Le baiser de l'empereur


« -Tu vas épouser la favorite de l'empereur ?! m'écriai-je complètement hors de moi.

-J'avais choisi la femme aux cheveux roses, rétorqua-t-il calmement. Il paraissait pensif, le regard tourné vers l'horizon qui se présentait à travers notre grande fenêtre. »

Je levai les yeux au ciel et m'effondrai, toute raide, dans mon siège recouvert de soie pourpre. Ma main tremblante se porta à mon front contrarié. Que lui passait-il par la tête ? Nous allions être recouverts de honte àSuna, s'il faisait son retour avec la catin de l'empereur comme trophée. Ma journée n'avait déjà pas été de tout repos, et mon repas plein de faux-semblants avec l'Impératrice avait fini par me laisser un goût amer dans la bouche. J'avais accédé aux courbettes, aux sourires d'apparât, mais là, c'était l'humiliation de trop.

« -Elle...elle n'a aucun lien de sang avec lui ! C'est...ce ne sera même pas un otage utile, soupirai-je, consternée.

-Tu te trompes, répliqua-t-il sans ciller. Je pense qu'elle a un rôle important auprès de l'empereur. Je l'amputerai ainsi d'une partie de son avenir.

-Je ne comprends vraiment rien à tes charabias, Gaara, soupirai-je désabusée.

-Où est notre frère ? demanda-t-il.

-A l'entraînement, il compte participer au Tournoi organisé par cet empereur dégénéré. Il paraît que le vainqueur a le droit d'exiger n'importe quoi ! Ce qui rend cet évènement très populaire. Et je vais devoir l'accompagner puisque les épreuves se déroulent en binôme.

-Il ne me semble pas vous avoir autorisé ce genre de fantaisie. C'est dangereux. S'il m'arrivait quelque chose, tu es la prochaine héritière au trône du Pays du Vent ; la prochaine dirigeante de Suna. Fais preuve d'un peu plus de sens des responsabilités. »

Il m'avait sermonné avec une honnêteté cruelle. Et je dus assumer qu'il n'avait pas tort. Les caprices de Kankurô n'avaient définitivement par leur place dans ce voyage important, mais que vouliez-vous ? Je ne pouvais rien refuser à mes frères. Nous étions une fratrie soudée et l'idée d'en découdre avec les shinobis de Konoha me démangeait depuis mon arrivée. Le prince et moi ressentions l'immense besoin de nos défouler et de venger les insultes dont nous avions été victimes à notre arrivée au palais. Celles de Shikamaru, celles du prince Sasuke, etc. Je me contentai alors de hausser les épaules.

« -Comment s'est passée ta rencontre avec l'Impératrice ?

-Ennuyante. Je pense qu'elle n'a pas apprécié notre présent. Il devait être trop trivial comparé à ses goûts de luxe. »

En cadeau de mariage, nous lui avions offert un éventail fabriqué par l'un de nos artisans les plus réputés et béni par nos prêtres afin qu'il apporte sur leur union le vent de la fertilité et de la bonne fortune. C'était symbolique, malgré les matériaux précieux dont il était fait.

« -Cela ira pour ce soir. Va donc te reposer. » m'ordonna-t-il.

Nous partageâmes un dernier regard, et je le laissai à ses pensées indéchiffrables. Qu'avais-tu en tête Gaara ? Ce n'était pas le moment de risquer la stabilité de Suna dans une guerre sans contrepartie qui en valait le coup. Et avoir cette femme prétentieuse comme potentielle belle-sœur. Merde. Mon cœur. Par pitié...

Je les entendais distinctement derrière les portes closes de mes appartements que je n'avais pas quitté de la journée. Leurs voix traversaient facilement la cloison tellement ils en étaient proches et à chacun de leur mot, mon rythme cardiaque s'affolait.

« -Ce soir ?

-Oui, l'empereur exige la présence de Sakura auprès de lui, répéta-t-il.

-Cette fois, ce sera la bonne, répondit Kurenaï avec conviction, j'espère qu'elle se montrera à la hauteur de cet honneur et rattrapera le faux pas du hanfu. Je vous la confie, Sasuke-sama. »

Elle allait ouvrir la porte et je me précipitai soudainement dans ma couche, feignant être endormie. Je fermais les yeux tellement forts, comme si cela pouvait m'empêcher de quitter cette pièce. Mon esprit tout entier refusait l'éventualité d'un contact physique avec Itachi Uchiwa. Je serai prête à sacrifier n'importe quoi pour que cela n'arrive pas. N'importe quoi...et à travers mes yeux clos m'apparut le visage sévère et bienveillant de maître Tsunade. Et le rappel de son existence me percuta de plein fouet. J'allais risquer sa vie, si jamais j'étais découverte lors du Tournoi.

