Les Trahisons.




Nous empaquetions nos humbles affaires ; peu de toilettes et de bijoux, mais énormément de plantes et de matériel médical rare. Nous ne savions rien de la flore évoluant au pays des Sources chaudes. Tsunade m'avait vaguement parlé de marécages et de déserts infernaux. L'humidité ambiante, la chaleur et la lumière du soleil pouvaient être trois excellents facteurs de développement. J'avais hâte de découvrir ce nouveau monde. Shizune avait remarqué ma rêverie et me bouscula de son épaule, un sourire coquin en coin.

« -Peut-être que tu rencontreras enfin un garçon convenable là-bas. »

Clin d'oeil appuyé. Je grimaçai à l'allusion et terminai sèchement de fermer mon paquet.

« -Parle pour toi, Shizune-senpai. Le ruban que je vois dans tes cheveux n'est pas rouge que je saches !

-J'espère bien ! Ce serait terrible ! Se mit-elle à gronder en brandissant un bouquet d'herbes aromatiques.

-Ah oui ? Cela a une signification ? M'étonnai-je sincèrement. J'avais tapé au hasard.

-C'est la couleur du ruban que doivent porter les concubines impériales, expliqua-t-elle très sérieusement et devant mon air coi, elle précisa : Elles ne sont pas mariées, mais elles ne sont pas libres non plus. Le rouge, c'est la couleur de la passion et de l'interdit. Elles sont les passions de l'empereur, et l'interdiction pour tous les autres hommes.»

J'imaginais bien. Je n'en avais pas croisé au palais, mais au cours de la discussion mon aînée me raconta qu'elles avaient un pavillon qui leur était réservé. Les rumeurs disaient qu'il était aussi bien protégé que celui de l'impératrice. Pourquoi n'y avais-je guère séjourné, alors ? L'agacement alourdit mon humeur et je chassai mes souvenirs en secouant la tête. Ce n'était plus mon problème. Tsunade-sama avait autorisé sa belle-sœur a gardé un petit cochon de compagnie. Il nous suivait partout et grognait son mécontentement à chaque fois que sa maîtresse principale l'ignorait. Je ne sus pas ce qu'il me prit à ce moment-là d'aborder le sujet. Celui qui faisait mal.

« -Ton frère, il...je veux dire avec Tsunade-sama...

-Dan*, corrigea-t-elle plus sèchement qu'elle ne l'aurait voulu, je pense. Ses grands yeux bruns s'assombrirent de tristesse.

-De quoi parlez-vous encore?! Apparut une voix autoritaire et bien trop familière. Oups. J'espérais qu'elle n'avait rien entendu, visiblement non à en croire son petit sourire mutin. Elle resplendissait au seuil de la porte , et j'admirais la marque sur son front, pile entre ses deux yeux amandes. Je ressentis un soubresaut dans mon flux constant dechakra. C'était mon désir d'aller plus vite, de la surpasser.

-Du futur fiancé de Sakura, ricana Shizune. Elle allait me le payer. -Peut-être se trouve-t-il au pays des Sources Chaudes ?

-Mouais. Il n'y a que des vieux pervers comme Jiraiya, là-bas. Ne compte pas trop dessus. D'ailleurs, peu importe. Quand nous y serons, vous brûlerez toutes les deux vos rubans. N'avez-vous pas hâte de sentir vos cheveux libérés dans le vent ? Ou encore de les coiffer comme vous l'entendez ?! Bon ! Je vais aller signer l'acte de vente.»

