Le Bord du précipice


Itachi Uchiha.

« - Sakura Haruno n’est-elle donc guère présente à la tribune ? » finit par s’enquérir froidement le Roi du Vent.

Sa question occasionna une légère frustration. Si Karin s’était présentée, dans son arrogance et sa beauté habituelles, la toute rose brillait une nouvelle fois par son absence. N’avais-je pas averti Kurenaï-san des conséquences de ces insubordinations répétées ? Et l’idée de la punition amena davantage de colère. Bientôt, elle irait à Suna et serait hors de mon contrôle, de mon pouvoir et de toutes représailles. Je n’aurais plus de moyen de pression sur la légendaire Tsunade. La consolation de l’arrivée d’un probable héritier ne suffisait pas à apaiser ma contrariété.

Je ne répondis pas à mon homologue, feignant m’intéresser aux rapports irréguliers des Hyûga postés en surveillance autour du Tournoi. La brise ne soufflait pas fort en cette journée printanière et la chaleur prenait de l’ampleur, même à l’ombre de la tribune. Je songeai soudainement à l’Empire que mon père m’avait légué, à ces responsabilités dont j’avais écopé et aux sacrifices auxquels ils avaient conduit. La raison d’Etat m’empêchait tout acte personnel et individualiste. C’était pour le bien de mes sujets.

Mon regard distant frôla la silhouette de Gaara qui fixait avec attention la forêt à des mètres de notre position. Etait-il inquiet pour sa fratrie qui s’était jetée corps et âme dans cette compétition acharnée et mortelle ? Etais-je, moi-même, préoccupé par le sort de mon jeune frère ? Et a fortiori, de Shisui ? Je savais ces derniers capables de remporter la victoire. Cette certitude avait chassé l’inquiétude depuis longtemps.

« - Votre Majesté, » poursuivit un des arbitres du Tournoi, son Byâkugan encore actif, « La princesse Temari et son frère, le prince Kankûro nous ont rapporté les deux parchemins de leur zone respective. »

Un sourire imperceptible agita les lèvres du roi de Suna et je vis l’inquiétude disparaître au profit d’une étincelle de fierté. Mon épouse crut bon d’applaudir, dans un geste diplomatique et élégant.

« - Félicitations souverain Gaara, » claironna-t-elle, radieuse ; « Espérons qu’il en aille de même pour le prince Sasuke.

-Je le souhaite, dit-il posément, sans lui accorder l’ombre d’une attention. Quant à moi, je vais me retirer féliciter les premiers victorieux. »

Je lui enviai cette occasion inopinée de fuir la tribune. Je fis signe au rapporteur de retourner sur le terrain. J’espérais sincèrement que ni Shisui, ni Sasuke ne me décevraient. Leurs duos avaient remporté cette phase du Tournoi de l’An Passé. Et cette pensée éveilla un doute en moi. Leurs duos.  Cette année, le caprice de la fille Hyûga et l’insubordination de Naruto Uzumaki les avaient fait voler en éclat. Si mon bras droit avait dû dépanner Neiji Hyûga, qu’en était-il de mon frère ?

« -Convoque le stratège Nara immédiatement » ordonnai-je à Saï brusquement.

 Sakura Haruno.

Attendez encore un peu, Sasuke-sama, pensai-je en brisant l’illusion. Un tunnel m’apparut, taillé grossièrement dans la roche et faiblement éclairé par une lumière à son bout. C’était l’affaire de quelques mètres, de petites secondes si je courrais assez rapidement. Le chemin s’élargissait au fur et à mesure des mètres avalés par mes grandes enjambée. Il allait en pente ascendante, air et lumière se faisaient plus vifs. J’émergeai soudainement dans ce qui semblait avoir été l’ancien jardin du Temple. La végétation luxuriante y reprenait ses droits depuis déjà des décennies. Mon regard acharné balayait l’étendue de cette jungle miniature et je sursautai de surprise en remarquant un parchemin pendu entre les branches d’un vieux prunier. Il se balançait régulièrement au rythme de la brise chaude.

Si je tendais la main, je pourrais effleurer la victoire, m’emparer du rouleau et fanfaronner devant le prince Sasuke. Oh, quelle joie d’avoir été meilleure que lui.

Mais mon bras venait d’être capturé par une poigne ferme.

« -N’y allez pas, c’est un piège. » m’intima une voix masculine et son souffle tendu s’échouait contre ma nuque. « En fait, vous devriez quitter la zone immédiatement, vous êtes trop exposée. »

C’était bien gentil. Toutefois, ma patience atteignait ses limites. Tous ces obstacles, dont cet inconnu. Il fallait remonter au front et mon chakra entier bouillait. J’avais l’impression désagréable d’avoir un compte à régler avec la terre entière. En dépit de la prise solide à mon bras, je tentai de me retourner pour asséner à cet homme un coup bien mérité. Son réflexe pour mettre un terme à cette tentative ne me surprit guère quand mes prunelles enragées croisèrent la blancheur d’unByakugan. Encore un jutsu visuel et hériditaire. Quelle veine…

« -Je vous le déconseille. Je suis là pour vous sortir de là.