« -Sakura-san. Debout. M'ordonna Kurenaï. L'empereur vous fait l'honneur de sa couche cette nuit. »

Je sentis immédiatement la présence de Sasuke. Il était telle une ombre parmi les ombres, me contemplant de ses yeux aux profondeurs inconnues. Un goût amer perça dans ma bouche, celui de la trahison. Il ne me devait rien, mais c'était lui qui allait me livrer à son frère aîné, sans ciller. J'avais bien compris qu'il n'avait cure de mes souffrances personnelles. J'aurais toutefois espéré un geste de sa part. Ne serait-ce qu'un regard de compassion. Rien. Yûhi m'apprêta avec froideur et autorité, nouant la ceinture de mon hanfu de manière brusque. Elle s'occupa également de ma coiffure et prit soin de mettre le ruban en évidence au milieu de mes mèches rosées. Elle m'en voulait encore, visiblement. Elle m'indiqua d'un geste le maquillage présent sur ma coiffeuse et je dus moi-même appliquer le fard pourpre sur mes lèvres et la poudre soyeuse sur mes joues.

« -Yûhi-senseï, je.... » commençai-je.

J'étais morte de peur et de colère. Toute cette angoisse me faisait ressembler à un animal apeuré. La gouvernante déposa ses mains sur mes épaule dénudées.

« - Ecoutez simplement ce qu'il vous dira de faire et vous serez parfaite. Ne me décevez pas. »

Et elle m'accompagna jusqu' à la garde de Sasuke qui évitait péniblement mon regard.

Je dus marcher dans son dos, couverte par son obscurité. Il avait revêtu son armure impériale aux armoiries des Uchiwa, et gravée de nombreux symboles prouvant son rang important. Il n'avait pas nié mon premier appel au secours. Jusqu'à maintenant, il était porteur de mon seul espoir d'échapper au Palais. Juste une nuit, hein ? pensais-je mentalement. Tenir juste cette nuit. Juste une fois avant la liberté. Je pouvais y survivre. A cette heure-ci, courtisans et courtisanes mettaient fin à leur promenade ou leur discussion. Nous croisions peu d'âme en dehors des pavillons. La nuit allait être fraîche et de meilleures activités se présentaient entre les murs des appartements luxueux. Certains nous saluèrent avec déférence, s'adressant surtout au prince. Pour ma part, j'étais toisée de façon curieuse. Je me doutais que les rumeurs concernant ma présence au palais ne tarissaient pas. J'en avais vaguement eu des échos.

Piégée dans mes propres pensées, je ne remarquai pas que mon gardien avait fait halte et je heurtai son dos avec une faible plainte.

« -Que...

-Ne te laisse pas affaiblir par ce qui va se passer ce soir, dit-il froidement, sans se retourner. »

Le pavillon de l'Eventail était droit devant. Il se démarquait par sa grandeur et sa noirceur. L'ébène dont il était constitué paraissait avaler toutes les lumières alentours. Cela me rappela ma première visite et instinctivement j'eus envie de reculer d'un pas.

« -J'ai besoin de toi et de tes pleines capacités demain soir, ajouta-t-il.

-Est-ce que vous l'avez déjà fait ? répliquai-je farouchement, énervée par son égoïsme.

-...

-Partager votre intimité avec une femme.

Toujours pas de réponse.

-Si la réponse est oui, j'espère que vous avez eu au moins ce luxe de choisir votre première partenaire. Parce que moi, non. J'ai assez de rage pour ravager Konoha. Et quand je sortirai de chez l'empereur, j'en aurais davantage. Trop de rage. Je pourrais en détruire l'empire en entier !

-Très bien, souffla-t-il calmement. Si le choix t'était laissé. Qui choisirais-tu ? »

La question me prit au dépourvu. C'était insensé. Je...je ne savais pas. Je n'avais pas encore rencontré d'hommes assez...non, en fait...et mes pensées se transformèrent en un ouragan d'incertitude. Il y mit fin abruptement :

« -Toi-même tu ne sais pas. N'est-ce pas mieux ainsi ?