Oh que si. C'était mon souhait le plus cher. Nous accompagnâmes notre maître jusqu'à l'entrée et nous lui souhaitâmes bonne vente. Cette maison allait me manquer. Adossée contre de la roche brute, au pied de la montagne et à l'orée de la forêt, elle était un peu excentrée de la route principale sans en être complètement coupée. Il y avait une prairie attenante pour élever du bétail et un jardin où cultiver diverses plantes tant la terre y était féconde. Et la bâtisse en elle-même, plus moderne que les taudis des faubourgs de Konoha avait l'électricité, grâce à des câbles tractés depuis le chemin principal ; et elle était suffisamment grande pour nous avoir accueillie toutes les trois pendant de nombreuses années. L'eau courante faisait défaut, mais un puits dans le jardin comblait facilement cette gêne. Nous n'avions qu'à réchauffer l'eau sur le poêle pour avoir un bon bain chaud ou du thé succulent ! La nostalgie étouffa mon cœur et sitôt la charrette remplie de nos bagages, je m'octroyai une pause, dans le salon où me rejoignis bientôt ma senpai, chargée d'une théière fumante et de deux tasses en terre cuite. Les meubles étaient toujours là, vendus avec les murs. Inutile de s'encombrer de charges aussi lourdes durant une fuite.

Elle me servait du breuvage brûlant lorsque trois sons de cloche nous firent sursauter de concert. C'était le tintement reconnaissable de la clochette à l'entrée de la cour (par laquelle on accédait au corps de la maison). Il suffisait de la secouer énergiquement pour nous prévenir de la présence de visiteurs et nous faire rappliquer. Sauf que nous n'attendions personne et Tsunade était partie voilà peu. Le sang glacé, je me dirigeai à la suite de Shizune, dans la petite cour. Devant le portail de bois, ouvert, deux silhouettes se tenaient fermement. Je reconnus immédiatement le prince Sasuke en armure impériale. Les battements de mon cœur se figèrent et ce n'était pas dû à la mine furieuse et renfrognée qu'il arborait fièrement.

« -Je suis Sasuke Uchiwa, commandant de la garde impériale. » s'adressa-t-il à ma comparse, en m'ignorant royalement. Il avait omis son titre pompeux de prince. Ahlala, quelle humiliation d'être transformé en messager. Car oui, pas gonflé pour un sou, il tendit brusquement un rouleau estampillé du sceau de sa Majesté. Et rebelotte. Senpai, tremblante, s'avança pour demander d'une voix blanche :

« -Que me vaut l'honneur de cette visite ?

-Votre nièce porte-t-elle bien le nom de Sakura Haruno ?

-C'est ex...

-Acceptez cet ordre impérial, la coupa-t-il avec brutalité. »

Non ! Hurlai-je, mais aucun son ne sortit. J'armai mon poing de chakra et m'apprêtai à me lancer corps et âme dans une rébellion de forcenée quand il dégaina habilement sonkatana de sa main inoccupée pour le pointer vers moi. Ses sharingans s'étaient de nouveau activés et brillaient avec force, même en plein jour, d'une lueur pourpre et obscure.

« -Je te le déconseille. » me menaça-t-il. Je n'avais pas peur. J'aurais affronté le tranchant de sa lame et la velléité de ses yeux pour ma liberté. Toutefois, je sus que Shizune craignait pour ma vie et la menace fonctionna sur elle. D'un pas hésitant, elle vint se mettre à genou, comme elle était priée de le faire lorsqu'elle recevait un ordre du palais.

« -Je dois emmener votre nièce au palais. » fit-il sans émotion à l'attention de la brunette, dont les paumes moites recueillirent le rouleau.

-L'emmener au palais ? Pour quelle raison ? Osa-t-elle demander, les dents serrées de colère. »

Elle se sentait prise au piège, et moi avec. Le compagnon de Sasuke demeurait pour le moment en retrait, et je ne l'avais jamais vu. Il était coincé dans la même armure que le prince, et sa tignasse défaite était grisonnante. Borgne de l'oeil gauche – couvert par un bandage noir, la partie inférieure de sa figure était plongée dans l'anonymat grâce au port d'un masque sombre. Pas moyen que je le soigne celui-là, c'était fini. Si c'était pour cette raison qu'on me convoquait alors, non.

« -Elle sera faite concubine impériale. »

Et là, le monde arrêta de tourner. Mon existence fut suspendue douloureusement à la sentence qu'il venait de prononcer. Loin d'être un honneur, c'était un châtiment.Seigneur. Ils savaient que j'allais fuir et mes yeux paniqués cherchèrent un échappatoire.