-Et me sortir de quoi ? D’ailleurs…vous… »

Je venais de reconnaître ce visage, entraperçu brièvement lors de l’enregistrement final des participants. C’était le Hyûga que Shisui avait élu pour partenaire ! La tension n’était pas prête de redescendre. Je redoublai vivement d’effort pour me libérer.

« -Calmez-vous. » ordonna-t-il d’une voix glaciale. « Shisui est dans les parages. Et vous n’avez plus votre masque. Que va-t-il se passer quand il mettra la main sur la concubine de l’Empereur en plein milieu de la Forêt. »

J’aurais répliqué volontiers si des sentiments contradictoires ne m’avaient pas assaillie. La raison l’inquiétude, la peur et la colère étaient autant d’états d’âme qui me paralysaient à l’instant même. Merde. Shisui, tout près ? Et le prince Sasuke ? Allait-il bien ? Mon masque… !

« -J’ai repéré un chemin discret pour contourner le Temple. Mais le plus dur ne sera pas d’éviter Shisui Uchiha, mais bel et bien le Byakugan des arbrites.

-Attendez ! Je…je ne veux pas quitter le Tournoi, ma liberté en dépend ! m’exclamai-je, mortifiée.

-Vous allez le quitter, insista-t-il en resserrant l’étau de sa main autour de mon bras. Parce que si l’on vous attrape, ce qui arrivera…l’Empereur vous punira. Bien sûr, il ne vous tuera pas. Mais celles qui étaient responsables de vous seront exécutées.

-Pardon ?

Il serra les dents, me foudroyant de son œil pâle et menaçant.

-La légendaire Tsunade, Kurenaï, et votre servante. Cessez d’être égoïste. »

Et il profita de mon profond moment de doute et de choc pour m’entraîner vers la clôture de pierres en ruine qui délimitait le jardin. Je jetais un regard implorant vers l’ombre du Temple.

« -Atten…le Prince Sasuke… 

-Il pourra s’en sortir seul. Sans vous, il sera de toute manière disqualifiée. Ne perdons plus de temps. J’ai dû m débarrasser du clone de Shisui. Ce n’est qu’une question de minutes avant qu’il nous donne la chasse. »

Dès lors, je le suivis sans protester, atterrée par ce retournement de situation.Pourquoi était-il intervenu ? Pour moi ? Je me rappelais à peine de son prénom, l’avais-je déjà entendu ? Nous ne nous connaissions pas. Etait-il inquiet pour Kurenaï ?

 

 

Sasuke Uchiha.

Shisui s’était avéré plus lâche que je ne le pensais. Son puissant genjutsu m’avait berné, mais il en avait profité pour fuir et non pas remporter la victoire qu’il aurait eu aisé. Je n’avais fait que le ralentir. Dès lors, mes doutes sur sa véritable cible se muèrent en certitude. Sakura Haruno. Bordel. Elle n’aurait aucune chance contre lui. Espérons simplement qu’elle continue de jouer le rôle de Taki le Muet. Mais face à l’intelligence de l’autre Uchiha, sa couverture ne tiendrait pas longtemps.

Pour la première fois de ma vie, je sentais mon cœur battre douloureusement, tel un fardeau de souffrance et remuer des sentiments désagréables. J’avais l’impression de vivre trop vite, trop intensément. Et pour la première fois de mon existence, je regrettais la présence de Naruto à mes côtés.

J’essuyai d’un revers de la main le sang qui suintait à la commissure de mes lèvres. Le geste énervé, groggy par la douleur. Il n’avait pas retenu ses coups. Tant mieux, car je n’avais pas dosé les miens non plus. D’un pas agile, je pris la direction au-delà du Temple. Je ne saurais dire combien d’avance Shisui avait pris grâce à son illusion. Cela pouvait être une minute, comme une heure.

Notre plan, concocté un peu à l’arrache, était en train de foirer prodigieusement. Et j’avais beau réfléchir à un moyen de redresser la situation, toutes les solutions paraissaient mener vers pire encore. J’étais incapable d’anticiper la réaction de mon propre frère si le pot-aux-roses était dévoilé. C’était assez pathétique de ne pas connaître son aîné, celui avec qui on partageait son sang. Mais l’avais-je déjà connu un jour ? Il était tellement secret, distant quand le devoir se faisait entendre. Les vagues souvenirs d’avant son couronnement m’inspiraient une vague affection, aisément balayée par la mémoire du massacre des miens.

