Le Prix de l'Ordre.
SAKURA HARUNO
La Forêt des Âmes bordait dangereusement le jardin du Pavillon des concubines. Par une chance inouïe ou un destin audacieux, notre zone faisait partie de cette frontière. Kurenaï-san m'avait expliqué qu'un fin ruisseau délimitait la zone à ne guère franchir lorsque nous nous promenions dans les allées épurées des jardins. Nous pouvions voir de loin la brise effleurer la cime des arbres sombres et entendre le chant d'une faune mystérieuse. J'avais, de toute manière, rapidement saisi que cette immense étendue végétale et luxuriante ne serait jamais une option de sortie. Trop de dangers, trop d'inconnu comme je l'avais découvert dans l'Antique Temple du Feu.
Le porteur du Byakugan s'était décidé à augmenter la cadence. Nous courrions désormais sur les sentiers sinueux de ces sinistres bois. Il semblait se repérer grâce à ses yeux hors du commun.
Lorsqu'il s'arrêta si brusquement que je me heurtai douloureusement à son dos.
« Trop lent, » avait décrété une voix familière depuis les feuillages alentours.
Je redressai vivement mes prunelles paniquées dans l'espoir d'apercevoir l'homme que je redoutais tant. Merde, Shisui. Entre deux feuilles agitées par le vent, je dénichai enfin ses pupilles sanglantes, braquées sur nous. Neji se contracta immédiatement et je ne pus que partager son stress intense.
« Alors, Sakura, » trancha l'Uchiha, d'une voix aussi sévère que le bois. Je ne t'aurais jamais pensé aussi....insubordonnée. »
J'allais embrayer, lui demander sérieusement s'il souhaitait que l'on combatte maintenant, tout de suite, une bonne fois pour toute. Mourir au combat serait plus gratifiant qu'être exécutée. Cependant, le Hyûga m'empêcha la moindre parole, levant impérieusement son bras devant moi. Car l'Uchiha venait de brandir un objet entre ses doigts fins. Mon masque ! J'écarquillai les yeux. Il l'avait....ramassé ? Shisui esquissa un rictus entre amusement et énervement. Cela confondait ses traits sombres dans une grimace étrange et contradictoire.
Il se téléporta rapidement face à l'autre shinobi.
« -Nous allons tous aux devants de gros problèmes, poursuivit le possesseur du Sharingan. Alors le mieux que tu puisses faire, c'est de me laisser la raccompagner à ses quartiers. »
Neji devait être aussi perplexe que moi, plongée dans une confusion étourdissante. Attends, il ne nous arrêtait pas ? Ne tentait même pas de me ramener personnellement à l'empereur ?
« Shisui-donô, commença l'homme aux prunelles nacrées, Que se passe-t-il ?
-Je suis raisonné, mais pas inhumain. Tu ne sauves pas Sakura, mais sa nouvelle servante, n'est-ce pas ? Si j'amenais Sakura devant l'empereur en ce moment même, Kurenaï-san et cette servante seraient exécutées. C'est la loi.
-Je sais, reconnut-il sous mes airs choqués, comme s'il n'avait pas d'autres choix.
-Je vais m'en occuper. Avant que l'illusion qui berne les arbitres regardant par ici ne s'estompe.
-Vous...tentai-je vers l'Uchiha. »
Il me coupa net, plaquant autoritairement le masque de samuraï contre mon visage pâle. Et lorsque mon regard croisa le sien, je ne sus qu'y déchiffrer : de la culpabilité ? Se sentait-il coupable de transgresser sa loyauté envers l'empereur ? Ses doigts agiles attachèrent les ficelles sous ma chevelure. Neji avait déjà repris la route, toujours dans la même direction. Ainsi, rejoignait-il Tenten, ma « demoiselle de compagnie » ? Comment se connaissaient-ils, lui un noble et elle une roturière ? Le faciès de Shisui se redressa vivement pour lorgner par-dessus mon épaule. Il fronça les sourcils de contrariété.
« -Ne tardons pas. »
SHISUI UCHIHA.
