Le Médecin Impérial
HARUNO SAKURA.
Le soleil de midi triomphait dans le ciel printanier. Bien qu'il ne m'apportait aucune chaleur, sa lumière semblait faire fondre le sable de l'arène qui, réfléchissant sous ses rayons, devenait semblable à de l'or. Le souverain du Vent s'était éloigné. Les premiers combat avaient pris sous une salve d'applaudissements et de hurlements. La foule déchaîne du Palais ne se lassait pas de la violence et du sang. J'avais remarqué le retour discret de l'Empereur dont l'absence s'était fait ressentir toute la matinée.
« -Puis-je me retirer ? demandai-je à l'Uchiwa, après avoir regagné ma place à ses côtés. »
Face à son silence glacial, je compris qu'une justification s'imposait.
« -Les combats sont longs et me lassent. J'apprécierai le calme de mes quartiers.
-Espérais-tu gagner, si ton stratagème avait fonctionné ? De tous les adversaires qui se succèdent ici, pensais-tu avoir le dessus sur l'un d'eux ? m'interrogea-t-il. »
Sa figure pâle m'était désormais tout acquise alors que ses prunelles charbonneuses me couvaient toute entière. Et au milieu de ces ténèbres, je distinguai une lueur - celle de l'intelligence prédatrice, mais également de la sagesse. De ce que m'avait appris Kurenaï-senpai, l'empereur possédait un âge relativement jeune. Pourtant, il paraissait avoir vécu des décennies.
« - Je suis le disciple de la légendaire Tsunade, opposai-je diplomatiquement.
-Mais tu n'es pas elle. »
Sur ce point, il fallait reconnaître qu'il touchait juste. Loin d'égaler mon maître, je tentais péniblement d'être à la hauteur de ses pas, que je suivais avec assiduité. D'aussi loin que je me souvienne, elle m'avait toujours trouvé une prédisposition à contrôler le chakra. Cependant, l'excellence avait un prix - celui du labeur et de l'entraînement. Elle-même n'était pas arrivée au sommet sans sacrifice. Du peu que Shizune...Merde. Que c'était dur de penser son nom sans mourir de chagrin. Du peu que Shizune me racontait, Tsunade-sama s'était confrontée aux guerres, aux morts...la souffrance, la colère, la tristesse. Autant d'émotions que l'on jetait en pâture à notre existence.
« -Non, Votre Majesté, je ne suis pas elle. »
Des exclamations de surprises secouèrent les tribunes de l'Arène. Au centre, la princesse Temari venait de mordre la poussière. Son adversaire, une silhouette filiforme à la longue chevelure sombre, la surplombait de son ombre. Un coup d'œil au roi Gaara. Il ne bronchait pas, accoudé nonchalamment à son siège, menton reposant sur sa main. Pas la moindre inquiétude ne venait ternir le masque d'indifférence qui parait sa figure. Mes yeux se portèrent vivement sur le terrain. C'était la dernière manche. Et cet inconnu était venu à bout de la maîtrise incontestée du Fûton des Sabaku. L'étincelle d'excitation qui fit battre mon cœur endeuillé fut douloureuse.
D'une main impérieuse, Itachi Uchiwa réduisit la foule au silence.
« -Stratège Nara, apportez une assistance immédiate à la Princesse Sabaku. »
Mais le concerné était déjà sur place, le corps inconscient de la vaincue dans ses bras. A eux deux, ils dépeignaient sans le vouloir un triste tableau romantique. Elle semblait si fragile contre le poitrail armuré de Nara dont le regard habituellement si ennuyeux était chargé de haine en direction de l'homme mystérieux. Ce dernier présenta sa figure à la lueur du jour et je décernai un teint des plus pâles, et ses yeux en amandes étaient marqués d'un trait de de charbon. D'ailleurs, j'employais le pronom « il », mais cela aurait très bien pu être un visage de femme.
« - Orochimaru. souffla l'empereur, sharingan activés et dardés sur sa cible.
-Votre Majesté, entonna l'androgyne, dans une révérence ironique. Et sa voix rauque avait résonné dans toute l'Arène. Quelle joie d'être face à vous. Je suis navré pour mon adversaire, mais j'ai mesuré mes coups et elle est hors de danger.
-Tu es déclaré gagnant du Tournoi, annonça le monarque en se relevant, agacé. Exprime ton souhait de suite ou bien quitte cet empire à jamais.
-Mais bien sûr. Je souhaiterai réintégrer mes fonctions de médecin impérial...que j'exerçais du temps de votre défunt père. »
Un long silence suivit la requête. Toute spectatrice que j'étais, mon attention demeurait suspendue aux lèvres d'Itachi Uchiwa. Les deux hommes se connaissaient. En fait, tout le monde semblait connaître cet Orochimari, sauf moi. D'ailleurs, Shisui s'était instinctivement rapproché de moi et je le sentais aisément sur la défensive.
UCHIWA ITACHI.