- Non ! m'écriai-je en fixant désespérément sa nuque.

-Il y a des sacrifices qui dépassent notre volonté et notre entendement. Il y a des épreuves à endurer. »

Il marqua une pause et daigna enfin me faire face.

« -C'est un honneur pour n'importe quelle femme de ce pays d'être admise dans la couche de l'emp... »

Je voulus le gifler, mais il attrapa mon poignet au vol. Nous nous défiâmes en silence. Plus j'essayais de libérer ma main de son emprise, plus il raffermissait cette dernière.

« -Pourquoi est-ce que tu rends toujours les choses aussi compliquées ?! demanda-t-il d'un ton glacial. Cela ne te suffit-il pas que nous risquions nos vies ? Que je trahisse mon propre frère ? Que je défis Shisui ? Il y a des choses contre lesquelles je ne peux pas te protéger. Contre lesquelles je ne peux rien faire. »

Et sa voix...tremblait ? De rage ? De...tristesse ? J'écarquillai les yeux en remarquant son visage plissé par l'inquiétude et la colère. Mon cœur emballé se calma progressivement. Il m'avouait son impuissance à me venir en aide ? Quel homme avais-je finalement devant moi ? Il relâcha lentement la prise autour de mon poignet et se remit en marche. Autant dire que nous passerions le reste du trajet enveloppé dans un silence pesant.

A nouveau, je gravis les escaliers imposants qui menaient à l'entrée du Pavillon. Encore une fois, j'admirais, depuis ces hauteurs, le palais impérial se préparer à s'endormir. Les lumières vacillaient sous un vent montant. La traîne de ma robe glissait sur l'arête des marches dans un froissement soyeux. Et plus loin devant, le bruit métallique de l'armure précieuse de mon garde du corps résonnait dans les airs. Dès que nous franchîmes les imposantes portes du bâtiment, rien n'avait changé. C'était les mêmes ténèbres, la même oppression. Et Sasuke ? Vivait-il également ici, au milieu de ces coursives sans lumière ? Le parquet craquait sous nos poids, et les travaux dont le pavillon avait besoin n'avaient toujours pas été entrepris. Il régnait un tel niveau de délabrement. Je n'arrivais toujours pas à croire que les lieux étaient habités. D'autant plus par un homme aussi puissant que l'empereur.

« -Bien joué, Sasuke-kun, intervint une voix que je connaissais trop bien. »

Les deux Uchiwa se faisaient face. Je pouvais le voir à travers les rares rayons de luminosité qui perçaient depuis les trous dans la toiture.

« -L'atmosphère a l'air plutôt tendue, commenta Shisui, Une petite dispute de couple peut-être ?

-Sans commentaire, répondit son interlocuteur. Je te la laisse. »

J'étais déjà profondément enfoncée dans la gueule du loup. Le prince disparut. Et le garde personnel du souverain apparut devant moi.

« -Bonsoir, Sakura. »

Un silence s'installa et je déclarai :

« -Procédez. Mais faîtes vite. »

Dès lors, une de ses mains plongea dans mon décolleté, tandis que ses lèvres se pressaient déjà contre mon cou. Il allait encore vérifier la moindre parcelle de mon corps. Ce dernier m'appartenait-il encore, d'ailleurs ? Je ne pus que retenir mon souffle et espérer ne plus le retrouver. Ses gestes étaient francs, mais dénués de brusquerie. Sa paume parcourait ma peau nue comme si elle glissait sur la surface d'une eau tiède. Je me demandais, alors que ses doigts frôlaient mon intimité, combien de fois Karin avait dû subir ce protocole. Mon corps se raidit alors qu'il m'inspectait de l'intérieur. Karin. Je me mis à éprouver de la compassion pour elle, à m'imaginer que pendant plusieurs dizaines de soirée, elle avait accueilli l'index et le majeur autoritaire de Shisui au plus profond de son être. Il baisait mes épaules, la naissance de mes seins et remontait contre l'os de ma mâchoire tandis que ses mains palpaient désormais mon postérieur, mes hanches et ma taille. Puis vint le moment fatidique où nos yeux se croisèrent. Je ne pus m'empêcher de superposer son regard sombre à celui du prince Sasuke et mon cœur s'affola.