Non, je n'ai pas su me résoudre à la dénoncer. Je m'étais persuadé dès l'instant où je l'avais pris en chasse, de ne céder à aucun sentiment humanisant. D'aucune sorte. Ce fut en remarquant sa chevelure aussi rosée que l'aube salvatrice qu'un doute avait germé en moi. A quoi cela m'aurait-il avancé de la mener aveuglément devant Itachi ? Elle aurait mérité d'avoir le sang de deux innocentes sur la conscience. Peut-être aurait-elle enfin compris que ce n'était pas un jeu...que les lois de l'Empire étaient impitoyables et que chaque chose avait sa place. Et l'empereur n'aurait pas hésité une seule seconde à infliger cette punition sanglante. Peut-être même aurait-il décidé de rajouter Tsunade au peloton. Bien sombre issue.
J'avais eu la lourde responsabilité de ces vies, autant que Sakura. Je voulais lui montrer, par ma décision coupable qu'il était possible de se trahir soi-même si cela pouvait épargner des vies innocentes. Le comprendrait-elle ?
« Ne te méprends pas, lui dis-je soudainement. Et ses grands yeux clairs m'auscultèrent. Contrairement au prince Sasuke, je ne t'aiderai jamais à regagner ta vie d'avant. Je viens simplement de sauver les vies de Kurenaï-san et ta domestique. Mon devoir s'arrête là. Tu dois comprendre que c'est à toi de sacrifier celle que tu étais avant et non à elles de sacrifier leurs vies. »
Nous avions émergé dans la clairière jouxtant le ruisseau du jardin des concubines. Et la silhouette de Kurenaï-san était apparue d'une terrasse pour se précipiter vers nous, en panique.
« -Shisui-dono... »
Haruno retira son masque dans un geste résigné et tremblant, dévoilant sa figure délicate.
« Sakura-san ! » s'exclama-t-elle de plus belle, agitée par de nombreux émois : la peur, la colère, le soulagement ? Sans doute avait-elle énormément de choses à lui dire ou redire, mais elle décida d'aller à l'essentiel, terrifiée finalement : « Tout le monde vous cherche, vite, vite. Vous devez vous changer ! »
Et la gouvernante posa sur moi un regard plein de reconnaissance et de désarroi.
La toute rose fut arrachée à ma surveillance pour être entraînée par sa supérieure vers le bâtiment au bois pourpre. Quant à moi, je réactivai sens et Sharingan. Sasuke n'allait pas tarder à faire son entrée sur scène. Il faudrait sans doute le confronter de nouveau, le rassurer sur le sort de sa partenaire illégale, le sermonner également ? Un sourire agita mes lèvres. Qu'il était insouciant. Pensait-il vraiment pouvoir aider Sakura Haruno à échapper aux griffes de son frère ainé ? N'était-il pas le premier à connaître le fonctionnement sans merci de notre Empire ? Une mise au point s'imposait sur son rôle et ses responsabilités.
TENTEN.
J'avais eu chaud, très chaud. Par le biais d'autres servantes et de murmures incessants, j'avais appris que l'empereur recherchait sa concubine. Il avait quitté la tribune, disait-on, encore plus sombre et silencieux qu'à ses habitudes. Fallait pas demander ! Et s'il se pointait ici ? Qu'allais-je pouvoir dire sur l'absence de Sakura ? Rien, il ne me laisserait sans doute guère l'occasion d'en placer une. Quelle idiote, j'aurais dû empêcher Haruno de se jeter dans un plan aussi désespéré. Je risquais ma vie, certes mais je n'avais étrangement aucun regret. La liberté était l'or de notre monde. Dans ce palais impitoyable dont nous étions tous prisonniers chacun aspirait au combat que menait la concubine. Même Neji-sama...
J'étais en train de tourner en rond sur le problème, lorsque ce dernier se présenta, essoufflée à la terrasse des appartements de ma maîtresse. Nous échangeâmes un regard soulagé de nous savoir en vie l'un comme l'autre. Je réprimai comme une vive envie de me jeter dans ses bras et d'absorber les battements de son cœur à l'unisson avec le mien. Mais ma mission prit le dessus.
« -Je pensais que cela se passerait mieux, dis-je simplement.
-Moi aussi. Sakura Haruno arrive escortée par Shisui Uchiha. Je pense que nous échappons au pire pour cette fois, répondit-il d'un ton contrarié.
-Pas si certaine, le palais s'agite, partout on cherche la concernée.