Les règles étaient les règles. Tout empereur que j'étais, je ne pouvais briser les traditions séculaires de l'Empire du feu au risque de perdre la confiance de mon peuple. Ce maudit Tournoi représentait la parole de l'empereur du Feu. Et je me devais de n'avoir qu'une parole. Tout vœu formulé par le gagnant du Tournoi avait l'obligation d'être exaucé. Même si ledit vainqueur était un renégat que j'avais banni dès le début de mon règne. Souhaitais-je vraiment réintégré sa pratique douteuse de la médecine et ses manigances au sein de mon Palais ? Pas vraiment. N'avais-je pas déjà assez à faire avec les intrigants qui siégeaient à mon Conseil ? Toute décision mesurée, avoir cet énergumène près de moi me permettrait de le surveiller assidûment et d'apprendre ce qu'il avait préparé toutes ces années durant, loin de mes terres. Moins jeune et emporté par mes émois qu'au début de mon règne, je pourrais prendre le temp d'évaluer ses desseins.
« - Accordé. Tu réintégreras tes fonctions de médecin impérial et dirigera les médecins et pharmaciens de ce Palais, par conséquent. Qu'on l'acte Orochimaru : est réintégré à la cour.
-Itachi....articula Shisui.
-Et la parole de l'empereur est incontestable, le coupai-je. »
La foule se mua en un gigantesque brouhaha d'acclamations et d'exaltations. L'heure était désormais à la célébration. Et avant même que mon garde personnel puisse poursuivre sa contestation, j'ordonnai :
-Shisui, raccompagne la concubine Sakura à ses appartements. Elle a besoin de repos. »
Il baissa la figure, les poings serrés. Bien que j'encaissai le regard interrogatif et accusateur de la toute rose, je ne lui accordai pas une attention de plus et quittai la tribune en compagnie de mon homologue du Vent. Sa visite se terminait et si j'espérais qu'il ne tienne pas rigueur de la défaite de sa chère sœur, je me préoccupais de cette alliance martiale que je tentais vainement de bâtir. Je lui offrais finalement la légendaire Tsunade. Après avoir échangé quelques brefs mots, il fut convenu qu'il aille au chevet de la princesse et me laisse à mes devoirs.
« Vous ne pouvez pas me demander ça, frère aîné, » réfuta le prince Sasuke, agenouillé au bas de mon trône.
A cette heure-ci, le soleil chatoyant taquinait les vitraux du pavillon Amaterasu dont les nombreuses décorations brillaient de mille reflets. L'atmosphère y était sereine jusqu'à l'arrivée de mon jeune frère que j'avais convoqué. Je fis signe aux ministres présents de quitter les lieux et exceptés quelques domestiques fantômes, la salle se vida.
« -Tu es toujours en charge de sa sécurité.
-Je vous ai demandé ma mutation aux frontières.
-Tu escorteras Sakura Haruno à mes quartiers cette nuit.
-Elle refusera ! Comment acceptera-t-elle de suivre l'homme qui a tué sa parente ?! s'exclama-t-il, excédé.
-C'est justement parce que cette femme a été exécutée, qu'elle obéira, répondis-je calmement. Vous sembliez pourtant si complices lorsqu'il s'était agi de comploter contre mon autorité.
-Bien, se résigna-t-il, les dents serrées de colère.
-Tu peux disposer, prince Sasuke. »
Et il ne se fit pas prier, bousculant au passage Shisui Uchiwa qui venait de faire sa grande apparition. Je m'échouais davantage dans le confort de mon trône, par dépit. Un nouvel Uchiwa encoléré.
« -Comment as-tu osé accepter ?! »
Ce n'était pas les trois virgules au milieu d'un océan carmin que j'aperçus dans ses yeux, mais le motif si singulier du Mangekyou sharingan. Ses traits tirés par la colère et la tristesse remuèrent en moi des sentiments difficilement enfouis. Je compris que s'il n'avait pas déjà cherché après Orochimaru pour l'exécuter, il le ferait si je ne le raisonnais pas.
« -Je devais refuser et briser le serment des empereurs ?
-Oui !
-Je t'envie de ne pas être sur ce trône, tu sais. L'insouciance et la liberté dont Sasuke et toi faîtes preuve me surprendras toujours. Ne peux-tu compatir à la difficulté de prendre des choix aussi compliqués ? »
Je le haïssais, parfois, de ne pas être empathique et de ne pas me comprendre. J'aurais aimé qu'il ressente ce poids qui écrasait mes épaules. Celui d'une couronne qui pesait un million d'hommes et de femmes dont j'étais le garant. J'endossais le mauvais rôle, forcé à prendre les mauvaises décisions - celles qui contredisaient mes émotions et mes envies.
« -Il ne s'agit pas d'exécuter une innocente, ou d'aller chercher une concubine de force à la campagne ! Il s'agit de l'homme qui a profané le cadavre d'Izumi ! Bordel ! C'est pour cela que tu l'as banni. Tu aurais dû l'exécuter !
- Je t'interdis de prononcer son nom, avertis-je froidement.
- Et pourquoi ? Pourquoi devrais-je taire son nom ?! Elle mérite que son nom te soit rappelé à chaque seconde de ton existence.
