement, je dépêchai mes pas dans cette direction.

« -Que veux-tu ? »

Merde. Le prince Uchiwa venait d’apparaître sur mon chemin. Derrière lui, les portes closes des appartements de Karin. Je serrai le poing et m’inclinai bassement en signe de soumission et de respect, honorant son rang et surtout – espérant ne pas le mettre en colère.

« -Je suis la demoiselle de compagnie de Sakura-sama. Je venais simplement à sa rencontre.

-Attends, répliqua-t-il, tu es celle qui était là lors de la première phase du Tournoi. »

Il avait l’esprit vif. Aussi petite et discrète que je m’étais faite, il s’était souvenu de ma présence et sans doute du rôle que j’avais pu jouer pour couvrir la concubine. Je fis la moue en me rappelant la proximité qu’il avait maladroitement engagée lorsqu’il s’agissait d’aider Sakura à enfiler l’armure.

« -Oui. Je suis Tenten, la première servante de Hinata Hyûga-sama.

-Tu es une kunoichi…

-N…non ! balbutiai-je surprise. Pas du tout, je…vous faîtes fausse route… »

Ses prunelles s’illuminèrent du fameux sharingan et je restais un moment paralysée devant ce regard de sang. Je suis foutue. Il verrait bien, grâce à ses prouesses visuelles, le chakra que je malaxais discrètement au quotidien. D’un pas, il m’avait recouverte de son ombre glaciale et je me sentie obligée de regard ailleurs, trop terrifiée à l’idée qu’il use d’un genjutsu.

« -Quand bien même, répliquai-je sans agressivité afin d’apaiser la tension, il n’est pas interdit aux femmes célibataires de l’être. 

Et je désignais le ruban blanc qui décorait mes tresses longues et brunes. Ses pupilles fixèrent le tissu immaculé. Il allait rajouter quelque chose, lorsque les portes derrière lui coulissèrent :

 -Tenten-san ? s’exclama une voix étonnée et j’aperçus le visage délicat de Sakura. Je m’inclinai une nouvelle fois.

-Sakura-sama, je suis de retour auprès de vous. Veuillez excuser mon absence, j’ai dû être rappelée vers ma maîtresse, Hinata Hyûga-sama.

-Hinata ? dit-elle avec inquiétude, Elle était souffrante ?

-Elle va mieux et a pu reprendre ses fonctions auprès de l’Impératrice. Je crois d’ailleurs, que les préparatifs de son union prochaine avec le prince Uchiha-sama vont bientôt débuter.

-Eeeeh ?! »

Ce Eeehh peu élégant était bel et bien sorti de la bouche d’une Haruno complètement prise au dépourvu par la nouvelle. Je venais de pimenter leur matinée et un léger rire menaça d’éclore entre mes lèvres. Ses yeux, ronds comme des billes, pointaient vers le ténébreux prince ; Ce dernier se contenta de répondre froidement :

« -Sakura. Si tu as terminé avec la visite médicale, je te prierai de quitter. Pour des raisons de sécurité, les rassemblements sont interdits devant les quartiers de Karin. 

Rassemblement ? Sérieusement, nous étions trois. Quelle fausse excuse pour se débarrasser des explications qu’il lui devait ! Mais la concubine conserva sa dignité et me rejoignit d’un pas insolent :

 -Bien. Tenten-san, je dois me rendre au Pavillon des Limaces, j’ai besoin de me changer avant. »

Et alors que nous allions quitter l’endroit, elle se détourna vers le prince, l’air plus grave. Je la vis l’observer avec attention alors qu’il l’admirait en retour, de ses yeux toujours souillés par le sharingan. Elle fit un geste vers lui, qui ressemblait à un au revoir et rajouta :

 Fais attention. »           

A mon tour de faire un « Eeeeh. » silencieux mais bien consterné. Elle venait de tutoyer l’héritier de l’empire ? Mes oreilles avaient dû mal entendre. En tous les cas, il s’agissait d’une affaire que seuls eux avaient l’air de comprendre. Faire attention à quoi ? Cela ne sonnait pas comme une menace, mais plutôt comme un conseil inquiet. Et je dus la suivre, tandis qu’elle bifurquait rapidement dans le couloir principal.