« -Je suis désolé. Pour ce matin. avoua-t-il tellement près de mon visage que son souffle s'écrasa doucement contre mes lèvres. J'espère que ce ne fut pas douloureux, ce n'était pas mon intention.

-Je vous en veux, répliquai-je dans un murmure, peu convaincant. Finalement, je préférerais qu'il me plonge à nouveau dans un genjutsu plutôt que d'aller dans la chambre de l'empereur. »

Il ne répondit pas et déposa sa main contre ma joue avant de m'embrasser soudainement. Du calme. C'était pour goûter à mon rouge à lèvre pour vérifier qu'il n'était pas fait de poison. Mais. Le baiser se prolongea au-delà du simple échantillonnage. Il dura tant qu'il me ravit le souffle et j'eus bientôt le goût de la langue du shinobi mêlé à la mienne. Il sentit mon léger sursaut de résistance, car je fus plaquée contre une paroi proche.

« -J'allais pioncer, Sas'ke...j'ai une dure journée demain, » marmonna Naruto en m'ouvrant la porte de ses appartements.

En guise d'excuse pour le dérangement, je lui jetai une bouteille de saké et refermai derrière moi. Je pris soin d'éviter les objets échoués au sol. Je ne comprenais pas. Il était un prince, comme moi, et avait droit aux domestiques, non ? Alors pourquoi ce désordre constant dans ses quartiers ? Je ne le ne saurais probablement jamais. Il était, de toute manière, isolé dans le Pavillon des Tempêtes, l'un des plus reculés du palais. Etrangement, ce bâtiment était proche du caveau Uchiwa. Il bordait les limites du complexe, et depuis la fenêtre du blondinet, on pouvait admirer la cité de Konoha s'étendre loin dans l'horizon nocturne. On entendait également ses clameurs étouffées : celles des marchands qui remballaient leurs étales à cette heure tardive, celles des shinobis qui effectuaient leur ronde dans les rues dans quartiers bourgeois et puis aussi celle des faubourgs plus malfamés. Nous n'allions que très peu en ville. C'était d'ailleurs déconseillé. Les membres de la famille impériale devraient rester intouchables et s'entourer d'une part de mystère auprès des sujets de l'empire.

« -Est-ce que tu rappelles du jour où mon frère aîné est devenu empereur, lui demandai-je soudainement.

-J'étais jeune, et toi aussi d'ailleurs, dit-il en soupirant de lassitude.

-Lui aussi, il était jeune. Monté sur le trône à seulement treize années. Il fallut que le clan Nara s'occupe de la Régence. Il ne restait plus beaucoup de soutien aux Uchiwa depuis la mort de père. »

Je m'assis sur un siège proche, accusant le regard curieux et incertain de mon ami. Il fronça les sourcils, sans doute étonné, de me voir ressasser ce passé que nous nous efforcions d'oublier.

« -Heureusement que le clan Nara et que le général Hatake ont stabilisé la situation le temps que frère aîné ait l'autorité nécessaire. Il n'a pas tardé à l'avoir, d'ailleurs.

-Sasuke...pourquoi est-ce que tu me racontes ça ? souffla-t-elle en débouchant le saké.

-Parce que je me demande encore qui a tué mon père, ma mère et la plupart des forces de mon clan, grinçai-je des dents, énervé.

-Tu ne vas pas recommencer, dattebayo ! L'enquête a bien montré que c'était....débuta-t-il, indigné.

-Et bien, je n'y crois pas ! l'interrompis-je froidement. Une lueur brillait au fond de moi, c'était mon désir de vérité. J'étais assoiffé. Pourtant, je savais que je n'avais pas le droit d'être si égoïste en face de lui. Que je ne pouvais pas croiser ses yeux azurés gonflés de tristesse et de rancœur.

« -Et ?! On va vivre indéfiniment dans le passé ?! Je n'ai jamais connu mes parents. Mon père était empereur avant le tien, et il est mort à la guerre, en sauvant ce foutu pays ! Je ne sais même pas ce qui s'est passé avec ma mère ! Mais je n'étais qu'un bébé hein ? Je ne pouvais pas devenir empereur. Alors les Uchiwa en ont profité. Tu crois que ça va m'apporter QUOI d'y repenser chaque jour ? s'exclama-t-il après une bonne rasade d'alcool. Qu'est-ce qui t'arrive Sasuke, hein ? T'es pas si bavard d'habitude.