- Nous avons déjà eu cette discussion par le passé, maintes fois.
- J'ai fait beaucoup trop de concessions Itachi. Pour ce foutu empire, pour ce foutu clan. J'ai sacrifié autant que toi. Sauf notre amitié. La seule relique que je souhaitais conserver. Le seul repère qu'il nous reste. Alors, je te préviens. Si je le croise, je le tue.
- Tâche d'être là, ce soir pour le protocole de sécurité, déclarai-je.
- Est-ce que tu penses à elle ? Est-ce que tu regrettes ? »
Tous les jours de ma vie.
SABAKU NO TEMARI.
J'avais repris péniblement connaissance. Un goût sablonneux et ferrique dans la bouche. Du sable et du sang. Mon sang. Pourtant, je me sentais légère. Contre ma joue, un métal froid et sombre. Peu à peu, je repris possession de ma vue et mes prunelles se levèrent vers la figure de ce foutu stratège. Bien que mon visage se colora de honte, je ne peux refouler le sentiment de soulagement qui gagna mon corps endolori.
« -Je sais marcher, cher stratège Nara, soufflai-je en me reposant davantage contre lui, épuisée.
-Je ne voudrais pas que vos précieux pieds royaux ne s'abîment en foulant les dalles de ce médiocre palais, répliqua-t-il sans un regard »
Malgré son ironie, l'étreinte sincère de ses bras autour de moi me réconforta.
« -Nous règlerons ça plus tard, tranchai-je en toussant.
-Je vous emmène au Pavillon des Limaces.
-Quelle...destination alléchante...soupirai-je avec une grimace.
-C'est le surnom qu'on donne à la maison du médecin impérial. Vous y serez soignée avec attention.
-Je me sens bien, mentis-je par fierté.
-Et moi, je suis l'Impératrice du Feu. »
Je voulus rire mais une vive douleur à la poitrine m'en empêcha. Le déroulement du combat me revint brutalement en mémoire. Cet homme....n'était pas humain. Il avait utilisé un genjutsu, j'en étais pratiquement certaine. Le reste demeurait vague dans mon esprit. J'avais besoin d'un bon remontant. Je n'aurais pas été contre un peu de ce fameux saké infernal de l'empire du Feu, pour le coup.
« -Il ne m'a laissé aucune chance, n'est-ce pas ?
- Pas plus qu'il n'en a laissé à votre frère lors des premiers combats éliminatoires. »
Merde. J'avais dû être bien pathétique. Aucun doute que Gaara allait nous passer un sacré sermon sur l'inutilité de notre participation à ce Tournoi ridicule.
« Mais, reprit Shikamaru, vous vous êtes hissée en final avec brio. J'ai rarement vu une combattante aussi brillante.
-Est-ce un vrai compliment ?
-Oui, et c'est assez embêtant à admettre. »
Je levai les yeux au ciel tandis qu'il entamait la montée des marches du Pavillon au nom si ragoûtant. Dès notre entrée dans l'enceinte du bâtiment, une odeur d'encens m'agressa les narines. J'entendis Nara s'entretenir avec un médecin et je fus déposée sur un lit somptueux au sein d'une pièce richement décorée et meublée. C'était loin de ressembler à un dispensaire normal. Face à mon regard curieux, voire atterrée, le stratège crut bon de s'exprimer :
« -Vous êtes dans les appartements où l'on soigne les impératrices, d'habitude. Il y a tout le confort nécessaire à leur rang, mais également tout le matériel médical nécessaire au traitement de diverses blessures et maladie.
- Stratège Nara, intervint de nouveau le médecin - un homme aux cheveux argentés dont le visage jeune supportait des lunettes bien rondes, Pourriez-vous défaire l'armure de la princesse ? Je dois examiner ses plaies.
- Je...tiqua la tête d'ananas. Vous ne pouvez pas le faire vous-même ?!
- Impossible, je viens de décontaminer mes mains afin de pouvoir l'ausculter sans risque. »
Le conseiller de l'empereur chercha une issue en tout sens, un assistant, une domestique, n'importe quoi aurait pu faire l'affaire et je partageais son malaise. Il était hors de question qu'il....Bordel. Il s'exécutait. Je le regardai procéder, incapable du moindre mouvement et coincée dans mon propre corps. Il avait commencé par délacer les cordons de mon armure puis me retira le plastron. Nos regards se croisèrent.
« -Je vous interdis de regarder autre part que dans mes yeux, avertis-je.
-Quelle galère, souffla-t-il en défaisant à l'aveugle le linge que je portais. »
SAKURA HARUNO.
« Ne puis-je pas soigner la princesse ?
-Sakura-san, m'expliqua Kurenaï-senpai en prenant ce ton détestable, celui que l'on utilisait pour parler aux enfants débiles. Seuls les médecins du palais peuvent procéder à des actes médicaux. Car ils sont mandés par l'empereur.
-Combien sont-ils ? interrogeai-je en grimaçant alors qu'elle s'évertuait de peigner ma chevelure.