NARUTO UZUMAKI.

Le général Asuma avait l’air débordé. Clope au bec et uniforme abîmé, il aboyait quelques ordres ci et là au centre de sa tente de commandement dont il ne restait plus grand-chose. En l’apercevant, l’enfant sur mon dos commença à s’agiter doucement et Asuma s’exclama, dès qu’il posa les yeux sur nous :

« -Konohamaru !

-Oncle Asuma ! »

Face à son excitation, je fis descendre le gamin qui allait se réfugier avec fureur dans les bras du général. J’offris un regard interrogateur à Kakashi Hatake qui se contenta de hausser les épaules comme les sourcils. Le fumeur me fixa avec sévérité :

« -C’est toi qui as ramené Konohamaru ? Merci. Je n’avais plus de nouvelle de lui depuis l’attaque. Salut, Kakashi. Les bottes de l’empereur ont-elles toujours aussi bon goût ? 

Sympa…il venait vraiment de traiter le général Hatake de lèche-botte. Bonjour l’ambiance.

-Asuma. Tu t’adresses au prince Uzumaki et je suis ton égal, apaisa le loup blanc, en soupirant. Nous arrivons avec dix shinobis. 

Et Asuma d’éclater d’un rire jaune. Il avait des cheveux bruns et une barbe de quelques jours qui vieillissait ses traits d’adultes. Bâti comme une armoire, il semblait d’une force calme et d’une sévérité à double vitesse.

 -Il faudra dire à Itachi Uchiwa, que ce n’est pas le coin à punition ici. M’envoyer les gamins nourris au lait de courtisane ne va pas améliorer la santé des frontières. J’ai besoin d’une putain d’armée. Les raids de Kiri s’enfoncent de plus en plus à l’intérieur des terres. On subit les coups comme un foutu mur. Mais même les murs finissent par s’effondrer. J’ai perdu quinze shinobis dans l’attaque d’hier et les pertes civiles se chiffrent par centaine. Alors tes dix shinobis, tu sais où l’empereur peut se les carrer. (Il déplia une carte militaire sous nos yeux, sur la table de fortune qui nous séparait et pointa plusieurs points sur la place.) Plus de nouvelle des autres camps, ni de cet avant-poste sur la péninsule. Rentrez et dîtes à ce foutu empereur de m’envoyer une foutue armée.

-Tant que la guerre n’est pas déclarée, il ne prendra pas le risque de réunir et déplacer son armée. Avez-vous fait des prisonniers, comment être sûr que…c’est bien des attaques de Kiri ? demanda avec calme Kakashi, l’œil rivé sur la carte déployée.

-T’es sérieux là ? Alors, je vais être clair. »

Il déplaça son index sur les différentes frontières de notre nation. A l’Est, où nous étions, la mer et au-delà l’archipel de l’eau. Mais, un peu plus au sud de notre position à quelques kilomètres, il y avait une autre frontière avec le pays de l’Eau : une péninsule de terre qui leur appartenait et qui était collée à notre empire. C’était une position délicate car l’océan ne faisait plus office de barrière naturelle.

« -Nous avons huit frontières, avec huit nations différentes. Les seules attaques que nous subissons actuellement se situent à la frontière avec le pays de l’Eau. Je ne vois pas plus évident.

-L’avant-poste de la péninsule, nous irons avec le prince Naruto afin d’en savoir plus. Je prendrai avec moi trois shinobis. Je te dois bien ça, conclut Hatake sous son masque sombre.

-Bon courage. C’est le cœur de l’enfer. Tous les civils de la zone ont fui, il ne reste plus rien là-bas depuis quelques jours.

-N’était-ce pas l’avant-poste auquel le prince Uchiwa avait été affecté lors de sa mutation aux frontières ? 

Je suivais l’échange entre les deux généraux avec un sérieux tenace.