-Ils arrivent, insista-t-il avec froideur. Fais en sorte que son absence soit justifiée. Je dois me présenter aux arbitres pour confirmer ma disqualification.
-Pauvre Hinata-sama...soupirai-je en songeant à ses noces prochaines avec le prince Uchiha. Je pensais que....
-Ta vie était plus importante, rétorqua-t-il avant de disparaître, mettant fin à la polémique. »
Et ce qu'il dit comme une évidence me retourna le ventre. Il l'avait prononcé avec sa distance habituelle et cette pudeur qui le caractérisait. Il avait avoué cela comme on récitait une équation, sans émotion. Il m'avait su en danger et il avait changé tous ses plans pour me sauver. Ma gorge se noua brusquement et je voulus pleurer tout mon soulagement, me décharger une bonne fois pour toute mais les portes de la terrasse coulissèrent soudainement sur les silhouettes de Kurenaï-san et Sakura.
« -Tenten, vite, son Hanfu. Et du parfum, celui à l'orchidée. Du fard aussi, m'ordonna avec autorité la gérante du pavillon.
-Oui, Kurenaï-sama. »
Et je m'exécutai avec rapidité. Nous débarrassâmes ensemble Sakura Haruno de son attirail de guerrier. Elle fuyait nos regards et se laissait faire, perdue dans ses songes visiblement. C'était bien le moment de rêver, tiens. Je mourrai d'envie de la questionner sur le déroulement de ce tournoi avorté. Comment avait-elle trouvé Neji-sama ?
« -Tenten ! Tu noues la ceinture dans le mauvais sens, me réprimanda sèchement Yûhi.
-Pardon, soufflai-je en rattrapant mon erreur. »
Pendant que ma supérieure coiffait la longue chevelure de la concubine, ornant ses mèches du ruban pourpre, je la fardais avec attention. Et je remarquai que ses lèvres charnues tremblotaient à chaque passage du pinceau. J'aurais aimé pouvoir la réconforter, mais dans le reflet de la glace je découvris la culpabilité et le regret ternir la beauté de ses yeux.
A peine avions-nous terminé qu'un domestique annonça en grande pompe la venue de l'empereur dans le Pavillon.
SAKURA HARUNO
Avoir été humiliée par Shisui Uchiha, le donneur de leçons...m'avait retourné le cœur. Comment avait-il osé me renvoyer à mon égoïsme primaire, à cette immaturité à laquelle je me laissais guider dans l'espoir de regagner ma vie passée. Admirer Kurenaï et Tenten s'affairer autour de moi, comme si de rien était renforça ma culpabilité. N'étaient-elles pas autant que moi, des victimes du système impérial ? Là où je considérais Yûhi comme une simple collaboratrice de l'empereur, je me rendais compte que je faisais fausse route. Ces femmes innocentes, si je n'avais pas été faible...n'auraient pas eu à mettre leur vie en danger.
J'avais l'impression que le tissu soyeux de ma robe me brûlait la peau. De ma gorge nouée, aucun son n'acceptait de sortir. Et quand l'arrivée de l'Empereur fut annoncée, nous nous étions retournées comme un seul homme. La tension monta d'un cran. La porte de mes appartements s'ouvrit lentement. Et dans un réflexe ultime, Tenten jeta d'un coup de pied l'armure et ses oripeaux sous le grand lit avant de tomber à terre, prosternée. La gouvernante l'imita, front contre le sol et je compris qu'il faudrait a minima m'agenouiller.
Avant de voir la silhouette familière d'Itachi Uchiha, je sentis son aura et son parfum envahir la pièce. Mon attention demeurait désespérément fixée sur le parquet laqué.
« Laissez-moi avec la concubine, ordonna simplement Sa Majesté. »
Aucune des deux femmes présentes ne contesta cet ordre et j'entendis des froissements de tissu, des pas pressés et la porte claquer doucement.
« -Quelle excuse m'avanceras-tu cette fois, Sakura ? » reprit-il froidement.