« -Co..comment...concubine mais...s'exprima-t-elle, sous le choc.

-Il s'agit d'un ordre de l'empereur! Trancha-t-il et ses prunelles étaient plus éclatantes de rouge que jamais sous cette montée de colère. -Oseriez-vous ne pas vous y soumettre ? »

Alors, j'assistai impuissante à la révolte de Shizune. Elle jeta le rouleau à terre et s'écria : « Doku Kiri ! » Et d'entre ses lèvres, habituellement si délicates, s'échappa un brouillard empoisonné qui perturba une seconde la vue de nos adversaires, mais seulement grâce à l'effet de surprise, qui ne dura pas.

« -Sakura ! FUIS ! »

Je concentrai tout mon chakra à la plante de mes pieds et me précipitai vers le flanc de la montagne pour l'escalader et courir sur la paroi rocheuse. Je m'étais entraînée à le faire durant de nombreuses années afin de posséder un meilleur contrôle de mon flux d'énergie. Une brève oeillade en arrière me permit de constater la présence d'un poursuivant. Sasuke. Je serrai les dents, ivre de fureur et en dix minutes, le sommet fut en vue. Notre vitesse inhumaine avait rendu possible l'exploit d'une ascension fulgurante malgré les contraintes du relief et nos limites corporelles. Une de mes paumes s'accrocha au bord et d'un saut prodigieux je rejoignis la surface. Le vent était glacé ici, et ma peau frissonna sous la faible protection de mon hanfu. Le prince arriva quelques secondes plus tard et l'on se fit face, dans un silence absolu. Ses yeux avaient perdu leur couleur démoniaque et il me fixait. Ce fut un coup porté à mon orgueil, lorsque je reculai de quelques pas. Pourquoi reculer ? Je n'avais pas peur ! Il agrippait fermement le manche de son épée, et me tendit de l'autre bras une main ouverte. Visiblement, le geste lui coûtait. Je le devinai à son expression contrariée.

« -Tu dois venir avec moi.

-Je refuse ! M'exclamai-je, à bout de souffle.

-Ton amie et la légendaire Tsunade vont être arrêtées. Si tu souhaites les sauver, tu devrais te dépêcher.

-L'empereur vous a-t-il réellement envoyé ?

-Exact. »

Un rire franchement nerveux échappa à mon contrôle et je refusai à nouveau de le suivre. Pensait-il vraiment que par la force ou la séduction, je le suivrais ? Avait-il perdu l'esprit à ce point-là ? Pourquoi voulait-il éviter la confrontation que je demandais ardemment ?

« -Plutôt mourir que de devenir sa concubine ! »

Il poussa un franc soupir et se hâta vers moi. J'aperçus l'éclat de sa lame percer l'azur du ciel. Il tenta de me donner un coup de pied que j'esquivais à grand-peine. Quelle rapidité ! Il enchaîna ensuite les techniques de taïjutsu jusqu'à m'épuiser. Je ne savais ni contre-attaquer, ni me défendre et mes esquives perdaient en pertinence, si bien qu'il réussit à m'atteindre au niveau de l'abdomen. Contracter mes muscles ne fut pas suffisant et la douleur me ravit une respiration précaire. Je m'étalai de tout mon long. L'ombre de Sasuke me recouvrit et il se mit à califourchon sur moi, m'écrasant de son poids.

« -Cela reste entre nous. L'empereur me tuerait s'il apprenait que j'avais levé la main sur l'une de ses précieuses concubines. »

Et en plus, il se payait ma tête. C'était qu'il avait de l'humour. Qui ne faisait rire que lui, cela dit.

« -Je re... commençai-je.