-Bien vu, répondit Asuma. Lors de son dernier rapport, il indiquait que l’avant-poste avait été sécurisé. Ce qui était le cas, depuis son départ nous avions des échanges réguliers avec le chef de l’avant-poste. Mais depuis deux jours, plus rien. Si vous arrivez à reprendre l’avant-poste et à consolider ce point. Prenez autant de shinobis qu’il faut, enfin, si vous en trouvez des valides.

-Il n’y a pas de médecin-ninja ?

-Tué lors du dernier raid. Allez, bon courage. »

Il attrapa le petit Konohamaru par la main et quitta la tente de commandement. Je vis dans ses propos abrupts la détresse d’un homme sans recours, que tout espoir avait définitivement quitté. Etait-ce donc cela le monde des frontières dont les rares revenants parlaient si peu ? Un univers où toute espérance était proscrite et où le meilleur avait simplement le droit de voir le soleil se lever une nouvelle fois. Kakashi et moi échangions un regard perplexe.  Qu’entendait-il par « bon courage » ? En tous les cas, je ne me laisserai pas facilement impressionné. Si Sasuke avait réussi à tenir cet avant-poste, je ne voyais pas pourquoi j’échouerai dans la même mission.

« -Naruto-sama, me fit-il simplement, essayez de trouver des shinobis valides. Je vais étudier la carte et le terrain. Nous partirons à l’Aube. »

SAKURA HARUNO.

L’arrivée de Tenten m’avait galvanisé. Les personnes de confiance ne couraient pas les rues dans ce palais immonde. De retour dans mes appartements, elle m’avait choisi un hanfu de couleur prune à la ceinture brodée d’hérons prenant leur envol. Le décolleté n’épargnait pas ma pudeur, mais aucune tenue de concubine ne le faisait. Il fallait que nos toilettes reflètent notre beauté physique, ce pour quoi nous appartenions à l’empereur, m’avait ridiculement expliqué Kurenaï. S’agissait-il de faire baver les autres sur des mets qu’ils n’auront jamais le loisir de goûter ? De toute manière, ma modeste poitrine ne rentrait guère dans ce jeu de voyeurisme et ce n’était pas plus mal. Dès que je fus prête, je ne perdis pas de temps à partir pour le Pavillon des Limaces, le poing serré tout le long du trajet. La domestique aux tresses sur mes talons, j’estimais comment aborder le sujet de l’opération clandestine avec Kabuto. J’espérais pour lui…vraiment…que l’embryon avait été détruit. S’il tentait quoique ce soit…c’était de toute manière impossible. Pas plus qu’on ne pouvait ressusciter les morts.

Je notais une certaine accalmie dans les allées du palais contrastant avec l’ambiance festive de ces derniers jours. Les courtisans que nous croisions semblaient moins chaleureux que d’habitude. Une nouvelle facette de la vie de château semblait s’ouvrir à moi et je devais, avec ironie, avouer que j’avais hâte de la rencontrer ! Enfin, l’ombre du pavillon médical nous recouvrit et je sentis mes os se glacer. L’architecture du bâtiment était très vieille, toute de bois sculpté et des tuiles de jades composaient le toit et ses niveaux. Au-dessus de l’entrée principale les idéogrammes formant le mot Katsuyu…sans doute l’ancien nom donné à ce pavillon. Je jetai un bref regard à Tenten et nous gravissions ensemble les marches en bois menant à ce lieu glacial et pourtant vecteur de vie. Nous tombions directement dans une immense antichambre vide, à la décoration somptueuse qu’un puit de lumière mettait en valeur. Du sol au plafond, des piliers et charpentes de bois sculptées de dragons, de serpents, de grenouilles et autres bêtes. Les peintures séculaires qui les accompagnait n’avaient pas perdues de leur superbe et représentaient des scènes de batailles historiques. Et comme partout ailleurs, le plaisir des yeux fut gâché par l’odeur persistant de l’encens. Je traversai la grande pièce pour rejoindre une grande galerie qui permettait d’accéder aux chambres, espaces de travail et au reste du bâtiment.

Ce fut là que Kabuto-san vint à notre rencontre, dans la pénombre de ce grand couloir, fidèle à sa tranquillité.