Il se déplaçait avec lenteur dans la grande chambre. Je réfléchis quelques secondes, empêtrée dans une réflexion insoutenable. Je n'avais aucune excuse à cette absence. Mes poings se refermèrent contre mes cuisses, pinçant la soie sombre de mon Hanfu. J'eus envie de tout lui dire. Le Tournoi. Ma participation. L'armure sous le lit. Je serai libérée d'un poids et nous n'aurions plus à jouer à cette mascarade ridicule. J'ouvris la bouche, prête à laisser la vérité franchir la barrière de mes lèvres quand il me coupa net :
« - Redresse-toi. »
Ce à quoi j'obéis, dépliant mes jambes pour me dresser, toute pâle. Enfin la clarté de mes prunelles rencontra l'obscurité de son regard. Il arborait son armure impériale, par-dessus laquelle il avait enfilé un large kimono aux couleurs de sa dynastie. Trois mètres. Deux mètres. Un petit mètre et il était désormais à un souffle de ma figure. Autour de nous, le temps avait suspendu sa course, écrasée par son charisme glacial. Moi-même, je n'étais plus sûre de respirer.
« -J'ai changé d'avis, dit-il sans me quitter des yeux. J'offrirai la Légendaire Tsunade à Suna. En échange de leur soutien militaire contre le Pays de l'Eau. Ce sera ta punition.
-Par...don ? soufflai-je, sous le choc. »
Non seulement, je demeurais au Palais, mais qu'allait-il advenir de mon Maître ? C'était hors de question !
« -Tu as très bien compris. Est-ce que ta rébellion, tout ce mal que tu t'es donné, toutes les personnes que tu as collatéralement touchée par tes actes, valait ce sacrifice ? Valait de perdre ton Maître à nouveau.
-Je vous en prie...
-J'aurais préféré te récompenser plutôt que t'affliger, mais les règles ici sont immuables. Et si les sentiments ont leur place....(Il effleura à peine ma main du bout de ses doigts.) ils n'ont cependant pas voix au chapitre. J'ai déjà trop accepté de ta part. Et trop de personnes importantes se sont compromises par ta faute. Je souhaite que l'ordre revienne dans mon palais. »
Il n'avait jamais autant prononcé de mots les uns à la suite des autres. Mais il se tut finalement et mes prunelles chancelantes admirèrent ses lèvres pâles se sceller. Une fraction de secondes plus tard, elles dirent quelque chose de nouveau :
« La femme qui accompagnait ton Maître sera exécutée demain. »
Shizune-senpai....
Je voulais le retenir, agripper sa manche, faire quelque chose mais j'étais paralysée par cette sentence. La porte s'ouvrit, se ferma et je poussai un cri d'horreur.
ITACHI UCHIHA
Dès mon départ du Pavillon Interdit, je fis mander sur-le-champ le stratège Nara. A lui incomberait la lourde tâche de mener à bien l'exécution de la femme. Je ne voulais plus entendre parler des attaches de Sakura Haruno à son ancienne vie. Et c'était bien par mansuétude que j'épargnais la Légendaire Tsunade. Tout le monde dans ce pays acceptait mon autorité sauf ma concubine ? Pourquoi fallait-elle qu'elle sème dans le cœur de mes sujets les graines de la révolte. Les ennemis aux frontières de mon empire n'attendaient que le moindre signe de faiblesse et de mon règne je ne le laisserai jamais arriver. C'est une promesse que j'avais faite aux miens avant qu'ils ne soient décimés et à ceux qui les avaient précédés. Une vie en valait bien des millions.
A mon passage vers le Pavillon Amaterasu, les nobles tout comme les domestiques prenaient la peine de me gratifier d'une soumission complète : certains avaient le front à terre, d'autres les genoux et mon ombre les effleuraient sans un bruit.
Au pied de mon trône, Shisui et mon jeune frère étaient présents. Dans l'attente de ma venue, ils étaient demeurés silencieux, laissant les lumières chatoyantes de la salle briller sur leur armure respective. Sans leur accorder un regard, j'entamai l'escalade vers le siège impérial pour m'y installer.
« - Deux disqualifications. Constatai-je. Malgré l'amertume et la déception, le timbre de ma voix ne flanchait pas.
- Je devais éliminer le partenaire de ton jeune et entêté frère, répondit calmement Shisui, c'était un espion du pays de l'Eau.
- A ce propos, qui était-il vraiment ? demandai-je, sans me préoccuper du mensonge flagrant qui m'était servi. »
Croyait-il que je ne savais pas ? Que je n'avais pas remarqué le cadavre d'une armure dépassant sous le lit de ma concubine ? Que je n'avais pas senti à travers l'orchidée la sueur du combat ?
