La lumière du portrait
Je l'avais cherchée partout en explorant les jardins et la plupart des Pavillons, sans aucune trace. Les domestiques n'avaient fait que secouer la tête à mes questions insistantes sur le passage éventuel de la concubine. L'entretien avec Gaara et ses prétentions inacceptables m'avait fait perdre un temps trop précieux. Le Tournoi approchait à une telle vitesse qu'il nous percuterait bientôt de plein fouet, et le choc serait impardonnable. Il nous fallait un minimum de préparation. Il était hors de question d'envisager une défaite ; quel genre d'idiot inclurait sa propre mort dans ses plans ? Les enjeux dépassaient nos propres vies de toute manière. Finalement à ce stade, privés de liberté que nous étions et amputés de notre libre-arbitre, la mort semblait être un compromis envisageable.
Souhaitant éviter une confrontation inutile avec Kurenaï, j'avais décidé de passer par l'arrière du Pavillon Pourpre Interdit. L'accès était régulièrement surveillé par des kunoichis habilement dissimulées. Des femmes qui garderaient sans doute le ruban blanc toute leur foutue vie si elles souhaitaient poursuivre leur carrière de ninja. Après avoir remonté les allées du parc fleurissant, j'accédais enfin à la terrasse de ses appartements.
Puis mon cœur se glaça dans une sensation muette et douloureuse. La cloison coulissante était légèrement ouverte, de quoi laisser échapper, à terre, un bras pâle. Me précipiter, faire grincer le bois du balcon sous le poids de mon armure et enfin m'agenouiller à la hauteur de ce membre qui se terminait par les doigts si fins et délicats de Haruno Sakura, furent mes seules actions.
« -Oï, Sakura.... » soufflai-je, énervé, agacé et mort d'inquiétude.
Bien sûr, elle respirait encore. Je le remarquai à sa bouche entrouverte, d'où s'échappait un souffle tenu et régulier. De mon bras, je poussais brusquement la cloison afin d'avoir une vue complète sur son corps. Ce dernier était intact : pas de blessure, pas de marques, son léger kimono était un peu froissé. Mes yeux remontèrent vers sa figure rosée. Elle avait été agressée, cela ne faisait aucun doute. Merde. J'étais sensé la protéger. Frère aîné allait me tuer.Non. C'était absurde de s'inquiéter de sa réaction maintenant. J'allais le trahir. Je ne devais plus avoir peur de lui.
« -Sakura. » répétai-je.
Je pinçai mes lèvres. Ma main tremblait légèrement au-dessus de son front. J'ouvris subitement mes sharingan afin de l'inspecter une nouvelle fois. Quelque chose avait dû m'échapper. Et je le vis apparaître avec clarté à travers mondôjutsu. Elle était prise dans un genjutsu. Alerté par la technique, je me redressai vivement pour contrôler visuellement la chambre. L'agresseur semblait avoir déserté les lieux. Après une série de mudras, je brisai l'illusion qui planait sur elle et admirai enfin le vert de ses yeux se révéler, plein de conscience. La peur, la surprise et la colère s'étaient mêlés au creux de son minois si féminin. Dans un réflexe, elle arma son poing et voulut me l'envoyer en pleine figure. Je ne pus qu'esquiver de justesse.
« -Qu'est-ce que tu fais ? Reprends-toi. » ordonnai-je glacialement, en la prenant par les épaules pour bloquer tout futur mouvement.
-Vos...sharingans....désolée, je pensais que c'était lui...souffla-t-elle en me fixant.
-Lui, qui ?
-Shisui ! Il était là, il m'accusait avec cette histoire de hanfu. Et je ne me rappelle pas la suite.
-Tu es tombée dans son genjutsu. Habituellement, je t'aurais blâmée. Mais il faut avouer que les genjutsus de Shisui sont d'un autre niveau. (Après un court silence, je rajoutai) Comment te sens-tu ? Tu peux te lever ?
-Oui....mais pourquoi êtes-vous là, Sasuke-sama ? demanda-t-elle à son tour, alors qu'elle se remettait sur pied.