« -Ah, Sakura-san, me salua-t-il poliment, je ne m’attendais pas à votre visite. Votre blessure vous fait-elle souffrir ?

-Nous devons parler, lâchai-je entre mes dents serrées de colère. »

Il fronça les sourcils, légèrement contrarié par mon ton et d’un geste du bras ouvrit une porte toute proche de lui. Il m’invita à y entrer et exigea de Tenten qu’elle reste dehors.

C’était un bureau assez bordélique et qui sentait le papier et la poussière. La seule source de lumière était une petite fenêtre, assez haute. Insuffisant. La pénombre était oppressante. Les lunettes du médecin se reflétaient assez bien dans cet environnement obscur. Je fus invitée à prendre place sur l’un des coussins posés devant le bureau bas, au milieu des étagères et des livres éparpillés. Il s’assit juste en face, croisant ses mains sous son menton pour mieux me viser de son regard perçant :

« -De quoi s’agit-il ?

-Vous avez pratiqué une opération clandestine sur Karin….débutai-je.

-Je l’ai opéré dans la salle d’opération du pavillon, avec tout le matériel et l’assistance nécessaires. Il fallait agir vite.

-Le souci est ailleurs ! Vous l’avez encouragé à mentir à l’empereur…j’espère que l’embryon a été détruit. Elle devrait pouvoir faire sainement son deuil.

-Qui parle de mensonge ? s’éleva une voix inconnue dans mon dos. 

Un courant d’air glacé de frapper mon dos au moment où une tierce personne venait de pénétrer le bureau. Kabuto-san s’inclina poliment.

 -Orochimaru-sama, je suis navré.

-Ce n’est rien. Je vais m’occuper de cela. »

Et le nouveau médecin impérial passa près de moi. Le rayon de lumière provenant de la petite fenêtre le frappa et je pus observer son visage blanc aux traits androgynes. Il avait un rictus plaqué à son faciès floconneux et ses yeux reptiliens étaient marqués d’une ligne de khôl très prononcée, réhaussant leur brillance et leur intelligence.

« -La petite Tsunade, fit-il à mon encontre, sur un ton amusé. Avec quelques arguments de moins. Reprit-il en baissant ses pupilles sur ma poitrine, clairement moqueur. »

Je fis une moue renfrognée et serrai mon poing prête à frapper, mais il se pencha vers moi et déposa un flacon sur le bureau encombré. Je reconnus immédiatement le liquide ambré comme étant le médicament contraceptif délivré par Tsunade-sama. Je me pinçai les lèvres si fort qu’elles devinrent blanches. Merde, merde, merde. Je tentai avec désespoir de masquer mon inquiétude. Toutefois mes traits faciaux s’étaient déjà confondus d’appréhension.

« -Tout est correct. Je comptais demander qu’on te l’apporte, mais tu es venue de toi-même. Très bien pensé, cette décoction de vitalité. Ton cher Maître reste fidèle à sa réputation. 

Soupir intense de soulagement. Mes doigts tremblants recueillirent mon dû et je m’enhardis. :

-Karin…

-Et bien quoi ? reprit-il avec un léger ton agacé. N’est-ce pas toi que l’empereur a chargé de surveiller médicalement ?

-Si mais…dis-je, incertaine.

-Alors tout va bien. Je me rappelle qu’après mon bannissement, Itachi Uchiwa avait ordonné l’exécution des médecins demeurant. A l’exception de Kabuto. Mh. L’incompétence est….mortelle à Konoha. Je n’ose imaginer…si Karin perdait son précieux bébé alors que tu es en charge de veiller à ce qu’il vienne au monde en bonne santé. »

Enfoiré. Il niait donc l’implication de Kabuto-san dans l’opération d’avortement – justifiée. En soi, je n’avais aucune preuve si ce n’est cette cicatrice qui disparaîtrait bientôt et la parole de Karin. Cette dernière n’était d’ailleurs pas prête d’avouer avoir perdu son enfant. L’impasse était sombre et amère. Je les détestais déjà tous les deux. Si jamais le pot-aux-roses était découvert, ils n’hésiteraient pas à me charger pour incompétence.