« -Sommes-nous obligé de rentrer dans les détails, entre nous ? Vraiment ? Soupira-t-il.
-Mon propre frère qui prend la liberté de mener une de mes concubines au Tournoi. Et mon garde personnel qui couvre cette même mascarade. Je me demande si c'est vraiment elle que je dois punir.
-J'ai limité les dégâts, se dédouana Shisui, sans l'ombre d'une crainte. Il valait mieux que je la démasque et la ramène à l'abri des regards plutôt que ce scandale soit découvert au su et à la vue de tous. »
Mon regard se concentra sur la silhouette sombre de mon petit frère. Lui, le silencieux. Sa prétention me décevait énormément.
« -Et toi, Sasuke ?
-Frère aîné. Je n'ai rien à dire. »
Je serrai discrètement le poing face à cette nouvelle déception.
-J'ai pris la décision d'exécuter cette femme qui sert la Légendaire Tsunade. Pour punir Sakura.
Le visage de Shisui se ferma immédiatement et mon cadet se contenta de fixer le sol.
-Et ce sera toi, Sasuke qui tiendra fermement l'épée qui lui ôtera la vie. C'est un ordre. »
Voilà qui remettrait de l'ordre dans les liens qui régissaient mes subordonnées. Sakura Haruno comprendra rapidement qu'aucune figure importante de ce palais ne lui permettra d'échapper à ma possession. Une vie contre des millions. Shisui comprendrait. C'était au tour de Sasuke désormais.
SABAKU NO TEMARI.
Gaara nous avait froidement félicité. De toute manière, nous n'avions pas droit à la défaite. Nous avions pu nous prélasser un moment dans nos quartiers privés. Ce fut nécessaire pour se remettre de tous ces combats acharnés qui reprendraient demain au terme de la phase finale du Tournoi. Que pourrions-nous bien exiger de l'empereur si la victoire devenait nôtre ? Je fis une moue vers notre Roi. Espérons qu'il ne me parle pas encore de réclamer une foutue concubine. Assis en tailleur sur une divan d'ébène laqué, il semblait calme.
« -Si nous remportons le Tournoi, que souhaites-tu que nous exigions de l'Empire du Feu ? demanda mon frère, visiblement lassé. Il fallait l'avouer, la question me brûlait également les lèvres.
-Ce que vous souhaitez, rétorqua-t-il sans ouvrir les yeux.
-Et nous diras-tu enfin pourquoi la concubine de l'Empereur ? rebondis-je. L'occasion était trop belle. »
Il ouvrit son regard pour nous scruter avec attention. Nous étions sa fratrie, ses héritiers en l'absence d'ascendants directs. Nous savions qu'il nous estimait malgré sa distance due à ses devoirs de souverain. Puis, je crus discerner le fantôme d'un rictus sur son visage de porcelaine. Je n'aurais pas de réponse entre les murs de ce palais étranger. Trop de risque d'être espionnés.
Le souper se présenta tardivement. Nous fûmes escortés par Shikamaru Nara. Ce dernier s'était présenté à nos appartements afin de nous prévenir qu'il était l'heure de partager la table de notre impérial hôte. Tandis que mon frère le Roi et le Prince Kankurô fermaient la marche, j'avançai silencieusement aux côtés du stratège à la mine bien sombre
« -Savez-vous ce qui est prévu au menu ? demandai-je par courtoisie d'engager la conversation.
- Je l'ignore, répondit-il sans rien ajouter d'autre, ce qui eut le don de m'exaspérer. J'avais fait l'effort d'une main tendue vers ce crétin.
- Votre répartie a été matée par une question aussi triviale, soufflai-je avec agacement.
- A vrai dire, j'espère simplement que le menu soit aussi appétissant que votre kimono, Princesse Temari. Nous sommes arrivés, je vous souhaite une bonne soirée. »
Et il me planta en bas des escaliers menant au principal Pavillon de la cité Impériale. Nos gardes venus de Suna avec nous prirent le relais pour nous escorter jusqu'au sommet. Qu'avait-il voulu sous-entendre ? Ma colère ne fit qu'augmenter d'un cran et mon cœur battait de frustration. Etait-il sérieux ? Un compliment aussi...minable ? Et pourtant, avant de pénétrer le bâtiment, je ne pus m'empêcher un regard vers l'arrière, en contrebas, suivant de yeux l'artère principale dans l'espoir d'apercevoir l'ombre du stratège de Konoha.