-Un seul. Les autres ont tous été exécutés par l'empereur il y a quelques années, dit-elle comme si elle comptait une leçon d'histoire ».
Charmant. Je me morfondis dans un silence noir. Qui était vraiment Itachi Uchiwa ? Je le découvrais empereur bourreau, n'hésitant guère à voler des vies innocentes pour ses propres intérêts. Me trompai-je ? Comment...l'homme si simple que j'avais pu soigner était devenu ce monstre qui m'avait privé de tout ? Le temps était-il encore à la rébellion ? Au travers du miroir de ma coiffeuse, j'admirais la si calme Yûhi-senpai. Risquerais-je sa vie ? Comme j'avais égoïstement gâché celle de Shizune. Que vaudrait la liberté désormais, privée d'elle ? Pourrais-je revoir mon Maître sans rougir de honte et de culpabilité ? Non. Plus rien ne serait comme avant. Quelque chose s'était brisé. La petite fille en moi, peut-être, qui ne reverrait plus jamais la ferme qui l'avait vu grandir.
Le pourpre du ruban des concubines jura de nouveau dans ma chevelure rosée au moment où la gouvernante le noua entre mes mèches.
« -Vous êtes magnifique, Sakura-san, me complimenta-t-elle avec une sincérité qui me prit au dépourvu. Je comprends pourquoi l'empereur a jeté son dévolu sur vous.
-Son dévolu ?
-Vous savez, j'ai assez vécu pour...connaître les hommes. Assez jeune, déjà, je fus désignée pour être la concubine de l'empereur Fugaku Uchiwa. Je connais les Uchiwa, soupira-t-elle. Karin fut un trophée offert à l'empereur par son père. Il ne l'a prise que par obligation. Mais vous, vous avez été choisie.
-J'ai sauvé ses yeux, et c'est ainsi qu'il me remercie, articulai-je en détournant mes yeux de la glace, attristée.
-Je ne vous l'ai pas demandé mais, votre première nuit avec lui. A-t-il été brusque ? Méchant ?
-N...non, dus-je admettre.
-N'avez-vous rien ressenti ? Pas même un battement de cœur plus irrégulier les autres. (Elle déposa maternellement ses mains sur mes épaules nues, dans un geste de réconfort.) N'était-ce pas votre première fois également ? Que vous le vouliez ou non, vous avez tissé un lien avec lui. »
Ma lèvre inférieure tremblait. Evidemment que j'avais ressenti. J'étais...désemparée à l'idée qu'il découvre la désobéissance de Shisui et que je sois prise dans sa colère ! J'avais agi sous le coup de l'impulsion, de l'instinct de survie. Je m'étais résignée puis laissée emporter. La peur et la panique avaient été deux inhibiteurs puissants. Je ne savais pas si j'aurais la même force, ou plutôt la même inconscience.
« -Il a peut-être ordonné la mort de votre proche et j'en suis désolée mais vous avez encore tellement de vies entre vos mains, dont la vôtre. »
Je le savais. Elle m'offrit un sourire rassurant, mais je décelai l'inquiétude sur ses traits soignés. Elle prit ensuite congé, m'offrant à une solitude reposante. Ma chambre était plongée dans la pénombre du soir. Seul le miroir éclairait faiblement les alentours de son reflet précieux. Je distinguais au travers la poutre brisée lors de ma dernière colère. Elle menaçait de céder et pourtant, elle tenait comme je menaçais de m'effondrer et pourtant...
« Le Prince Uchiwa ! » annonça-t-on dans le couloir.
Je fus prise d'un sursaut de stupeur. Je quittai rapidement ma coiffeuse et allait me plaquer contre les portes, le cœur battant. Le temps avait suspendu sa course dans la pièce. Ne restait plus que ma respiration saccadée tandis qu'à l'extérieur des pas lourds retentissaient. Je devinais aisément le poids de l'armure princière. Et devant moi se rejoua le triste drame d'une exécution froide et sommaire. Le sang qui striait l'air. Sasuke Uchiwa.
« Sakura. »
Sa voix grave avait percé à traves les portes. Seule une cloison nous séparait.
« Je dois t'escorter auprès de l'Empereur. »
Je n'arrivais pas à prononcer une seule syllabe. Mes lèvres rougies étaient de plomb. Et mes mains tremblantes pressaient la porte si fort, comme pour l'empêcher d'entrer.
« Sakura. répéta-t-il, plus doucement.
- Vous avez tué Shizune-senpai, articulai-je dans un souffle mortifié.
- J'exécutais un ordre. Je n'avais rien contre elle.
- Vous auriez pu désobéir ! insistai-je dans un élan de colère.
- Je peux encore tenir ma parole et te libérer. Il existe une autre solution.
- Non ! m'exclamai-je, terrifiée. Non ! Il tuerait Kurena-senpai, Tenten-san, il... »
Ma voix s'éteignit dans un soubresaut larmoyant. Je découvris avec horreur que je n'avais plus envie de me battre. Sasuke respecta ce silence quelques secondes.