-Tu pars demain ?

-Oui. Demain soir. J'ai l'honneur d'être dans la garnison dirigée par le capitaine Yamatô, ironisa-t-il.

-Besoin de conseils ? provoquai-je avec un sourire en coin.

-Pas besoin, non. J'ai hâte d'en découdre, pour être honnête. Je vais prouver à Itachi-sama ce que je peux faire sur un champ de bataille. Et je serai meilleur que tu ne l'as été, affirma-t-il en dirigeant sa main vers le plafond avant de fermer brusquement le poing comme s'il voulait attraper l'avenir qu'il venait d'entrevoir.

-Bon courage, alors. Mais sache qu'en revenant tu ne sauras probablement pas le même.

-Je m'en fiche, cracha-t-il, orgueilleux, oublie pas de gagner le tournoi. Si tu es marié à Hinata-sama à mon retour, je te fracasse la tête. »

Je grimaçai faiblement, mais mon sourire demeurait présent. Et il me le rendit finalement, complice jusqu'à la moelle.

« -D'ailleurs, reprit-il, c'est qui mon remplaçant ? Tu as pris Kiba Inuzuka ? Ne me dis pas que c'est cet enfoiré de Saï. »

Voilà. Le sujet de notre prochaine dispute serait donc celui-ci. Je soupirai. Accroche-toi bien, Naruto.

« -Sakura.

-QUOIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII ?! hurla-t-il en se mettant debout sur le lit, froissant de ses pieds les draps de soie.

-Moins fort, crétin ! Je te rappelle que les appartements du général Hatake sont également dans ce pavillon.

-Attends, c'est pas possible !

-Elle va prendre ton apparence.

-Ah ouais ?! Alors que je serai déjà en route pour les frontières ? railla-t-il mauvais

-Je sais, voilà pourquoi je t'ai demandé si tu partais demain. Je devrais trouver un autre moyen de la déguiser, m'agaçai-je, clairement contrarié par cet imprévu.

-Tu mets la gentille Sakura-chan en danger, c'est idiot. (Oh, il était renfrogné ce chevalier servant au service de ces demoiselles.)

-Elle me l'a demandé. Si elle gagne, elle demandera évidemment à ne plus être concubine.

-Je dois la voir avant de partir, alors, décida-t-il et il se dirigea vers la porte.

-Elle est avec frère aîné, inutile. »

Et nos arrêtâmes de parler tant ma dernière déclaration jeta un froid. Nous avions tous les deux en tête les images de la toute rose entre les griffes de l'empereur. Et cela me donna envie de vomir, je crus presque en devenir fou. Mais que pouvais-je faire ?

« -Arrêtez...ça... » réussis-je à souffler en dégageant mes lèvres. J'étais choquée, parce que mon corps n'avait pas du tout réagi comme je l'imaginais. Mes muscles étaient échauffés, mon intimité complètement humide. Sentir le corps armuré de Shisui presser mes courbes avait éveillé en moi un instinct que j'ignorais. Et cela m'effrayait. Mes jambes tremblaient, peinant à tenir debout, et j'avais tellement chaud que j'aspirais la moindre parcelle d'air par la bouche, affamée.

Il m'admirait avec de grands yeux et ses mains n'avaient pas quitté mon visage qu'il tenait toujours en coupe. Un éclair de culpabilité fit briller ses prunelles et il recula d'un léger pas. Que faire ? Ce n'était pas le protocole de sécurité. Il n'avait pas le droit. Merde. Je ne voulais pas être mêlée à ça. Mon corps avait une toute autre opinion. Ce baiser avait éveillé une faim que je ne connaissais pas. J'en avais honte.

Shisui me tourna le dos, alla frapper deux coups à une porte voisine et s'éclipsa non sans m'adresser un dernier regard. Je n'avais jamais vu une expression aussi vulnérable sur sa figure depuis que je l'avais rencontré.

La cloison, contre laquelle il avait toqué, s'ouvrit lentement et la silhouette de l'empereur émergea. Oh non. J'avais l'impression que c'était écrit en grand sur mon front. D'un pas tremblant, incertain et chancelant, j'approchai de l'ouverture et lui fit face. Après plusieurs inspirations destinées à me donner du courage, je redressai mon visage.