« -Vous connaissez Tsunade-sama ? demandai-je pour dévier le sujet de discussion, le temps d’analyser ma situation.

-Cette chère princesse Tsunade, comme elle aimait tant se faire appeler. Comment va-t-elle d’ailleurs ? J’ai entendu dire qu’elle croupissait dans une cellule en attendant d’être offerte à Suna. Quel malheur. 

Quel hypocrite. Mon ressentiment à son égard venait d’atteindre des sommets. Les recoins de ce château ne cachaient-ils donc que des ordures ? A quand le grand ménage ? Les doigts blafards du serpent effleurèrent mon ruban pourpre et un nouveau sourire se dessina sur sa figure.

 -Je suis sûr que son disciple sera à la hauteur pour veiller sur la grossesse de la favorite. Après tout, n’as-tu pas accompli cette prouesse de guérir le sharingan ? Ne me dis que c’était un…simple coup de chance ? »

Je me redressai vivement. Visiblement, il était plus qu’inutile d’espérer trouver une issue favorable à la situation. Les provocations d’Orochimaru associées aux paroles acerbes que Karin avait eues envers moi finirent d’achever ma certitude : Je ne pouvais offrir ma confiance à personne.  Je fus congédiée du pavillon des Limaces avec moultes politesses, retrouvant Tenten sur le parvis. Au-dessus de nos têtes, le soleil de midi irradiait déjà les cieux – chassant les nuages de la matinée. Bientôt, il ferait une chaleur propice à la paresse, mais mon sang bouillonnait déjà. Que faire ?

 

HINATA HYUGA.

Dans le dôjô de notre clan, j’étais agenouillée aux côtés de mon père. L’après-midi allant, les préparatifs de départ de Neji débutaient. Tout le clan était réuni. Ce n’était pas un gage de solidarité, mais plutôt une manière pour le patriarche de faire un exemple aux yeux de tous. J’abaissai mon regard vers les tatamis brillants, accablée de tristesse. Les frontières m’avaient enlevé Naruto. Maintenant, elles m’arrachaient mon cousin. Mes poings se resserraient contre mes cuisses tant j’étais frustrée par mon impuissance. Et pourtant, Neji ne bronchait pas, subissant les rites d’adieux avec une dignité de fer.

Après les rites et les bénédictions pour le départ, les Hyûga quittèrent un à un la grande salle. Ne resta bientôt plus que moi et mon cousin. Il vint s’agenouiller face à moi et m’offrit un sourire rude que je pris pour de la bienveillance.

« -J’ai déjà fait mes adieux à Tenten. Prenez soin d’elle comme prendra soin de vous, s’il vous plaît, souffla-t-il de sa sévérité naturelle.

-Bien sûr, approuvai-je dans un hochement de tête.

-J’aurais aimé faire quelque chose pour…

-Ramenez-moi, Naruto-sama, le coupai-je suppliante. »

Ses yeux venaient de s’écarquiller et il regarda aux alentours, gêné. Je venais de m’incliner devant lui, front contre le sol, implorante. Il était impensable que l’héritière du puissant clan Hyûga s’abaisse devant un membre de la branche secondaire. Mais que m’importaient les traditions quand les morceaux de mon cœur coulaient en lambeaux entre mes côtes.

« -Par pitié, répétai-je, où qu’il soit, ramenez-le au Palais. Veillez sur lui. Je vous serai éternellement redevable.

-Hinata-sama, me rappela-t-il à l’ordre en m’empoignant par les épaules pour que je me redresse, je le ferai. Et si Sasuke Uchiha porte le moindre doigt sur vous, je le tuerai. Soyez tranquille.

-Je..je ne vous en demande pas tant…faîtes attention à vous.

-Je m’inquiète pour vous, souligna-t-il.

-Je m’en sortirai. Je suis l’héritière du clan Hyûga, affirmai-je d’une voix déterminée, quoiqu’en pense Oto-sama, je ne ploierai pas.