-Tu refuses ! Je sais ! Nous refusons tous. Mais c'est ainsi que les choses vont, Sakura. »

Mon nom entre ses lèvres, porté par le son grave de sa voix me fit un choc. Il remarqua mon trouble et retourna le couteau dans la plaie :

« - Mais l'ordre doit être respecté. Ce sont les lois qui régissent notre nation. »

Je détournai mon attention vers la nature environnante. Un sanglot avait percuté ma gorge et je l'avais arrêté au bon moment. Oh non, pas ça. Je n'allais pas lui offrir le spectacle de mes larmes. Je tuai mes pleurs naissant dans l'œuf et osai articuler difficilement :

« -Tsunade-sama...et Shizune-senpai... »

Je le vis, penché sur moi, suspendu au moindre de mes mots, patientant pour la suite. Il était ravi, car il décelait un début de résignation dans ma voix et mon regard pâle.

« -Sont-elles encore en vie ?

-Plus pour longtemps. Le général Kakashi Hatake a dû emmener ton amie au palais, quant à la légendaire Tsunade....A moins que nous arrivions à temps. »

Il se redressa d'un mouvement vif et me présenta une nouvelle fois sa main. Je déviai mes yeux ailleurs, à la fois gênée, triste et encolérée. Finalement, je le regardai et glissai ma main dans la sienne. Il me hissa sur mes pieds et rengaina son katana. Il s'était montré beaucoup moins prétentieux ici, dans la liberté du monde ouvert, qu'entre les murs oppressants du palais. Pourquoi ?

◊◊◊

Sitôt amenée au palais, l'empereur avait ordonné son exécution immédiate sur l'esplanade publique devant les portes extérieures du château. Sous une tonnelle ombrée, j'assistai impuissante à cette cruauté aux côtés de mon père. Nous avions été interrompus dans nos activités par les domestiques impériaux criant à la volée la tenue de ce morbide spectacle. C'était une obligation d'y assister afin d'avoir une démonstration concrète du pouvoir impérial. De nous rappeler que nos vies ne tenaient qu'à un fil sous sa volonté de fer. Le peuple était mis en respect, de l'autre côté de la place grâce à une barrière de sécurité formée par la garde impériale. La plupart des sujets de l'empire devaient désapprouver la mise à mort de la légendaire Tsunade, celle qui avait sauvé un époux, un enfant, un parent...un ami. Sans la connaître, moi-même je sentis mon cœur se serrer. Autour de moi, on racontait que c'était le garde personnel de l'empereur qui avait procédé à l'arrestation de cette kunoichi réputée imbattable. Il lui avait tendu une embuscade alors qu'elle signait un acte de vente. Les griefs avaient à peine été expliqués. Traîtrise envers l'empereur. Le motif était, selon nos lois, bien plus que suffisant. A quelques mètres devant moi siégeait Sa Majesté, assise sur un trône de fortune (monté pour l'occasion).

Des grognements indignés commençaient à prendre de l'ampleur du côté de la plèbe. Ce bourdonnement satura bientôt l'air et l'empereur y mit un terme :

« -Exécutez cette traîtresse. »

J'avais honte d'être une Hyûga et de participer à cette macabre mise en scène par mon sang et ma noblesse. Et mon père qui ne bougeait pas d'un pouce, le regard fixe et intransigeant. Je me mis à tous les haïr. La belle Tsunade ne s'émut pas de l'ordre, attachée et maintenue en respect. Elle était agenouillée au centre de l'esplanade. L'état de ses vêtements et de sa coiffure laissait clairement paraître qu'elle s'était farouchement défendue.

Le garde personnel de l'empereur se plaça devant la condamnée.

« - ARRETEZ ! » hurla une voix désespérée.

Des centaines de paires d'yeux détournèrent en même temps leur attention vers la source de ce hurlement déchirant et mon cœur se mit à battre plus vite.

◊◊◊

Fendant la foule et le cordon de sécurité grâce à l'aide du prince Sasuke, je me jetai aux devants de mon maître, face à l'empereur. Il était trop éloigné pour que je puisse le détailler, et un parterre de noblesse l'entourait. Une bande de vautours, pressés comme des sardines, autour de son impériale personne. Au-dessus de moi, l'épée du garde impérial restait en suspens.