« -Bonsoir, Sakura, me salua-t-il sobrement. »

J'allais m'incliner dans une révérence polie quand il attrapa brusquement mon menton pour l'enfermer avec autorité entre ses doigts. Il me fixait et tout me parut amplifié, la noirceur de ses pupilles, sa pâleur, les battements effrénés de mon cœur et cette chaleur qui dévorait mon corps entier. Ma vision se troublait légèrement. Etait-ce la peur ? Etait-ce la folie ? Mon impuissance me faisait perdre la raison. Le pouce du souverain passa autour de mes lèvres et il fronça les sourcils :

« -Qu'est-il arrivé à ton rouge à lèvre, tu en as partout ? » demanda-t-il. Et le ton de sa voix vibrait d'une sourde colère.

S'il n'avait pas encore deviné qu'on venait de m'embrasser avec passion, il en viendrait à cette conclusion tôt ou tard. Qu'allais-je lui répondre ? Quelle excuse...pourrais-je bien trouver ?

« -Réponds, » ordonna-t-il, me pressant.

J'eus un sursaut et perdant toute lucidité, je me jetai sur lui afin de conquérir ses lèvres ; de le faire taire par un baiser, qu'il ne m'ordonne plus jamais de répondre. Nos bouches fondirent l'une contre l'autre. Mes mains s'accrochèrent férocement à ses bras. Je perdais mon souffle petit à petit et sombrais dans un gouffre. Le feu qui brûlait dans mes entrailles explosa soudainement. Alors qu'il me plaquait contre lui pour répondre à mon élan, je sentis ma poitrine s'écraser contre son torse. Mes pieds ne touchèrent bientôt plus le sol. Il avait soulevé mes cuisses, désormais enroulées autour de sa taille. Et il y avait cette raideur en lui, une dureté qui oppressait mon bas-ventre avec insistance.

Mon esprit était pétrifié, mais je ne pouvais pas empêcher mon corps d'agir. C'était comme s'il y avait deux personnes en moi. Un choc contre mon dos me rappela un instant à la réalité. L'empereur venait de m'allonger à même le sol. Je sentais l'odeur familière des tatamis autour de nous. Il était toujours entre mes jambes, pesant sur moi. Il ne prit même pas la peine de délacer la ceinture de mon hanfu et se contenta d'en retrousser hâtivement les pans, caressant ma peau qui se dévoilait. Ses longs cheveux, détachés, effleuraient ma figure pâle à chaque mouvement. Instinctivement, je me cambrai et récupérai de nouveau ses lèvres. Je voulais me saouler contre, oublier ce qui allait se passer, ignorer sa virilité conquérante qui sollicitait déjà un fourreau à sa mesure. Alors, c'était ainsi ? Itachi se redressa un peu, pour m'envelopper d'une œillade satisfaite.

« -Cela risque d'être douloureux. »

Son index se posa sur ma gorge et descendit avec lenteur, glissant entre mes seins à moitié découverts, effleurant mon nombril à travers le tissu de ma robe.

« -Je m'assurerai que la souffrance en vaille le coup. »

Je déglutis et détournai mon regard, partagée entre la colère et ce désir irrationnel. Soudain, sa voix émergea contre mon oreille. Il me recouvrait à nouveau.

« -Je t'ai voulu depuis le jour où j'ai appris avec une certaine colère que tu remplacerais la légendaire Tsunade. Je te veux encore. »

Mes yeux revinrent à lui et croisèrent les siens. J'avais suspendu mon souffle dans l'espoir de réfréner les battements de mon cœur. Pourquoi fallait-il que les Uchiwas aient un charisme inhumain ? Pourquoi fallait-il que tous soient attirés vers eux comme le métal vers un aimant, au détriment de leur sentiment ? Pourquoi j'étais si chaude, si humide ?

« -Tu souhaitais... » poursuivit-il dans un murmure froid. « Que nous ayons une relation autre que celle d'un souverain et d'un sujet. C'est ce que je te propose cette nuit. »

Ses doigts se plantèrent dans la chair de mes hanches, maintenant mon bassin contre le sien. Je devins quelqu'un d'autre au moment même où il me pénétra d'un geste profond. Il y eut son gémissement rauque et grave et le mien, plus aigu, moins étouffé. Il brisa la résistance de mon hymen d'un nouveau coup de rein. Je me souvins brusquement, l'esprit embrumé par la douleur, des rires moqueurs de Shizune et Tsunade lorsqu'elles me taquinaient sur ma virginité, sur les hommes en général, sur mon célibat acharné. Et dans une hallucination étrange, je vis mon ruban blanc passé devant mes yeux et s'envoler loin dans les ténèbres.