-Vous avez bien changé, sourit-il à nouveau en tapotant fièrement mon épaule. »

Et il se releva, droit et raide, attrapa son katana traînant au sol et quitta les lieux sans une autre forme d’adieu. C’était à mon tour de jouer désormais. De ne plus compter sur un homme pour me protéger. De faire en sorte que ce maudit mariage se casse la figure avant même d’avoir été célébré. Et les recommandations de l’Impératrice me revinrent en mémoire. Vite. Que Naruto revienne.

Dans le courant de cette même journée, une réunion était organisée en plein Jardin de l’Est. Nous étions conviés le Prince Sasuke et moi-même, ainsi que l’Impératrice et le ministre Shimura-san à discuter des préparatifs du mariage. Chose que j’ignorais et qu’Ino-sama m’apprit : les Impératrices étaient en charge des unions princières. C’était la loi. Elle me l’avait d’ailleurs avoué avec un clin d’œil complice. Si le ministre des affaires intérieures du Palais se chargeait des aspects religieux et législatifs, l’impératrice – elle, gérait la logistique des festivités, la mise en place de la nuit de noce, la liste des invités, le menu des repas…etc.

Sous un soleil de plomb, nous nous égarions dans les allées fleuries et odorantes de l’immense parc. Au loin, la cime des arbres sinistres de la Forêt des Âmes. Danzô et la reine marchaient côte à côté, discutant et échangeant sur les évènements futurs. J’étais esseulée derrière eux. Le prince Uchiha n’avait pas daigné se présenter et c’était peut-être mieux ainsi. Une domestique hantait mes pas, tenant au-dessus de ma tête une ombrelle aux couleurs de jade – évitant ainsi à mon derme pâle de rougir. Une autre servante se chargeait de couvrir l’impérial tête d’Ino-sama.

« -Je propose d’organiser la nuit de noce dans le Pavillon des Impératrices, suggéra-t-elle me sortant de ma léthargie.

-Et pourquoi donc ? répliqua le ministre, imperturbable.

-C’est un terrain neutre. Je verrai mal le prince Uchiha être livré en pâture au clan Hyûga et je ne verrai pas davantage la charmante Hinata-sama seule au Pavillon des Uchiha. Surtout pas après l’agression qu’y a subi la concubine Haruno. Que penserait le clan Hyûga ?

-Cela me semble être des arguments raisonnables, Ino-sama. Vous maturez dans vos réflexions, la complimenta-t-il en approuvant. »

J’eus un imperceptible sourire et mes yeux vagabondèrent sur la surface d’un étang que nous traversions grâce à un pont aux finitions raffinées. Les carpes vinrent danser paresseusement sous nos pieds, cherchant la fraîcheur de l’eau qui était à l’ombre de la passerelle. Sur l’autre rive nous attendait un obstacle inattendu. Je reconnus immédiatement la chevelure rose de Sakura Haruno à l’ombre d’un parapluie pourpre. A travers la dentelle de ce dernier, le soleil réfléchissait mille perles d’or sur son ruban rouge. Et c’était avec soulagement que je découvris Tenten-san à ses côtés, la protégeant des rayons solaires.

« -Bien, je vous laisse, anticipa Danzô Shimura alors qu’il s’inclinait devant nous avec respect. »

Je rejoignis les côtés de l’impératrice et nous quittâmes le pont pour confronter la concubine. Je mourrai d’envie de me jeter dans ses bras pour la réconforter après la perte tragique de sa parente. Perte à laquelle j’avais assisté, impuissante. Je n’avais jamais eu d’attirance ou de d’affinités avec Sasuke Uchiha, c’était une certitude. Mais me remémorer sa main abattant la lame d’un katana aiguisé sur le cou d’une innocente me révulsa. J’avais détourné lâchement les yeux au moment fatidique, plongée dans l’horreur. Ce ne fut qu’après de longues secondes que Sakura daigna ployer l’échine devant l’épouse de l’empereur.

SASUKE UCHIWA.