«-Sakura... » souffla Tsunade-sama, un sévère sourire aux lèvres. Je découvris qu'elle était blessée. Un peu de sang coulait à la commissure de ses lèvres. Comment ?! Je n'avais jamais vu aucun homme la mettre à terre, elle disposait de pouvoirs bien trop effrayant. Et pourtant, on y était parvenu. Je me mis à trembler.

Prenant une profonde inspiration, je m'agenouillai lentement face à la tribune du souverain. M'admirant, la légendaire kunoichi articula doucement :

« -Tu n'es pas obligée, Sakura... »

Mais je le ferai quand même. Pour sauver sa vie, et celle de Shizune-senpai qui subirait un sort semblable. Des larmes se pressèrent à mes yeux. Nous avions lamentablement échoué.

« -J'ai entendu que tu voulais prendre la fuite. » annonça soudainement mon ancien patient. Le silence alentour était tel que j'arrivais à percevoir sa voix d'aussi loin.

Je ne disais rien, mordant ma lèvre pour éviter une réponse qui nous ferait tuer toutes les deux. En tout les cas, sa petite cour semblait très amusée par la situation. J'entendais l'écho effacé de quelques ricanements. Je ravalai avec peine ma salive, bloquant mes sanglots impatients.

« -Exécutez la traîtresse. » répéta-t-il fermement.

Mes mains rejoignirent mes genoux au sol. J'étais complètement inclinée, et je m'exclamai :

« -Heika-sama ! Pardonnez à mon Maître ! Elle a commis une erreur... »

Je vis des gouttes salées s'échouer entre mes doigts écartées. Mes ongles s'enfonçaient salement dans la terre battue de l'esplanade. J'étais tellement désolée, Tsunade-sama, de vous offrir un spectacle de moi si pitoyable. Shannarô ! Si seulement, j'avais été plus forte.

«-Ah...une erreur ? articula-t-il, peu convaincu.

-Votre Majesté, je suis venue me soumettre à votre volonté. Epargnez Tsunade-sama, s'il vous plaît.

-Acceptes-tu d'assumer les actes de la légendaire Tsunade ? »

Ma figure se détourna vers ma tante qui secoua la tête, la mâchoire crispée. Pour la première fois de mon existence, je décidai de ne pas lui obéir. Je ne pouvais pas la laisser être tuée, comme une bête de foire, devant une foule d'inconnus. Elle méritait mieux que ça et j'étais prête à en payer le prix. C'était un juste retour pour tout ce qu'elle avait fait pour moi.

« -Prenez ma vie, en échange. » proposai-je, complètement ahurie par mes propres paroles. Et mes poings se refermèrent solidement. L'empereur était loin, mais je pus ressentir le sourire victorieux qui déforma ses lèvres fines. Il se pencha et sembla murmurer quelque chose à l'un de ses ministres. Puis, il prit congé avec indifférence. Aussitôt qu'il se leva, tout le monde s'abaissa pour saluer son départ.

« -Sakura ! » gronda Tsunade alors qu'elle était emmenée par le garde impérial. Moi-même je tendis une main vers elle, paniquée, quand Sasuke réapparut pour m'agripper sèchement le poignet. Dans la confusion ambiante, je crus comprendre qu'il m'informa que l'exécution était annulée. Soulagement. Je fus délivrée d'un poids insupportable. Le sacrifice de ma fierté avait porté ses fruits. Et alors que le prince me redressait avec autorité, je me jurai de ne plus jamais ployer le genou.



◊◊◊

Les portes s'ouvrirent avec solennité et sans aucune précaution, il me jeta dans la salle avant d'en refermer l'entrée, disparaissant. Je ne reconnus absolument pas le jeune homme que j'avais découvert au sommet de la montagne, tiraillé entre compassion et devoir. Il semblait de nouveau agir comme un automate prétentieux. L'endroit était richement décoré, et scintillait de mille couleurs ce qui m'émerveilla. Je n'avais pas exploré ce pavillon lors de ma première visite, et cette pièce sublime me le fit regretter. Visiblement, c'était un lieu d'apparat où siégeait un trône en plein centre, recouvert d'or et de soie précieuse. Deux hommes étaient présents. L'un assis sur le fauteuil du pouvoir, l'autre debout à ses côtés et portant l'amure du garde personnel de l'empereur. Pourtant, ce n'était pas lui.