« -I...Itachi-sama...s'il vous plaît » suppliai-je.

C'était la première fois que je prononçais son prénom. C'était tellement grisant que je ne me souvins plus pourquoi je suppliais. Mon corps ne répondait plus, comblé par la présence masculine en moi. C'était comme s'il venait d'apaiser la faim que j'avais ressenti. La souffrance ne fut plus qu'un vilain souvenir, un cri étouffé dans ma gorge nouée. Mes sens avaient repris le dessus, transmettaient à mon cerveau le plaisir, l'extase, d'être enfin complète. La honte ? Balayée par une pénétration, profonde et transcendante. La colère ? Brisée par cette main autoritaire qui malaxait mon sein. Résister ? Ce n'était plus la peine. Il m'avait embrassé encore et encore, reprenant son souffle dans mon cou moite. C'était comme avoir de la fièvre. J'étais secouée sous ses assauts brutaux, mais mesurés. Ma vue se brouillait et ma raison venait de rendre l'âme.

Le parfum des tatamis s'était dissipé au profit de celui de nos chairs transpirantes et chaudes. Et cette nouvelle odeur ne faisait que nous exciter davantage. Je me cambrai pour mieux le recevoir et geignait ensuite des conséquences de mon audace. Il avait une telle force., j'allais finir par me briser tout entière. La souffrance revenait, repartait, puis revenait. Me redressant sur un coude et encaissant un énième coup de bassin, je mis toute ma concentration dans un baiser brûlant et confus auquel il répondit dans un râle discret. Il avait un goût semblable à celui échangés avec Shisui quelques minutes auparavant. Et ce souvenir, mêlé cruellement à notre coït, eut raison de mon endurance. Une barrière céda dans mon ventre et je fus tétanisée par une sensation inconnue.

Lui-même s'était immobilisé en moi. Je sentais ses muscles contractés contre mes courbes, et il avait finalement joui dans ma matrice dont il espérait tant les fruits.

« -Tu as été au-delà de mes attentes, Sakura, » ponctua-t-il en me baisant la joue.

J'aurais espéré que non. Un sourire crispé fit frémir mes lèvres. J'étais à terre dans tous les sens du terme. Le retour à la réalité venait d'être brutal. L'intérieur de mes cuisses me brûlait désagréablement et sa semence en souillait la peau. J'avais envie de vomir, soudainement, loin de l'extase dans laquelle j'avais été plongé. Alors qu'il se remettait debout, j'osai un coup d'œil sur sa silhouette. Il se débarrassa complètement de son kimono sali de sueur et je ne pus m'empêcher d'inspecter son corps nu.

« -Puis-je...retourner à ma chambre, maintenant ? osai-je d'une voix blanche. »

Pour seule réponse, il se pencha vers moi et me souleva dans ses bras. Ses pas nous dirigèrent vers son lit sur lequel il m'allongea.

« -Reste allongée un moment et essaie de te reposer. Il te faut prendre un bain ensuite. Tu seras de retour dans tes quartiers au matin. »

Les larmes affluèrent à mes yeux. Je repensai soudainement à Ino. Comment était-ce possible ? Comment ai-je pu être si faible ? Et puis, le prince Sasuke s'imposa aussi dans mon esprit. Ce qui était absurde. Mais étais-je à une contradiction près ?

« -Toutefois, » reprit-il avec calme et froideur. « Il va me falloir m'occuper de ce qui a dérangé ton rouge à lèvres. »

Il n'avait pas oublié. Super. Cela avait vraiment valu le coup.

« -Je trouverai une solution avec Kurenaï-san afin que cela ne se reproduise plus. »

Ce fut ma première fois avec un homme. Et je ne pouvais même pas courir à la ferme, retrouver mon maître et Shizune pour leur raconter comment ce fut, comment je me sentais. Elles n'étaient pas là pour me réconforter, pour rire avec moi, pour me comprendre. J'avais pensé naïvement qu'à leur instar, ma première fois aurait été avec un homme dont j'étais amoureuse. Aucun amour. Il n'y avait eu que du désir.


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