« -Que veux-tu ? me questionna abruptement Shisui Uchiha alors qu’il apparaissait depuis la galerie extérieure du Pavillon Interdit. Je l’avais fait mander car l’envie de retrouver Orochimaru me démangeait. Je ne pouvais rester à faire le planton devant cette foutue porte pendant que les réponses à mes interrogations s’envolaient en fumée. Il me fallait les rattraper.

« -Peux-tu me remplacer quelques heures auprès de Karin ?

-A quelles fins ? demanda-t-il, un air sévère placardé à son visage habituellement si expressif. Il avait revêtu en ce jour l’armure de notre clan. Fait assez notable puisqu’il ne l’arborait que très rarement, lui préférant des hakama sombres plus souples et légers. L’ombre de son épée traditionnelle flirtait dangereusement avec son flanc et je reconnus notre blason en filigrane sur le fourreau. C’était la lame mortelle de Kagami Uchiha, son grand-père. L’un des plus célèbres généraux connus de Konoha- un des hommes que mon père m’avait maintes fois cité en exemple. Également l’un des rares Uchiha ayant trouvé la mort sur un champ de bataille. Visiblement, son attirail prouvait qu’il était en alerte. Cette histoire d’agression en plein territoire Uchiha l’avait mis sur les dents. Ainsi, même le mirage de Konoha avait ses points faibles ;

-Je peux aller me restaurer et me soulager durant ma garde ou ? répondis-je avec un peu de prétention.

-Tu as une heure, pas une seconde de plus, approuva-t-il dans un soupir. La prochaine fois, confie cette tâche à une kunoichi.

-Il me semble que cette tâche tienne trop à cœur à frère aîné pour que je puisse la déléguer à plus faible que moi. »

Il jeta une œillade vers les portes closes des appartements de la favorite et je me dépêchai de quitter.

Sous le soleil éclatant d’un après-midi dont je ne profiterai pas, je m’engageai rapidement sur le chemin du Pavillon des Limaces ; nouveau repère de mon ex-mentor. Je bousculai au passage les nombreuses courtisanes venues se promener sur l’axe principal du palais. Leurs gloussements et leurs œillades flattés sillonnèrent mon passage tandis que mon pas rapide et agile frôlait leur hanfu. Mais les femmes, aussi attirantes puissent-elles être, demeuraient une préoccupation secondaire. Quand bien même m’avait-on présenté l’une des plus belles comme étant ma future épouse. Entre deux enjambées, je me remémorais ce jour où le ciel s’était abattu sur mes épaules. Hinata Hyûga m’avait été servie sur un plateau d’argent dans la salle du trône. Apprêtée des plus beaux atouts et richement parée de ses bijoux aussi précieux que le nacre des perles qui lui servaient de prunelles. Le charme n’avait pas opéré sur moi, mais cet imbécile de Naruto avait immédiatement déclaré forfait.

Sakura…

Je déviai ma route subitement alors qu’elle m’était apparue sur le parvis du Pavillon des Limaces. Trouvant refuge sur un toit proche, je l’observais descendre les escaliers, l’air préoccupé. Ses cheveux à la pâleur des cerisiers étaient auréolés des rayons solaires. Sa servante déploya une ombrelle pourpre au-dessus de sa tête et son visage me fut occulté. Elles quittèrent bientôt mon champ de vision et je sautai au sol, me dépêchant vers le bâtiment. J’y pénétrai avec autant de précipitation, repoussant les lourdes portes d’entrée avant même que les domestiques ne le fassent. Je les vis s’agenouiller en signe de soumission, tremblants et fébriles – s’attendant sûrement à ce que je les sermonne de leur manque de réactivité. Je les ignorai pour darder mes prunelles noires sur la silhouette qui se dressaient en plein milieu de l’antichambre.

Le serpent vêtu de son kimono blanc. Et l’intelligence de son regard ne cessa de me surprendre. Il ouvrit ses bras comme un père s’apprêtant à retrouver son enfant prodigue.

« -Sasuke-kun… persiffla-t-il dans un rictus qui défigura ses traits de cire. Je me demandai quand est-ce que tu viendrais à ton vieux maître. »

 

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