« Est-ce ta décision ? »
D'un geste lent, je fis coulisser la porte pour dévoiler son faciès au teint lunaire. Ses grands yeux sombres s'engouffrèrent en moi comme un océan déchaîné.
« -Oui, je vous libère de ma demande et de votre promesse. Je ne chercherai plus à fuir. Quand bien même je le voudrais encore, je ne puis mettre ma vie entre les mains de celui qui a ôté celle de Shizune-senpai.»
Il était aussi déçu que moi, je le lisais sur ses traits habituellement impassibles. Le prince amorça un pas pour pénétrer mes appartements. Je reculai aussitôt. D'un mouvement brusque, il referma la porte derrière lui.
UCHIWA SASUKE.
Aucune lumière n'irradiait sa chambre, si ce n'est quelques rayons de lune qui échouaient sur ses épaules nues et blanches. L'air était saturé de son parfum fleuri. Le seul endroit du palais où il devenait possible de respirer autre chose que cet immonde encens. Sakura Haruno ne m'avait jamais paru aussi fragile et enchaînée. Frère aîné avait donc tâché mes mains de sang pour s'octroyer l'obéissance d'une concubine. J'aurais voulu esquisser un geste vers elle, frôler sa joue, une mèche de ses cheveux, un pan de son hanfu audacieux. Je savais qu'au moindre contact je laisserai une trace du sang de la dénommée Shizune sur elle.
« Je te pensais plus combattive.
-Qu'avez-vous à perdre, vous qui êtes prince ? De quel être cher l'empereur pourra-t-il vous amputer en cas de punition ? Vous ne risquez rien. Votre froideur ne témoigne d'aucun lien, me lança-t-elle dans un regain de colère. »
En effet. Tous les êtres auxquels je tenais m'avaient déjà été arrachés. Père, mère...même Itachi. Son rôle d'empereur l'avait symboliquement tué et il ne serait plus jamais le grand-frère qu'il fut auparavant. Mesurant mon silence, elle se dirigea vers la porte.
« Le Prince Uzumaki, répondis-je fermement. Et toi. »
Ma réponse avait fusé, l'arrêtant dans son élan de fuite. Je me détournai vers elle, ses yeux clairs me dardaient. Je déchiffrais dans leur teinte turquoise autant de panique que d'incompréhension.
« Et, poursuivis-je froidement, il m'ordonnerait d'être la personne qui mettrait fin à vos vies.
-Et vous le feriez, reprocha-t-elle avec mépris, une fois la surprise passée. Comme si l'aveu de reconnaissance des liens qui m'unissaient à elle n'avait pas suffi. »
Un léger rictus émergea sur mes lèvres. Ce sourire refléta ma déception. Sur ce, je ne concédai plus une parole et lui désigna la sortie. Contrairement à la fois passée, elle marchait devant moi. Ses cheveux élégamment remontés en chignon tressé dévoilaient sa nuque pâle. La vie festive du palais contrastait avec nos auras sombres. Les courtisans célébraient la fin du Tournoi et des cérémonies de noce avec ardeur. La senteur des plats riches et les éclats de rires réchauffaient cette soirée à la brise légère et fraîche. C'était un autre monde auquel je n'appartenais pas. Nous passâmes non loin du Pavillon de l'œil Blanc et mon mariage prochain avec l'héritière des Hyûga résonna dans ma mémoire. Naruto ne me pardonnerait jamais de ne pas avoir empêché cela. Le pouvais-je seulement ? Les shinobis au Byakugan m'observèrent passer avec insistance et tension. Je ne serai jamais le bienvenu dans leur clan et ils se soumettaient au mien uniquement parce qu'un Uchiwa détenait le haut pouvoir. Quel cirque.
D'autres habitants du complexe impérial nous saluèrent émerveillés ou curieux et les respects fusèrent. Je ne pus ignorer les compliments lancés à l'égard de la beauté de Sakura, murmurés de lèvres en lèvres sur notre passage. Et la concubine naviguait avec indifférence dans ces eaux troubles et bruyantes. Elle ramassa les pans de sa robe luxueuse au moment de gravir les marches d'ébène du Pavillon où résidait l'empereur. Mais en pleine ascension, elle s'arrêta pour admirer la vue imprenable sur le palais et Konoha. Puis ses prunelles précieuses tombèrent sur moi, aussi délicate que la rosée d'une matinée de printemps.
« -Avez-vous déjà quitté le Palais ? demanda-t-elle.
-Oui, pour les frontières.
-Ainsi, vous avez toujours vécu entre ces murs dorés. Vous n'avez jamais connu l'odeur de la boue, les cris des marchands itinérants, le goût d'une nuit d'été au bord d'une rivière...l'immensité du monde et l'amour que l'humanité a à offrir. Jamais.
-Non, répondis-je en montant d'une marche. Mais j'ai connu... »
Je gravis une nouvelle marche et ne fus plus qu'à un souffle d'elle. J'ai connu ton parfum, au sommet d'une falaise. C'était comme plongé dans un océan de liberté. Nous nous admirâmes à quelques centimètres l'un de l'autre. J'osais à peine effleurer sa main tandis que le vent transportait ses mèches soyeuses jusqu'à mon visage impassible.