INO YAMANAKA.
Lors du souper, j'étais attablée à la gauche de mon époux. Pourtant, je n'avais pas eu la force de lui adresser une oeillade. J'apparaissais pâlie et sombre. Hinata Hyûga étant malade, mon fard avait été appliquée par une débutante. Rien ne me mettait en valeur. Pas même ce kimono luxueux que je portais avec lourdeur. Le ministre Shimura avait osé installer Karin à mes côtés. Comme si sa prétendue grossesse faisait d'elle mon égale. En face de moi, la princesse Sabaku No Temari observait les divers plats avec scepticisme. Elle faisait sa difficile et la fine bouche. Cette attitude ne fit qu'accentuer mon agacement. A la gauche de mon mari, était assis le prince Sasuke et à ses côtés, Sakura Haruno qui était aussi pâle que moi. L'inquiétude fit frémir mes sens l'espace d'une seconde. Elle avait laissé sa longue chevelure couler librement dans son dos et son ruban pourpre flottait élégamment entre ses mèches rosées. Peu de maquillage, mais un effluve d'orchidée qui venait chatouiller mes narines sensibles. Elle était terriblement belle dans ce naturel et cette tristesse, que je me mis à l'envier.
Le Roi du Sable et l'Empereur du Feu échangeaient de froides banalités lorsque tout le monde se tut.
« - J'ai décidé, Roi Gaara, de vous offrir la Légendaire Tsunade pour sceller notre alliance. »
Tous les yeux se tournèrent immédiatement vers Sakura, y compris ceux de Gaara. Je me penchai pour la voir se mordre la lèvre inférieure. J'essayai de pénétrer désespérément son esprit, mais j'étais trop loin. Notre royal invité finit par reposer ses baguettes dans un geste mesuré.
« -J'aurais préféré l'une de vos concubines, mais j'accepte cette offre. Répliqua le concerné, sans fioriture aucune. »
Une pensée ! Enfin, une pensée émanant de la concubine rosée. C'était une réflexion que je réussis à cueillir après tant d'efforts. De l'anxiété, du souci, un fil noir dirigé vers son senseï. Le visage de Tsunade dans les ténèbres de l'angoisse. Et la peur. La peur de la voir mourir.
« -Et quel sort lui réservez-vous ? » questionnai-je le Roi, audacieuse.
C'était la question que Haruno s'empêchait de poser par crainte de représailles. Le rouge me monta aux joues lorsque, désormais, l'attention de la tablée se braqua sur ma personne.
« -Je lui offrirai la possibilité de devenir mon médecin royal, décréta-t-il simplement.
-Et si elle refuse ? poursuivis-je, déglutissant douloureusement ma salive.
-Elle ne refusera pas, n'est-ce pas Empereur Itachi ?
-Non, elle ne refusera pas, confirma son homologue en mettant fin au débat par un ton glacial. »
Je me renfrognai doucement, déposant mes prunelles au creux de mon bol de soupe. Je n'avais plus d'appétit. Je pris une profonde inspiration et finis par repousser mes baguettes avant de me lever avec souplesse.
« -Veuillez m'excuser, je me retire. »
Pour une fois que je prenais les devants de la révérence et que ce n'est pas Sa Majesté qui m'indique où je peux disposer. Je n'attendis aucune réponse, ignorai les murmures qui s'élevèrent ainsi que les œillades insistantes. Karin essaya bien me retenir, attrapant un pan de mon kimono mais je me dégageai sèchement, la gratifiant d'un regard noir.
« -Puis-je vous aider, Votre Majesté ? »
La voix de Sai avait émergé des ténèbres environnants le pavillon. Il ne m'apparut que quelques secondes plus tard, les traits de son visage demeurant dans l'impassibilité la plus totale. Ma figure encolérée se tourna vers les cieux noirs que n'éclairait aucune étoile. J'implorai alors les dieux, quels qu'ils soient, de me soulager. Je déshonorai mon clan et mon statue d'épouse impériale. Au moins, lorsque j'attendais ces noces maudites, enfermée dans ma cage dorée, j'avais la liberté de rêver à un avenir meilleur, à l'amour, à l'insouciance. Que restait-il ce soir ? Cette coiffe de mariée ridicule sur mon crâne et mes larmes.