Nouveau choc. Car l'empereur n'était pas l'empereur non plus. Je les reconnus tous les deux, mais pas à la place qui leur avait incombé lors de ma précédente intervention au palais.

« -Tu ne t'inclines pas devant ton empereur ? me demanda le garde aux cheveux noirs et souples, courts et bien coiffés. Ses yeux, nouvellement soignés, étaient deux billes de ténèbres et il possédait des traits délicats.

-Je...commençai-je confuse, je ne comprends pas...

-Je suis l'empereur Itachi Uchiwa, fit écho le souverain que j'avais soigné en qualité de garde. -Voici mon garde du corps, Shisui Uchiwa.

-Vous m'avez trompée ! »

C'était bien le moment de s'indigner. Je me sentais à mon tour trahie. Comment pouvait-on mentir à son médecin ?! Ces deux hommes étaient fous. Bien que je puisse envisager les raisons de sécurité derrière un tel échange, c'était....par pitié, que quelqu'un me sorte de là. L'empereur Itachi avait vernis ses ongles de pourpre. Son regard me remit tout de suite en place. Prononcée par des cernes, l'obscurité de ses prunelles était intimidante. Il partageait des airs avec Sasuke. Je constatais finalement que mes opérations avaient parfaitement fonctionné, donnant des résultats presque inespérés. Et pas un seul merci, si ce n'était une proposition odieuse de devenir concubine et la promesse d'exécuter mon maître adoré. Il se redressa sereinement, approcha à pas de loup et me contourna afin de m'observer sous toutes les coutures. Je n'appréciais pas la manière dont il me contemplait. Je le suivis des yeux jusqu'à ce qu'il revienne face à moi.

« -Quelle punition pour ton crime ? La mort serait une facilité. Je ferai de toi ma concubine puisque tu le redoutes tant. A moins que tu préfères que je laisse mes corbeaux dévorer tes yeux alors que tu es encore vivante ? »

Un haut-le-cœur me prit soudainement. J'étais blindée, habituée aux pires boucheries comme l'exigeait mon métier de médecin, mais m'imaginer être becquetée vivante par des oiseaux, voilà. Puis, cette obsession pour les yeux...nous touchions le summum du sordide en matière de fétichisme. Si je n'étais pas dans une situation aussi grave, j'aurais ri de mon sarcasme.

« -Qu'en dis-tu ? Cela t'apprendrait-il à tenir ta langue ? »

Il s'attendait peut-être à ce que je m'effondre de nouveau pour le supplier d'épargner ma vie, mes prunelles et tout le reste. Eh bien, non. La vie de Tsunade-sama m'avait importé, au point de fouler du pied mon ego et mon orgueil. Toutefois, la mienne, au stade où j'en étais, n'avait plus d'importance. La gratitude de l'empereur m'étouffait, sans blague. Nos regards se croisèrent lorsque je relevais finalement le mien. L'émeraude et l'onyx fusionnèrent pour s'apprivoiser. Pour ma part, il n'y avait pas de manière d'aborder un Uchiwa ou l'autre. Le mal était fait. Comment pourrais-je pardonner aux hommes qui avaient lâchement ordonné l'exécution d'une femme innocente ?

« -Emmène-la, Shisui. »

Ce dernier vint rapidement à ma rencontre. Je n'eus même pas le temps de cligner des paupières qu'il avait avalé les quelques mètres nous séparant.

« -Je vais épargner ta tante légendaire et ton amie. Mais qu'elles vivent ou qu'elles périssent ne dépendra désormais plus que de toi. »

Une prise d'otage. Encore une belle preuve de courage. C'était terriblement efficace sur moi et il le savait. Rien ne comptait plus que la famille. Une question me brûlait encore la langue. Qui avait vaincu Tsunad-sama ? Je voulais son nom. Je voulais ma revanche. Je le découvrirai, tôt ou tard. D'ici là, je devais devenir plus forte.

◊◊◊

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