Et à l’image d’un coup de lame dans cette eau troublée de douleur, l’image de Sakura me revint à l’esprit.

Je ne devais pas perdre de vue l’essentiel de l’instant présent : sauver nos vies.

Ino Yamanaka.

Shikamaru Nara était agenouillé devant l’Empereur, dans la posture de soumission exigée par le protocole. Malgré tout, sa dignité semblait intacte. En nous saluant, il m’avait à peine adressé un regard ce qui me vexa en plus de me chagriner. C’était mon ami d’enfance. Nos deux familles étaient proches l’une de l’autre. Dans un autre futur, un autre monde, peut-être que nous aurions dû être époux et femme. La voix d’Itachi Uhicha me sortit de mes pensées vagabondes :

« -Redresse-toi, stratège Shikamaru.

-Vous m’aviez convoqué, Heika.

-Qui est le partenaire du prince Sasuke ? »

Je m’accoudai à mon trône et déposai avec paresse le menton au creux de ma paume, légèrement intriguée par la question. Ce Tournoi m’ennuyait tellement, alors un peu de piment ne pouvait qu’égayer mon humeur et ma curiosité.

« -Un certain Taki, muet.

-De quelle nation ? questionna le souverain, d’un ton monocorde.

-Je ne sais pas. Iruka-san n’a pas précisé cela dans son rapport. Dois-je enquêter ? estima Shikamaru, d’un calme apparent. Cependant, je le sentais nerveux.

-Il est un peu tard pour enquêter, non ? le corrigea son impérial interlocuteur. Connaissant mon jeune frère, je doute qu’il se soit pris d’amitié pour le premier venu. Ou alors ce Taki doit avoir une force prodigieuse. »

Le stratège allait répliquer, mais l’occasion lui échappa lorsqu’un arbitre essoufflé se présenta en catastrophe à nos pieds. A genou et tremblant, il fit un vague signe de salut attendant la permission de parler qu’on lui accorda sur-le-champ.

« -Votre Majesté. L’équipe de Shisui-dono et Neji Hyûga vient d’être disqualifiée. Ils ont tous les deux quitter leur zone. »

S’en suivit un silence qui annonçait que le plus désagréable n’était pas encore dit. Je battis des cils, la bouche en cœur, la respiration suspendue au futur drame qui se jouait devant mes yeux. La chaleur, l’attente, l’ennui : tout cela venait de s’enlever prodigieusement. Et je pressentais chez Karin, de l’autre côté de mon époux, le même intérêt pour la situation.

« Votre…Majesté, c’est-à-dire que…Shisui-dono et le prince Sasuke se sont livrés un combat près de l’Antique Temple du Feu. De ce combat, Shisui-dono semble avoir pris le dessus, mais fui plutôt que d’arracher une victoire.

-Fui ? intervint Itachi, l’air stoïque.

-Oui, il a emprunté la même direction que le partenaire du Prince. Direction également prise peu avant par Neji Hyûga.

-Il est évidemment qu’ils sont tous après la même personne, constata Nara avec une pointe d’amertume. »

Et lorsque mon époux se redressa, je pris un air scandalisé. Voyez, ils venaient de le contrarier avec toutes ces mauvaises nouvelles. Le reste de la journée promettait. D’ailleurs, toutes les paires d’yeux présentes avaient boudé la Forêt pour la Tribune et son spectacle alléchant. Que de ragots iraient encore se promener de bouches nobles en bouches serviles.

« -Votre Majesté ? interpella le stratège, inquiet.

-Shikamaru Nara, je te lègue la gestion pour la suite du Tournoi. Si mon frère sort de cette Forêt, je souhaite qu’il soit intercepté et amené à mes quartiers. Décida l’empereur, sans une once d’état d’âme.

-Et pour Shisui-dôno ?

-Il ne fait que son travail. Je me retire.

-Je vous suis, déclarai-je sous l’effet de je-ne-sais quel courage. C’était quitte ou double. Soit il m’humilierait de nouveau, soit il accepterait ma témérité. Dans les deux cas, je n’avais plus grand-chose à perdre. Ma dignité avait déjà souffert du caractère impitoyable de ce mari indifférent ;

-Chère Impératrice, je vous conseillerai de prendre repos dans vos appartements. Sai va vous raccompagner sur-le-champ. »

Et sans égard, ni une attention de plus, il tourna les talons pour disparaître de la tribune – ne laissant derrière lui qu’un vide glacial. En parlant de glace, l’ombre de mon garde personnel venait de m’envelopper conformément aux ordres reçus. Au moment de quitter à mon tour les lieux, mes yeux bleutés croisèrent le regard de la favorite rousse. Et cette dernière esquissa un sourire entendu.

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