-Pour le Tournoi. Nous devons nous organiser. C'est urgent. »
Je fis un pas pour pénétrer dans la chambre et refermait clairement la porte derrière moi. Nous étions face à face dans la pénombre de ses quartiers. Cela sentait la sciure et le parfum fleuri. Aucune trace olfactive de cet encens à gerber comme partout au palais. Tout près d'elle, j'avais l'impression que je pouvais enfin respirer un autre air. Celui de la liberté prochaine et il était grandiose. Il emplissait mes poumons d'une détermination solide. Elle devait relever son visage afin de pouvoir croiser mon regard, puisque je la dépassais d'une dizaine de centimètres. Et je devais baisser le mien en conséquence. Un souffle nous séparait, mais elle ne recula pas ; sérieuse et droite.
« -J'écoute.
-Oui. Ecoute bien. C'est pour le sixième jour. Nous devrons nous présenter dans la Forêt des Âmes.
-La For...commença-t-elle.
-Celle qui se trouve derrière les jardins de l'Est, on peut apercevoir ses arbres d'ici. C'est une forêt dans laquelle il est interdit d'aller en raison de sa dangerosité, mais on y autorise l'accès exceptionnel lors des Tournois. C'est là que se déroulera le premier round. Le second, si nous y arrivons se passera à l'Arène, le septième jour au matin. Le problème étant que le premier tour se passe entre la soirée et l'aube. Je viendrai te chercher en fin d'après-midi.
-Où viendrez-vous me chercher ? paniqua-t-elle incertaine. Avait-elle peur que je l'abandonne ?
-Sakura. (Et à son prénom, j'aperçus ses yeux frémirent légèrement.) Où que tu sois dans ce foutu palais, je viendrai te chercher. Je te trouverai. Nous avons passé un accord. »
Elle frappa mon torse armuré de ses deux mains et y referma lentement ses poings. J'entendis le son discret de ses ongles râper contre le fer. Ses sourcils étaient froncés.
« -Vous avez intérêt. Je vais mourir, sinon. »
J'agrippai ses poignets avec fermeté et les éloignai de moi, tout en lui donnant la réplique froidement :
« -Ne pense pas qu'à toi. D'ailleurs, je vais être franc avec toi. »
Silence. Je m'étais longuement posé la question sur l'intérêt de lui avouer la situation avec le roi Gaara. La colère secouait mes veines au moindre souvenir de sa réclamation. Je préférais que l'information lui vienne de moi.
« -Ce matin, le Roi Gaara a demandé à l'empereur que tu deviennes son épouse en échange...d'une Alliance militaire avec Konoha.
-Quoi ? s'étrangla-t-elle en souhaitant reculer d'un pas, mais j'avais toujours ses mains au creux des miennes et il était hors de question que je la laisse fuir face à l'adversité d'une telle annonce. Je la maintenais sur place.
-Je ne sais pas pourquoi, il voulait te rendre ta liberté.
-Dans un mariage ?! A l'autre bout du monde ? s'écria-t-elle, folle de rage. »
Quel caractère de merde, franchement. Agacé, je la retournais pour la plaquer dos à la cloison, en espérant que le choc lui remette les idées en place.
-Laisse-moi. Finir. Je ne sais pas pour quelle raison, frère aîné a préféré sacrifier Karin.
Et là, je fus témoin de son blêmissement instantané.
-Sa....favorite, articula-t-elle, incrédule.
-Oui. Alors, nous ne devons pas rater notre chance. Visiblement, j'ai sous-estimé l'importance que tu as aux yeux de l'empereur. Peut-être qu'il t'épargnera, mais...
-Pas vous, termina-t-elle d'une voix inquiète. Et ses prunelles désormais brillantes d'émotions m'enveloppèrent tout entier. Je la relâchai doucement et elle secoua la tête, abasourdie.
-Je ne le laisserai pas faire. On ne peut pas...(Elle déglutit.) exécuter son propre sang. »
Quelle naïveté. Elle me fit penser à Naruto, sur l'instant. Cet attachement perpétuel aux liens familiaux, qu'ils touchent le cœur ou le sang. Peut-être m'étais-je lié à elle, comme je m'étais lié à l'autre prince ?
-Nous réussirons, c'est tout ce qui compte. Et après, nous tracerons chacun notre route. Voilà ce qui est convenu. »
Elle opina, faisant danser ses mèches soyeuses autour de ses traits fins. Le temps d'une seconde, j'avançais mes doigts dans l'espoir de capturer l'une de ces mèches et d'en apprécier la probable douceur, mais je me retractai soudainement. Je tournai les talons pour me diriger vers la sortie, mon silence en guise d'au-revoir.