« Votre Majesté ?
-Amenez-moi Hinata Hyûga.
-Elle est assignée au Pavillon de l'œil Blanc, m'informa-t-il presque à regret. »
Vraiment ?
« -Ai-je l'air de m'en préoccuper ? C'est un ordre de votre Impératrice. Je veux Hinata Hyûga, Sai. Qu'elle soit dans mes quartiers avant même que je n'y mette le moindre orteil. »
Et il disparut dans un silence de soumission. J'éprouvai alors de la satisfaction à être enfin écoutée et obéie.
HINATA HYUGA,
Des éclats de voix traversaient le papier des portes depuis quelques secondes. Après une brève hésitation, je quittai ma couche. Passant devant un plateau repas que j'avais ignoré toute la soirée, je me rapprochai discrètement de l'entrée de mes appartements. Je reconnus aisément le ton grave de mon paternel et distinguai son ombre au travers de la cloison. Il devait se tenir dans le couloir, faisant face à une silhouette qui m'était vaguement familière.
« - Ma fille est souffrante. Vous l'excuserez auprès de l'Impératrice. Une simple servante fera l'affaire pour lui coiffer les cheveux demain.
-Hyuga-sama, c'est un ordre de l'Impératrice. Ne rendez guère les choses irraisonnées. Je ne voudrais pas avoir à reporter une insubordination de votre vénérable clan à l'Empereur. L'ordre doit régner dans le palais. »
Un blanc monstrueusement angoissant suivi cette réplique. Mon père fit un mouvement et je me précipitai en courant dans mon lit, feignant de dormir au moment où il pénétra la pièce. Un domestique alluma les lanternes et ma chambre s'illumina progressivement d'une lueur tamisée. Le pas du patriarche pesait sur les tatamis dont fibre étouffait le bruit. Je retins ma respiration, confuse.
« -Hinata. Réveille-toi, lâcha-t-il autoritairement.
Me redressant vivement, je pris le temps de l'observer pour m'imprégner de la colère qui crispait son visage habituellement indifférent. Et pour une fois, cette haine n'était pas tournée vers moi.
-L'Impératrice te mande. Fais-nous honneur.
-Je...je vais m'habiller, débutai-je en glissant hors des draps de soie blancs.
-Inutile, intervint la voix de son interlocuteur précédent, c'est urgent. »
Sai se dévoila à la lumière et me tendit une main galante, arborant un sourire artificiel. Ajustant mon simple peignoir, les joues rougies de honte, je scellai ma paume à la sienne et il m'entraîna hors du quartier de l'œil Blanc. Dès les premiers mètres, il marqua la cadence. Ce fut au pas de course que nous traversâmes une partie du complexe impérial en cette fin de soirée. Attendez...le vent frais, les bruits étouffés de la nuit, les lampes bordant les bâtiments et ces odeurs de cuisine et de fleurs mélangés. J'étais enfin libérée des quatre murs de ma chambre. Immédiatement, ce goût de liberté me rappela la blondeur des cheveux du Prince Uzumaki.
Nous virâmes brusquement à un embranchement. Le Pavillon de l'Impératrice était en vue. Je devais être trop lente car Sai me souleva presque pour grimper les quelques marches menant à la bâtisse bien gardée. On disait de ce pavillon qu'il était le plus protégé de tout le palais. Quelques mètres plus tard, le limier d'Ino Yamanaka ouvrit une porte imposante et me jeta dans une pièce. Je pus à peine reprendre mon souffle qu'en face de moi, une autre entrée s'ouvrit sur l'épouse de l'Empereur.
Elle venait également d'arriver.
« -Oh, Hinata-san. Vous m'avez manquée.
-Je...désolée pour ma tenue, je n'ai pas eu le temps de me...soufflai-je.
-Peu importe, sourit-elle en se dirigeant sur moi pour prendre mes mains et les serrer. J'ai besoin de ma dame de compagnie, n'est-ce pas ? »
Je ne répondis pas et retroussai mes narines pour humer l'encens particuliers diffusé dans la pièce. Cette dernière était d'ailleurs plongée dans une pénombre inquiétante.
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