« -Sasuke. » intervint soudainement une voix en haut des escaliers. « Dépêche-toi. »
Shisui nous observait depuis son perchoir et me fit signe d'obéir. Je contournai la jeune concubine et poursuivis notre chemin, elle sur mes talons. Alors que l'autre Uchiwa accueillait Sakura à l'entrée du bâtiment, je pris moi-même le temps d'admirer les environs. Ma quête n'était que soif de vérité. Que cachait le monde, mis à part le massacre des miens ? Là où Haruno voyait un univers immense fait d'amour et de lumières, je ne percevais que les ténèbres silencieuses et le mensonge.
« -J'ai accompli l'ordre de l'empereur, je me retire, avertis-je.
- Non, protesta Shisui, il veut te voir également. C'est important. Il a une réponse à te donner concernant ta requête.
- Bien. »
HINATA HYUGA.
« Votre Majesté, » m'exclamai-je paniquée en pénétrant la chambre de l'Impératrice.
Le sol était jonché de pot brisés, la poudre de maquillage explosée sur la literie et les tapisseries. Tout était sans dessus, dessous. Je me dépêchai de refermer la porte et de me précipiter vers la silhouette de la reine, affalée sur un divan proche d'une fenêtre qui filtrait les rayons du crépuscule avec générosité. Ses cheveux défaits la couvraient d'une rivière blonde et brillante. Elle n'était vêtue que d'un simple kimono de soie blanche, aussi pure que le chagrin qui semblait la secouer. Mon cœur se tordit de compassion. Tant de larmes abimaient son visage qu'elles lui avaient brûlé la peau et rougi ses joues habituellement si blanches. Mes doigts coururent sur son front pour dégager quelques mèches.
« Hinata-san...soupira-t-elle. Je le déteste.
-Qui vous a fait cela ? Dois-je appeler Sai-san ?
-L'empereur. »
Mon sang se glaça et j'observais les alentours, peu rassurée. Un broc d'eau en porcelaine traînait encore sur la coiffeuse et j'allais y tremper un linge afin d'essuyer le faciès marqué de la jeune femme. La peur me gagna.
« -Reprenez-vous, s'il vous plaît, la suppliai-je doucement.
-Je ne veux plus être Impératrice !
-Vous êtes pourtant une bonne Impératrice, Ino-sama. Vous avez un mental d'acier et une beauté démesurée. Je....je vous admire pour votre courage. Je serai bientôt unie au prince Sasuke et.... »
Elle me coupa en attrapant fermement la main qui l'épongeait. Je fus saisie sur l'instant et ne chercha pas à me dérober à sa poigne ;
« C'est vrai, dit-elle entre ses dents.
-Nous...nous serions belles sœurs, n'est-ce pas...ironique ? tentai-je vainement.
-Non. Nous pouvons encore empêcher cela. Je n'ai pas réussi à sauver cette pauvre femme de l'épée des Uchiwa. Mais je peux encore faire en sorte que ce mariage ne se fasse pas ;
-Je...
-N'en parlons pas ici, trancha-t-elle en se redressant soudainement, sous mon étonnement le plus complet. »
Mon salut viendrait-il d'Ino Yamanaka ? Elle rejeta sa longue chevelure dans son dos, prit une grande inspiration et fit quelques pas pour se calmer. Elle se décida ensuite à ramasser elle-même les dégâts de sa colère avec rapidité, comme si ranger lui permettait de remettre ses idées en place. Elle rejeta les débris sur sa coiffeuse. Mes yeux nacrés se dirigèrent vers la fenêtre pour admirer l'agonie des derniers rayons de soleil. Tout à coup, cette chambre impériale me paraissait moins oppressante qu'auparavant. Je sentis presqu'un soulagement à me trouver ainsi, loin du Pavillon de mon clan. L'Impératrice cueillit délicatement ma main, un triste sourire aux lèvres et m'invita à m'asseoir sur le bord du lit avec elle.
« -Ce sera un secret entre nous, Hinata-san. Ne vous avais-je pas dit qu'il fallait nous entraider ? »
Après tout, ne m'avait-elle libéré de la prison dorée qu'était mes appartements ? Sans elle, je serai encore séquestrée par mon père et surveillée jusqu'au jour de mon mariage. J'approuvai d'un timide hochement de tête. Je désirais ardemment revoir le prince Naruto.
« -Il vous manque n'est-ce pas ? Le prince Uzumaki ? poursuivit-elle, pressant entre ses paumes mes doigts fébriles. Comment avait-elle su ? J'esquissai un rictus embarrassé, prise au dépourvu par cette question si pertinente.