« -Et si l'empereur m'appelle dans sa couche ? »
La question contracta mes muscles et contraria mon ego. Je n'avais pas envie de lui répondre ce qui allait suivre, mais si nous ne voulions pas être trahis, il fallait suivre cette ligne directrice :
« -Alors, fais ce qui est attendu de toi.
-Sa...suke...répliqua-t-elle, et le timbre de sa voix était plein de détresse.
-Il ne te reste qu'une nuit à tenir. Tu es une kunoichi. Tu peux surmonter ça. Où est passée la prétentieuse petite disciple de la légendaire Tsunade ? »
Et je disparus. Je ne voulais plus l'entendre gémir ou douter. Et surtout, je ne souhaitais plus être confronté à cette pensée ignoble et dérangeante, des mains de frère aîné se posant sur elle.
Karin s'était inclinée devant moi. Elle maniait parfaitement l'étiquette, pour une ancienne roturière. Son hanfu plein d'indécence me faisait de l'œil. Pourquoi n'avais-je pas le droit à de pareilles tenues ? Mes kimonos étaient soyeux, richement brodés, bien découpé, mais terriblement stricts. On apercevait mon cou, ma nuque, parfois mes poignets, ce qui n'était rien comparé à son décolleté plongeant et à ses épaules à moitié dénudées. Ma curiosité la gobait toute entière malgré mon inimité à son égard.
« -Votre Majesté, je suis honorée par une telle invitation. »
Ah ! Complètement faux. Je le lisais tellement bien dans son esprit. Cet étonnement grave saupoudré d'une couche de colère. Elle me haïssait. Toutefois, j'étais sereine. Et mon sourire brillait sur mon visage. Je l'invitai à se mettre autour d'une table laquée sur laquelle était peinte des hérons en pleine chasse sur un étang entouré de roseaux. Le thé était prêt, et fumait depuis la théière en porcelaine. Les servantes avaient également apporté des dangosucculents.
« -Je présume que vous seriez plus à l'aise, si je buvais dans votre tasse avant de vous la laisser ? » suggérai-je avec innocence.
Je l'avais compris en pénétrant une nouvelle fois ses pensées. Elle était morte de peur à l'idée que je tente de l'empoisonner ou de la tuer. Retroussant avec grâce la manche de mon kimono, dévoilant mes bracelets de jade, je fis le service au son de sa réponse :
« -Je...ne me permettrai jamais de soupçonner...cela de votre part, Impératrice.
-Evidemment. Entre femmes, nous devrions plutôt nous serrer les coudes, soupirai-je en attrapant ma tasse.
-Pourquoi suis-je ici ? demanda-t-elle sérieusement. Et son visage trahissait soudainement un côté sombre et méfiant. Ses lèvres brillantes d'un rouge carmin étaient pincées et son maquillage souffrait de son expression fermée.
-Nous devons parler de nos rôles respectifs. Puisque, visiblement, je n'ai pas le choix que de partager mon époux.
-Nos rôles ? Pourtant, tout le monde est au courant des rôles que nous jouons.
-Je ne pensais pas l'empereur si gourmand. Pour se permettre trois femmes différentes, en réalité. (Je fis une moue désespérée.) Vous aime-t-il ? »
Sitôt ma question tombée, elle se mit à rire. Sans faux-semblant. C'était un rire presque enfantin, qui me fit la prendre en pitié un instant. Elle se tenait même légèrement le ventre à cause de son hilarité et dut essuyer le coin de ses yeux, soufflant pour se calmer. J'aurais pu en être vexée, si elle ne répliqua pas rapidement :
« -Vous connaissez encore mal votre époux, Majesté. Il n'est pas du genre à tomber amoureux d'une femme. C'est un homme pragmatique, comme tous les membres du clan Uchiwa. En réalité....je compatirai presque à votre sort. »
Ces derniers mots...inutiles d'espionner son esprit pour comprendre qu'ils étaient sincères. Elle détestait l'Impératrice, le titre de celle qui le portait, la fonction, sans doute. Je me réfugiai dans une gorgée de thé. Il était amer, et peu sucré, car je tenais à garder ma ligne.
« -Alors, pourquoi prendre des concubines ? Pourquoi vous et....(Je mis du temps avant de me décider à prononcer la suite) Sakura Haruno.
-Je ne sais pas pour celle-là. Me concernant, je suis une Uzumaki. J'appartenais à la dynastie de l'ancien empereur. Il est certain qu'un héritier ayant mon sang et celui de l'empereur serait légitime, bien que bâtard, pour accéder au trône. C'est tout ce que recherche l'empereur, expliqua-t-elle avec un peu de hargne dans la voix. »
Je pris le temps d'analyser ses mots, son histoire, les conséquences qui en résultaient. Et je complétais tout cela par ses pensées qui résonnaient au fond de sa tête avec force et fracas. Je comprenais alors que les concubines étaient une issue de secours. Si l'impératrice ne produisait pas d'héritier mâle, les bâtards des concubines pallieraient ce manque. Je déglutis avec difficulté ma prochaine gorgée de thé, incertaine. En réalité, peut-être que cette femme m'intimidait ? Peut-être en avais-je peur également ? Ma main trembla légèrement et je m'empressai de reposer ma tasse.
« -Mais après tout ce temps, pas d'héritier. souris-je pour me rassurer.
« -Qui sait...
-L'avez-vous choisi, d'être concubine ?
-Et vous ? Avez-vous choisi d'être impératrice. Vous l'avez dit vous-même. Nous sommes des femmes. Et en ce monde, cela signifie renoncer à notre liberté à un certain stade de notre existence. Nous ne le voulions pas, mais nous somme rivales et nous dépendons de l'attention du même homme. Je m'attendais à ce qu'une femme accède au trône un jour ou l'autre, je m'y suis préparée. Mais cette...Sakura.... »
Est arrivée comme un cheveu dans la soupe, pensa-t-elle sans le dire. Et cette révélation me fit louper un battement de cœur. Les souvenirs de ma dernière rencontre avec le médecin rose me revinrent brusquement en mémoire.C'était si confus.
« -Alors, » reprit-elle en logeant au creux de ses paumes sa propre tasse de thé. « Qu'est-ce que je fais ici ? »
Sitôt la matinée passée, j'étais partie me réfugier dans le Pavillon de l'Oeil Blanc. Ces murs dévolus au clan Hyûga m'assureraient une protection temporaire contre la présence de Saï. Les larbins de l'empereur n'y étaient, en général, pas les bienvenus. J'avais pressé le pas jusqu'à mes appartements où je retrouvais avec surprise la silhouette de Tenten et celle de mon cousin, Neji. En m'apercevant, ils s'éloignèrent rapidement l'un de l'autre et se turent. Interpellée, je refermais à la hâte les portes derrière moi pour les rejoindre.
« -Tenten-san, Neji-sama...que...
-Hinata-sama ! s'inclina ma fidèle servante. Il y a eu des complications avec Sakura Haruno, sur tous les plans.
-Pardon ?
-Le Roi Gaara l'a demandé en mariage à l'empereur. Je n'en sais pas plus, la salle du trône a été évacuée avant la réponse de ce dernier, expliqua mon aîné, avec sérieux. »
Je fronçai les sourcils vers la brunette et saisis avec inquiétude que ce ne serait pas la seule mauvaise nouvelle. Elle prit une grande inspiration :
« -Shisui Uchiwa l'a interrogée ce matin à propos de son hanfu. Elle pourrait aller aux devants de grands problèmes. »
Et moi également, avec cette histoire de kimono pour l'impératrice. Je paniquai. Le temps jouait contre moi. Ino-sama avait exigé cette tenue pour le dernier jour de cérémonie. Peut-être que Saï ne viendrait pas me chercher aujourd'hui afin d'accomplir cette funeste mission. Ce temps épargné n'était pas suffisant pour me défaire de la situation. J'allais me jeter sur mon divan, éreintée et défit mes cheveux rangés.
« -Hinata-sama, » intervint le membre de la branche secondaire en arrivant près de moi. « -Je sais que vous êtes affligé par...la manière dont vous traite votre père. Le mariage avec le prince Sasuke...
-Nous avons une solution, le coupa Tenten avec assurance et un sourire immense, éclatant de réconfort.
-Je vous ai inscrite au Tournoi, avec moi. Vous serez mon binôme. »
Il avait dit cela sans ciller, assumant pleinement ses propos. Un frisson glissa le long de mon échine soudainement glacée et je redressai ma figure paniquée vers le couple insolite, foudroyée par l'incompréhension. La domestique passa derrière mon siège et vint s'occuper de ma chevelure. Elle savait que ce rituel m'apaisait et me rendait plus réceptive aux mots. Elle passait délicatement un peigne entre mes mèches ténébreuses et massait avec les dents de l'outils, mon cuir chevelu.
« -Hinata-sama, » continua Neji, imperturbable. « -Je vous promets que je ferai tout pour que nous remportions la victoire. Nous pourrons demander l'annulation du mari....