-Je comprends. Je peux le partager avec vous, ce manque étouffant, ce besoin de liberté et de bonheur. »
Je ne savais que dire. En vérité, mon embarras cédait la place à des émotions aussi fortes que contradictoires. Elle avait bien évidemment mis le doigt sur la corde sensible. D'ailleurs, l'encens ne brûlait plus. Je ne l'avais pas remarqué immédiatement, mais son odeur prenante et désagréable ne saturait plus l'air. C'en était presque soulageant. Je ne sentais que la fragrance estivale de la reine. Si apaisante.
« -Retournez à vos appartements. Et soyez forte, Hinata-san. Je suis navrée pour la manière dont je vous ai traité ces derniers jours, je...je pensais que...j'y arriverai seule. »
Ce fut avec surprise que j'accueillis son étreinte spontanée. Après un moment d'hésitation, je l'enlaçais à mon tour. Nous nous regardâmes un court instant, aussi gênées l'une que l'autre et je sentis que je devais reprendre le dessus à mon tour :
« -Dois-je demander qu'on vous apporte votre souper dans vos appartements ?
-Ce ne sera guère nécessaire, je vais souper avec mon père.
-Oh, peut-être devrais-je vous apprêter ? repris-je, soucieuse de bien faire.
-Non, rentrez vous reposer. Nous nous reverrons demain à mon réveil. Sai. Sai ! »
Et le garde personnel de l'impératrice apparut quelques secondes plus tard, échine courbée mais sourire en coin.
« -Veuillez raccompagner Hinata-san chez elle. Et l'escorter demain matin jusqu'à mes quartiers.
-Oui, Votre Majesté. »
Et il en fut ainsi. Sur le chemin du retour, j'aperçus Sakura-san au loin, talonnée par le prince Sasuke. Je comprenais aisément que leur destination était le Pavillon de l'Empereur. Un regain de tristesse étreignit mon cœur. Dans l'obscurité du soir et sous les lumières rieuses des lanternes son ruban rouge éclatait de mille feux - rappelant aux sujets impériaux son appartenance totale au souverain. Je plaignais ma situation, mais la sienne s'avérait bien plus contraignante. Un dernier regard aux étoiles naissantes et je priais pour qu'une issue favorable voit le jour.
SHISUI UCHIWA.
J'indiquai simplement à Sakua Haruno le chemin qu'elle devait déjà connaître. Tous trois, nous pénétrâmes l'imposante et sombre bâtisse. Chacun de nos pas torturant un parquet d'ébène en souffrance. Le spectacle affligeant des cloisons déchiquetées et des tentures au sol rappelait aux rares occupants du Pavillon, le massacre des Uchiwas survenus quelques années plus tôt et dont nous étions officiellement les seuls rescapés. Nous passâmes devant les appartements abandonnés d'Izumi Uchiwa et comme de coutume, mon visage se ferma. Je pressai le pas et arrivé devant les quartiers impériaux empêchait le jeune Prince d'entrer.
« Pas encore. Il souhaite vous voir en même temps.
-Alors qu'elle entre également, répliqua-t-il avec agacement.
-Pas avant le protocole de sécurité, décidai-je en empoignant doucement le bras de la concubine.
-Le...commença-t-il avant de refermer aussitôt les lèvres. »
J'avais invité la toute rose à un baiser protocolaire déviant lentement la trajectoire de mes lippes vers l'arête de sa mâchoire, goûtant à la poudre familière qui maquillait sa peau de pêche. Et mon regard fixa le jeune Uchiwa qui assistait médusé à la scène. Il connaissait de nom ce protocole, mais s'imaginait-il vraiment sa rudesse pour la concubine qui le subissait ? Ses prunelles suivirent ma main lorsqu'elle plongea dans le décolleté profond du hanfu à la recherche d'une arme dissimulée qui n'existait pas. Je le sentis se crisper, esquisser un geste d'indignation lorsque cette même main fut ostensiblement au niveau de l'intimité de Sakura. Cette dernière n'avait d'ailleurs guère bronché et s'était contenté de détourner les yeux avec mépris m'envoyant son parfum agréable à la figure.
« - Tout me semble en ordre, conclus-je en la relâchant avec une moue désolée qu'elle ignora complètement.
-Etait-ce vraiment nécessaire ? s'offusqua le prince, les dents serrées.
-Elle est peut-être innocente mais des intrigants pourraient mélanger du poison à son maquillage. Si c'est le cas, je meurs à la place de l'empereur. N'y trouve-tu pas là une nécessité ? Allons-y, désormais. »
Je fis coulisser sèchement les portes de la chambre impériale et y pénétrai à leur suite. Itachi nous attendait, cheveux détachés et en kimono sombre sur lequel était brodé le symbole de l'éventail. Ils s'agenouillèrent devant lui comme l'exigeait l'étiquette. Du coin de l'œil, je remarquai que la photographie nous représentant avec Izumi avait été couchée. A côté du cadre rabattu, de l'encens brûlait lentement.
« - J'ai bien réfléchi à ta requête, petit frère, débuta l'empereur. »
Et le « petit frère » nous surprit tous, moi le premier. Un léger soubresaut d'incompréhension troubla l'impassibilité de nos figures. Un léger sourire finit par l'emporter sur mes lèvres et je secouai la tête, amusé. Je connaissais l'amour qu'il avait toujours porté à son cadet, incommensurable et parfois réfréner par son devoir, mais jamais effacé ou diminué.