-Non, le coupai-je, ce n'est pas ce que je veux. »
Nous nous regardâmes - sans mauvais jeu de mots, dans le blanc des yeux un long moment et j'articulai ensuite :
« -Si nous sortons victorieux de cette future boucherie. J'exigerai que le prince Uzumaki n'aille pas aux frontières...
-C'est absurde ! s'exclama-t-il, l'air sévère. Le prince Uzumaki s'en sortira très bien aux frontières. Mais vous, coincée dans une union dangereuse avec un Uchiwa, c'est autre chose.
-C'est ma seule condition pour que j'accepte de braver la fureur de mon père quand il apprendra que je participerai à ce Tournoi. »
J'imaginais déjà sa colère, sa déception et le déshonneur apporté sur le clan - représenté par une femme jugée faible et sans avenir. J'étais au courant des conditions particulièrement rudes et cruelles du tournoi. Je savais qu'on y risquait parfois sa vie, et que personne ne venait nous secourir avant la fin des combats. Au moins, je serais morte en ayant tenté d'échapper à la cage dorée du palais. Je combattrai dur, je survivrai et avec l'aide de Neji-sama, je me hisserai au sommet.
« -Il nous reste deux petits jours, mais si vous acceptez, je peux vous entraîner, proposa-t-il en s'inclinant.
-Merci, je compte sur vous. Ne m'épargnez pas. »
Tout était si soudain, si rapide. J'avais l'impression que ma tête n'arrêtait pas de tourner. C'était le manège incessant de mes pensées angoissantes. Hier encore, je n'étais que l'échec de la branche principale, bonne à jouer les marchandises dans des jeux politiques sans grande valeur. Et demain, je survirai à tout ça. Quelque chose secouait mon être et excitait mon chakra. C'était de l'adrénaline. J'en étais terrifiée.
Il faudrait se battre. Il n'y avait pas d'autre issue. Regardez-moi s'il vous plaît, Naruto-sama.
« -Ton petit frère arrive, avertis-je en terminant mon thé.
Il ferait bientôt nuit. L'astre solaire n'avait plus qu'une ou deux heures à vivre et briller. Je terminai mon rapport auprès de l'empereur concernant le hanfu d'Izumi Uchiwa. De toute évidence, ce n'était pas Sakura Haruno la coupable. Retranchés dans le Pavillon dévolu aux Uchiwa, nous buvions un thé dans mes appartements sombres et épurés de toute décoration superflue. Beaucoup d'armes, sur leur présentoir et un seul cadre représentant une photographie d'Izumi, Itachi et moi-même alors que nous n'étions que des enfants gâtés par leur naissance. La petite fille aux yeux sombres avait un sourire magnifiquement heureux. Le mien était discret, mais présent. Et l'actuel souverain regardait droit dans l'objectif sans émotion particulière - digne d'un prince héritier sur lequel pesaient de lourdes responsabilités. Les fenêtres étaient grandes ouvertes et les pas de Sasuke se rapprochaient.
« -Il a l'air énervé, commentai-je.
-Parce que tu as plongé Sakura dans un genjutsu. Tu l'as mis en porte à faux par rapport à sa mission de garde du corps, dit-il dans un soupir las.
-Il n'avait qu'à s'occuper de l'enquête sur la robe, comme je le lui avais ordonné, me justifiai-je dans un rictus indifférent. Cela ira de te séparer de Karin ?
-Je suis contrarié, mais je devrais m'estimer heureux que le roi Gaara ai accepté. Je ne lui aurais pas donné ce qu'il voulait complètement. C'est tout ce qui compte. Pourrais-tu éviter, désormais, d'user du sharingan sur la seule concubine qu'il me reste ?
-Est-elle au-dessus des lois, Itachi ? N'oublie pas notre serment. »
Silence. Nous échangeâmes un regard complice. La réponse à cette question était connue de nous deux. Et nos yeux se tournèrent d'un même mouvement vers l'entrée qui s'ouvrait brutalement. La silhouette du cadet était sombre, légèrement essoufflée et son dôjutsu luisait avec charisme. Il dégaina son katana pour le pointer vers moi. Sans même saluer son aîné et empereur, quelle tristesse. Nous étions confortablement assis chacun dans un siège.
« -Sasuke, interpella le souverain.
-Il a agressé Sakura, répondit-il comme nous l'avions prédit.
-C'était mon ordre, mentit mon ami d'enfance, sans qu'aucun émoi ne perce dans sa voix. Il fallait trouver le coupable de ce crime.
-Elle était innocente, vous le saviez tous les deux, sans besoin de l'agresser, insista-t-il et sa lame brilla sous la faible lueur du jour.
-Calme-toi, intimai-je, et viens t'asseoir. Je t'ai déjà dit que tu aurais l'occasion de régler tes comptes lors du Tournoi. »
Nous savions également qu'il n'obéirait pas. Je jetai un regard agacé à Itachi. L'expérience des frontières, hein ? Le cadet fut rapidement derrière moi et le tranchant de son épée flirtait avec ma gorge. Le problème avec Sasuke Uchiwa était sa prévisibilité. Et au moment où il décida de m'égorger, je disparus de sa vue. Il était seul, dans le noir complet, les volets s'étant refermés en un claquement brutal. Seule rutilait la couleur de nos sharingansrespectifs.
« -Oï, oï, dis-je dans un soupir, -Tu prends ton rôle bien trop à cœur. »
Il me prit de nouveau pour cible, et ce fut encore un échec. Ma rapidité et mon don pour l'illusion vinrent facilement à bout de ses attaques ouvertes. Et s'il réussit à esquiver le kunaï que je lui destinais, la pointe de l'arme arriva tout de même à lui érafler la joue. Un simple avertissement.
« -Sasuke. C'est un ordre, intercéda l'empereur, toujours assis à la même place. Il y a une place auprès du prince Uzumaki pour le prochain départ aux frontières. Et si tu combles cette place, sache que ce sera un allé simple. Sans possibilité de retour. Tu as le choix. »
Seul nous parvint le souffle écourté du plus jeune Uchiwa. Je ne le reconnaissais guère dans ce faux pas et ce manque de précaution. Il avait agi avec ses tripes, pour une rare fois. Quelque chose le perturbait-il concernant Sakura, finalement ? Lui qui nous avait fait une scène d'indifférence la concernant. J'étirai un petit sourire tandis que les volets s'ouvrirent à nouveau pour permettre à la pénombre de régner dans la pièce.
« -Ne me dis pas que... débutai-je après m'être installé dans mon siège, amusé. -Tu te serais pris d'affection pour la concubine ?
-Tais-toi, me répondit-il sèchement.
-Aurais-tu les mêmes goûts que ton frère aîné en matière de femme ? Je peux comprendre, elle est si...
-La ferme ! s'écria-t-il.
-Ca suffit, Shisui. trancha Itachi alors qu'il se redressait pour se détourner vers son frère cadet. »
La tension était palpable, tellement qu'on pouvait l'étreindre à plein bras. Je n'aurais jamais cru Sasuke capable du moindre sentiment, colère ou affection. Habituellement si taciturne et boudeur, rien ne semblait trouver grâce à ses yeux si ce n'était l'entraînement et le souvenir perpétuel de ses parents.
« -Ce que je vais te dire est un autre ordre. Ramène-moi Sakura Haruno ce soir. Assure-toi pour qu'elle soit présente dans ce pavillon à la tombée de la nuit. Shisui se chargea du reste.
-Quoi...souffla-t-il.
-Comporte-toi en prince pour une fois, et en commandant de ma garde. Obéis, s'il te plaît. »
Le jeune homme voulut répliquer, mais il parut reconsidérer les derniers mots de son frère aîné et quitta les lieux sans un salut, sans une révérence. Une plainte muette franchit mes lèvres. Le silence reprit ses droits et j'aperçus le souverain se rapprocher du cadre de notre enfance. Il était dos à moi et je ne pouvais pas témoigner de son faciès, mais je voulais croire qu'une légère tristesse colorait ses traits. Il y avait toujours un peu de lumière dans ce portrait de nous. Izumi était entre nous deux. Elle l'avait toujours été.
« -Tu sais.... » articula-t-il doucement en rabattant le cadre pour l'occulter. « Parfois, je pense que j'ai eu tort d'avoir suivi les Lois. »
Encore un silence et puis :
« -Sois prêt pour le protocole de sécurité. »
Et il disparut. Ce serait son seul aveu. De toute sa vie. Il savait que j'emporterais cette confidence dans la tombe. Ce fut à mon tour de ressentir un frisson de chagrin, me rapprochant du cadre pour le redresser. Finalement, nous n'étions que des hommes : empereur, shinobis, rois, princes ou roturiers.
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