« -Tu iras aux frontières, comme tu me l'as demandé. Je te donnerai le mandat d'inspecter nos défenses. »
Sasuke poussa un imperceptible soupir de soulagement.
« Toutefois, poursuivit le souverain, ton départ ne se fera qu'à la naissance de l'enfant que porte la concubine Karin. Et après ton mariage avec Hinata Hyûga qui aura lieu sous peu. Je vais d'ailleurs faire rappeler le prince Uzumaki dès votre mariage conclu. D'ici là, tu prendras la place du capitaine Yamatô pour veiller sur la sécurité de Karin. »
Et le prince d'encaisser, les muscles tellement contractés que ses phalanges en blanchissaient fatalement.
« -Avec le retour d'Orochimaru, je ne suis pas serein. Je crains que l'insensé ne tente de s'en prendre à l'enfant à naître. Ainsi...(Et il se tourna vers Sakura.) je te demanderai, Sakura, d'être le médecin personnel de Karin durant sa grossesse. Vous vivez sous le même toit, ce sera ainsi simple. »
Il sortit d'un pan de son kimono deux rouleaux contenant les ordres impériaux et ils tendirent leurs mains afin de les recueillir.
« -Redressez-vous. Shisui, tu peux raccompagner mon jeune frère. »
Dehors, nous nous étions assis au sommet des escaliers pour observer les festivités battre leur plein en cette nuit de célébration. La colère du prince semblait s'être atténuée avec le vent frais et il inspirait profondément, espérant maîtriser sa haine de la situation. La lune nous couvait maternellement de sa lueur froide, reflétant ses extravagances dans nos prunelles à la noirceur sans fond.
« -La décision de ton aîné peut te sembler injuste...
-Elle l'est. Suis-je un poids pour lui ? Est-ce que je le gêne ?
-Non. Il te prépare simplement à prendre sa place, si jamais il lui arrivait malheur. Tu sais...il t'a sauvé lors du massacre de notre clan.
-Il aurait dû empêcher ça et toi aussi ! Où étiez-vous ?! Comment osez-vous encore porter le blason Uchiwa sans mourir de honte ?! déclama-t-il avec rage ;
-Nous avons fait notre possible, mentis-je en détournant le regard. »
Je commençai à être lassé de porter ce poids sur les épaules. Mais il serait insensé de lui parler de la vérité. Il représentait trop pour l'avenir de cet empire. Il devait tenir bon, et moi aussi.
SAKURA HARUNO.
Je fixais le rouleau impérial au creux de mes mains. Je devais paraître sotte car l'empereur vint doucement le retirer de mes paumes pour le déposer plus loin.
« -Il serait légitime de ta part de m'en vouloir pour la mort de ta parente.
-Ai-je le choix ? dis-je en me mordillant la lèvre. »
Il s'approcha de moi, aussi gracieux qu'un loup et de deux doigts habiles dénoua le ruban pourpre qui liait mon chignon. Ma chevelure retomba lourdement sur mes épaules et mon dos. Ses prochains mots s'écrasèrent chaudement contre mes lèvres tandis que sa main courait dans mes cheveux.
« -Je te dois mes yeux, et je n'apprécie pas me mettre en position d'ingratitude. Je t'ai offert la richesse du statut de concubine, la sécurité du palais, un avenir sans difficulté.
-Pourquoi ? soupirai-je à mon tour contre sa bouche fine. Pourquoi ne pas...m'avoir simplement offert de l'argent. Nous aurions été quitte. Je n'attendais rien de votre part. »
Un silence ardent s'installa entre nous et après d'interminables secondes, il me tourna le dos pour s'éloigner.
« -Viens parcourir le jardin du Pavillon avec moi, veux-tu. » m'invita-t-il.
Nous dûmes à nouveau traverser le sinistre bâtiment que les lumières extérieures peinaient à pénétrer. Il nous fallut sortir par l'arrière afin d'accéder à cette partie du Palais dont j'ignorais l'existence. C'était un écrin de verdure confiné entre les hauts murs qui délimitaient le quartier des Uchiwa. L'air oppressant filtrait les sons lointains de la fête. Et dès que je m'engageai aux côtés d'Itachi Uchiwa sur le sentier principal, le parfum des fleurs cachées dans l'ombre me rassura. Des étangs parsemaient le jardin, surplombés de ponts traditionnels, et l'on entendait - discret, le son de la danse des carpes dans leur bassin artificiel.
« -Ma mère a tenu à restaurer cet endroit durant le règne de mon père, m'expliqua-t-il. C'est la seule partie du pavillon que je fais encore régulièrement entretenir. Habituellement, j'y viens seul. »
Une nuée de corbeaux prit son envol depuis un arbre proche me faisant sursauter. Lui resta impassible et m'aida à traverser un petit ruisseau en me tenant la main.
« Pourquoi m'y avoir conviée ? demandai-je, incertaine. »
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